Politique

Changement de régime : le texte intégral du rapport soutenu par les cercles pro-Trump pour subvertir l’Union

Dans le silence général, deux fondations européennes d’extrême-droite ont soumis à Washington un plan radical.

Il puise à la source de la contre-révolution américaine — le fameux Projet 2025 — pour bouleverser l’Europe, en subvertissant l’Union.

Désormais soutenu par les think tanks les plus influents de la galaxie Trump, ce rapport de 40 pages doit être lu avec attention.

Nous le traduisons en intégralité et le commentons avec le spécialiste de la construction européenne Laurent Warlouzet.

Le plan du rapport de 40 pages présenté à Washington par le think tank polonais Ordo Iuris et le Mathias Corvinus Collegium hongrois (dont le PDF original est téléchargeable à ce lien) pourrait se résumer à un programme simple : subvertir l’Union. 

Il s’inscrit dans une campagne bien documentée qui a conduit depuis deux mois l’administration Trump à faire de l’Union et de ses États-membres des cibles prioritaire, en accompagnant des tentatives de changement de régime en Roumanie et en Allemagne, en visant l’économie européenne par des tarifs et en faisant de l’annexion du Groenland la clef de voûte d’un nouveau projet impérial. L’ensemble de ces initiatives a d’ailleurs conduit la majorité des citoyens européens à considérer le président des États-Unis comme un « ennemi ».

En lisant superficiellement ces 23 propositions, en effet, rien ne serait perdu en apparence. Si le nom de l’Union changerait pour redevenir une « communauté de nations », les institutions resteraient formellement les mêmes — mais leurs fonctions seraient radicalement transformées. Rhétoriquement, le rapport ne préconise d’ailleurs pas prioritairement une révolution mais plutôt un « retour aux fondamentaux » — en réécrivant au passage l’histoire de la construction européenne (les plans de Schuman auraient été balayés, selon le rapport, par la dynamique « fédéraliste-communiste » du manifeste de Ventotene, dénoncée dans les derniers jours également par la présidente du Conseil italien Giorgia Meloni).

Que propose-t-il concrètement ? 

La Commission serait transformée en secrétariat général, sans rôle législatif ni protocolaire, chargée simplement de mettre en œuvre les conclusions du Conseil des ministres (proposition 14). La Cour de justice continuerait d’exister — mais sans aucun pouvoir réel. Le Parlement européen serait purement consultatif. Tout pouvoir décisionnel reposerait sur les États membres réunis en Conseil. Selon un mécanisme qui pourrait permettre de détricoter à toute vitesse l’édifice économique et juridique européen, un principe d’opt-out généralisé permettrait à un groupe de quatre pays de se retirer à tout moment de n’importe quelle législation commune.

Les auteurs de ce rapport ne sont pas isolés et déconnectés des centres de décision. Ils ont au contraire un poids politique et institutionnel de plus en plus important

Côté hongrois, le Mathias Corvinus Collegium (MCC) est le bras armé de Viktor Orbán dans le monde de la réflexion stratégique et de l’éducation. Dirigé par le principal conseiller du Premier ministre, Balázs Orbán, il a reçu l’équivalent d’1,3 milliard de dollars de la part de l’État hongrois et cherche activement à s’implanter à Bruxelles depuis quelques années.

Côté polonais, le think tank ultraconservateur Ordo Iuris a une influence réelle sur le PiS, au pouvoir en Pologne jusqu’à 2023 et dont plusieurs ministres ont déjà déclaré s’être inspiré de ses propositions.

La nouveauté de cette publication vient du fait qu’elle révèle les liens étroits entretenus par ces deux institutions avec les conservateurs américains de la Heritage Foundation, devant lesquels les auteurs du rapport ont présenté leurs recommandations à Washington le 11 mars dernier.

Selon l’ancien Secrétaire général du Parlement européen Klaus Welle, ce document confirme l’émergence d’une « droite destructrice » européenne qui s’alimente du modèle américain et s’organise au niveau mondial.

Le projet du « Great Reset » européen est structuré comme un agenda de politiques publiques cohérentes pour transformer l’espace juridique, économique et social continental en profondeur. Après la phase populiste, il correspond selon Klaus Welle à une nouvelle ère qui détermine un clivage profond au cœur de l’Europe, que cherche à attiser et à exploiter les États-Unis d’Amérique de Donald Trump et J.D. Vance.

L’influence des priorités mises en avant par la Heritage Foundation, déjà en partie adoptées par l’administration Trump, apparaît de fait tout au long du rapport : lutte contre la « bureaucratisation excessive », supposée « dilution » des identités, dénonciation de « concepts banals et nébuleux comme la diversité, le respect de la liberté, des droits et de la dignité, l’État de droit, l’égalité, le pluralisme politique, la séparation des pouvoirs, la démocratie, la protection des minorités et le respect de la société civile ».

Les auteurs reprennent également plusieurs éléments largement mobilisés par Elon Musk et J.D. Vance dans son son discours de Munich, comme le « système complet de surveillance et de censure des médias ainsi que des plateformes de réseaux sociaux mondiaux » supposément mis en place par la Commission européenne.

À l’encontre de ce que permet d’ordinaire le droit, la méthode de réforme promue ici consiste au fond à vider de leur substance — même lorsqu’elle n’est que faiblement contraignante — les traités qui structurent l’Union. Par-dessus la norme européenne serait ajouté un principe cardinal de « flexibilité » permettant, en gros, de tout revoir et d’abandonner toute contrainte de l’Union sans la quitter formellement.

Préambule 

Malgré les objectifs ambitieux fixés par les stratégies de Lisbonne de 2000 et 2010 — devenir « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable, accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale » —, l’Europe a connu un déclin accéléré au XXIe siècle. Bien que l’approche de la « plus grande cohésion » se soit avérée être un échec retentissant, elle continue d’être présentée comme la solution aux difficultés mêmes qu’elle crée. L’Union européenne est en train de sombrer rapidement dans le statut de pays arriéré de troisième ordre (third-rate backwater) sur les plans politique, économique et scientifique. Ce processus a été particulièrement décevant pour les sociétés dynamiques et jeunes d’Europe centrale qui, après avoir émergé du bloc communiste, considéraient l’Union comme un havre de démocratie, de développement et de liberté. 

L’idée reçue d’un déclin de l’Europe qui serait devenue un continent du Tiers monde est devenue hégémonique dans l’entourage de Trump. Le langage de Pete Hegseth, J.D. Vance ou encore Steve Witkoff — en public mais aussi en privé comme l’ont révélé les échanges de messages reçus par The Atlantic — est celui d’une détestation, voire d’un dégoût vis-à-vis d’un continent qui serait voué à la disparition.

La désintégration du rêve européen est en cours, malgré l’évident potentiel intellectuel, moral et entrepreneurial de ses habitants, qui reste étouffé par la bureaucratie en croissance exponentielle et les politiques internes contradictoires qu’elle produit. 

Les auteurs de ce rapport rejettent vigoureusement les scénarios apocalyptiques prédisant l’effondrement inévitable de notre culture, de nos sociétés et de nos nations, et entreprennent plutôt la tâche d’analyser les causes du récent déclin de l’Union européenne. Conçue à l’origine comme un moyen d’éviter les conflits passés et comme un mécanisme pour faciliter la croissance et le développement, l’Union est aujourd’hui confrontée à des défis significatifs. 

La Partie I du rapport présente les concepts rejetés par les auteurs, mais actuellement entretenus par les élites européennes déconnectées — à savoir, la notion de réparation de l’Union par une intégration plus profonde — et postule la nécessité d’un « grand reset » du paradigme dominant. 

La Partie II offre un diagnostic des facteurs qui ont conduit au déclin désastreux des nations et des économies européennes dans le cadre politique, social, économique et idéologique actuel. Elle décrit les conséquences négatives de l’approche actuelle, notamment : (a) la limitation de la démocratie ; (b) l’affaiblissement de la souveraineté nationale par la bureaucratie de l’Union et de manière souterraine, malgré l’absence d’un mandat du Traité pour le faire ; © le piétinement des libertés civiles par le mainstreaming idéologique et les tentatives de contrôle total pour protéger certaines idéologies et leurs partisans ; (d) les efforts visant à éradiquer la culture et l’identité européennes, telles qu’exprimées dans les nombreuses variantes nationales et régionales, par l’imposition de ce qu’on appelle les « Valeurs Européennes » et l’« européanisme culturel », qui ressemblent étrangement aux concepts d’« Homme Soviétique » et de « Culture Soviétique » ; (e) la déstabilisation de la sécurité dans les pays, les villes et les quartiers européens, dans ce qui semble être un effort pour saper la cohésion religieuse, culturelle et ethnique au nom du multiculturalisme ; et (f) la destruction de la compétitivité économique aux niveaux régional, national et européen, en raison de l’imposition d’exigences bureaucratiques étouffantes et de coûts exorbitants, à la fois de la part de la bureaucratie elle-même et de ses décisions souvent irrationnelles. 

La Partie III de ce rapport —ayant rejeté la fausse dichotomie selon laquelle l’Europe ne peut qu’exister sous la forme d’un super-État européen totalitaire ou renoncer à toute possibilité de coopération— présente deux scénarios pour guérir l’Europe : (SCÉNARIO I « Retour aux Fondamentaux ») réformer l’Union européenne selon des principes qui reflètent la nature et les cultures des peuples européens, ou (SCÉNARIO II « Nouveau Départ) réinitialiser l’Union en dissolvant ses structures actuelles et en établissant une nouvelle Union économique européenne, fondée sur les mêmes principes. 

Les principes à mettre en œuvre dans l’une ou l’autre approche pour restaurer l’Europe comprennent : la souveraineté nationale ; la pluralité des communautés poursuivant des programmes de coopération approfondie convenus d’un commun accord ; la nature volontaire et révocable de la coopération approfondie ; la nature intergouvernementale de la coopération ; l’application stricte du Principe d’Attribution, conformément aux mandats nationaux ; et le respect rigoureux du principe de subsidiarité.

SCÉNARIO I — « Retour aux fondamentaux » présente 23 propositions de réforme organisationnelle de l’Union, visant à atteindre huit objectifs clés pour améliorer le fonctionnement de l’Union : (I) Accroître la flexibilité au sein de l’Union pour s’adapter à différents niveaux d’intégration ; (II) Réévaluer et faire respecter les compétences de l’Union telles que définies ; (III) Renforcer et élargir l’application de la règle de l’unanimité ; (IV) Garantir la primauté des constitutions nationales sur le droit européen ; (V) Redéfinir le rôle de la Commission européenne en tant que fonction de soutien, sous le contrôle strict des États-membres ; (VI) Élever le rôle du Conseil européen et du Conseil des ministres ; (VII) Redéfinir et réduire le rôle de la Cour de justice de l’Union européenne au règlement des différends, plutôt qu’à la législation par l’interprétation des Traités ; (VIII) Réduire le rôle du Parlement européen à une fonction consultative. 

SCÉNARIO II— « Un Nouveau Commencement » présente la vision d’un changement radical par rapport aux actuelles structures bureaucratiques, lourdes, inefficaces et coûteuses, plaidant pour la dissolution de l’Union sous sa forme actuelle et la mise en place d’un nouveau cadre organisationnel pour la coopération européenne. Ce nouveau cadre respecterait les principes fondamentaux de la coopération, garantissant la réalisation des objectifs de coopération en Europe. 

Le choix du scénario à mettre en œuvre devrait être guidé par une évaluation de l’approche la plus adaptée pour relever les défis du XXIe siècle, en particulier en termes d’efficacité, d’adaptabilité, de coût de la coopération et de faisabilité de l’intégration des changements dans les structures existantes.

1 — Introduction

I.I. Pourquoi un Great Reset ? 

Il y a plus de 70 ans, lorsque six pays occidentaux ont créé la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), peu de gens auraient pu prédire qu’elle deviendrait l’une des organisations internationales les plus puissantes au monde —une organisation dotée de sa propre monnaie, d’un noyau diplomatique, d’un appareil administratif, d’un parlement, d’un ordre juridique autonome, et même d’une cour constitutionnelle capable de faire annuler des lois nationales et d’imposer des sanctions financières aux États-membres taxés de non-conformité. Pourtant, cette transformation a eu lieu : au fil du temps, une unique organisation s’est changée en trois — la CECA, la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom) et la Communauté économique européenne (CEE) — qui sont devenues collectivement connues sous le nom de Communautés européennes. Celles-ci ont à leur tour évolué pour devenir ce qui est aujourd’hui l’Union européenne 1. Ce qui était au départ une vision relativement simple du libre-échange, de la libre circulation et de la coexistence pacifique entre États a abouti à un projet ambitieux visant à poser les « fondations du nouvel ordre mondial » 2, l’Union façonnant aujourd’hui, d’une manière ou d’une autre, pratiquement tous les aspects de la gouvernance en Europe 3.

Laurent Warlouzet

Contrairement à ce que suggère ce passage, l’ambition politique de la construction européenne n’est pas nouvelle — même si elle a été fortement contestée. La Déclaration Schuman du 9 mai 1950, qui a lancé le processus de création d’une Europe communautaire, se voulait être « la première étape de la Fédération européenne ». Le Traité de Rome de 1957, encore largement à la base de nos institutions européennes, commence par la célèbre formule : « déterminés à établir les fondements d’une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens ».

Par ailleurs, des éléments fédéraux ont existé dès le début : la France du général de Gaulle (1958-69) a accepté la suppression des droits de douane intra-européenne et la mise en commun de la politique commerciale. Déjà, c’était la Commission européenne qui négociait avec les Américains lors du Kennedy Round du GATT (1964-67), le tout en étroite relation avec les Etats-membres.

Il est largement reconnu que l’Union est aujourd’hui confrontée à une crise existentielle 4. Certains affirment que la solution réside dans « plus d’Europe » 5 et plaident pour « accélérer le processus d’intégration » 6 — en substance, ce sont des euphémismes pour désigner une fédéralisation accrue. Cependant, l’intégration s’accélère depuis des décennies et non seulement elle a échoué à empêcher la crise actuelle, mais elle l’a aussi provoquée. Selon nous, la réponse se trouve ailleurs : dans un retour aux principes fondateurs du projet européen. L’accent ne devrait pas être mis sur la « souveraineté de l’Union » 7, mais sur la souveraineté nationale ; pas sur la législation judiciaire imposée par une cour supranationale de juges non élus, mais sur l’État de droit ; pas sur la domination d’institutions technocratiques, mais sur la démocratie représentative ; pas sur la centralisation, mais sur la subsidiarité ; pas sur les réglementations imposées, mais sur le libre marché ; et pas sur la censure idéologique, mais sur la liberté d’expression.

Laurent Warlouzet

En faisant référence aux « juges non élus », il semble que ce mémorandum défende l’élection des juges sur le modèle américain.

2 — Diagnostic 

2. I. L’état actuel de l’Union européenne 

Aujourd’hui, l’Union n’est pas une organisation internationale « ordinaire » comme l’OCDE, l’ASEAN ou même l’ONU. Elle est souvent décrite comme « une catégorie particulière d’organisation » 8, « l’organisation internationale la plus conséquente et la plus intrusive » 9, « moins qu’une fédération, plus qu’un régime » 10, « un cas classique de fédéralisme sans fédération » 11, ou « un système constitutionnel quasi-fédéral » 12. Certains reconnaissent même l’Union comme « une fédération d’États souverains » 13 ou simplement « une fédération d’États », établissant des parallèles avec les États-Unis d’Amérique —une association d’États dotée d’une administration, d’un budget et de pouvoirs propres : « Il est facile de voir les parallèles entre la structure institutionnelle de l’Union (Parlement européen, Conseil, Commission) et un État fédéral avec un système parlementaire bicaméral. » 14 

Cependant, l’Union européenne conserve encore des caractéristiques d’une organisation internationale (par exemple, le rôle prédominant des gouvernements représentés au Conseil et au Conseil européen ; les décisions importantes sont encore basées sur le vote à l’unanimité ; même lorsque l’unanimité n’est pas requise, la plupart des décisions sont adoptées par consensus ; de nombreux domaines de politique publique restent gérés de manière autonome par les États individuels ; chaque État conserve le droit de se retirer de l’organisation). En même temps, à d’autres égards, l’Union ressemble à un État (par exemple, de nombreuses décisions sont prises par un vote à la majorité qualifiée ou simple ; un marché intérieur commun ; une législation directement applicable ; la citoyenneté européenne ; l’Euro comme monnaie ; une fonction publique supranationale ; le Service européen pour l’action extérieure comme force diplomatique montante ; la Charte des droits fondamentaux comme fondement constitutionnel des principes communs ; et la création du Parquet européen) 15. Néanmoins, l’autorité de l’Union sur ses États membres reste moins étendue que celle du gouvernement fédéral américain sur ses États  —du moins, pour l’instant. Mais qui sait combien de temps cela durera ? 

