Dans un contexte d’urgence croissante et à la suite des propos de Friedrich Merz sur « l’indépendance » de l’Europe contre « l’ingérence » américaine, le prochain probable chancelier allemand, les partis susceptibles de former la future coalition en Allemagne – le SPD et la CDU/CSU – envisagent de créer deux fonds spéciaux de plusieurs centaines de milliards d’euros : l’un pour la défense et l’autre pour les infrastructures.

  • Selon des économistes consultés par Reuters, le fonds pour la défense pourrait atteindre 400 milliards d’euros, tandis que celui pour les infrastructures se situerait entre 400 et 500 milliards d’euros 1
  • Les discussions entre la CDU, la CSU et le SPD sont en cours, avec pour objectif d’approuver ces fonds en mars, avant la fin de la législature actuelle, afin d’éviter la minorité de blocage dont dispose l’AfD avec Die Linke.   
  • Aucune décision finale n’a encore été prise.

Le frein à l’endettement, introduit en 2009 sous le premier gouvernement Merkel, limite le recours à l’emprunt par l’État fédéral. 

  • Un récent sondage publié par le Grand Continent révèle que 46 % des Allemands sont favorables à une réforme du frein à l’endettement pour accroître les investissements publics, tandis que 9 % soutiennent son abolition totale. Seuls 41 % souhaitent le maintenir inchangé. Cette volonté de réforme dépasse les clivages partisans, avec un soutien notable parmi les électeurs de la CDU (55 %) et du FDP (41 %), malgré l’opposition officielle de leurs partis.
  • Plus largement, un consensus se dessine en faveur d’une hausse des investissements publics : 56 % des sondés estiment que l’État devrait s’endetter si les économies budgétaires ne suffisent pas, contre 38 % qui préfèrent renoncer aux investissements.

Avec l’effondrement de la coalition gouvernementale sur le budget 2025, la question est devenue particulièrement centrale dans l’espace politique allemand. 

  • Ce changement d’attitude s’inscrit dans un contexte de tensions budgétaires croissantes, marqué par le contournement du frein à l’endettement via des mécanismes hors budget, comme le Fonds pour le climat, invalidé par la Cour constitutionnelle. 
  • Cette décision a contribué à l’effondrement de la coalition Scholz sur le budget 2025, accentuant la pression pour une réforme du cadre budgétaire allemand.
  • Le parti libéral, farouchement opposé, n’a pas par ailleurs dépassé le seuil de voix nécessaires pour entrer au Bundestag. 

Comme le remarque Guillaume Duval, paradoxalement, un leader conservateur comme Friedrich Merz serait mieux placé qu’un dirigeant social-démocrate pour remettre en cause ce dogme austéritaire, en raison de la crédibilité budgétaire dont il bénéficie. 

  • Son accession à la chancellerie pourrait ainsi marquer un tournant historique en Allemagne, en rompant à la fois avec l’atlantisme et l’austérité budgétaire.     
  • Selon les sources citées par Reuters, la réunion houleuse de vendredi,  26 février à la Maison Blanche entre le président ukrainien Volodymyr Zelenskiy et le président américain Donald Trump « a renforcé le sentiment d’urgence à Berlin d’agir plus rapidement en matière de dépenses pour la défense de l’Allemagne et de l’Ukraine ».

Une réforme du frein à l’endettement nécessiterait une majorité des deux tiers au Bundestag, mais l’opposition conjointe de Die Linke et de l’AfD, qui détiennent ensemble un tiers des sièges, complique toute modification constitutionnelle.

  • Face à l’urgence budgétaire, les Verts ont proposé une réforme express avant la fin de la législature actuelle, une idée que Friedrich Merz a initialement jugée envisageable avant de la rejeter. Die Linke, bien que favorable à l’abrogation du frein à l’endettement, refuse toute réforme visant uniquement à financer les dépenses de défense.