Selon un document interne à l’entreprise, le géant gazier russe Gazprom anticipe que ses livraisons de gaz à l’Europe et à la Turquie devraient être divisées par cinq cette année par rapport aux niveaux de 2019 1. L’interruption d’une grande partie des flux gaziers russes par gazoduc depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022 a eu d’importantes conséquences sur le modèle économique du groupe, qui était en tête du classement des entreprises russes ayant enregistré les bénéfices nets les plus importants en 2023. L’an dernier, Gazprom ne figurait même pas parmi les 100 premières 2.
- Depuis 2022, la situation financière de l’entreprise, qui a perdu presque toutes ses parts de marché en Europe, s’est considérablement dégradée. Le seul gazoduc acheminant encore du gaz vers l’Europe, TurkStream, n’assure l’approvisionnement que de la Hongrie et de la Serbie.
- Après avoir enregistré une perte de 1 076 milliards de roubles l’an dernier (environ 12 milliards d’euros) contre 629 milliards en 2023, Gazprom a mis en vente en février une partie de son parc immobilier.
- En janvier, l’agence TASS révélait que le groupe envisageait de réduire d’environ 40 % le personnel de son siège social, soit une suppression de plus de 1 500 postes.
Afin de relancer les exportations russes de gaz par gazoduc, le Kremlin cherche à obtenir le soutien de Washington ainsi qu’une levée des sanctions visant à permettre la remise en marche des gazoducs Nord Stream, endommagés par une opération de sabotage en septembre 2022. Poutine et son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov considèrent que les Européens seraient prêts à reprendre leurs importations de gaz russe afin de réduire leurs factures énergétiques.
- Hier, mercredi 26 mars, Lavrov est allé plus loin lors d’un entretien sur la chaîne Pervy Kanal en déclarant : « Il sera probablement intéressant que les Américains usent de leur influence sur l’Europe et la forcent à ne pas renoncer au gaz russe. Mais il s’agit déjà d’une sorte de surréalisme » 3.
- Les Européens payent toujours environ trois fois plus pour leur gaz naturel par rapport à la période pré-invasion de 2022. Dans le cadre de son plan RePowerEU, présenté en mai 2022, l’Union vise à mettre fin à sa dépendance aux combustibles fossiles russes d’ici 2027.
- La Commission a cependant repoussé à deux reprises ces dernières semaines la publication d’un plan détaillant sa stratégie pour progressivement cesser ses importations en provenance de Russie.
Dans le même temps, la stratégie de basculement vers l’Orient engagée au début des années 2010 par Poutine avec le lancement de la construction du gazoduc Force de Sibérie, qui relie la Russie à la Chine, piétine. Le nouveau projet Force de Sibérie 2, qui a fait l’objet de la signature d’un mémorandum d’entente avec la Mongolie en 2019 — dont le territoire serait partiellement traversé par le gazoduc — et dont la construction aurait dû débuter en début d’année 2024, n’a toujours pas commencé.
Sources
- Anastasia Stognei et Max Seddon, « Inside Russia’s Gazprom : can the ailing energy giant be revived ? », Financial Times, 26 mars 2025.
- « Forbes выпустил рейтинг 100 самых прибыльных компаний России. Прошлогодний лидер « Газпром » вылетел из списка с рекордным убытком », Meduza, 26 septembre 2024.
- « Лавров заявил, что РФ и США обсуждают тему « Северных потоков » », TASS, 26 mars 2025.