L’Union européenne évolue constamment dans une direction qui nous préoccupe profondément, sapant les valeurs qui nous sont chères : la démocratie représentative, la souveraineté, le respect de l’identité culturelle nationale, le pluralisme des opinions, la liberté et le développement économiques, la famille (mari, femme et enfants) en tant qu’unité naturelle et fondamentale de la société, et la sécurité intérieure.

L’importance accordée à la « famille traditionnelle » est un marqueur fort de la droite qui promeut l’agenda d’un « Great Reset » européen. Très souvent mise en avant par le gouvernement d’Orbán en Hongrie et le MCC, c’est également le cheval de bataille historique de la fondation ultra-conservatrice polonaise Ordo Iuris qui co-signe le document. Avant de s’intéresser aux affaires européennes, elle se concentrait en effet sur la lutte contre le droit à l’avortement.

a) Le déficit démocratique 

Tout d’abord, nous sommes préoccupés par le déficit démocratique au sein du système de l’Union européenne, un sujet qui fait l’objet de nombreuses discussions depuis des années 16. Nous ne partageons pas l’optimisme des auteurs qui estiment que l’Europe a réussi à créer « une organisation internationale démocratique », qui serait « une union d’États démocratiques jouissant d’une légitimité démocratique propre » 17.

Selon nous, l’essence de la démocratie s’exprime dans le principe de la représentation nationale : des élus qui agissent au nom des citoyens d’une communauté distincte qui partage une culture, une histoire et des intérêts communs. Il n’y a pas de représentation sans communauté politique et il n’y a pas de véritable communauté politique sans nation.

L’Union européenne est confrontée à un manque critique de démocratie car la plupart de ses institutions ne sont pas élues par le peuple, mais plutôt par des politiciens, des experts autoproclamés et des organisations de la société civile choisies. Il s’agit notamment de la Commission européenne, de la Cour de justice, de la Banque centrale européenne et de nombreuses agences exécutives. Le Conseil et le Conseil européen souffrent d’un sévère manque de légitimité démocratique, encore aggravé par leurs processus décisionnels non transparents et le recours de plus en plus répandu au principe du vote à la majorité. En conséquence, « le marchandage au sein du Conseil et de ses organes préparatoires rend le processus décisionnel de l’Union plus opaque ; les citoyens ne peuvent souvent pas tenir leurs gouvernements responsables des négociations au Conseil, car ils ne savent tout simplement pas ce qui se passe. » 18

Laurent Warlouzet

Toutes les institutions européennes respectent les procédures démocratiques. Leurs membres sont soit élus directement (dans le cas du Parlement Européen), soit indirectement par des gouvernements eux-mêmes élus. Le « déficit démocratique » identifié par de nombreux chercheurs est issu de la complexité des institutions européennes et de leur faible couverture médiatique, qui rend leur appropriation par une large partie de la population plus difficile qu’à l’échelle nationale.

Le Parlement européen possède formellement une légitimité démocratique directe, car il est élu au suffrage universel. Cependant, son mandat découle d’un conglomérat de 27 nations aux histoires, cultures, langues et intérêts distincts. Il est donc difficile de déterminer quelle « communauté politique » il représente réellement. Certains identifient le déficit démocratique dans la « prise de décision de plus en plus intergouvernementale » et le « rôle marginal du Parlement européen » 19. Ils proposent de rapprocher l’Union du modèle d’une « démocratie parlementaire totale » avec un système bicaméral, en renforçant le Parlement européen tout en affaiblissant le Conseil et le Conseil européen 20. Nous sommes en total désaccord avec ce point de vue, car il repose sur l’hypothèse erronée qu’une « nation européenne » existe — hypothèse qui ne tient pas compte de l’absence d’un demos commun, d’une sphère publique partagée ou de citoyens qui partagent des souvenirs et des expériences communs 21

Une alternative possible est le concept de « démoïcratie » européenne 22, définie comme « une Union de peuples qui gouvernent ensemble, mais pas comme un seul » 23, qui rejette la prise de décision majoritaire au niveau supranational et se concentre plutôt sur la délibération et la coopération transnationales au sein du Conseil européen. 

b) L’affaiblissement de la souveraineté nationale 

Deuxièmement, nous sommes confrontés à un nouveau type de menace pour la souveraineté des États : l’expansion politique et juridique des organisations internationales, qui prive progressivement les nations du contrôle sur des domaines successifs de politique publique. Les limites des pouvoirs de l’Union sont censées être régies par le soi-disant « principe d’attribution », selon lequel « l’Union n’agit que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées dans les traités pour atteindre les objectifs que ces traités établissent. Toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux États membres » (art. 5(2) du TUE). La loi définit clairement les domaines que l’Union peut réglementer et les cas où elle doit partager ses compétences avec les États membres (art. 3-4 du TFUE). En réalité, cependant, les institutions de l’Union considèrent que leur rôle s’étend bien au-delà des limites fixées par les Traités. Elles agissent même sans base juridique explicite si elles estiment qu’une action particulière est nécessaire pour « assurer l’efficacité » du droit de l’Union. 

Laurent Warlouzet

Le non-respect du droit international, les prétentions d’expansion territoriale des grandes puissances et la manipulation des élections sur internet ne semblent pas représenter une menace pour les auteurs de ce texte, pas plus que le changement climatique, les pollutions ou les atteintes à la biodiversité.

En outre, le principe de subsidiarité ne s’applique qu’en théorie. Formellement parlant, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, « l’Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu’au niveau régional et local, mais peuvent l’être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, au niveau de l’Union. » (art. 5(3) TUE). Dans la pratique, cependant, les institutions de l’Union ont tendance à supposer le contraire — que c’est l’Union qui devrait normalement exercer les compétences partagées, à moins que les États membres ne prouvent qu’ils sont incapables de le faire efficacement 24. Il n’est que légèrement exagéré de dire que les compétences qui, en théorie, sont partagées entre l’Union et les États membres (telles que celles liées au marché intérieur, à l’énergie, ou à l’Espace de liberté, de sécurité et de justice) sont, en pratique, exercées principalement par l’Union européenne seule.

L’intégralité du rapport abonde de notes savantes qui mélangent références bibliographiques, articles académiques et publications de centres de recherche européens. L’Institut Thomas More, un think-tank basé à Paris et à Bruxelles classé comme libéral et conservateur est l’une des sources abondamment citées dans le rapport avec plus de six occurrences.

Bien que les traités soient restés formellement inchangés pendant de nombreuses années, les institutions de l’Union européenne n’ont cessé d’étendre leurs pouvoirs par une méthode du fait accompli : mener des actions sans base juridique, en espérant qu’il n’y ait pas d’opposition de la part des États membres, puis inventer des justifications juridiques pour ces actions a posteriori, en s’appuyant souvent sur des concepts vagues tels que l’interprétation dynamique, l’effet de spillover ou le principe de l’effet utile

La grande coalition des centralistes domine à la fois le Parlement européen et le Conseil, considérant l’intégration sans fin comme une valeur supérieure à la souveraineté nationale. Il en résulte une inflation du droit communautaire, qui se manifeste essentiellement de deux manières : premièrement, la monopolisation progressive de domaines de politique publique qui étaient censés être partagés avec les États (comme l’énergie), qui, légalement, pourraient en théorie être assumés par l’Union si elle est mieux placée pour le faire —une question claire de subsidiarité ; et deuxièmement, l’harmonisation de domaines qui étaient censés rester de la compétence exclusive des États membres (comme le droit de la famille). 

Laurent Warlouzet

À rebours de l’idée d’« inflation du droit communautaire », la construction européenne n’a pas toujours eu pour effet de renforcer les institutions européennes. La Commission Delors (1985-1995) a pris plus d’initiatives en matière sociale que les Commission ultérieures, jusqu’à l’avènement de la Commission Juncker en 2014. De même, sur le plan environnemental, des périodes ambitieuses ont été suivies de repli, ainsi avec le Pacte vert de 2019 et ses déclinaisons législatives de 2021-22, suivi par une réaction anti-environnementale depuis 2023.

La Cour de justice a évolué, passant d’un simple organe judiciaire créé pour clarifier les doutes sur l’interprétation du droit de l’Union dans des affaires spécifiques en instance devant les tribunaux nationaux, à quelque chose de bien plus important : une cour suprême 25, dont les décisions sont contraignantes pour tous les juridictions nationales, même dans les domaines non réglementés par le droit de l’Union ; une cour constitutionnelle 26, qui annule les lois nationales jugées contraires au droit de l’Union ; et même un législateur édictant le droit positif 27, qui accorde aux juridictions nationales et aux administrations publiques le pouvoir de contrôler de manière indépendante la compatibilité des lois nationales avec le droit de l’Union. 

La Commission européenne, quant à elle, a occupé une position exceptionnellement influente dès ses débuts, en tant qu’institution ouvertement supranationale ayant le monopole pour établir l’ordre du jour du Conseil et préparer la législation, ainsi que le contrôle de sa mise en œuvre en tant que gardienne des Traités 28. Pendant de nombreuses années, la Commission a agi en tant qu’« entrepreneur politique » et « législateur de facto » 29, utilisant habilement son initiative législative illimitée, qui lui permet de façonner directement la politique de l’Union européenne presque sur un pied d’égalité avec le Conseil et le Conseil européen. 

Cependant, l’outil le plus puissant à la disposition de la Commission a été — et reste — l’ouverture de la dite procédure d’infraction (art. 258-260 TFUE), par laquelle les États membres accusés d’avoir enfreint le droit de l’Union peuvent être soumis à des sanctions financières, dont les montants sont déterminés de manière discrétionnaire par la Cour de justice. Le caractère discrétionnaire de cette procédure, qui permet à la Commission d’engager des poursuites sans justification précise, renforce l’arbitraire des actions de l’Union, portant ainsi atteinte à un élément fondamental de l’État de droit : la transparence de la base juridique et factuelle des décisions faisant autorité.

Laurent Warlouzet

Les pouvoirs importants de la Commission sont, là aussi, un héritage de la Déclaration Schuman du 9 mai 1950, et donc issus de la position officielle du gouvernement français. En réalité, la France voulait s’assurer que ses partenaires allaient bien respecter les règles communes, en particulier que l’Allemagne allait lui ouvrir son marché du charbon dont elle manquait cruellement. Elle a donc obtenu la création d’une autorité supranationale pour s’assurer d’un tel respect des règles.

Au départ, la procédure d’infraction servait principalement à garantir la mise en œuvre en temps voulu des directives adoptées par le Parlement européen et le Conseil. Ces dernières années, cependant, elle a de plus en plus été considérée comme un outil de démocratie militante 30 — utilisé pour imposer une interprétation unique et définitive des valeurs européennes, telles que l’État de droit, à tous les États membres, indépendamment de leurs règles et traditions constitutionnelles. Cette perspective n’est pas seulement défendue par des universitaires, mais également reprise par des dirigeants européens, dont le chancelier allemand Olaf Scholz. En 2023, il a ouvertement encouragé une utilisation plus affirmée de cet instrument, déclarant : « Alors pourquoi ne pas profiter de la prochaine discussion sur la réforme de l’Union pour renforcer la Commission européenne afin qu’elle lance des procédures d’infraction chaque fois que nos valeurs fondamentales sont violées : liberté, démocratie, égalité, État de droit et défense des droits de l’homme ? » 31

En 2021, le dit mécanisme de conditionnalité a été introduit, permettant au Conseil, à la demande de la Commission européenne, de suspendre le versement de fonds de l’Union à un État membre qui « enfreint les principes de l’État de droit » et par-là « affecte ou risque sérieusement d’affecter la bonne gestion financière du budget de l’Union ou la protection des intérêts financiers de l’Union » 32. Si, en théorie, la sauvegarde de l’État de droit est un objectif louable, dans la pratique, ce mécanisme représente l’instrument le plus puissant — et le plus dangereux — de l’Union, car il peut servir de prétexte commode aux États membres les plus forts pour exercer une pression politique sur les plus faibles en retenant des fonds qui leur sont légalement dus 33. Étant donné que le concept d’État de droit est intrinsèquement vague et susceptible d’interprétation subjective, cela crée un potentiel d’abus important — permettant de justifier les sanctions financières sur la base de considérations politiques plutôt que de principes juridiques objectifs. 

Laurent Warlouzet

Le mécanisme de conditionnalité a été utilisé contre la Hongrie de Viktor Orban, coupable de nombreuses atteintes à l’Etat de droit, pour la forcer à réviser les éléments les plus illibéraux de sa législation, souvent avec un succès modeste. On renverra à ce propos à  Romano Coman, The Politics of the Rule of Law in the EU Polity, Londres, Palgrave, 2022.

Le prétendu caractère souple de la notion d’Etat de droit rappelle une déclaration récente du ministre Bruno Retailleau (dans le JDD du 28 septembre 2024). En réalité, ce concept se décline en une série d’éléments concrets qui sont précisément attaqués par le gouvernement de Viktor Orban en Hongrie, comme le pluralisme des médias ou l’indépendance de la justice.

Une position si forte de la Commission n’est soutenue par aucune forme de légitimité démocratique. C’est pourquoi la Commission est de plus en plus perçue comme « un groupe élitiste d’experts non élus qui prennent des décisions sans participation suffisante des citoyens » 34.

Pourtant, cette spectaculaire extension des pouvoirs ne suffit toujours pas à la majorité au pouvoir parmi les élites européennes. En 2023, le Parlement européen a proposé un vaste ensemble d’amendements de traités, préconisant l’élargissement des compétences de l’Union en matière de politique climatique, d’énergie, de sécurité, d’économie et de politique sociale ; l’abolition pratique du principe d’unanimité ; un rôle accru pour la Cour de justice ; et la transformation de la Commission européenne en un « Exécutif » rappelant de manière frappante un gouvernement fédéral 35.

Dans le deuxième point du préambule de sa résolution, le Parlement européen fait explicitement référence au Manifeste de Ventotene (« au regard du Manifeste de Ventotene »). Ce manifeste, rédigé en 1941 par trois communistes italiens —Altiero Spinelli, Ernesto Rossi et Eugenio Colorni— présente des similitudes notables, tant sur le plan du langage que de l’idéologie, avec un autre manifeste rédigé un siècle plus tôt : le Manifeste du Parti communiste de Karl Marx et Friedrich Engels. Le Manifeste de Ventotene appelait à « l’abolition de la division de l’Europe en États-nations souverains » et à la création d’un État fédéral européen unique, les « États-Unis d’Europe ». Spinelli était encore plus explicite, déclarant : « La dictature du parti révolutionnaire créera un nouvel État et, autour de lui—une nouvelle et véritable démocratie ». 

Laurent Warlouzet

Le Manifeste de Ventotene est beaucoup plus libéral, tant sur le plan économique que politique, que le Manifeste du Parti Communiste. Il s’oppose précisément à tous les totalitarismes. Certes, Altiero Spinelli était communiste dans sa jeunesse, mais ce n’est pas le cas de l’autre rédacteur du manifeste de Ventotene, Ernesto Rossi, qui est un libéral. Le manifeste, attaqué récemment par la Présidente du Conseil en Italie Giorgia Meloni, est un symbole de l’antifascisme car il a été rédigé par Spinelli et Rossi lorsqu’ils étaient emprisonnés dans l’île de Ventotene. Voir le texte du Manifeste de Ventotene (1941) ainsi que l’article de Bertrand Vayssière « Le manifeste de Ventotene (1941) : acte de naissance du fédéralisme européen »

Après la guerre, Spinelli a travaillé activement à faire avancer cette vision fédéraliste-communiste, occupant des postes à la Commission européenne puis au Parlement européen. En 1984, il a rédigé une proposition de nouveau traité visant à remplacer les Communautés européennes par une Union européenne. Ses idées ont influencé l’Acte unique européen de 1986, le traité de Maastricht de 1992 et, enfin, le traité de Lisbonne de 2007. La création d’un gouvernement européen commun et d’une armée européenne unifiée reste la dernière étape vers la réalisation de sa vision. Depuis 2010, la pression en faveur de la fédéralisation s’est poursuivie au sein du Parlement européen par l’intermédiaire du Groupe Spinelli —fondé principalement par Guy Verhofstadt— qui a joué un rôle clé dans l’avancement des propositions de réforme du traité de 2023. 

Laurent Warlouzet

L’expression « fédéraliste-communiste » est un oxymore : les communistes ont généralement été des opposants à l’intégration européenne, mis à part quelques exceptions. Spinelli a été élu en 1979 comme apparenté aux communistes mais son projet de Traité de 1984 se singularise surtout par son fédéralisme, plus que par une quelconque adhésion au marxisme. Il est vraisemblable que le qualificatif de « communisme » soit utilisé pour discréditer Spinelli, et, partant, l’ensemble des fédéralistes européens, même si ces derniers sont, dans leur grande majorité, anticommunistes.

