Vous travaillez sur Donald Trump depuis 2004, lorsqu’il était la star de sa propre émission de téléréalité, The Apprentice. Vous avez également eu l’occasion de le rencontrer à plusieurs reprises. Comment l’avez-vous vu évoluer au cours des 20 dernières années ?
Je ne pense pas que Donald Trump ait beaucoup évolué.
J’ai commencé à l’interviewer au moment du lancement de The Apprentice, une émission de téléréalité très populaire diffusée de 2004 à 2015 aux États-Unis. Trump était alors la star de l’émission, dans laquelle il organisait des jeux afin de tester les capacités des candidats à travailler pour lui s’ils gagnaient l’émission.
The Apprentice est devenu très populaire dès 2004 et j’ai commencé à l’interviewer lorsque j’étais journaliste à Newsweek, puis je l’ai à nouveau rencontré après son départ de la Maison-Blanche en 2021. Nous avons alors discuté pendant de nombreuses heures, pour un total de six entretiens entre 2021 et 2023.
Ce que j’ai constaté au cours du temps, c’est que Trump est toujours resté la même personne. Il regarde toujours le monde à travers le prisme de la téléréalité, de la célébrité et d’Hollywood. Lorsque je l’ai interviewé après son départ de la Maison-Blanche, j’ai pris conscience d’à quel point il n’était pas une personnalité politique traditionnelle. Il ne s’intéressait pas aux questions de gouvernance ou à la politique mais au show-business, à l’audimat et à la possibilité de continuer à jouer ce personnage inclassable, larger-than-life, qu’il avait forgé dans The Apprentice.
Lorsque vous avez commencé à le rencontrer à nouveau pour votre livre, Apprentice in Wonderland (HarperCollins, 2024), Trump sortait de son deuxième procès en destitution en lien avec son rôle joué le 6 janvier 2021. On pourrait penser qu’à cette époque, il était plus inquiet vis-à-vis de sa carrière politique. Pourtant, vous écrivez qu’il était en fait très heureux de vous rencontrer pour parler de son émission.
C’est exact. Il était très intéressé par l’idée de me parler de The Apprentice car il considérait que c’était une partie très importante de sa vie. Ce qui est tout aussi fascinant, c’est qu’il était le plus heureux et le plus engageant lorsque nous parlions de l’émission — même s’il avait beaucoup de rancunes vis-à-vis de la manière dont il avait été traité après avoir quitté la Maison-Blanche. Il était à ce moment-là plus solitaire et ne faisait plus autant d’apparitions médiatiques qu’à l’époque où il était président. Il semblait découragé et en manque d’attention. Il continuait alors à affirmer sans relâche que l’élection lui avait été volée, que les résultats étaient faux et que Biden n’aurait pas dû gagner. Il s’était senti trahi par de nombreuses personnes, en particulier par Hollywood et par les célébrités. Il avait l’impression de ne pas avoir reçu la reconnaissance qu’il méritait.
J’ai passé un temps considérable à l’écouter se plaindre de la manière dont les gens l’avaient lésé ou ne l’avaient pas apprécié. Il s’étendait sur ses querelles avec des célébrités, des présentateurs de la chaîne télévisé MSNBC ou Debra Messing, de la série Will & Grace. Trump se plaignait du fait que, pendant The Apprentice, lui et Messing entretenaient une relation amicale mais qu’une fois qu’il a été élu président, elle aurait commencé à le critiquer sur Twitter.
Le plus frappant, avec Trump, c’est cette obsession pour les querelles people. Elles en disent long sur ses priorités et sur sa fixation sur la célébrité. Pour lui, la célébrité n’est pas seulement un intérêt fugace et conjoncturel, c’est un principe directeur : c’est le prisme à travers lequel il gouverne. Elle le préoccupe à un tel point qu’elle en vient à le consumer. La célébrité est constamment dans son esprit, elle influence ses actions et ses décisions.
Il est redevenu beaucoup plus énergique lorsqu’il a annoncé qu’il se présenterait à nouveau à l’élection présidentielle et qu’il est revenu sous les feux des projecteurs. Alors que les problèmes judiciaires s’accumulaient — c’était pendant son procès pour fraude civile à New York — il semblait tout simplement heureux d’être à nouveau au centre de l’attention et que les gens parlent de lui.
Comment se déroulaient les rencontres avec lui ?
