En novembre 2024, les Démocrates ont perdu le Sénat et la présidence. Le Parti de l’ex-président Biden ne contrôle désormais plus une seule branche du gouvernement fédéral, et se retrouve confiné dans un rôle d’opposition dont il peine à tirer profit.
- Passé le choc de la défaite de Kamala Harris et de Tim Walz — qui s’est jouée à quelques centaines de milliers de voix dans une poignée d’États —, le Parti démocrate a approché le deuxième mandat de Trump avec une posture combative, qui devait se manifester principalement par l’opposition à l’agenda fiscal de Trump ainsi qu’au DOGE d’Elon Musk.
- Le 3 février, le leader de la minorité démocrate à la Chambre des représentants, Hakeem Jeffries, dévoilait un « plan de guerre » en 10 points qui devait guider l’action du parti au Congrès et ainsi véhiculer à la base démocrate et aux potentiels électeurs déçus de l’action de Trump l’image d’un parti résilient 1.
Or, les débats au Congrès sur le financement du gouvernement fédéral jusqu’à la fin de l’année fiscale 2025 (le 30 septembre prochain) ont fait voler en éclats l’unité affichée du parti, opposant les élus de la Chambre — traditionnellement plus progressiste, notamment en raison de la durée des mandats — à ceux du Sénat, où le parti est dirigé par Chuck Schumer, un vétéran élu pour la première fois au Congrès en 1981 et jusqu’alors apprécié des électeurs.
- En réunissant suffisamment de voix pour faire passer à la Chambre un texte défavorable aux Démocrates (qui réduit les dépenses non-militaires, soit principalement la sécurité sociale et les aides fédérales, de 13 milliards de dollars par rapport à l’année fiscale précédente), Mike Johnson a placé les Démocrates du Sénat face à un dilemme : voter contre et risquer d’être blâmés pour le shutdown, ou bien voter en faveur, ce qui serait lu comme un soutien implicite au programme de Trump et de Musk.
- Après s’être initialement opposé au texte, Chuck Schumer a fait volte-face quelques heures avant le vote en déclarant qu’il aiderait finalement les Républicains à financer le gouvernement fédéral pour éviter un shutdown. Cette décision a été perçue comme une trahison par de nombreux démocrates du Sénat, de la Chambre (où les démocrates avaient tous voté contre le texte à l’exception d’un élu), mais également par les électeurs.
- Dans sa lettre du 3 février, Jeffries avait explicitement spécifié dès le premier point que toute tentative républicaine visant à « priver de financement des programmes importants pour les Américains ordinaires » devait « être étouffée dans le prochain projet de loi de financement du gouvernement ».
- Suite à la décision de Schumer, plusieurs élus démocrates ont ouvertement appelé à remplacer le chef de la minorité au Sénat. Certains ont notamment exhorté l’élue progressiste de New York, Alexandria Ocasio-Cortez, à se présenter pour le poste en 2028.
Avant même le 13 mars, les électeurs américains signalaient qu’ils étaient très critiques vis-à-vis de la manière dont les Démocrates avaient tenté — en vain — de s’opposer à l’agenda de Trump et notamment au démantèlement par Musk de l’État fédéral. Selon la dernière enquête d’opinion conduite par SSRS pour CNN, la popularité du Parti dans l’électorat américain a atteint son niveau le plus faible depuis au moins 1992 : seulement 29 % des sondés disent avoir une vue « favorable » du parti, et 54 % une opinion défavorable 2.
- L’enquête ayant été réalisée du 6 au 9 mars, celle-ci mesure l’état de l’opinion publique américaine avant la décision de Schumer. Il est à anticiper que la chute de la popularité du Parti pourrait davantage se refléter dans le prochain sondage.
- Celui-ci montre que les attentes des électeurs démocrates vis-à-vis de leurs élus ont radicalement changé ces dernières années. En 2017, près des trois quarts (74 %) disaient vouloir que leur parti travaille avec les républicains au Congrès, et seulement 17 % que celui-ci travaille « contre » le GOP.
- Cette tendance s’est complètement inversée suite au premier mandat de Trump puis de Biden, une majorité (57 %) déclarant en mars 2025 vouloir que les Démocrates œuvrent contre l’agenda républicain, notamment en les empêchant de passer de nouvelles législations.
Les principales voix du Parti démocrate sont actuellement les deux leaders au Congrès, Jeffries et Schumer. Or, aucune de ces deux figures n’envisage une campagne pour l’élection présidentielle de 2028. Ils joueront cependant un rôle de premier plan pour les midterms de l’an prochain.
- Alexandria Ocasio-Cortez et Gavin Newsom, parmi les candidats les plus en vue pour figurer sur le ticket démocrate dans trois ans, semblent tenter des stratégies différentes, avec Ocasio-Cortez qui se positionne de plus en plus comme potentielle candidate pour 2028 — alors que Bernie Sanders, le sénateur progressiste du Vermont, a signalé qu’il ne se re-présenterait pas à la présidentielle 3.
- Début janvier, Ocasio-Cortez avait notamment déclaré : « La raison pour laquelle je pense que les démocrates perdent souvent les élections est que nous sommes trop réflexivement anti-républicains, et que nous ne nous appuyons pas assez fortement sur une vision ambitieuse pour les Américains de la classe ouvrière ».
- Le gouverneur de Californie Gavin Newsom, qui cultive l’image d’un « progressiste pragmatique », est quant à lui allé plus loin en ouvrant son podcast à trois figures de la droite conservatrice : Charlie Kirk, Michael Savage et Steve Bannon 4. Cette décision a suscité de nombreuses critiques au sein du Parti et dans les médias.
Les deux prochaines élections fédérales seront cruciales pour les Démocrates. Si les dynamiques de déplacement interne observées ces deux dernières années se poursuivent (notamment vers le Texas et la Floride), la nouvelle carte électorale qui sera établie suite au census de 2030 favorisera considérablement les Républicains. Les États du nord-est et la Californie, solidement démocrates, perdraient des sièges au profit d’États traditionnellement acquis aux candidats du GOP.
Sources
- Dear Colleague Letter, Hakeem Jeffries, 3 février 2025.
- SSRS March 6-9, 2025, CNN, 16 mars 2025.
- Reid J. Epstein et Katie Glueck, « As the Left Looks to 2028, It Waits on Ocasio-Cortez’s Big Decision », The New York Times, 23 mars 2025.
- Mark Z. Barabak, « With friends like Steve Bannon and Charlie Kirk, Newsom may talk himself to political death », Los Angeles Times, 12 mars 2025.