Les plus fervents partisans d’une fédéralisation accrue de l’Union européenne sont l’Allemagne et la France. Depuis 2023, le chancelier allemand et le président français ont appelé à plusieurs reprises à des réformes de l’Union visant à centraliser le pouvoir au sein d’institutions supranationales, bien que l’ampleur de ce processus reste sujette à débat. En janvier 2023, la ministre allemande des Affaires européennes et du Climat, Anna Lührmann, et son homologue française, Laurence Boone, ont chargé 12 experts dits « indépendants » de rédiger un rapport sur la réforme institutionnelle de l’Union. En septembre 2023, le groupe de travail franco-allemand (également appelé « le Groupe des Douze ») a publié ses conclusions, proposant des révisions approfondies du traité, notamment :

  • le transfert de tous les domaines politiques restants du vote à l’unanimité au vote à la majorité qualifiée (VMQ) ;
  • une augmentation du seuil de VMQ de 55 % des États membres représentant 65 % de la population de l’Union à 60 % des États membres représentant 60 % de la population ; 
  • l’harmonisation des lois électorales du Parlement européen ; 
  • un examen des domaines politiques particulièrement vulnérables aux crises ayant des effets transnationaux (par exemple la finance, la santé, la sécurité, le climat et l’environnement) ; 
  • la création d’une « Chambre commune des plus Hautes Cours et Tribunaux de l’Union » pour structurer le dialogue entre les tribunaux européens et ceux des États membres. Bien qu’elle officialiserait les nombreux contacts informels existant actuellement entre les tribunaux, elle n’aurait pas le pouvoir de rendre des décisions contraignantes 36.

Le président français Emmanuel Macron a souvent défendu sa propre vision de la réforme sous le slogan de l’« Europe puissance » —un bloc politique et économique autosuffisant dans les domaines de l’industrie, de l’énergie, de l’agriculture et de la défense, capable de rivaliser avec les États-Unis et la Chine. Comme il l’a dit : « Nous avons délégué tout ce qui est stratégique : notre énergie à la Russie, notre sécurité —non pas la France, mais plusieurs de nos partenaires— aux États-Unis, et des perspectives tout aussi critiques à la Chine. Nous devons les reprendre. » 

Laurent Warlouzet

La rhétorique européenne d’Emmanuel Macron participe d’une certaine ambiguïté gaullo-mitterrandienne, selon laquelle le renforcement de l’Europe ne doit pas se faire au détriment de la souveraineté française.

Si cette vision de l’Europe puissance se concrétise, l’Union européenne évoluera inévitablement vers une forme de « super-État » destiné à rivaliser avec la Chine et les États-Unis. Toutefois, cela se ferait au détriment des idéaux de la souveraineté nationale, de la démocratie ancrée dans le principe de représentation nationale et de l’absorption économique et culturelle des pays plus petits et moins riches par leurs homologues plus grands et plus riches. Nous ne sommes pas convaincus que ce soit un prix à payer pour l’illusion d’une ascension politique rapide de l’Union sur la scène mondiale. En effet, l’économie de l’Union —déjà victime d’une réglementation excessive et des priorités idéologiques du Pacte vert européen et de l’initiative « Fit for 55 »— n’est plus compétitive ni avec l’économie chinoise ni avec l’économie américaine. Une centralisation accrue de l’Union ne ferait qu’accélérer ce déclin.

Laurent Warlouzet

Le texte s’inscrit clairement dans la réaction anti-environnementale qui touche l’Europe depuis 2023, en réaction notamment à l’inflation qui a suivi le déclenchement de la guerre en Ukraine.

c) Menaces pour les libertés civiles et imposition d’une idéologie progressiste

Troisièmement, nous assistons à l’émergence de menaces pour les libertés civiles —menaces que l’Union européenne soit ignore, soit approuve activement. Malgré ses déclarations répétées d’engagement en faveur des droits de l’homme, l’Union applique ces principes de manière sélective. Elle refuse de protéger ceux qui en ont le plus besoin en sapant le droit des États membres d’accorder aux enfants à naître ou aux patients handicapés un niveau de protection plus élevé contre l’avortement et l’euthanasie 37. En outre, elle fait pression sur les États membres pour qu’ils légalisent l’avortement sur demande 38. La liberté de conscience est pleinement garantie avant tout pour les non-croyants, tandis que les personnes religieuses de certains pays doivent se contenter du droit limité de pratiquer leur foi dans des lieux de culte désignés, avec des restrictions sur la manifestation publique de leurs croyances (par exemple, sur le lieu de travail) 39. Parallèlement, les garanties de la liberté d’expression sont érodées par des réglementations qui criminalisent les soi-disant « discours haineux » —un terme défini de manière si large qu’il englobe non seulement l’incitation à la violence, mais aussi toute déclaration jugée offensante en fonction des sensibilités subjectives de certains groupes (généralement alignés sur des idéologies de gauche) 40.

Dans un renversement rhétorique caractéristique des nouvelles armes de la droite radicale, le rapport reprend à son compte l’idée qu’il y aurait un « double standard » sur les droits de l’Homme, avec des arguments qu’on pourrait retrouver dans des déclarations chinoises ou russes.

Depuis de nombreuses années, la Commission européenne publie divers documents —appelés stratégies, recommandations ou lignes directrices— qui, sous prétexte de lutter contre la discrimination, le racisme et la xénophobie, imposent en pratique aux États membres l’obligation de censurer et de sanctionner sévèrement toute opinion critique à l’égard de certains groupes sociaux, principalement les communautés homosexuelles et transsexuelles 41, ainsi que les musulmans 42. De plus, sous couvert de lutter contre la désinformation, la Commission met systématiquement en place un système complet de surveillance et de censure des médias —à la fois publics et privés— ainsi que des plateformes mondiales de réseaux sociaux 43. En 2022, le Digital Service Act est entré en vigueur, consolidant diverses mesures législatives et pratiques d’autorégulation de l’Union afin d’établir une surveillance étatique plus efficace d’Internet, officiellement pour supprimer les contenus « illégaux », « discriminatoires » ou « haineux » 44. Cependant, ces termes restent définis de manière imprécise, ce qui crée des possibilités d’abus potentiels qui portent atteinte à la liberté d’expression. En l’absence de définitions juridiques claires des contenus interdits, cette réglementation peut être utilisée pour restreindre les manifestations en ligne d’opinions de droite sur des sujets tels que l’immigration, la religion ou l’avortement en les classant comme « discours haineux » ou « contenus discriminatoires ».

Laurent Warlouzet

Le Digital Service Act est appliqué depuis le 17 février 2024. Pour l’instant, il n’a pas été mis en œuvre de manière très volontariste, n’ayant donné lieu à aucune sanction, même si des procédures ont été ouvertes. 

Le principe d’égalité entre les femmes et les hommes est mis à mal dans certains pays en raison d’une tolérance malavisée à l’égard de minorités islamiques radicales qui, souvent avec la complicité tacite des politiques d’immigration de l’Union, établissent des enclaves quasi autonomes où la Charia prime sur la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne 45.

Laurent Warlouzet

L’Islam est visé régulièrement dans le document comme étranger à une identité européenne idéalisée.

d) La notion abusive de « Valeurs européennes » 

Quatrièmement, les institutions de l’Union contribuent à l’érosion des identités culturelles et historiques distinctes des États membres en imposant une « identité européenne » nouvelle et artificielle, et en promouvant une forme d’« européanisme culturel ». L’objectif principal de ce processus semble être de jeter les bases d’une intégration politique et économique plus poussée 46. Pour des raisons qui restent obscures, l’Union européenne semble prendre ses distances par rapport au riche héritage de l’Europe, qui englobe la pensée juridique romaine, la philosophie grecque, la religion chrétienne, l’éthique, et l’opulence de cultures nationales uniques. Au lieu de cela, l’Union cherche à forger une nouvelle identité collective en invoquant des concepts banals et nébuleux tels que la diversité, le respect de la liberté, des droits et de la dignité, l’État de droit, l’égalité, le pluralisme politique, la séparation des pouvoirs, la démocratie, la protection des minorités et le respect de la société civile 47. Ces idées se reflètent vaguement dans cinq symboles officiels de l’Union : le drapeau de l’Union (un cercle de douze étoiles dorées sur fond bleu), l’hymne (l’« Ode à la joie » de la Neuvième Symphonie de Ludwig van Beethoven), sa devise (« Unie dans la diversité »), la monnaie euro et la célébration de la Journée de l’Europe le 9 mai dans toute l’Union. Il est évident que « l’Europe tente confusément de forger une identité post-nationale en imitant certains aspects de la construction nationale » 48. De nombreux partisans de l’Union soutiennent que « le projet de paix exige le sacrifice des identités nationales au profit de valeurs universelles, tandis que le projet de puissance exige le développement d’une identité européenne » 49. Cependant, la question se pose : pourquoi les pays européens devraient-ils renoncer à des valeurs qui ont été estimées pendant des siècles ? Malgré les efforts institutionnels de l’Union européenne, « le ‘peuple de l’Europe’ n’a tout simplement pas adhéré à l’‘idée européenne’ de la manière espérée ou prédite par ceux qui pensaient qu’une Europe économique et politique conduirait automatiquement à une ‘Europe des peuples’. Les méthodes utilisées par l’Union européenne n’ont pas abouti au résultat escompté. L’adaptation des symboles et autres ‘anciennes’ stratégies traditionnellement utilisées par les nations n’a pas permis d’unir le peuple européen » 50.

Laurent Warlouzet

L’identité européenne n’étant que subsidiaire par rapport aux identités nationales, elle n’est effectivement constituée que par des éléments consensuels dès la Déclaration européenne de Copenhague de 1973, premier texte sur l’identité européenne. Cela marque la faiblesse des institutions européennes plus que leur force.

Historiquement, les partisans de la construction européenne les plus ambitieux ont lutté non pas contre les cultures nationales, mais contre leurs expressions les plus nationalistes. François Mitterrand le résuma lors de son dernier discours au Parlement Européen, le 17 janvier 1995 : Le nationalisme c’est la guerre !

e) L’Union sape la sécurité de l’Europe, en particulier par la migration de masse 

Cinquièmement, l’Union européenne n’a pas réussi à répondre de manière adéquate aux menaces contemporaines pesant sur la sécurité intérieure. La législation de l’Union a accordé de nouveaux droits à ceux qui exploitent ces dispositions : des milliers de migrants économiques d’Asie et d’Afrique qui, depuis 2015, demandent l’asile en masse dans les pays européens, non pas en raison des dangers auxquels ils sont confrontés dans leur pays d’origine, mais pour accéder au marché du travail et aux systèmes de protection sociale. Les frontières de pays tels que l’Espagne, la Lituanie et la Pologne ont été envahies par des immigrants illégaux, dont certains ont recours à la violence contre les gardes-frontières et les soldats. Malgré cela, l’Union européenne continue d’appliquer des réglementations irrationnelles qui permettent à quiconque d’entrer s’ils ont demandé l’asile, sans vérifier au préalable s’ils remplissent les critères pour obtenir le statut de réfugié ou s’ils représentent une menace potentielle pour le pays d’accueil 51. Alors que certains soutiennent que l’augmentation de l’immigration devrait être accueillie comme une solution à la pénurie de main-d’œuvre, à la charge fiscale de la population en âge de travailler, et à la qualité des systèmes de santé et de soins aux personnes âgées 52, nous pensons que les politiques multiculturelles n’ont pas réussi à favoriser l’inclusion sociétale. Au contraire, ces politiques ont légitimé la formation de groupes ségrégés qui rejettent de nombreuses coutumes de leurs sociétés d’accueil, s’isolent et accentuent leur mode de vie — même lorsque cela contredit les lois nationales 53.

Laurent Warlouzet

Le Pacte Asile et Migration adopté par l’UE en 2024 a durci la politique migratoire de l’Union et a fait l’objet de nombreuses critiques des ONG, telle que la Cimade

f) Un excès de bureaucratie et de centralisation qui tue la compétitivité de l’Union 

Sixièmement, l’Union européenne, autrefois moteur de la croissance économique, devient lentement un obstacle à celle-ci. Pendant la majeure partie de l’histoire de l’intégration européenne, le développement économique a été la priorité. Au départ, l’Union était une force de déréglementation —le marché européen, fondé sur la libre circulation des biens, des capitaux, des services et de la main-d’œuvre, était l’une de ses plus grandes réalisations. Malheureusement, l’Union ne s’est pas arrêtée là. Le libre marché ne suffisait pas, il fallait aussi l’« harmoniser ». Chaque année, l’Union produit des centaines de nouvelles réglementations. Par exemple, entre 2017 et 2024, le corpus réglementaire de l’Union s’est enrichi de 562 nouvelles pages et de 511 nouveaux articles sur les données et la vie privée, ainsi que de 271 nouvelles pages et de 247 nouveaux articles sur le e-commerce et la protection des consommateurs. Le nombre de nouvelles restrictions a atteint près de 2 500 pour les données et la vie privée et 1 200 pour le e-commerce et la protection des consommateurs 54. Ces réglementations manquent de justification économique. Au contraire, nombre d’entre elles, en particulier celles incluses dans le Pacte vert européen et le plan Fit for 55, sont motivées par des idéologies écologiques et climatiques de gauche. Elles nuisent à des secteurs clés de l’économie (par exemple, l’industrie automobile, les transports, la construction), augmentent artificiellement les prix de l’énergie, conduisant à la précarité énergétique dans les sociétés de l’Union, et sont également dévastatrices pour l’agriculture européenne. 

Laurent Warlouzet

En qualifiant l’Union sous sa première forme de « force de déréglementation », le manifeste reprend une rhétorique chère à Margaret Thatcher, qui a soutenu l’intégration européenne au début de son mandat justement car elle pensait qu’elle allait contribuer à son agenda de déréglementation. Constatant une inflation législative et la lourdeur de certaines normes sociales et environnementales, elle critiqua par la suite une construction européenne socialisante, qu’elle compara même à l’Union soviétique dans son discours de Bruges de 1988. Voir : Laurent Warlouzet, Europe contre Europe. Entre liberté, solidarité et puissance, Paris, CNRS éditions, 2022, pp. 101-108.

La sur-réglementation nuit à la compétitivité économique des États membres sur le marché mondial. Selon une étude réalisée par la Banque d’Espagne, chaque augmentation de l’indice de complexité réglementaire est associée à une baisse de 0,7 % de la part de l’emploi au niveau sectoriel. Plusieurs effets de distorsion se produisent au niveau sectoriel : l’intensité de main-d’œuvre diminue considérablement et les taux d’investissement baissent en réponse à une réglementation accrue. L’impact négatif de la complexité réglementaire est particulièrement concentré dans les entreprises plus petites et plus récentes. Une augmentation de 10 % des nouvelles réglementations est associée à une baisse relative de 0,5 % du nombre de travailleurs employés par des entreprises de moins de 10 salariés 55.

La critique de l’Union européenne dans sa forme actuelle n’implique pas un rejet de l’idée de coopération européenne. Cette coopération devrait, cependant, viser à soutenir les États membres dans les domaines où ils rencontrent des difficultés, plutôt que de les remplacer entièrement par des institutions supranationales. Elle devrait être fondée sur le respect des valeurs fondamentales telles que la souveraineté, l’identité nationale, le principe d’attribution, le principe de subsidiarité et la démocratie représentative, ancrées dans une véritable communauté de personnes unies par une culture, une histoire et des intérêts communs.

3 — Deux scénarios alternatifs

Le nouveau modèle de coopération européenne peut être construit sur la base de l’un des deux scénarios suivants : 

  • Le scénario « Retour aux Fondamentaux »
  • Le scénario « Nouveau Départ » 

Dans le cadre du scénario « Retour aux Fondamentaux », le cadre juridique existant de l’Union européenne devrait être réformé par la décentralisation, la déréglementation et la démocratisation. Plutôt que de poursuivre « une union toujours plus étroite entre les peuples d’Europe », l’accent devrait être mis sur la promotion d’une « coopération étroite entre les peuples et les nations d’Europe » 56. Les réglementations de l’Union qui favorisent le développement économique commun devraient être conservées, tandis que celles qui l’entravent devraient être abandonnées. 

Selon le scénario « Nouveau Départ », l’organisation européenne doit être reconstruite à partir de zéro, sur la base d’un nouveau traité, de nouvelles institutions et d’un nouvel ordre juridique commun. Le nouveau traité devrait établir un régime juridique souple permettant aux États membres de développer leur coopération à leur propre rythme, s’ils le jugent nécessaire. Parallèlement, il devrait définir un noyau de coopération auquel tous les États membres sont tenus de participer, ainsi que des segments de coopération facultatifs auxquels les États peuvent librement adhérer ou se retirer à tout moment. 

