« La fin du net zéro » : à Wall Street, les banques renoncent à leurs engagements en matière de finance verte

Au cours du mois de décembre, quatre des principales institutions financières américaines (Goldman Sachs, Wells Fargo, Citigroup et Bank of America) ont quitté la Net-Zero Banking Alliance (NZBA), une initiative lancée par les Nations unies en avril 2021 dans le cadre de l’Alliance financière de Glasgow pour le net zéro. Hier, jeudi 2 janvier, Morgan Stanley a également mis fin à son adhésion ¹.

• La NZBA est un regroupement de banques ayant signé un engagement consistant à aligner leurs portefeuilles de prêts et d’investissements sur une trajectoire visant à atteindre zéro émissions d’ici 2050.
• Avant cette vague de départs, l’Alliance regroupait 144 banques qui représentaient plus de 40 % des actifs bancaires mondiaux. Celle-ci est majoritairement dominée par des banques européennes, qui représentaient l’an dernier 48,5 % du total des actifs gérés par les membres de la NZBA ².

Pourquoi cette soudaine vague de départs, quelques jours avant l’investiture de Donald Trump le 20 janvier ?

• Les banques américaines craignent que le retour au pouvoir de Trump avec, à sa disposition, un Congrès à majorité républicaine ne conduise à accroître la pression dont ils font l’objet en raison de leurs engagements en matière de transition verte.
• En novembre, 11 États républicains ont porté plainte contre trois gestionnaires d’actifs (BlackRock, Vanguard et State Street), les accusant d’avoir « formé un syndicat et s’être mis d’accord pour utiliser leurs participations collectives dans des entreprises charbonnières cotées en bourse afin d’induire des réductions de production à l’échelle du secteur » ³.

L’implication des institutions financières américaines dans le financement de la transition a fait l’objet de nombreuses attaques républicaines au cours de la campagne présidentielle 2024. Vivek Ramaswamy, qui devrait jouer un rôle de premier plan dans la seconde administration Trump, avait notamment qualifié le PDG de BlackRock Larry Fink de « roi du complexe industriel woke et du mouvement ESG » ⁴.

• La lutte contre les réglementations environnementales et sociales (notamment les politiques DEI) devrait être renforcée à l’échelle fédérale sous Trump II par le nouveau commissaire désigné pour diriger la Federal Trade Commission (FTC), Andrew Ferguson. Dans l’agenda pour la FTC publié par l’équipe de transition de Trump figurent les « enquêtes et la poursuite des collusions en matière de DEI et d’ESG » ⁵.
• La commission judiciaire de la Chambre des représentants, dirigée par le GOP, avait par ailleurs publié en juin 2024 un rapport exposant « la preuve qu’un “cartel du climat” composé de militants écologistes de gauche et de grandes institutions financières s’est entendu pour forcer les entreprises américaines à ”décarboniser” et à atteindre le “net zéro” » ⁶.
• Le rapport pointait du doigt l’implication de la Glasgow Financial Alliance for Net Zero, dont fait partie la NZBA, ainsi que des Big Three : BlackRock, Vanguard et State Street.

Ces revirements dominent également le débat, comme en témoigne le titre du Wall Street Journal en date du 2 janvier : A New Year Resolution Worth Toasting : End Net Zero (« Une résolution pour la nouvelle année qui mérite d’être saluée : La fin du net zéro ») ⁷. Le journal affirme notamment que l’année 2025 pourrait marquer « l’année de la mort définitive du net zéro » car « les conséquences désastreuses des politiques agressives en matière de réduction des émissions ont un effet visible et négatif » et que les électeurs commencent à les sanctionner.

Zéro émission nette implique que les émissions de gaz à effet de serre soient réduites aussi près que possible de zéro. La rapidité avec laquelle les pays atteindront cet objectif déterminera l’ampleur du réchauffement climatique au niveau mondial. Pour le limiter à 1,5°C conformément à l’accord de Paris, cet objectif de zéro émission nette devrait être atteint d’ici 2050.