Le Venezuela est dans l’incertitude à quelques heures d’une investiture présidentielle contestée qui pourrait déboucher sur un affrontement direct entre le chavisme et l’opposition.

  • Après les élections du 28 juillet 2024, Nicolás Maduro devrait être investi pour un troisième mandat consécutif aujourd’hui, vendredi 10 janvier, malgré les critiques de la communauté internationale et les accusations de fraude électorale  le Conseil national électoral, contrôlé par les partisans de Maduro, a proclamé ce dernier vainqueur avec 51,95 % des voix. L’opposition maintient toutefois sa revendication d’avoir remporté l’élection avec 80 % des suffrages.
  • Edmundo González, candidat de l’opposition qui a rencontré le président américain sortant Joe Biden le 6 janvier, a assuré qu’il reviendrait à Caracas pour renverser les chavistes et être investi président. Il avait quitté le pays dans un avion militaire espagnol en septembre dernier et, le 7 janvier, a signalé l’enlèvement de son beau-fils, Rafael Tudares.
  • Selon une source diplomatique européenne consultée par la revue, Edmundo González tenterait de rallier l’appui de Javier Milei et serait conscient du risque d’aliéner les positions des Mexicains et Colombiens. Plusieurs acteurs de la droite latino-américaine sont en train d’évoquer une intervention militaire au Venezuela, une idée qui pourrait interesser Donald Trump : en effet, pendant son premier mandat le président élu avait déjà demandé à ses généraux si une invasion du Vénézuela était envisageable.
  • La clef de la crise résiderait donc à Washington. Les États-Unis continuent à acheter du pétrole vénézuélien, ce qui permet d’empêcher la totale implosion de l’économie du pays. 
  • Selon Axios, Washington devrait annoncer un nouveau paquet de mesures restrictives avant la fin de la semaine 1.

Pour le moment, la cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, ne s’est pas exprimée sur le sujet. 

  • Si plusieurs États membres reconnaissent la crise démocratique et humanitaire au Venezuela — qui est au cœur de l’actualité en Espagne –, ils considèrent toutefois que celle-ci reste un problème régional et est du ressort des pays d’Amérique latine de prendre l’initiative.
  • En août dernier, suivant ainsi la ligne diplomatique des pays comme le Brésil ou les États-Unis, l’Union a refusé de reconnaître la victoire de Maduro en l’absence de publication des résultats définitifs par bureau de vote.
  • Les 27 n’ont toutefois pas réussi pour le moment à se mettre d’accord pour imposer de nouvelles sanctions sur le Venezuela ou pour reconnaître la victoire de González au-delà de la résolution non contraignante votée au Parlement européen le 19 septembre 2. Selon une autre source diplomatique européenne, « la tragédie du Venezuela est que personne ne doute que Maduro a manipulé les résultats, mais il semble presque inévitable qu’il reste au pouvoir ».
  • Celle-ci ajoute : « Que pouvons-nous faire ? Envahir Caracas pour l’obliger à quitter le pouvoir ? C’est irréaliste. Plus de sanctions ? Le chavisme a toujours préféré se recroqueviller sur lui-même, même en période de crise économique. La solution doit venir de l’intérieur, mais je ne vois pas comment à ce stade ».

L’impasse des Européens pourrait être décrite comme l’échec d’une politique de la carotte et du bâton.

  • En 2017, les 27 ont adopté des sanctions à l’encontre du Venezuela qui incluent notamment « un embargo sur les armes et les équipements destinés à la répression interne » ainsi « qu’une interdiction de pénétrer sur le territoire de l’Union et un gel des avoirs à l’encontre de personnes et d’entités responsables de violations des droits de l’homme et d’atteintes à la démocratie et à l’État de droit au Venezuela ».
  • Les sanctions ont été prorogées en dernier lieu jusqu’au 10 janvier 2025 et il est fort probable que les 27 vont les prolonger. 

Toutefois, une autre ligne s’est dégagée au cours des trois dernières années et l’Union a tenté d’établir un dialogue principalement mené par Josep Borrell, l’ancien HRVP, par la diplomatie espagnole, qui entretient des liens historiques avec le pays, et par le président Emmanuel Macron.

  • Des pays clefs d’Amérique latine tels que le Brésil, la Colombie, le Mexique et l’Argentine (sous l’ancien président Alberto Fernández) ont également pris part à ce dialogue, y compris lors de réunions organisées à Paris.
  • Selon un troisième diplomate européen ayant suivi de près le dossier : « Le chavisme est totalement erratique, il donne des signaux contradictoires. L’Union aurait dû poser des conditions préalables plus strictes avant de s’engager dans une quelconque ouverture, mais cela fait parfois partie de notre naïveté : nous ne rejetons jamais une possibilité de dialogue. Le fait que nous réclamions toujours la publication des procès-verbaux de vote cinq mois après les élections témoigne de notre impuissance. Nous savons tous que Maduro n’a pas l’intention de quitter le pouvoir. Ce n’est pas un échec européen, c’est surtout un échec régional ».
  • Mais, au niveau régional, la médiation du président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva par l’intermédiaire de son conseiller Celso Amorim est également restée sans réponse. Les relations entre Brasilia et Caracas se sont dégradées depuis juillet, et la proposition d’organisation d’un nouveau scrutin émise par Amorim n’a pas abouti.

Ni le président brésilien Lula ni le Colombien Gustavo Petro ne participeront à la cérémonie d’investiture, ce dernier ayant critiqué les arrestations arbitraires du chavisme. Cette distance prise par les voix progressistes latino-américaines ne fait qu’accentuer l’isolement quasi-total de Maduro. Mais elles écartent également la possibilité d’une transition pacifique du pouvoir, alors que ce dernier a redoublé ses efforts d’intimidation en amont de la cérémonie d’investiture.

  • Afin d’empêcher le retour d’Edmundo González dans le pays, le parquet vénézuélien a émis un mandat d’arrêt à son encontre. Les autorités proposent par ailleurs une récompense de 100 000 dollars à quiconque fournirait des informations permettant son arrestation s’il rentrait à Caracas.
  • Des milliers de policiers ont également été déployés et les principales routes menant à la capitale ont été bloquées. Des panneaux à l’effigie de González ont été installés dans les aéroports et points d’entrée du pays. 
  • María Corina Machado, la chef de file de l’opposition, a été arrêtée par le régime hier, jeudi 9 janvier, alors qu’elle avait pris part aux manifestations à Caracas. Les forces de sécurité auraient « tiré sur les motos qui la transportaient », selon un communiqué de son parti Vente Venezuela 3. Elle a été relâchée quelques heures plus tard.

Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche le 20 janvier pourrait-il changer la donne ? 

  • Le prochain secrétaire d’État américain, Marco Rubio, issu d’une famille d’exilés cubains, se montre très critique envers les régimes autoritaires de gauche en Amérique latine, y compris au Venezuela. 
  • Il a qualifié Maduro de dictateur et de trafiquant de drogue, et il est favorable à des sanctions économiques plus sévères contre ce qu’il appelle « le régime chaviste ».