Le choix entre ces deux scénarios dépend de la capacité de l’Union européenne à se réformer. Si elle le peut, il faut alors déterminer l’orientation de ces réformes afin d’atteindre le modèle cible postulé. Dans le cas contraire, il faut se demander par quoi l’Union devrait être remplacée et comment cette transition devrait se dérouler.

SCÉNARIO I : Retour aux fondamentaux

a) Les grands principes sur lesquels la coopération européenne devrait être fondée

Souveraineté nationale 

Le respect de la souveraineté de chaque État devrait être le principe fondamental de la coopération européenne réformée. La souveraineté nationale n’est pas seulement un principe de droit international, mais c’est aussi un droit naturel de tout peuple qui souhaite préserver sa culture, sa langue, sa mémoire historique et ses coutumes uniques. Comme l’a déclaré à juste titre le Premier ministre hongrois Viktor Orbán : « Chaque nation et chaque État membre a le droit de décider de la manière dont il organise sa vie dans son propre pays. » 57

Le concept de souveraineté européenne, dans lequel l’Union européenne elle-même se positionnerait comme une puissance autonome au-dessus des États-nations, devrait être fermement rejeté. Nous sommes en profond désaccord avec l’idée selon laquelle « il est possible de garantir les droits de chaque citoyen européen sous l’égide de la souveraineté supranationale, qui est l’avenir de tous ses citoyens » 58. Nous pensons qu’un État démocratique, dans lequel ceux qui sont au pouvoir sont directement responsables devant le peuple, est mieux à même de sauvegarder les droits des citoyens que des institutions supranationales éloignées, souvent dirigées par des fonctionnaires non élus qui ne sont responsables que devant eux-mêmes. 

Laurent Warlouzet

Ce modèle d’une Union à la carte est séduisant à première vue mais difficilement envisageable car, comme le souligne le document lui-même un peu plus haut, les États acceptent d’entrer dans l’Union européenne pour obtenir des avantages réciproques mais distincts. Une concession dans un domaine est compensée par un avantage dans un autre. Ainsi, pour prendre un exemple bien connu, la France a accepté avec le Traité de Rome de 1957 d’ouvrir son marché des produits industriels à une concurrence étrangère considérée comme menaçante contre une ouverture du marché de ses partenaires à ses produits agricoles. En échange, les Allemands ont accepté une politique agricole commune qui ne les intéressait pas. 

L’Union européenne repose aujourd’hui sur de très nombreuses concessions réciproques, qui se compensent mutuellement. Si la France refuse l’Europe de l’énergie, pourra-t-on vendre aussi facilement notre électricité nucléaire et importer de l’électricité lorsque nos centrales sont en maintenance lourde comme en 2022, lorsque la France fut importatrice nette d’électricité ?

D’autre part, dans l’Union européenne actuelle, certaines politiques ne concernent pas tous les membres, ainsi de l’euro. Par ailleurs, le traité de l’Union européenne prévoit la mise en place de « coopération renforcée », qui sont toutefois difficiles à mettre en œuvre.

Actuellement, le principe de souveraineté des États membres s’exprime principalement par la possibilité de rester dans ou de se retirer de l’Union européenne (article 50 du TUE). Ce choix est toutefois trop limité pour deux raisons. Premièrement, l’adhésion à l’Union européenne entraîne généralement à la fois des avantages et des inconvénients, ce qui fait du retrait une décision ultime que peu de dirigeants sont prêts à prendre. La désirabilité de participer à certains domaines du système juridique de l’Union dépend des intérêts des États individuels. En règle générale, si un État perd dans un domaine mais gagne dans un autre, il choisit de rester dans l’Union, même au prix de l’abandon d’une autre partie de sa souveraineté. Deuxièmement, une interprétation extensive des compétences de l’Union européenne a conduit à une situation dans laquelle les obligations des États membres augmentent, même lorsque les traités ne changent pas. Lorsqu’un État ratifie les traités de l’Union, il n’a pas pleinement conscience de toutes les obligations qui lui seront imposées, car la Commission européenne et la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) peuvent toujours « déduire » des obligations entièrement nouvelles des principes généraux du droit de l’Union. Par conséquent, les États membres devraient avoir la possibilité d’adapter l’intensité de leur coopération en fonction de leurs intérêts nationaux.

Pluralité de communautés menant des programmes conjoints convenus de coopération approfondie 

La coopération européenne réformée ne devrait pas ressembler à une structure monolithique dans laquelle les nations les plus fortes dictent la direction à suivre à toutes les autres. Il devrait plutôt s’agir d’une association d’États souverains, dont chacun conserve le droit de déterminer les domaines dans lesquels il souhaite mener des politiques communes. Certains États bénéficient de la politique de l’Union en matière de promotion des sources d’énergie renouvelables, tandis que d’autres n’en bénéficient pas ; certains tirent profit des réglementations agricoles communes, tandis que d’autres n’en tirent pas profit ; certains bénéficient de la libre circulation des travailleurs, tandis que d’autres cherchent à la limiter. S’il est impossible de satisfaire tous les États, il est possible de faire en sorte que les pays puissent participer aux domaines qui leur sont profitables, tout en se retirant de ceux qui ne le sont pas. 

Une conséquence naturelle de l’adoption de cette approche serait la formation de « sous-organisations » au sein de la coopération européenne réformée, chacune poursuivant des modèles de développement différents. Cela s’aligne sur le concept précédemment mentionné d’intégration différenciée. 

Coopération volontaire et révocabilité des programmes de coopération approfondie

Parmi les trois modèles d’intégration différenciée mentionnés précédemment, le plus approprié semble être la différenciation à la carte, intégrant potentiellement des éléments de géométrie variable. Seul ce modèle garantit que les gouvernements démocratiquement élus conservent le contrôle total sur la portée des obligations internationales.

Pour éviter d’emblée l’échec de la coopération européenne réformée, une analyse complète des conditions politiques et économiques de chaque État membre est essentielle. Cette analyse devrait identifier des domaines d’intérêt commun, où une coopération plus approfondie serait mutuellement bénéfique, et des domaines de divergence, où une telle coopération serait désavantageuse. Sur la base des conclusions de cette évaluation, les traités de la nouvelle UE devraient établir : 

  • Un ensemble d’engagements minimaux qui constituerait la condition sine qua non de l’adhésion (par exemple, l’union douanière). 
  • Des engagements facultatifs dans des domaines où seuls certains États membres partagent des intérêts communs (par exemple, l’énergie). 

Nature intergouvernementale de la coopération 

Nous défendons le principe de l’intergouvernementalisme, traditionnellement défini comme « une théorie de l’intégration et une méthode de prise de décision dans les organisations internationales qui permet aux États de coopérer dans des domaines spécifiques tout en conservant leur souveraineté. Contrairement aux organismes supranationaux dans lesquels l’autorité est formellement déléguée, dans les organisations intergouvernementales, les États ne partagent pas le pouvoir avec d’autres acteurs et prennent des décisions à l’unanimité. » 59 En d’autres termes, l’Union européenne devrait faire un pas en arrière pour que les États-nations puissent faire un pas en avant. 

Notre interprétation de l’intergouvernementalisme n’exclut pas totalement l’existence de certaines structures supranationales, à condition qu’elles restent subordonnées aux institutions intergouvernementales. Le cadre de la coopération européenne réformée devrait être fondé sur la primauté des institutions intergouvernementales, telles que le Conseil européen et le Conseil de l’Union européenne, qui possèdent une légitimité démocratique indirecte —puisque les présidents, les premiers ministres et les ministres qui y participent détiennent un mandat de leur nation pour prendre des décisions affectant leurs citoyens.

Les institutions technocratiques sans mandat démocratique — telles que la Commission européenne — devraient jouer un rôle subordonné aux organes intergouvernementaux 60. La Cour de justice de l’Union européenne devrait retrouver son rôle de serviteur de la loi, plutôt que de créateur de celle-ci. 

Principe d’attribution des compétences dans le cadre d’un mandat national strict 

Le principe d’attribution, tel que défini à l’article 5 du traité sur l’Union européenne (TUE), est resté largement inefficace dans la pratique. Comme indiqué précédemment, les institutions de l’Union n’ont cessé d’étendre leurs propres compétences sans tenir compte de la lettre des traités, considérant « l’efficacité du droit de l’Union » comme une source illimitée de nouveaux pouvoirs. Pour remédier à ce problème, les traités doivent intégrer des garanties strictes assurant le plein respect du principe d’attribution. Les institutions intergouvernementales devraient être habilitées à vérifier si les actions des institutions supranationales sont conformes à ce principe. 

Principe de subsidiarité 

Le principe d’attribution devrait être étroitement lié au principe de subsidiarité, qui constitue « le seul mécanisme qui respecte les différentes cultures coexistant en Europe et les systèmes de valeurs qui sous-tendent ces cultures. Il le fait sans nier que certains principes partagés et certaines similitudes culturelles unissent encore les Européens » 61. Comme indiqué précédemment, si le principe de subsidiarité est formellement garanti par l’article 5(3) du TUE, il reste en pratique d’une importance marginale. Cela doit changer. 

Nous partageons l’avis selon lequel « l’Union doit être considérée avant tout comme la protectrice de l’intégrité, de l’autonomie, de l’indépendance et de l’identité de ses membres, et non comme un agent d’uniformité et de centralisation. La subsidiarité devrait donc inciter non seulement les institutions de l’Union, mais aussi chaque État membre, à accepter et à tolérer les valeurs et les préférences des autres membres, aussi différentes soient-elles des leurs » 62

Par conséquent, il ne devrait pas incomber aux États membres de démontrer qu’ils sont mieux à même d’exercer les compétences partagées ; c’est plutôt à l’Union qu’il devrait incomber de prouver que le traitement d’une question particulière nécessite une harmonisation. 

Le respect du principe de subsidiarité devrait être garanti par les institutions intergouvernementales de la coopération européenne réformée 63.

b) Propositions : Recommandations 1 à 23 pour une Réforme des Traités de l’Union

Les recommandations suivantes sont structurées en neuf domaines clés, chacun englobant de multiples propositions essentielles pour résoudre les défis urgents au sein de l’Union européenne. Ces réformes sont impératives non seulement pour rectifier les problèmes de longue date, mais aussi pour recalibrer les rôles et les fonctions des institutions de l’Union. Elles visent à renforcer la légitimité démocratique, à rétablir l’équilibre des pouvoirs entre l’Union et ses États membres et à garantir une application plus rigoureuse des principes de subsidiarité et de souveraineté nationale à tous les niveaux de gouvernance.

I. Une Union européenne plus souple pour répondre à la volonté et à la capacité d’intégration de tous les États membres et candidats :

Proposition 1 : Renommer l’Union européenne en « Communauté européenne des nations »

L’Union européenne a été créée à l’origine sous le nom de Communauté économique européenne (CEE), mettant l’accent sur la coopération économique entre États souverains. Le passage à l’Union européenne (UE) avec le traité de Maastricht en 1993 a marqué une transformation politique importante, renforçant la notion d’une « union toujours plus étroite » avec des tendances fédéralistes. Cette proposition préconise de renommer l’Union en « Communauté européenne des nations » (CEN) afin de refléter une vision recalibrée —qui privilégie la souveraineté nationale, la coopération intergouvernementale et les alliances volontaires plutôt que l’intégration supranationale. En revenant aux principes fondateurs du projet européen, la CEN mettrait l’accent sur la flexibilité, le respect des identités nationales et la prise de décision fondée sur la souveraineté des États. Le nom proposé souligne l’abandon des ambitions fédéralistes et la réaffirmation de l’Union en tant que cadre de coopération entre nations indépendantes, plutôt qu’entité politique centralisée. Ce changement de nom s’alignerait non seulement sur le cadre institutionnel et juridique révisé, mais renforcerait également la légitimité publique en représentant fidèlement l’objectif évolutif de l’Union. 

Plusieurs points du programme développé dans le rapport étaient déjà évoqués dans le programme européen de Marine Le Pen en 2019. Cette idée de changement de nom semble ainsi s’inspirer de son manifeste pour « l’Alliance européenne des nations ». De manière générale, plusieurs propositions de ce texte rejoignent le programme européen du RN d’il y a une dizaine d’année (prédominance du Conseil, mécanisme d’opt out pour une Union européenne « à la carte », primauté de la constitution nationale sur le droit européen…), qui a lui-même subi une série d’inflexions et de réalignements. Le fait que le document français le plus cité soit un rapport de l’Institut Thomas More datant de 2019 montre là aussi que MCC et Ordo Iuris ne sont pas en phase avec l’aggiornamento institutionnel réalisés par plusieurs représentants de la droite radicale européenne ces dernières années qui a sorti de ses programmes le retrait de l’Union et de l’Euro. La monnaie commune n’est d’ailleurs presque pas mentionnée dans le document, qui émane de deux institutions issues d’États membres hors de la zone Euro.

Proposition 2 : Introduire une disposition spécifique dans les Traités pour consacrer le principe de flexibilité, permettant aux États membres d’ajuster leur niveau d’intégration et de coopération au sein de l’Union en fonction de leurs intérêts nationaux. 

Le principal défi pour faire progresser l’intégration européenne réside dans les intérêts divergents — et parfois contradictoires — qui peuvent exister entre les États membres. Pour éviter de nouvelles fractures au sein de l’Union européenne, il est essentiel que les Traités tiennent mieux compte de ces différences nationales. Il est donc nécessaire de trouver une approche plus adaptée et progressive de l’intégration, en accord avec les spécificités nationales — une approche qui respecte les priorités économiques, les identités culturelles et les traditions constitutionnelles et politiques de chaque État membre. 

Proposition 3 : Introduire une clause générale d’opt-out dans les traités, permettant aux États membres de suspendre leur participation à une législation existante ou de se retirer d’une législation nouvellement adoptée, conformément au principe de flexibilité fondé sur l’intérêt national. 

L’élargissement du champ d’application des clauses d’opt-outs pourrait être un outil efficace pour mettre en œuvre le principe de flexibilité décrit précédemment. Selon cette approche, un État membre pourrait choisir de ne pas appliquer une nouvelle législation en le notifiant simplement au Conseil des ministres. Cela éliminerait la nécessité de négocier les opt-outs avec d’autres États membres, bien qu’un débat puisse encore avoir lieu si une majorité qualifiée du Conseil européen le jugeait nécessaire. Ce mécanisme d’opt-out révisé pourrait s’appliquer à tous les domaines, à l’exception du marché intérieur, préservant ainsi l’objectif initial de l’Union de l’intégration économique. En outre, la flexibilité pourrait être encore renforcée par un renversement de la procédure législative pour une coopération renforcée, permettant à un groupe de quatre États membres de s’opposer collectivement à l’application d’une nouvelle législation.

Par cette proposition — centrale puisqu’elle apparaît assez haut dans l’ordre des recommandations du rapport — les auteurs semblent en fait souhaiter introduire un mécanisme symétrique de la coopération renforcée : plutôt que d’avancer ensemble à peu de pays, l’idée proposée est de pouvoir « reculer ensemble » à partir d’une minorité de blocage de quatre pays. On voit assez bien la logique perverse qu’un tel dispositif de nivellement par le bas pourrait avoir : en prévoyant une possibilité « d’opt-out » sur l’ensemble des législations — y compris, donc, celles où l’Union a une compétence exclusive — les pays réfractaires pourraient potentiellement provoquer des incohérences juridiques entraînant à elles seules des distorsions importantes au sein du marché unique.

Laurent Warlouzet

Notons que de la même manière, de nombreux textes hostiles à l’Union européenne préservent une exception pour le marché intérieur. Mais ce sont les institutions supranationales qui assurent le bon fonctionnement du marché intérieur, et notamment l’application uniforme des législations commerciales sur l’ensemble de l’Union, contrôlée par la Commission et par la Cour. Ce mécanisme est ancien : il a été accepté dès 1957 avec la signature du Traité de Rome, puis renforcé en 1986 avec l’Acte unique.

Proposition 4 : Appliquer le principe de flexibilité fondé sur l’intérêt national au processus d’élargissement de l’Union, permettant d’adapter l’intégration aux besoins et aux capacités de l’Union et des États candidats. 

Il est essentiel d’abandonner l’approche inefficace du tout ou rien de ces dernières années et d’adopter une stratégie plus progressive et partielle. Celle-ci se concentrerait dans un premier temps sur les objectifs liés au marché intérieur, les étapes ultérieures de l’intégration suivant une fois que la première phase d’adhésion est réalisée. La méthodologie actuelle n’a pas donné de résultats significatifs —plusieurs États des Balkans occidentaux, par exemple, ont connu des retards prolongés dans leur adhésion à l’Union. Pour y remédier, il est également nécessaire d’augmenter la fréquence des réunions interétatiques dans des cadres qui évitent les approches supranationales rigides. La Communauté politique européenne, sans se substituer à l’adhésion à l’Union, pourrait constituer un complément précieux pour relever les défis de l’élargissement et favoriser une coopération plus étroite pendant le processus d’adhésion.