La première série de réunions s’est déroulée dans son bureau de New York, à la Trump Tower. Je m’asseyais avec lui et nous parlions de The Apprentice, puis il passait soudainement à la politique, à sa vie personnelle, évoquait ses souvenirs de l’époque où il était à la Maison-Blanche. Il ne s’intéressait pas tant aux détails de la politique qu’à la façon dont ses actions étaient perçues et à la reconnaissance qu’il en retirait — ou pas.
Pour l’une de nos séances, j’ai apporté une compilation de 11 minutes de clips de The Apprentice, que nous avons regardés ensemble. Il n’avait pas vu ces séquences depuis des années et était totalement captivé. Regarder l’émission lui redonnait de l’énergie. Il était très fier de la façon dont il était représenté à l’écran. Son visage s’illuminait littéralement lors de la scène d’ouverture de l’émission. Lorsque Melania faisait de l’humour à l’écran, il rayonnait de fierté. Il était revigoré par les images de lui en train de « virer » des candidats dans la salle de réunion de Trump Tower (la célèbre boardroom).
The Apprentice occupe toujours une place importante dans son esprit. Cela m’est apparu très clairement lorsque nous avons regardé ces séquences ensemble : il considère cette émission comme un élément essentiel de son héritage.
Diriez-vous que la santé mentale de Donald Trump s’est détériorée ces dernières années ?
Je pense que sa mémoire n’est certainement plus aussi vive qu’avant. Il était très rancunier pendant la période que nous avons passée ensemble, et obsédé par les gens qui le trahissaient. J’ai effectivement remarqué un changement dans sa santé mentale entre les années 2000, lorsqu’il avait la soixantaine, et 2023, lorsque je l’ai rencontré pour la dernière fois pour mon livre.
Quelle était la réputation et l’image dont jouissait Trump au début des années 2000, lorsque The Apprentice a été diffusé pour la première fois ? Comment était-il perçu par le public à cette époque ?
À l’époque, Trump n’était pas très connu au niveau national. Les Américains connaissaient peut-être son nom ou savaient qu’il était promoteur immobilier à New York, mais la plupart d’entre eux ne savaient pas grand-chose de lui personnellement. En fait, la plupart des candidats de la première saison de The Apprentice étaient bien plus intéressés à l’idée de rencontrer Mark Burnett, qui était devenu extrêmement populaire grâce à son émission Survivor, que Donald Trump.
Je me suis entretenu avec Eric Trump, son fils, qui reconnaît lui aussi le tournant qu’a constitué The Apprentice dans la vie de son père : il notait que beaucoup de gens croient à tort que Trump est passé directement de l’immobilier à la politique. Eric considère que The Apprentice a joué un rôle crucial dans la formation de l’homme politique qu’il est devenu par la suite, qui lui aurait conféré une « aura de star ». C’était la pièce manquante du puzzle qui l’a transformé en la figure que nous avons vue en campagne une décennie plus tard.
Pour ceux qui ne connaissent pas l’émission, je pense qu’il est essentiel de la regarder et de l’étudier car elle présente Trump comme ce personnage exubérant qui juge les candidats, fait des déclarations audacieuses et dit ce qu’il pense. Il est montré à l’écran comme quelqu’un d’effronté, qui s’écarte des conventions.
Or au long des 14 saisons, des dizaines de millions d’Américains ont été biberonnés à cette version de Trump sur leurs télévisions. Grâce au montage et à la façon dont il était présenté, il apparaissait à la fois comme quelqu’un de sympathique et d’autoritaire — jouant le rôle d’un homme d’affaires « intelligent » qui connaît un grand succès. Les caméras ont emmené le public dans ses bureaux, son luxueux appartement au dernier étage de Trump Tower et sa vie privée. Elles ont montré sa petite amie de l’époque, Melania, qui est devenue plus tard sa femme, et également des moments avec ses enfants, Ivanka, Don Jr. et Eric, qui ont tous joué le rôle de juges dans l’émission.
The Apprentice a donné aux téléspectateurs un aperçu de la vie de Donald Trump, mettant en lumière une facette de l’homme qui a touché beaucoup d’Américains parce qu’il était souvent drôle, direct et tranchant dans ses jugements. Ce portrait a contribué à construire l’image publique qui lui a permis d’accéder à la présidence. Lorsqu’il s’est présenté en 2016, Trump évoquait un sentiment de familiarité : les gens avaient l’impression de savoir qui il était et ce qu’il représentait. Ils étaient attirés par l’image qu’il avait soigneusement élaborée grâce à The Apprentice.