Si « l’Europe-puissance » comme projet attribué à Emmanuel Macron est critiquée à d’autres endroits du rapport, le format de Communauté politique européenne — lancé à l’initiative du Président français en 2022 dans le but de créer un espace de discussion élargi — semble rencontrer l’agrément des auteurs. Cela pourrait être à mettre en relation avec le fait que, le 7 novembre dernier, au lendemain de l’élection de Donald Trump, c’est la Hongrie qui a accueilli ce format. Comme le rappelait alors l’ancien Commissaire européen Thierry Breton dans nos pages, Viktor Orbán avait alors profité du retour de Trump à la Maison-Blanche pour se mettre en scène comme l’interlocuteur privilégié de Washington : « Jusqu’à présent, beaucoup d’États membres ont boudé les réunions à Budapest alors que la Hongrie assure la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne. Or au Conseil du 7 novembre, hormis Pedro Sánchez qui a été retenu pour faire face à la tragédie dans son pays, pas un dirigeant a manqué le rendez-vous — tous y sont allés. Cette nouvelle dimension est parfaitement intégrée. »

II. Réévaluer et faire respecter les compétences de l’Union : 

Proposition 5  : Établir un nouveau protocole pour faire strictement respecter le principe d’attribution de compétences tel que décrit dans l’article 5(2) du Traité sur l’Union européenne, qui stipule : « Toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux États membres. » Ce protocole s’appliquerait explicitement à la Cour de justice de l’Union européenne et à sa jurisprudence, avec la possibilité d’une application rétroactive si le Conseil européen en décide ainsi.

La CJUE — comme la plupart des juridictions indépendantes — est une cible privilégiée des extrêmes droites hongroise et polonaise. En l’espèce, la « possibilité d’une application rétroactive » reviendrait à vider de sa substance juridictionnelle la Cour. Contrairement à ce que laisse entendre la formulation réformiste d’un « retour aux fondamentaux » par opposition à la « tabula rasa » du deuxième scénario, la possibilité de suppression d’une jurisprudence entière s’apparenterait de facto à un changement de régime politique inédit dans l’histoire de l’Union — et rare dans l’histoire de ses États membres.

Nombre des crises auxquelles l’Union européenne est actuellement confrontée découlent de problèmes de longue date liés à la répartition des compétences, qui sont devenus une source majeure de tension. L’Union outrepasse fréquemment ses compétences, un problème qui est au cœur des conflits avec les cours constitutionnelles nationales, telles que celles de Pologne et d’Allemagne, et qui sape la confiance du public dans l’Union. Bien que l’article 5(2) du traité sur l’Union européenne stipule explicitement que les compétences non attribuées à l’Union restent du ressort des États membres, ce principe a été largement ignoré ou contourné par la Commission européenne, les co-législateurs et la Cour de justice de l’Union européenne. Ce mépris a alimenté les différends sur les limites de l’autorité de l’Union. Pour résoudre ces tensions et prévenir de nouvelles crises, l’article 5(2) doit être interprété et appliqué littéralement comme la pierre angulaire du cadre juridique de l’Union. Toutes les institutions de l’Union doivent adhérer explicitement à cette disposition, garantissant une répartition claire et équilibrée des pouvoirs entre l’Union et ses États membres.

Proposition 6 : Le Conseil européen devrait servir d’autorité suprême pour résoudre les conflits de compétence, en particulier en lien avec les propositions législatives de la Commission européenne. En outre, le Conseil européen devrait avoir le pouvoir de demander une nouvelle législation pour annuler un arrêt rendu par la Cour de justice. 

Les fréquents conflits de compétence, en particulier en ce qui concerne les propositions législatives et l’interprétation des arrêts par la Cour de justice, ont entraîné d’importantes tensions au sein de l’Union européenne. Ces conflits entraînent souvent des infractions à l’article 5(2), qui portent atteinte à la souveraineté nationale et créent des incertitudes juridiques. La Cour de justice, qui est censée servir d’arbitre impartial, n’a pas su rester objective dans ces affaires, ce qui la rend de moins en moins apte à agir en tant que décideur final. Par conséquent, le Conseil européen devrait prendre la responsabilité de résoudre ces conflits, en veillant à ce que les décisions reflètent un équilibre des pouvoirs entre l’Union et ses États membres. 

En cas de propositions législatives juridiquement ambiguës, le Conseil de l’Union, au niveau ministériel, devrait tenir un débat si un État membre le demande. Une majorité qualifiée décidera de la poursuite de la proposition, mais une minorité de blocage de quatre États membres peut renvoyer la question au Conseil européen pour une résolution finale. En outre, les États membres devraient avoir le droit de se retirer de cette législation en fonction de leurs intérêts nationaux, préservant ainsi leur souveraineté. 

Afin de renforcer davantage le rôle des États membres dans la prise de décision, une majorité simple des parlements nationaux devrait pouvoir soulever un conflit de compétence. Une majorité absolue peut porter directement la question devant le Conseil européen, et si les trois quarts des parlements nationaux s’opposent à la proposition, celle-ci sera automatiquement abandonnée. Cette approche garantit que la Cour de justice n’est pas l’autorité ultime pour résoudre les conflits de compétence, tout en protégeant la souveraineté nationale et en favorisant une gouvernance plus souple et plus équilibrée au sein de l’Union. 

Proposition 7 : Mettre en œuvre une application stricte du principe de subsidiarité par le biais d’une décision ex ante du Conseil de l’Union européenne, avec une procédure d’appel devant le Conseil européen, à inscrire dans un protocole nouveau et plus efficace. Si l’Union ne parvient pas à atteindre ses objectifs, les États membres devraient avoir la possibilité de reprendre le contrôle. Les parlements nationaux doivent se voir attribuer un rôle beaucoup plus important dans ce processus que celui qu’ils ont actuellement. 

Le principe de subsidiarité est une « voie à double sens », qui ne se limite pas à consolider les compétences de l’Union dans un domaine donné. Actuellement, l’évaluation du respect de la subsidiarité dans les propositions législatives est faible et superficielle, et manque souvent de justification fondée. Lorsque les États membres déterminent que l’Union n’est plus le niveau de gouvernance le plus approprié, ils devraient avoir la possibilité de rapatrier des compétences, soit par un opt-out individuel, soit par un rapatriement général. Pour ce faire, les parlements nationaux devraient être davantage impliqués, comme le souligne la Proposition 6, en s’assurant qu’ils participent activement à l’évaluation de la nécessité d’une intervention de l’Union. Le rétablissement de la subsidiarité au cœur du fonctionnement de l’Union européenne permettra à toutes les parties prenantes — y compris la Commission européenne, les États membres et leurs parlements nationaux — d’assumer la responsabilité de créer une Union plus efficace et plus centrée sur les citoyens. 

Proposition 8 : Lancer un audit complet des compétences actuelles de l’Union, en particulier au niveau législatif et dans la jurisprudence de la Cour de justice européenne, afin de donner aux États membres la possibilité d’envisager des rapatriements généraux ou des opt-outs individuels. 

Après des décennies d’actions législatives et d’évolutions jurisprudentielles complexes et déroutantes, un examen approfondi et complet des compétences de l’Union est indispensable. Ce processus permettra aux États membres de réévaluer le niveau de souveraineté nationale qu’ils sont prêts à déléguer, en apportant de la clarté et en leur permettant de défendre plus efficacement leurs intérêts dans le cadre des Traités européens. 

Chaque État partie aura le droit de soumettre des actes spécifiques de l’acquis communautaire à un audit. Le processus d’audit sera mené par le Comité des États membres, qui évaluera la conformité du droit dérivé analysé avec les principes d’attribution et de subsidiarité. L’objectif principal de cet audit est de faciliter la mise en œuvre du principe de Coopération Volontaire et de Révocabilité des Programmes de Coopération Approfondie (voir section III.i.a). 

Sur la base des conclusions de l’audit, le Conseil déterminera, à l’unanimité, l’ensemble des engagements minimaux qui constituent la condition sine qua non de l’adhésion à l’Union. En outre, le Conseil identifiera les engagements facultatifs dans les domaines politiques où seuls certains États membres partagent des intérêts communs, permettant ainsi une approche plus souple et différenciée de l’intégration. 

Proposition 9 : Établir un « bouclier des compétences nationales » en incluant dans le Traité sur l’Union européenne une disposition spécifique qui dresse une liste des compétences légalement protégées de toute ingérence de l’Union. L’Union n’aura aucun impact direct ou indirect sur ces domaines, que ce soit par des moyens législatifs ou judiciaires. Cette liste devrait inclure la famille, l’ordre public, l’ordre moral et l’éducation. 

La Commission européenne et la Cour de justice de l’Union européenne ont souvent privilégié des objectifs politiques et idéologiques au détriment du respect des dispositions des traités. Pour se prémunir contre de telles violations du principe de la répartition des pouvoirs, il est essentiel de protéger certains domaines de l’ingérence de l’Union. Cette approche de « sanctuarisation » permettrait aux États membres de répondre rapidement à leurs préoccupations en soumettant une demande individuelle d’opt-out au Conseil européen. 

III. Renforcement et Extension de la règle de l’unanimité :

Proposition 10 : L’unanimité entre les États membres dans le domaine des relations extérieures devrait prévaloir et être explicitement inscrite dans les traités, le cas échéant. Le mécanisme de l’abstention constructive devrait être autorisé, à condition que les États membres dissidents y consentent. 

Le contexte géopolitique actuel très tendu révèle un manque de consensus entre les 27 États membres sur les prochaines étapes à suivre sur diverses questions internationales. Ces divergences de vues sont le résultat d’intérêts nationaux variés, et souvent divergents. Les États membres sont amenés à adopter des positions contraires à leurs intérêts économiques, notamment dans le domaine de l’approvisionnement énergétique. Cette approche ne fait qu’accentuer les divisions au sein de l’Union européenne. Les relations internationales doivent être un domaine où les intérêts nationaux sont préservés et les lignes rouges respectées. Aucun État membre ne devrait être légalement tenu par des décisions allant à l’encontre de ses priorités nationales. Pour préserver l’unité, en cas de désaccord, le mécanisme d’abstention constructive devrait être autorisé, permettant aux États membres dissidents de s’abstenir de prendre une décision sans empêcher les autres de procéder. Toute décision de poursuivre ne devrait être prise qu’avec l’accord explicite des États membres dissidents, garantissant que les intérêts nationaux sont correctement protégés dans le processus décisionnel. 

Proposition 11 : l’article 114 du TFUE, qui permet actuellement à l’Union d’agir dans un domaine sans base juridique explicite, ne devrait être invoqué qu’à l’unanimité, et non à la majorité qualifiée. En outre, lorsque cette disposition est invoquée, les États membres devraient avoir la possibilité de s’en retirer. 

L’article 114 du TFUE est une disposition très controversée, souvent détournée de son objectif initial, qui permet à l’Union d’agir sans base juridique explicite dans un domaine donné. Cela a conduit à une extension illégale des compétences de l’Union, en particulier dans des domaines qui ne relèvent pas de sa compétence, comme le secteur des médias, où le Media Freedom Act a été justifié en vertu de cet article alors que la réglementation des médias n’est pas une compétence de l’Union. L’application de cette disposition menace le principe de la répartition des compétences, car elle pourrait être utilisée pour intégrer divers domaines dans le cadre du marché intérieur, ce qui porterait atteinte à la souveraineté nationale. 

En outre, la Cour de justice européenne a échoué à garantir de manière adéquate la mise en œuvre équitable de cette disposition, ce qui a encore exacerbé les préoccupations quant à son utilisation abusive. Compte tenu de ces problèmes, l’unanimité est la seule solution appropriée pour protéger la souveraineté nationale et empêcher l’Union d’étendre son mandat sans autorisation légale explicite. Une interprétation stricte et l’exigence de l’unanimité pour déclencher l’article 114 permettraient de préserver l’intégrité des compétences nationales, en veillant à ce qu’aucun État membre ne soit contraint de prendre des décisions contraires à ses intérêts nationaux. Cette approche rétablirait l’équilibre entre l’Union et ses États membres, en garantissant que toute extension des compétences de l’Union soit à la fois justifiée et acceptée par tous.

IV. Primauté des constitutions nationales sur le droit européen 

Proposition 12 : Introduire une nouvelle disposition dans le Traité sur l’Union qui révoque explicitement la jurisprudence de la Cour de justice européenne affirmant la primauté du droit européen sur les constitutions nationales. Au lieu de cela, le Traité doit établir clairement que la compétence pour conférer des pouvoirs à l’Union appartient uniquement aux États membres et que les constitutions nationales prévalent sur le droit européen. 

Le principe de la primauté du droit communautaire, établi par des arrêts tels que Costa c. ENEL (1964), Internationale Handelsgesellschaft (1970) et State Finance Administration c. Simmenthal SpA (1978), est depuis longtemps une source de tension entre la Cour de justice de l’Union européenne, les cours constitutionnelles nationales et les gouvernements des États membres. Ce principe a souvent été interprété au-delà de la lettre et de l’esprit des traités européens, qui prévoyaient à l’origine que la primauté ne s’appliquerait que dans les domaines où les États membres avaient explicitement transféré leur souveraineté à l’Union. Cependant, l’affirmation de la primauté dans des domaines où l’Union n’a pas de compétence claire est à la fois illégale et contraire au principe de subsidiarité. 

Une approche stricte et équilibrée de la primauté est nécessaire de toute urgence. Dans des domaines clairement définis où l’Union est compétente, la primauté du droit primaire et secondaire de l’Union est acceptable, à condition qu’elle respecte la souveraineté nationale. Les États membres doivent conserver le droit de mettre en œuvre des options de retrait individuelles ou de rapatrier des compétences à la suite d’un réexamen complet des pouvoirs de l’Union, comme indiqué dans les Propositions 2, 4 et 5. En outre, les États membres devraient avoir la possibilité de rejeter l’application de mesures qui ne relèvent pas des compétences explicitement conférées à l’Union, garantissant ainsi un juste équilibre entre les cadres constitutionnels nationaux et la gouvernance de l’Union. 

Proposition 13 : Établir une assemblée consultative des cours constitutionnelles chargée de faire respecter et les principes de primauté des constitutions nationales, d’attribution des compétences et de subsidiarité, et de formuler des recommandations à ce sujet. En cas de conflit entre la Cour de justice de l’Union européenne et les cours constitutionnelles nationales, un État membre peut demander l’intervention du Conseil européen pour régler la question. 

Des affaires récentes ont mis en évidence les tensions récurrentes entre la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et les cours constitutionnelles nationales, démontrant la nécessité d’une réforme pour résoudre ces conflits. En Pologne (2021), le Trybunał Konstytucyjny (Tribunal constitutionnel) a jugé que certaines décisions de la CJUE étaient incompatibles avec la Constitution polonaise, affirmant la primauté du droit constitutionnel national dans les domaines non transférés à l’Union. De même, en Allemagne (2020), la Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale) a contesté l’autorité de la CJUE sur le Public Sector Purchase Programme (PSPP) de la Banque centrale européenne, soulignant que les institutions de l’Union ne peuvent pas étendre leurs pouvoirs au-delà de ce qui leur a été explicitement conféré par les États membres. Une situation similaire s’est produite en Roumanie (2021), où la Curtea Constituțională a României (Cour constitutionnelle) a refusé de reconnaître la validité des décisions de la CJUE dans les domaines relevant des compétences nationales. Ces exemples mettent en lumière les conflits récurrents découlant des tentatives d’élargissement des pouvoirs de l’Union sans base juridique claire, soulignant la nécessité d’établir une assemblée consultative des cours constitutionnelles pour surveiller et fournir des recommandations sur ces différends, en garantissant le respect des principes de subsidiarité, d’attribution et de primauté des constitutions nationales dans les domaines non explicitement régis par le droit de l’Union. 

V. Une Commission européenne au service des États membres 

Proposition 14 : Transformer la Commission européenne en un Secrétariat général fonctionnant au service des États membres, sous leur contrôle et leur direction. La Commission renoncerait à son quasi-monopole sur les initiatives législatives, transférant cette compétence au Conseil des ministres dans le cadre de la procédure législative ordinaire. Ses propositions législatives seraient strictement limitées à la mise en œuvre et au développement des conclusions juridiquement contraignantes du Conseil. En outre, la Commission ne représenterait l’Union à l’extérieur que sur délégation explicite du Conseil des ministres, et jamais au niveau des chefs d’État ou de gouvernement. 

À l’origine, la Commission européenne devait fonctionner comme un secrétariat général au sein d’une Communauté européenne aux compétences limitées, et non comme l’institution puissante et souvent sans comptes à rendre qu’elle est devenue aujourd’hui. À mesure que la CEE s’est transformée en UE, la Commission a conservé et étendu ses compétences et prérogatives, ce qui a conduit à une accumulation de pouvoirs excessifs, en contradiction avec son objectif initial, en particulier dans une organisation dotée de compétences plus étendues et comptant un nombre croissant d’États membres. Pour rétablir l’équilibre, le rôle législatif de la Commission doit être limité à la rédaction de propositions mettant en œuvre des conclusions du Conseil juridiquement contraignantes, ses prérogatives dans le cadre de la procédure de codécision, telles que l’évaluation des amendements et le retrait des propositions, étant supprimées. Par ailleurs, la représentation extérieure de l’Union, qui a été source de confusion et de tensions, doit être clarifiée. Au niveau des chefs d’État et de gouvernement et dans les enceintes internationales telles que le G7 et le G20, le Conseil européen devrait représenter l’Union, tandis que le rôle extérieur de la Commission devrait se limiter à une représentation au niveau ministériel, strictement sur délégation du Conseil des ministres. 

Laurent Warlouzet

L’instauration d’un organe supranational puissant était prévue dès la Déclaration Schuman du 9 mai 1950. Les prérogatives ambitieuses de la Commission européenne ont été définies dès le Traité de Rome de 1957 (article 155). Elles ont ensuite été appliquées de manière variable en fonction des rapports de force existant à Bruxelles entre la Commission et les Etats-membres.

Proposition 15 : Les prérogatives de la Commission dans le cadre des procédures d’infraction actuelles doivent être définies plus clairement afin d’éviter toute forme d’arbitraire. En outre, la Commission ne devrait jouer aucun rôle dans la mise en œuvre de l’article 7 du TUE concernant l’État de droit. Enfin, la coopération entre les États membres dans des domaines qui ne relèvent pas des compétences exclusives de l’Union, comme le Semestre européen, devrait être coordonnée par le Conseil des ministres plutôt que par la Commission. 

Dans le cadre des procédures d’infraction actuelles, la Commission européenne, en tant que gardienne des Traités, dispose d’un pouvoir discrétionnaire illimité pour engager ou s’abstenir d’engager des procédures d’infraction contre les États membres, sans aucune obligation de justifier ses décisions. Cette prérogative dépassée a conduit à un arbitraire flagrant et à une concentration excessive de pouvoir, nécessitant une réforme urgente. De même, le mécanisme de l’État de droit, conçu et géré par la Commission sans mandat clair, est devenu un outil politisé qui favorise la division au sein de l’Union. Dans le cadre d’une procédure d’un article 7 révisé, la Commission ne devrait jouer aucun rôle. De plus, la « méthode ouverte de coordination » a permis à la Commission de centraliser un pouvoir important sans légitimité, comme on l’a vu dans le Semestre européen, où les recommandations ont de plus en plus d’implications contraignantes liées à des sanctions financières. Pour remédier à cela, toute coopération intergouvernementale en dehors des compétences exclusives de l’Union devrait être coordonnée par le Conseil des ministres, garantissant une approche plus équilibrée et légitime. 

Proposition 16 : Réduire les salaires et les indemnités des fonctionnaires de l’Union, en particulier ceux des plus hauts échelons, tout en renforçant leur responsabilité. Aucun fonctionnaire européen ne devrait percevoir un salaire net mensuel supérieur à 10 000 euros. En outre, pour éviter toute influence idéologique indue, le principe de neutralité au sein de la fonction publique européenne devrait être inscrit dans les traités. La nomination aux postes clés doit respecter les principes de collégialité et de transparence totale. 

La fonction publique européenne est devenue une source de tension et de déficit démocratique en raison de son manque de responsabilité, des salaires excessifs des hauts fonctionnaires et de l’influence idéologique croissante. De nombreux hauts fonctionnaires sont surpayés, avec des salaires déconnectés des réalités des citoyens européens, ce qui alimente un sentiment de détachement et de mépris pour les valeurs démocratiques. Les salaires et les indemnités doivent être réformés, en veillant à ce qu’aucun fonctionnaire européen ne gagne plus de 10 000 euros nets par mois. En outre, la fonction publique, en particulier au sein de la Commission, du Parlement européen et du Service européen pour l’action extérieure, s’est éloignée de la neutralité attendue des fonctionnaires financés par les contribuables. Pour remédier à cela, le principe de neutralité doit être inscrit dans les traités. En outre, le système actuel de nomination et de promotion des hauts fonctionnaires est opaque, trop centralisé au sein du cabinet du président de la Commission et en proie à l’arbitraire, aux conflits d’intérêts et aux jeux de pouvoir. Un processus transparent, fondé sur le mérite et respectant l’équilibre géographique doit remplacer les pratiques actuelles.

VI. Primauté du Conseil européen et du Conseil des ministres 

Proposition 17 : Élever le Conseil européen au rang d’organe décisionnel suprême au sein de l’Union européenne, en lui conférant une position hiérarchiquement supérieure à toutes les autres institutions. Le Conseil européen disposerait d’un pouvoir législatif par le biais de conclusions juridiquement contraignantes qui fixeraient le cadre du droit dérivé. Il servirait également d’arbitre final en matière d’élargissement, d’État de droit (si cette politique devait persister) et de conflits de compétences. En outre, le Conseil européen serait chargé d’examiner et d’approuver officiellement les demandes d’opt-outs des États membres ou la mise en œuvre de mesures conformes à leurs intérêts nationaux. 

Le Conseil européen joue déjà un rôle important dans le cadre de l’Union européenne, mais son autorité doit être renforcée pour qu’il devienne la pierre angulaire politique et juridique de l’Union. Cela est essentiel pour consacrer la primauté de la légitimité et de la souveraineté nationales en tant que principes fondamentaux guidant l’Union. Pour y parvenir, un nouveau traité devrait affirmer la suprématie hiérarchique du Conseil européen sur toutes les autres institutions de l’Union, y compris la Cour de justice européenne. Ses décisions, en particulier les conclusions du Conseil, devraient être juridiquement contraignantes et précises, servant de cadre juridique définitif dans lequel la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil des ministres opèrent.

En outre, le Conseil européen doit agir en tant qu’arbitre ultime sur les questions politiques critiques, y compris les différends sur les compétences, la participation flexible des États membres en fonction de leurs intérêts nationaux et la préservation de leurs mandats démocratiques. Cette réforme est essentielle pour préserver la légitimité démocratique au sein de l’Union, étant donné que la Commission européenne manque de responsabilité démocratique et fonctionne souvent comme une entité bureaucratique autoritaire. Le pouvoir de décision doit être rendu aux États membres, avec le Conseil européen en première ligne, pour qu’il devienne l’arbitre final sur toutes les questions majeures. En reprenant le contrôle d’institutions telles que la Commission européenne et la Cour de justice de l’Union européenne, le Conseil européen peut rétablir l’équilibre et préserver les fondements démocratiques de l’Union. 

Proposition 18 : Le Conseil européen devra avoir la prérogative exclusive de demander la démission du président de la Commission européenne et de nommer un remplaçant. Cette décision sera prise par consensus entre les chefs d’État et de gouvernement, sans nécessiter la consultation ou l’approbation du Parlement européen. 

Actuellement, en vertu de l’article 17(8) du TUE, seul le Parlement européen peut révoquer la Commission européenne, ce qui la rend responsable uniquement devant les députés européens et non devant les États membres. Cela crée un déséquilibre, car la Commission —responsable de la mise en œuvre des politiques de l’Union— devrait répondre directement au Conseil européen, qui représente les gouvernements souverains de l’Union. En transférant ce pouvoir au Conseil européen, cette réforme renforce la légitimité démocratique et garantit que la Commission reste alignée sur la volonté collective des États membres plutôt que sur des groupes politiques supranationaux. Elle renforce également la responsabilité, répondant ainsi aux préoccupations concernant le détachement de la Commission par rapport aux intérêts nationaux. De plus, la suppression du rôle du Parlement européen dans la révocation rationalise la prise de décision et empêche les manœuvres politiques d’entraver les changements de direction nécessaires. Cette réforme réaffirmera la souveraineté nationale au sein de l’Union et restaurera la confiance en garantissant que la Commission reste responsable devant les personnes chargées de mettre en œuvre ses politiques. 

Proposition 19 : Établir la primauté du Conseil européen sur le Parlement européen dans le processus décisionnel législatif en modifiant de manière significative la « procédure législative ordinaire » actuelle (anciennement codécision). Cette réforme permettrait de garantir que, en cas de désaccord, le Conseil des ministres ait le dernier mot. 

Dans le cadre de la procédure législative ordinaire actuelle, le Conseil des ministres et le Parlement européen sont placés sur un pied d’égalité, ce qui sape la souveraineté nationale en tant que principale source de légitimité de l’Union européenne. Pour rétablir cet équilibre, il est essentiel de modifier la procédure ordinaire et de revenir à une version simplifiée de la procédure de coopération établie par le traité d’Amsterdam. Ce mécanisme antérieur permettait d’impliquer le Parlement européen sans lui accorder un statut égal à celui du Conseil, préservant ainsi la primauté des États membres dans la prise de décision. 

Si certains soutiennent que le renforcement du rôle du Parlement européen renforce la légitimité démocratique de l’Union, les dernières années ont montré que cette institution ne tient souvent pas compte du principe de souveraineté nationale, ce qui entraîne des tensions entre les États membres et les structures centralisées de l’Union. Par conséquent, il faut donner la priorité au renforcement et à l’élargissement du rôle du Conseil européen afin de réaffirmer la souveraineté nationale et de fournir la légitimité démocratique nécessaire aux opérations de l’Union. Cette réforme rétablirait un processus législatif plus équilibré et plus fonctionnel, reflétant mieux les mandats démocratiques des États membres.

VII. La fin de l’hégémonie de la Cour de justice de l’Union européenne

Proposition 20 : Redéfinir la Cour de justice de l’Union européenne comme étant principalement une juridiction administrative à deux niveaux, en limitant son rôle et en l’excluant de la résolution des conflits de compétences entre l’Union et les États membres. Ces différends seront plutôt traités en coopération avec une assemblée de pairs composée de cours constitutionnelles ou suprêmes nationales. La Cour de justice européenne n’aura plus le pouvoir d’interpréter les traités ou d’imposer des sanctions financières dans le cadre de procédures d’infraction. En outre, la nomination des juges fera l’objet d’un contrôle plus strict afin d’éviter les conflits d’intérêts, garantissant ainsi que les anciens hauts fonctionnaires de l’Union ne pourront pas exercer les fonctions de juge. 

La Cour de justice de l’Union présente plusieurs problèmes systémiques qui nécessitent une réforme. Premièrement, elle fonctionne sans contrepoids et est exceptionnellement exemptée de la surveillance de la Convention européenne des droits de l’homme. Deuxièmement, elle combine les fonctions d’une cour internationale, constitutionnelle et administrative tout en restant isolée des hautes cours nationales, telles que les cours constitutionnelles ou suprêmes. Bon nombre de ses décisions ne peuvent faire l’objet d’un appel, ce qui centralise davantage son autorité. Troisièmement, la Cour a un historique bien documenté de dépassement de son mandat (« ultra vires ») en empiétant sur les compétences nationales et en interprétant le droit européen avec un parti pris idéologique favorisant le fédéralisme, les idéologies progressistes et l’érosion de la souveraineté nationale. Sa doctrine expansive sur la primauté du droit européen illustre cette ingérence. Pour répondre à ces enjeux, la primauté du droit européen ne doit pas l’emporter sur les constitutions nationales et doit être strictement limitée aux compétences de l’Union. En outre, la Cour ne doit jouer aucun rôle dans les conflits de compétences, le mécanisme de l’État de droit ou les questions concernant l’organisation judiciaire nationale des États membres. Enfin, des normes plus strictes doivent régir la nomination des juges afin d’éliminer les conflits d’intérêts, comme la nomination d’anciens hauts fonctionnaires de la Commission européenne à la Cour. Si de telles nominations peuvent être envisagées pour le Tribunal, elles sont inappropriées pour la Cour de justice elle-même. 

VIII. Le Parlement européen en tant qu’Assemblée consultative : Un rôle secondaire par rapport au Conseil en matière législative 

Proposition 21  : Transformer le Parlement européen en une assemblée principalement consultative, en particulier dans les domaines où les intérêts nationaux sont en jeu, avec un pouvoir législatif limité et subordonné au Conseil des ministres. Son rôle dans l’adoption du budget devrait être supprimé. En outre, le principe de subsidiarité devrait s’appliquer à son fonctionnement, en veillant à ce que les fonctions législatives et politiques du Parlement restent strictement limitées aux compétences de l’Union européenne. 

Le Parlement européen a largement dépassé son rôle initial, ce qui a faussé sa légitimité démocratique et creusé le fossé entre les citoyens européens et leurs représentants, pourtant élus au suffrage direct. Pour remédier à cette situation, le Parlement devrait être réformé en profondeur et ses fonctions et compétences redéfinies. Il devrait avant tout servir d’assemblée consultative plutôt que de co-législateur. Son pouvoir législatif devrait être limité aux domaines non essentiels, tels que le marché intérieur, et toujours rester dans le cadre des compétences de l’Union. En outre, dans le cadre d’une procédure de codécision révisée, le Parlement n’agirait sur un pied d’égalité avec le Conseil des ministres qu’en première lecture. Son pouvoir de créer des commissions d’enquête ad hoc devrait être révoqué, et la composition des commissions parlementaires devrait être soumise à l’approbation du Conseil des ministres. En outre, le rôle du Parlement dans l’adoption du budget devrait être limité à la consultation.

Proposition 22 : Restructurer le Parlement européen en une assemblée mixte composée de membres élus au suffrage direct et de délégations issues des assemblées nationales. Les traités devraient affirmer explicitement la primauté des circonscriptions nationales dans les élections européennes et renforcer l’autorité exclusive du Conseil européen pour nommer le président de la Commission européenne. Le rôle du Parlement européen dans ce processus se limitera à un vote consultatif sur le Collège des commissaires, sans le pouvoir d’élire le président de la Commission. 

La structure actuelle du Parlement européen, bien qu’il soit élu au suffrage direct et que ses compétences aient été élargies, a paradoxalement creusé le fossé entre les citoyens européens et leurs représentants. Il a échoué dans sa mission première qui est d’intégrer les perspectives des citoyens dans le processus décisionnel de l’Union. Pour y remédier, le Parlement devrait être restructuré, au moins partiellement, afin d’inclure des délégations des parlements nationaux, qui sont mieux placés pour combler ce fossé. En outre, tout effort visant à introduire des circonscriptions paneuropéennes ou des listes transnationales devrait être explicitement interdit par les traités. Le rôle du Parlement dans la nomination de la Commission européenne devrait se limiter à un vote consultatif après que le Conseil européen a nommé le président, qui forme ensuite le Collège des commissaires, sous réserve de l’approbation du Conseil des ministres. 

IX. Audit et examen approfondis du budget européen et des projets financés par des fonds publics 

Proposition 23 : Dès l’entrée en vigueur du traité réformé, le Conseil européen procédera à un audit approfondi du budget de l’Union et de tous les projets financés par des fonds publics afin de garantir la responsabilité financière, la transparence et l’alignement sur les intérêts nationaux des États membres. Cet examen visera à identifier : 

  • la mauvaise gestion financière ;
  • l’ingérence politique ; 
  • le traitement préférentiel et les groupes d’intérêt (GIPI – Groupes d’intérêt, de pression et d’influence) ; 
  • la défense de la diversité, de l’équité et de l’inclusion (DEI) ; 
  • les projets non conformes aux intérêts et aux valeurs nationales. 

Afin de garantir l’intégrité et la responsabilité, tous les financements et projets examinés seront temporairement gelés jusqu’à la fin de l’audit. Les résultats de l’audit permettront d’effectuer les réaffectations budgétaires nécessaires, d’apporter les modifications réglementaires requises et de mettre en place des mesures de protection contre toute utilisation abusive future, qu’elle soit financière ou politique. 

Un audit complet du budget de l’Union est essentiel pour rétablir l’intégrité financière et la confiance du public. Le budget étant financé par les cotisations des contribuables des États membres, les ressources doivent être allouées de manière efficace et responsable. Les rapports de la Cour des comptes européenne (CCE) ont mis en évidence à plusieurs reprises des cas de mauvaise gestion, rendant nécessaire un examen structuré pour éliminer les dépenses inutiles et garantir que les fonds de l’Union servent des intérêts nationaux tangibles. Au-delà des préoccupations financières, l’audit examinera le risque d’ingérence politique et déterminera si les fonds de l’Union profitent de manière disproportionnée à des organisations ou des groupes de pression spécifiques (GIPI — Groupes d’intérêt, de pression et d’influence). Les ressources de l’Union ne doivent pas être utilisées pour façonner les paysages politiques nationaux, outrepasser la souveraineté des États membres ou favoriser certains groupes sans justification. L’examen minutieux de ces projets renforcera l’engagement de l’Union en faveur de la neutralité politique, de l’équité et de l’autonomie de ses membres. 