Comment qualifieriez-vous le rôle joué par Mark Burnett et Jeff Zucker, les producteurs de The Apprentice, dans l’ascension de Trump ?
Je pense que Mark Burnett et Jeff Zucker ont tous deux joué un rôle très important dans la construction de l’image de Donald Trump qui l’a aidée à devenir président en 2016. Ils ont créé cette perception d’un Trump très doué, puissant et décisif — largement construite par le montage et la production de The Apprentice.
Il est intéressant de noter que la carrière de Jeff Zucker a de nouveau croisé celle de Trump lorsqu’il est devenu président de CNN. Zucker a d’abord accordé à Trump une large exposition médiatique pendant les premières étapes de la campagne présidentielle de 2016. Une grande partie de cette couverture n’était pas très critique au début, en partie parce que Zucker connaissait Trump et comprenait que celui-ci lui ramènerait de l’audimat. En fait, Zucker a présenté Trump comme candidat de la même manière qu’il l’avait présenté comme star de téléréalité, reconnaissant l’audience qu’il apportait à la chaîne.
Les électeurs de 2020 ont-ils encore voté pour le Trump qu’ils avaient vu dans The Apprentice — ou ont-il été plus attirés par le « divertissement » constant qu’a procuré son premier mandat ?
Je pense qu’il s’agit d’une combinaison des deux. Dans The Apprentice, Donald Trump était dépeint comme un homme de spectacle, un showman. Il cherchait à divertir, à captiver et à créer de l’engagement avec son public. Il a appris qu’en faisant des déclarations scandaleuses et en incarnant ce personnage exubérant, les spectateurs auraient par la suite envie de regarder à nouveau l’émission pour voir ce qu’il allait bien pouvoir faire ou dire dans l’épisode suivant. Il utilise la même approche aujourd’hui dans sa campagne, où il parle de sujets qui vont d’Hannibal Lecter aux requins, danse lors de ses rallys et utilise un langage parfois très violent pour s’attaquer à ses adversaires — tout cela en accord avec son personnage à l’écran.
De nombreux spectateurs qui se sont familiarisés avec Donald Trump grâce à l’émission ont développé une forme de proximité avec lui. Ils ont cru en son sens des affaires. Cette familiarité a non seulement renforcé mais aussi cultivé sa personnalité en tant que candidat. Un candidat de The Apprentice avec lequel j’ai discuté me faisait remarquer que Trump jouait essentiellement un rôle dans l’émission, incarnant le personnage d’un puissant magnat des affaires. Pendant notre discussion, il reconnaissait que la frontière entre le personnage de Trump et la personne de Trump devenait de plus en plus floue. Trump a habité ce personnage si pleinement qu’il a semblé se confondre avec son identité. Ce candidat me disait qu’il avait eu du mal à distinguer le moment où Donald Trump avait cessé d’être un personnage. Cette transformation a fini par façonner sa personnalité, alimentée par son enthousiasme face au succès de l’émission.
Une deuxième présidence Trump ressemblerait-elle davantage à une deuxième saison qu’à un deuxième mandat ?
Lorsque Donald Trump a été élu en 2016, il avait une connaissance limitée de Washington et cela s’est vu dans le chassé-croisé constant des nominations politiques au cours de son administration. Il embauchait puis renvoyait les gens, reflétant son comportement dans l’émission The Apprentice — il s’épanouissait dans la répétition du « you’re fired ».
J’imagine toutefois que, fort de son expérience, s’il était à nouveau élu il s’y prendrait différemment ; il n’y aurait peut-être pas autant de chaos que lors de son premier mandat.
Comment décririez-vous le rôle que la télévision et The Apprentice ont joué dans la transition de Trump du monde de l’immobilier à sa première campagne politique en 2016 ?
La télévision a joué un rôle crucial dans cette transition. Donald Trump est indéniablement un produit de la télévision ; il comprend l’importance des médias, l’art de raconter des histoires aux journalistes et l’importance d’obtenir une couverture médiatique. Bien qu’il n’ait pas disposé des mêmes fonds de campagne qu’Hillary Clinton en 2016, il a su tirer parti de sa capacité à dominer les ondes, s’assurant ainsi d’être constamment au centre de l’actualité.
Sa victoire peut certainement être attribuée à sa maîtrise de la manipulation des médias — il a utilisé efficacement les caméras et l’attention pour se positionner au centre du récit. Son omniprésence dans le paysage médiatique pendant la campagne de 2016 lui a permis de gagner en maintenant une grande visibilité et une exposition publique.
Trump a appris le pouvoir de la télévision grâce à son expérience de la télé-réalité, qui lui a appris à construire son histoire de manière efficace. Il est devenu très habile dans la manière dont il utilise les médias pour communiquer son message et capter l’attention du public — tout en sachant que les chaînes de télévision continueraient à l’inviter pour le spectacle et à le qualifier de « machine à faire de l’audimat ». Tout récemment, par exemple, il a fait parler de lui en travaillant dans un McDonald’s en Pennsylvanie. C’est un parfait exemple de la façon dont il utilise son personnage de télé-réalité pour attirer les caméras et susciter des conversations à son sujet.
Qui a appris à Trump les ficelles de l’industrie des médias ?
Donald Trump n’avait pas beaucoup d’amis dans l’industrie du divertissement pour lui montrer comment naviguer dans le show-business. Le personnage clé qui lui a appris les ficelles du métier est Mark Burnett. En tant que producteur exécutif de The Apprentice, Burnett s’est présenté à Donald Trump avec le concept de l’émission dont il lui a proposé de devenir la star.
Ce qui est crucial, c’est la façon dont l’émission a été montée pour présenter Trump comme un homme puissant, intelligent, réfléchi et sympathique. Le montage a joué un rôle central dans l’élaboration de son personnage à l’écran. Si Donald Trump prenait la tangente ou faisait des commentaires qui n’avaient pas de sens, les monteurs agissaient comme un filet de sécurité, s’assurant que le final cut le présente comme un magnat des affaires avisé ayant réponse à tout.
Si l’on considère Donald Trump avant tout comme une célébrité plutôt que comme un homme politique, comment pensez-vous qu’il perçoive sa relation avec J. D. Vance ? Serait-il prêt à partager le podium avec son colistier encore plus qu’il ne le fait actuellement ?
Donald Trump a toujours cherché à rester au sommet, pas seulement pour un temps mais en tant que présence déterminante. Il tient à faire les choses à sa manière et à être au centre de l’attention. Lorsqu’il a choisi Mike Pence comme colistier, il s’agissait en grande partie d’un compromis pour le parti républicain — après tout, Pence était un politicien conservateur traditionnel, très favorisé par le vote évangélique. Ce choix visait à apaiser la base du parti.
Le choix de J. D. Vance est d’un tout autre ordre. Trump n’a pas considéré Vance comme un compromis ; il a vu en lui un allié loyal qui aiderait à maintenir les projecteurs braqués sur Trump lui-même. Je pense qu’il existe des parallèles entre la manière dont Trump sélectionnait les gagnants dans The Apprentice et les raisons pour lesquelles il a choisi Vance.
Dans son émission, Trump recherchait des candidats susceptibles de renforcer son image — des personnes qui ne le défieraient pas et ne lui feraient pas d’ombre, qui pourraient jouer le rôle de soutiens indéfectibles. J. D. Vance, dans la même veine, s’est avéré être un fervent défenseur de Trump, à la fois pendant la campagne et lors d’entretiens dans les médias. Son rôle semble davantage consister à renforcer l’image de Trump qu’à affirmer sa propre voix.
Cette situation contraste avec celle de Mike Pence qui, bien qu’il s’aligne généralement sur Trump, a eu des moments de prise de décision indépendante. Pence a par exemple certifié les résultats des élections de 2020 contre la volonté de Trump — déclenchant en partie l’insurrection du 6 janvier. Avec Vance, Trump a quelqu’un de plus aligné sur ses objectifs et prêt à soutenir pleinement son agenda.
Trump ne craint-il pas que, contrairement à J. D. Vance — qui semble plus intéressé à fournir une colonne vertébrale idéologique au mouvement MAGA — on ne se souvienne de lui que comme d’un chapitre bizarre de l’histoire des États-Unis ? Se préoccupe-t-il de son héritage ?
Une telle question sort du cadre de ce à quoi Donald Trump prête attention : il ne considère pas J. D. Vance comme un personnage susceptible de lui faire de l’ombre ; il le voit plutôt comme quelqu’un qui est fermement dans son camp et qui est prêt à le suivre.