L’allocation croissante de fonds aux initiatives en faveur de la diversité, de l’équité et de l’inclusion (DEI), qui promeuvent souvent des programmes idéologiques qui peuvent ne pas correspondre aux valeurs de tous les États membres, est une préoccupation croissante. En vertu de l’article 4(2) du TUE, l’identité nationale et les traditions constitutionnelles doivent être respectées, ce qui rend impératif de veiller à ce que les dépenses de l’Union soutiennent le développement plutôt que la défense d’une idéologie. En outre, l’examen vise à aligner les dépenses de l’Union sur les priorités nationales. Les projets devraient refléter les réalités locales plutôt que les objectifs centralisés de l’Union. Si certaines initiatives sont jugées non pertinentes ou contraires aux valeurs sociales, économiques ou politiques d’un État membre, leur financement devrait être reconsidéré. Une approche plus ciblée du financement renforcera la légitimité et la confiance du public dans la coopération européenne. 

Afin de préserver l’intégrité du processus, tous les financements en cours de révision seront temporairement gelés. Cette précaution permet d’éviter toute mauvaise gestion supplémentaire tout en garantissant que les ressources financières sont utilisées à bon escient. Les financements essentiels pour les infrastructures critiques, la sécurité et le développement économique resteront protégés, ce qui permettra de procéder aux ajustements nécessaires sans perturber les opérations fondamentales de l’Union. En fin de compte, cette proposition vise à rétablir la discipline financière, à renforcer la transparence et à garantir que les dotations budgétaires de l’Union correspondent aux intérêts des États membres. En éliminant le gaspillage, en empêchant les influences indues et en recentrant les dépenses de l’Union sur des priorités légitimes, le Conseil européen peut renforcer la crédibilité et l’équité du cadre financier de l’Union.

SCÉNARIO II : Un nouveau départ 

a) Tabula Rasa ? Une Union repensée 

Les recommandations proposées dans le chapitre précédent constituent une invitation à réformer le modèle de coopération européenne. Elles se concentrent sur la modification des traités existants de l’Union européenne et sur la refonte du fonctionnement de l’Union (le scénario « Retour aux fondamentaux). Toutefois, ces principes directeurs peuvent également inspirer une approche courageuse et originale, pour un nouveau traité fondateur et un nouvel arrangement, simple et efficace, pour la coopération européenne (le scénario « Nouveau départ »). Les remarques suivantes constituent une esquisse de ce scénario. 

Un nouveau traité de l’Union offrirait l’occasion de laisser derrière nous le paradigme de l’interventionnisme et de la gestion via des mesures réglementaires du milieu du XXe siècle. Ce changement permettrait une structure de gouvernance plus réactive et plus décentralisée qui mettrait en œuvre le principe de subsidiarité de la manière la plus appropriée, promettant d’assurer la compétitivité mondiale et l’adaptabilité les plus élevées de l’économie européenne. Ces mêmes caractéristiques conduisent au retour d’une structure construite autour de communautés d’États souverains en tant qu’acteurs dominants de la nouvelle Union. 

La nouvelle Union offrirait un cadre axé sur la coopération économique, les principes du libre marché, des limites strictes aux interventions réglementaires et le plein exercice des quatre libertés fondamentales (circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux) dans le cadre des garanties du droit international, dans le plus grand respect de la pleine souveraineté des États membres. La structure de la nouvelle Union devrait offrir le plus haut niveau de flexibilité, permettant la réalisation de projets transfrontaliers entre des groupes spécifiques d’États membres. Cette approche créerait des opportunités pour un « marché libre des idées » qui répondrait aux conditions mondiales dynamiques. 

Laurent Warlouzet

La vision néolibérale s’exprime ici à plein, avec une sacralisation des libertés économiques et une absence totale de réglementation, loin des objectifs traditionnels de tous les gouvernements français depuis 1950, qui ont toujours défendu l’équilibre entre la logique de la libéralisation et celle de l’harmonisation des règles.

La liste des principes de coopération (souveraineté nationale, coopération volontaire, révocabilité des programmes de coopération approfondie, nature intergouvernementale de la coopération, attribution de compétences dans le cadre d’un mandat national strict et subsidiarité) devrait être développée en un schéma plus spécifique pour le nouveau modus operandi de l’organisation européenne, centré sur la liberté et la souveraineté. 

  1. Souveraineté nationale. 
  2. Primauté ferme des organes intergouvernementaux sur les organes bureaucratiques avec présomption de la règle de l’unanimité dans le processus décisionnel. 
  3. Intégration basée sur un modèle de différenciation à la carte (projets d’intégration à plusieurs vitesses) et une clause d’opt-out
  4. Garanties formelles solides pour l’exécution des principes d’attribution et de subsidiarité, avec une délimitation claire des compétences de l’organisation et des États membres. 
  5. Affirmation de la primauté des constitutions nationales. 

1. Souveraineté nationale 

Les seuls sujets de droit international seront les États membres souverains, et non la nouvelle Union. La nouvelle Union n’aura pas de personnalité juridique, ni de symboles d’État, tels qu’un drapeau, un hymne, des armoiries ou une devise. La politique étrangère et de défense devrait relever de la responsabilité des États-nations souverains, bien qu’une coordination des actions à dimension économique (par exemple, des sanctions ou des actions humanitaires) puisse être possible dans des situations spécifiques. Il devrait y avoir une disposition explicite dans le nouveau traité stipulant que l’Union n’a aucune compétence en matière politique. De même, le système constitutionnel, l’ordre juridique, la protection des droits et libertés civils, les affaires sociales, la famille, l’éducation, la culture et les questions morales relèveront de la compétence exclusive des États-nations. Il devrait être explicitement inscrit dans le nouveau traité que ni l’Union économique européenne (UEE) ni les États individuels ne sont autorisés à s’immiscer dans les affaires intérieures des autres États membres. 

2. Caractère intergouvernemental de la nouvelle Union

La structure de la nouvelle Union devrait être fondée sur la primauté absolue d’institutions intergouvernementales, aussi rationalisées que possible, avec des processus décisionnels reposant principalement sur l’unanimité (le vote à la majorité qualifiée devrait être une exception, appliquée principalement pour les questions secondaires et formelles) de tous les États membres ou sur l’unanimité des États membres impliqués dans un projet particulier. 

L’organe intergouvernemental permanent (le Conseil), composé des chefs d’État ou de gouvernement, devrait servir d’organe décisionnel unique. Un organe subsidiaire, tel qu’une Conférence des ministres, peut être convoqué si nécessaire ; toutefois, tout arrangement pris par cet organe subsidiaire doit être approuvé par le Conseil. 

Pour assurer le bon fonctionnement du Conseil et superviser la mise en œuvre de ses décisions, ainsi que pour gérer les finances de la nouvelle Union, un Secrétariat exécutif devrait être créé. Ce secrétariat sera un organe purement technique, sans compétence législative ou réglementaire. 

Une Cour européenne d’arbitrage sera créée pour régler les différends entre États membres qui ne peuvent être réglés par le Conseil. Tout différend de compétence ne pourra être soumis qu’à l’examen du Conseil, qui décidera à la majorité qualifiée. Et tout différend sur l’interprétation du Traité ne pourra être réglé que par le Conseil à l’unanimité, en appliquant le principe de présomption de compétence de l’État membre.

La création d’un forum parlementaire (Assemblée parlementaire), composé de délégations nationales des États membres, devrait être envisagée. Les fonctions d’un tel organe seraient purement consultatives et de conseil, sans aucun pouvoir législatif. 

Tous les autres organes ou programmes de l’Union européenne devraient être dissous et leurs pouvoirs transférés soit au Conseil et au Secrétariat exécutif, soit —de préférence— retourner aux États membres. 

3. Volontarisme et réversibilité de la participation aux projets d’intégration approfondie

Le nouveau traité devrait établir un régime juridique flexible, basé sur le modèle de différenciation à la carte, qui permette aux États membres de développer leur coopération à leur propre rythme, s’ils le jugent nécessaire. Parallèlement, il devrait délimiter un domaine de coopération essentiel auquel tous les États membres sont tenus de participer, ainsi que des segments de coopération facultatifs auxquels les États membres peuvent adhérer ou se retirer librement à tout moment. 

L’Union devrait principalement faciliter la coopération entre les États membres dans les domaines de l’économie, de la recherche scientifique et du développement technologique. Dans tous les domaines, il devrait appartenir à chaque État de déterminer avec qui et dans quelle mesure il coopérera, ainsi que d’établir les règles régissant cette « coopération renforcée ». 

Cela pourrait concerner, par exemple, des questions telles que la protection des frontières, la sécurité intérieure (y compris la lutte contre le terrorisme, la lutte contre la criminalité transfrontalière et la lutte contre l’immigration illégale), la sécurité énergétique, la sécurité alimentaire et la protection de l’environnement. La politique étrangère et la politique de défense devraient rester la prérogative des États-nations souverains, bien que la coordination des actions ayant des implications économiques (par exemple, les sanctions ou les initiatives humanitaires) puisse être envisageable dans des circonstances spécifiques. 

4. Réglementation efficace du principe d’attribution 

Le principe d’attribution est présent dans l’actuel traité sur l’Union européenne ; cependant, comme démontré dans la première partie de notre rapport, il n’empêche pas les institutions de l’Union d’étendre leur autorité au détriment de la souveraineté des États membres. Ainsi, le nouveau Traité devrait fournir une garantie solide pour assurer le respect du principe d’attribution dans le cadre de la nouvelle organisation. Il est essentiel d’établir une distinction claire entre les compétences de l’Union économique européenne (UEE) et celles des États membres. 

Le principe fondateur de subsidiarité, qui protège la nouvelle Union d’une centralisation inefficace du pouvoir décisionnel, sera garanti à la fois par une règle d’unanimité et par une option permanente de retrait des projets de coopération approfondie. 

5. Primauté des constitutions nationales

Conformément aux principes du droit international public, les lois nationales des États membres ne doivent pas les empêcher d’exécuter les obligations contractées dans le cadre des nouveaux mécanismes de coopération de l’Union. Néanmoins, avec des garanties procédurales de souveraineté : unanimité et options de retrait ouvertes, primauté des ordres constitutionnels nationaux maintenue en accordant à chaque État membre la possibilité d’adapter la portée de la coopération et de l’intégration aux cadres constitutionnels nationaux et à leurs limites. 

L’introduction des principes de coopération susmentionnés sert de base au cadre du nouveau traité de l’Union, qui conduira à la dissolution de l’Union européenne et à la création de la nouvelle Union. 

La structure détaillée de la nouvelle Union et le plan de transition devront être négociés. Les préparatifs du scénario « Nouveau départ » peuvent être entrepris par tous les États membres de l’Union européenne ou seulement par un groupe d’entre eux. De nombreuses questions spécifiques devront être abordées. Il peut être nécessaire que certaines dispositions de l’Union restent en vigueur pendant une période limitée, et une liste de ces lois devrait être incluse dans une annexe au traité. Le processus de réalignement fondamental de l’Union ne peut pas être accompli du jour au lendemain. Une période de transition et des dispositions détaillées doivent être prévues pour traiter des questions importantes telles que les actifs et passifs de l’Union, y compris la répartition de la dette ; les indemnités de licenciement des employés licenciés ; les obligations de retraite des anciens employés de l’Union, avec le transfert de ces responsabilités aux États membres concernés ; les décisions concernant la poursuite de financement potentiel de projets d’infrastructure très avancés ; et un audit pour la liquidation de l’Union. 

Alors que le scénario « Retour aux fondamentaux » présente une vision réaliste qui peut être réalisée avec la structure existante des forces politiques dans l’Union, le projet « Nouveau Départ » nécessite une nouvelle dynamique politique pour son émergence effective, impliquant non seulement des élites et des dirigeants politiques déterminés, mais surtout un large mouvement populaire.

Examen du rapport par le Professeur Ryszard Legutko

Je tiens à remercier les auteurs de cet important rapport. Il pose, à mon avis, un diagnostic efficace des principaux problèmes de l’Union européenne et identifie les moyens d’y remédier.

Ryszard Legutko, né en 1949, est philosophe et député, responsable du parti Droit et Justice (PiS) au Parlement européen, co-président du groupe des Conservateurs et réformistes européens. Il a joué un rôle important dans l’essor de la pensée politique conservatrice en Pologne depuis les années 1980  : le Centre de la pensée politique (Ośrodek Myśli Politycznej), qu’il a fondé à Cracovie, a alimenté les programmes politiques de la droite polonaise. Plusieurs cadres du PiS sont d’ailleurs d’anciens collaborateurs de ce think tank. Legutko se revendique des penseurs classiques du conservatisme, comme Edmund Burke. Il a échangé tout au long de sa carrière avec des intellectuels conservateurs, britanniques et américains notamment, comme Roger Scruton, récemment décédé. Son ouvrage The Demon in Democracy. Totalitarian Temptations in Free Societies, paru en 2016 (2012 pour l’édition originale polonaise) qui déplore le déclin des valeurs «  traditionnelles  » (familiales, religieuses et nationales) et s’inquiète des dérives du «  politiquement correct  », du «  multiculturalisme  » et de «  l’idéologie du genre  », est emblématique d’une pensée conservatrice largement répandue, mais aussi d’une contribution polonaise à cette pensée  : la thèse défendue par Legutko est celle d’une équivalence idéologique entre l’Union soviétique et la démocratie libérale contemporaine. A l’appui de cette thèse, il mobilise sa propre expérience de la dissidence anticommuniste, puis de la vie politique polonaise d’après 1989. Le livre et son auteur ont été commentés en Europe centrale, aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou encore en Italie. Lire un extrait

Deux phénomènes m’ont toujours frappé à propos de l’Union européenne. Le premier est le fait que l’article 5, qui traite des limites de l’autorité de l’Union et des principes d’attribution, de subsidiarité et de proportionnalité, est en réalité lettre morte, comme en témoigne l’absence de tout litige devant la Cour de justice de l’Union européenne concernant des violations de ces principes. 

Le deuxième phénomène est que l’organisation semble fonctionner au profit des partis politiques plutôt que des citoyens européens. Si l’omnipotence des partis politiques peut être limitée par une réduction de leur autorité, l’absence de responsabilité des députés européens sape leur crédibilité. En fait, dans sa forme actuelle, l’institution est nuisible, et son existence même présente un risque important de devenir un mécanisme de prise de pouvoir par des partis paneuropéens, détachés des électorats nationaux et sans responsabilité envers quiconque. 

Toutes les institutions de l’Union européenne doivent voir leur pouvoir considérablement réduit. Le concept même d’une union politique composée de partenaires si différents en taille et en pouvoir nécessite la mise en place urgente de mécanismes efficaces contre l’autocratie. En cas de conflit d’intérêt entre l’Allemagne et la France, d’une part, et la Slovénie et Chypre, d’autre part, les partenaires plus petits seront toujours dominés, car c’est la nature des choses. Actuellement, le système favorise intrinsèquement l’inégalité de traitement entre les différents pays. Pour masquer cette inégalité flagrante, on a inventé le concept de « leadership », qui, à ma connaissance, n’a aucun fondement dans les traités et qui, en outre, est extrêmement dangereux. Il ne peut y avoir de leadership franco-allemand de l’Union européenne, car une telle institution n’existe pas dans les traités. Prôner un tel leadership invite à l’anarchie et, en fin de compte, à la suppression complète de ce qui reste de la souveraineté nationale. 

Cependant, il existe un concept tout aussi dangereux qui est ancré à la fois dans les traités et dans la Charte : la formule de l’« union sans cesse plus étroite » (ever closer union), qui contredit l’idée de constitutionnalisme. Les constitutions sont censées établir des limites permanentes de compétence entre les institutions, que le concept d’une « union sans cesse plus étroite » brouille, encourageant ainsi le dépassement de ces limites. Comme les auteurs l’ont souligné à juste titre, bien que le traité n’ait pas changé, il y a eu un transfert remarquable de pouvoir des États-nations vers les institutions européennes et les centres de pouvoir informels, tels que ledit « leadership ». C’est l’« union sans cesse plus étroite » en action. 

Le principe de responsabilité, qui est fondamental au parlementarisme, n’existe pas au Parlement. C’est une parodie du parlementarisme lorsque des membres du Parlement, qui ne sont en aucun cas responsables devant l’électorat polonais ou hongrois et qui ne sont soumis à aucune sanction électorale, décident d’imposer des sanctions financières à la Pologne ou à la Hongrie. 

S’il est vrai que les États américains ont moins de pouvoir que les États membres de l’Union européenne vis-à-vis de leurs capitales respectives, le fonctionnement pratique de l’Union européenne repose sur la suppression du pouvoir des États membres, en particulier des plus faibles. Par conséquent, les États américains se sentent plus en sécurité dans leur relation avec Washington que les Polonais, les Hongrois et les autres ne le sont vis-à-vis de Bruxelles. 

La proposition de retirer des pouvoirs à la Cour de justice de l’Union européenne est un pas dans la bonne direction et permettrait de résoudre de nombreuses questions, dont celle du Comité de l’article 255 établi en vertu du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Ce comité est chargé de donner des avis sur l’aptitude des candidats à exercer les fonctions de juge et d’avocat général de la Cour de justice et du Tribunal. Ce comité est un mécanisme de cooptation des juges et devrait être supprimé. En fait, tous les mécanismes de cooptation actuellement présents dans les structures de l’Union européenne devraient être démantelés. 

Enfin, tous les termes ambigus, imprécis et trompeurs devraient être supprimés du langage des traités et des règlements de l’Union européenne. Un exemple typique de ce type de concepts est celui des « compétences partagées », qui peuvent à tout moment être réservées à la seule discrétion de l’Union et retirées des compétences des États membres. Un autre concept préoccupant est le positionnement de la Commission européenne, un organe exécutif n’ayant pratiquement aucune légitimité démocratique, en tant que gardienne des Traités. 

Les suggestions ci-dessus complètent, expliquent et justifient les mesures proposées par les auteurs du rapport et, si elles étaient mises en œuvre, elles permettraient de freiner considérablement la bureaucratie bruxelloise galopante et d’établir un contrôle efficace sur le pouvoir actuel des partis politiques. Je félicite les auteurs pour leur travail et pour cette précieuse contribution à la discussion sur les réformes proposées de l’Union européenne. 

Sources
  1. Voir plus sur l’histoire de l’Union : D. Jacobs, R. Maier, European Identity : Construct, Fact and Fiction in M. Gastelaars, & A. de Ruijter (eds.), A United Europe : The Quest for a Multifaceted Identity. Université d’Utrecht 1998, pp. 13-34.
  2. L’Union européenne dans le nouvel ordre mondial, discours de José Manuel Durão Barroso, président de la Commission européenne de 2004 à 2014, https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/SPEECH_14_612 (22.11.2024).
  3. Ch. J. Bickerton, D. Hodson, U. Puetter, The New Intergovernmentalism : European Integration in the Post- Maastricht Era, Journal of Common Market Studies 2015, vol. 53, n° 4, p. 703.
  4. Par exemple, la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola (https://www.europarl.europa.eu/news/en/press-room/20220429IPR28222/italy-s-prime-minister-draghi-calls-for-faster–eu-integration-to-address-crises). Voir également D. Engels, The European Union and the Decline of the West, or : Determinism or Determination ?, « Erträge » 5/2017, pp. 93-124.
  5. Citation de Teresa Ribera, ancienne Troisième vice-présidente du gouvernement espagnol (2021-2024) et ministre de la Transition écologique (2018-2024), récemment proposée par Ursula von der Leyen au poste de vice-présidente exécutive de la Commission européenne en charge des affaires environnementales, de la transition énergétique et de la concurrence —voir : « We need more Europe against Trump » : La ministre espagnole Teresa Ribera, interview France24 du 16 février 2024, https://www.france24.com/en/tv-shows/talking-europe/20240216-we-need-more-europe-against-trump-spanish-minister-teresa-ribera (26.11.2024).
  6. Cité d’après Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne (2011-2019) et Premier ministre italien (2021-2022) — https://www.europarl.europa. eu/news/en/press-room/20220429IPR28222/italy-s-prime-minister-draghi-calls-for-faster-eu-integration-to-address-crises (22.11.2024).
  7. Contrairement aux célèbres paroles d’Emmanuel Macron lors de son discours au Parlement européen prononcé à Strasbourg le 17 avril 2018 : « Pour faire face aux bouleversements mondiaux, nous avons besoin d’une souveraineté plus grande que la nôtre, mais qui la complète : une souveraineté européenne. »
  8. P. Uhma, The democratic legitimacy of the European Union and its laws : theoretical challenges and practical examples, « Rocznik Administracji Publicznej » 2023 (9). p. 312.
  9. R. O. Keohane, J.S. Nye, The Club Model of Multi-lateral Cooperation and Problems of Democratic Legitimacy, Document préparé pour l’American Political Science Association, Washington D.C., 31 août-3 septembre 2000, p. 2.
  10. W. Wallace, Less than a Federation, More than a Regime : The Community as a Political System, in : H. Wallace et al. (éd.) Policy-Making in the European Community, 1983, p. 403 et seq.
  11. M. Burgess, Federalism and the European Union : the Building of Europe 1950–2000, Routledge 2000, pp. 28–29.
  12. K. L. Schepelle, D. V. Kochenov, B. Grabowska-Moroz, EU Values Are Law, after All : Enforcing EU Values through Systemic Infringement Actions by the European Commission and the Member States of the European Union, Yearbook of European Law 2020, vol. 39, n° 1, p. 13.
  13. A. Dashwood, The Relationship between the Member States and the European Union/Community, Common Market Law Review, vol. 41, Issue 2 (2004), p. 356.
  14. J. Plottka, M. Müller, Enhancing the EU’s Democratic Legitimacy. Short and Long-Term Avenues to Reinforce Parliamentary and Participative Democracy at the EU Level, rapport de l’Institut für Europäische Politik (2020), p. 12.
  15. R. Schütze, From Dual to Cooperative Federalism. The Changing Structure of European Law, Oxford 2009, pp. 13-74.
  16. P. Mair, Popular Democracy and EU Enlargement, East European Politics and Societies 2003, 17(1), p. 62 ; F. W. Scharpf Legitimationskonzepte jenseits des Nationalstaates, in : G. F. Schuppert, I. Pernice, U. Haltern (eds.), Europawissenschaft, Baden-Baden 2005, pp. 705–742 ; A. Føllesdal, S. Hix, Why There is a Democratic Deficit in the EU : A Response to Majone and Moravcsik, Journal of Common Market Studies (2006), Vol. 44, No. 3, pp. 533–562 ; M. Zürn, Politicization compared : at national, European, and global levels, Journal of European Public Policy (2019), Vol. 26, No. 7, pp. 977–995 ; Plottka / Rebmann 2019 ; P. Uhma, The democratic legitimacy of the European Union and its laws : theoretical challenges and practical examples, „Rocznik Administracji Publicznej” 2023 (9), pp.312-314.
  17. J. Hoeksma, The democratic legitimacy of the European Union, The Loop — The European Consortium for Political Research Political Science Blog (2023), https:// theloop.ecpr.eu/the-democratic-legitimacy-of-the-european-union/ (22.11.2024).
  18. J. Plottka, M. Müller, Enhancing the EU’s Democratic Legitimacy. Short and Long-Term Avenues to Reinforce Parliamentary and Participative Democracy at the EU Level, Institut für Europäische Politik report (2020), p. 9.
  19. Ibidem., p. 2.
  20. Ibidem., p. 13, 19-22, 28-29.
  21. P.G. Kielmansegg, Integration und Demokratie in : M. Jachtenfuchs, B.Kohler-Koch (eds.) : Europäische Integration, Wiesbaden 1996, pp. 49–76. Cf. U.K Preuß, Europa als politische Gemeinschaft in : G. F. Schuppert, I. Pernice, U. Haltern (eds.), Europawissenschaft, Baden-Baden 2005, pp. 489–539 ; D. Innerarity, Does Europe Need a Demos to Be Truly Democratic ?, LSE ‘Europe in Question’ Discussion Paper 77, European Institute 2014.
  22. K. Nicolaïdis, Our European Demoïcracy : Is this Constitution a Third Way for Europe ? in : K. Nicolaidis, S. Weatherill (eds.), Whose Europe ? National Models and the Constitution of the European Union, European Studies at Oxford Series 2003, pp.137–152 ; J.W. Müller, The Promise of Demoicracy : Diversity and Domination in the European Public Order, in : J. Neyer, A. Wiener (éd.), The Political Theory of the European Union, Oxford 2011 ; F. Chevenal, F. Schimmelfennig, The Case for Demoicracy in the European Union, Journal of Common Market Studies 2013, Vol. 51, No. 2, pp. 334–350.
  23. K. Nicolaïdis, European Demoicracy and Its Crisis, Journal of Common Market Studies 2012, Vol. 51, No. 2, p. 351.
  24. Cf. Institut Thomas More, Principes, institutions, compétences. Recentrer l’Union européenne, Paris 2019, p. 17.
  25. Institut Thomas More, Principes, institutions, compétences. Recentrer l’Union européenne, Paris 2019, p. 22.
  26. A. Hinarejos, Judicial Control in the European Union : Reforming Jurisdiction in the Intergovernmental Pillars, Oxford 2009, pp. 1–13
  27. M. Kawczyńska, The Court of Justice of the European Union as a law-maker : enhancing integration or acting ultra vires ?, in : M. Florczak-Wątor (ed.) Judicial Law-Making in European Constitutional Courts, London-New York, pp. 203–220. Cf. Institut Thomas More, Principes, institutions, compétences. Recentrer l’Union européenne, Paris 2019, p. 30.
  28. Cf. O. Costa, P. Magnette, The European Union as a Consociation ? A Methodological Assessment, West European Politics (2003), Vol. 26, No. 3, p. 11
  29. M. Cini, The European Commission : An Unelected Legislator ?, Journal of Legislative Studies 2002 8(4), p. 14 et 16.
  30. K. L. Schepelle, D. V. Kochenov, B. Grabowska-Moroz, EU Values Are Law, after All : Enforcing EU Values through Systemic Infringement Actions by the European Commission and the Member States of the European Union, Yearbook of European Law 2020, vol. 39, no. 1, p. 10.
  31. Discours d’Olaf Scholz, chancelier de la République fédérale d’Allemagne, dans le cadre de la série de débats pléniers du Parlement européen « This is Europe », le 9 mai 2023 à Strasbourg, https://www.bundesregierung.de/breg-en/news/address-by-olaf-scholz-2189412 (22.11.2024).
  32. Art. 4 (1) du règlement n° 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union.
  33. La Commission dispose d’un pouvoir discrétionnaire exorbitant dans le cadre de cette procédure, car elle peut décider d’engager ou non une procédure sans être tenue de fournir une justification formelle de sa décision. Cette absence d’obligation de motiver ses actions exacerbe encore les préoccupations concernant la politisation du mécanisme.
  34. P. Uhma, The democratic legitimacy of the European Union and its laws : theoretical challenges and practical examples, „Rocznik Administracji Publicznej” 2023 (9), p. 317.
  35. The EU debate on qualified majority voting in the Common Foreign and Security Policy. Reform and enlargement, Commentaire du Centre for Eastern Studies 2023, https://www.osw.waw.pl/en/publikacje/osw-commentary/2023-10-12/eu-debate-qualified-majority-voting-common-foreign-and (22.11.2024).
  36. Report of Franco-German Working Group on EU Institutional Reform : Sailing on High Seas : Reforming and Enlarging the EU for the 21st Century, Paris-Berlin 2023, pp. 21-29.
  37. Voir par exemple la réponse de la Commission européenne à la question parlementaire n° E-001484/2017(ASW), 15 mai 2017 ; la résolution du Parlement européen du 26 novembre 2020 sur l’interdiction de facto du droit à l’avortement en Pologne (2020/2876(RSP)).
  38. Comme le Parlement européen en cas d’avortement.
  39. Arrêt de la CJUE du 28 novembre 2023 dans l’affaire OP v Commune d’Ans, C148/22.
  40. Par exemple, en 2024, le Parlement européen a exhorté le Conseil à adopter une décision visant à inclure les discours et les crimes de haine parmi les infractions pénales figurant sur la liste de l’article 83(1) du TFUE (résolution du 18 janvier 2024 sur l’extension de la liste des crimes de l’Union aux discours et crimes de haine (2023/2068(INI))).
  41. Par exemple, Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, COM/2020/698 final.
  42. Recommandation de politique générale n°5 révisée de l’ECRI — Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), adoptée le 16 mars 2000, révisée le 8 décembre 2021.
  43. Voir plus sur : EU : Going Full Orwell : : Gatestone Institute, https://www.gatestoneinstitute.org/13532/eu-full-orwell (09.01.2025)
  44. Paragraphe 12 du préambule du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un Marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (Digital Services Act).
  45. L’exemple en est les zones dites vulnérables (utsatta områden) et les zones les plus vulnérables (särskilta utsatta områden) en Suède, généralement dominées par des minorités islamiques immigrées, qui tentent d’imposer leur mode de vie à la population locale, y compris des coutumes contraires à la loi nationale. Il est essentiel de souligner que la Charia est pertinente à la fois pour le droit de l’Union et le droit européen, car certaines dispositions de la Charia sont en conflit avec les droits fondamentaux inscrits dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la Convention européenne des droits de l’homme.
  46. U. Tekiner, The ‘European (Union) Identity’ : An Overview, e-International Relations 2020, https://www.e-ir.info/2020/04/15/the-european-union-identity-an-overview/ (22.11.2024).
  47. B. Sträth, A European Identity : To the Historical Limits of a Concept, European Journal of Social Theory 2002, 5(4), pp. 387-401 ; V. Havel, Is There a European Identity, Is There a Europe ?, Project Syndicate 2000, https://www.project-syndicate.org/commentary/is-there-a-european-identity–is-there-a- europe?barrier=accesspaylog ; A. Shehaj, How Is a European Identity Significant to the Future of the European Union ?, Open Democracy, 2015, https://www.opendemocracy.net/en/ can-europe-make-it/how-is- european-identity-significant-to-future-of-european-union
  48. Wilfried Martens Centre for European Studies report (by A. P. DeBattista), The EU and the Multifaceted Nature of European Identity, Brussels 2022, p. 17.
  49. L. van Middelaar, Pourquoi forger un récit européen ? La politique identitaire en Europe. Nécessités et contraintes d’un récit commun, in A. Arjakovsky (dir.), Histoire de la conscience européenne, Editions Salvator, „ Collège des Bernardins „, 2016, p. 31-56.
  50. J. Pekel, Europeana : Building a European Identity, University of Amsterdam 2011 (Master Thesis), p. 24.
  51. Art. 10 (1) et Art. 51 (2) du Règlement n° (UE) 2024/1348 du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2024 établissant une procédure commune en matière de protection internationale dans l’Union (JO L, 2024/1348).
  52. J. Springford, Europe must choose : Multiculturalism or stagnation ?, Centre for European Reform 2024, p. 5, https://www.cer.eu/sites/default/files/insight_JS_ demo_9.5.24%20%281%29.pdf (22.11.2024).
  53. On constate que, paradoxalement, la doctrine du multiculturalisme est en fait une doctrine d’élimination de la diversité des cultures, entendues comme cultures nationales. Toutes les cultures nationales doivent disparaître, remplacées par une culture commune fondée sur une idéologie gauchiste universelle.
  54. 53 Art. 10 (1) et Art. 51 (2) du Règlement n°(UE) 2024/1348 du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2024 établissant une procédure commune en matière de protection internationale dans l’Union (JO L, 2024/1348).
  55. J. S. Mora-Sanguinetti, J. Quintana, I. Soler, R. Spruk, Sector-Level Economic Effects of Regulatory Complexity : Evidence from Spain, Banco de España 2023, pp. 20-21, https://repositorio.bde.es/bitstream/123456789/29854/1/dt2312e.pdf (21.11.2024).
  56. Voir plus sur ce concept : Institut Thomas More, Principes, institutions, compétences. Recentrer l’Union européenne, Paris 2019, pp. 13-15.
  57. Discours du Premier ministre hongrois Viktor Orbán lors du débat sur le « rapport Sargentini », 11 septembre 2018.
  58. S. Salihu, Sovereignty and Integration in the European Union : Reduction or Unification and Strengthening ?, The Review of European Affairs 2023, vol. 7, no. 1, p. 70.
  59. The Concise Oxford Dictionary of Politics, e-version, https://www.oxfordreference.com/display/10.1093/oi/authority.20110810105138102 (22.11.2024).
  60. Une position similaire a été prise par l’Institut Thomas More, Principes, institutions, compétences. Recentrer l’Union européenne, Paris 2019, p. 28. Selon Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national, la Commission européenne devrait être « un simple secrétariat administratif sans rôle décisionnaire », citation extraite de : Le Rassemblement national revoit de fond en comble sa politique européenne, Les Echos du 15 avril 2019, https://www.lesechos.fr/elections/europeennes/le-rassemblement-national-revoit-de-fond-en-comble-sa-politique-europeenne-1009464
  61. Wilfried Martens Centre for European Studies report (by A. P. DeBattista), The EU and the Multifaceted Nature of European Identity, Brussels 2022, p. 34.
  62. F. O. Reho, Subsidiarity in the EU : Reflections on a Centre–Right Agenda, European View 18/1 (2019), p. 10.
  63. Perspective similaire : Institut Thomas More, Principes, institutions, compétences. Recentrer l’Union européenne, Paris 2019, p. 6.
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