Si Trump gagne, Vance est en mesure d’avoir une influence significative sur l’avenir de la politique américaine — en particulier compte tenu de l’âge de Trump et du fait qu’il ne pourra exercer qu’un seul mandat supplémentaire. Cependant, la question clef que beaucoup se posent est la suivante : qu’est-ce que J. D. Vance ? Que veut vraiment J. D. Vance ? Quelle est exactement son idéologie ? Avant d’être choisi comme colistier de Trump, Vance semblait avoir une position politique distincte. Mais en tant que candidat à la vice-présidence de Trump, il s’est étroitement aligné sur le programme de ce dernier — reléguant ses propres opinions au second plan.
À l’heure actuelle, mieux vaut attendre pour savoir quels sont les véritables objectifs de Vance et comment sa philosophie politique pourrait évoluer à l’avenir.
Trump a déclaré publiquement qu’il ne se représenterait pas s’il perdait les prochaines élections. S’il est élu la semaine prochaine, il ne pourra pas se présenter pour un troisième mandat en 2028. Qu’envisagez-vous pour Donald Trump dans les années à venir ?
Il est vrai qu’il a déclaré que, s’il perdait, il ne se représenterait pas — mais il avait déjà fait une déclaration similaire en 2020. La raison pour laquelle il se présente à nouveau à l’élection présidentielle est qu’il n’a pas trouvé d’alternative viable : il se nourrit d’exposition, de pouvoir et d’attention. Il a entrevu un moyen de revenir à la Maison Blanche compte tenu de la faiblesse perçue des autres candidats républicains en 2024 — et l’a saisi : pour lui, la présidence est un moyen de rester sous les feux de la rampe.
Compte tenu des difficultés judiciaires croissantes auxquelles il est confronté, il considère probablement la présidence comme un bouclier, un moyen de consolider sa base et d’affirmer son influence. À l’heure actuelle, il ne semble pas envisager d’avenir au-delà de sa carrière politique, ce qui explique sa décision de se représenter. S’il ne gagne pas, la suite est incertaine — mais elle pourrait être sombre pour lui.
En 2020, bien qu’il ait affirmé qu’il n’avait pas perdu, il s’est quelque peu retiré des yeux du public, passant son temps entre New York et Mar-a-Lago, opérant davantage en coulisses. S’il perd à nouveau la semaine prochaine, je m’attends à une trajectoire similaire — il ne sera pas aussi visible.
Je ne pense pas qu’il soit particulièrement intéressé par l’élaboration de l’idéologie politique américaine au-delà de sa candidature à la présidence. S’il perd, cela pourrait marquer la fin de sa carrière politique. À quelques jours du scrutin, je pense toutefois qu’il y a de fortes chances qu’il gagne.
Dans Rage, Bob Woodward fait référence à une conversation au cours de laquelle Jared Kushner a dit aux conseillers de la Maison Blanche que, pour vraiment comprendre son beau-père, il fallait lire Alice au pays des merveilles car Trump incarne les traits du chat du Cheshire. Que retenez-vous de cette analogie ?
J’ai trouvé cette comparaison assez intéressante dans le livre de Bob Woodward. J’irais même jusqu’à pousser plus loin l’analogie. Selon Jared Kushner, Trump est comme le chat du Cheshire — quelqu’un qui se nourrit d’imprévisibilité, qui fait délibérément douter les autres et qui crée parfois le chaos pour son propre plaisir.
Dans mon livre, j’utilise le monde d’Alice au pays des merveilles pour illustrer le concept plus large d’une réalité déformée : Trump semble croire que le personnage qu’il a créé dans l’émission The Apprentice n’est pas seulement un personnage, mais une vraie personne. Et nous avons tous été forcés de vivre avec les conséquences de cette création — un personnage né de la télé-réalité.
Comme dans le récit de Lewis Carroll, où Alice tombe dans le terrier du lapin et se retrouve dans un pays déformé, la présidence de Trump nous a plongés dans une réalité tout aussi déformée. Une star de la télé-réalité dirigeait la Maison-Blanche, bouleversant fondamentalement les normes politiques et les attentes que nous avions à l’égard de la présidence. Les traditions, le décorum et même la manière dont le président des États-Unis était censé se comporter — tout cela a été remodelé.
Les quatre années de mandat de Trump ont ressemblé à une émission de téléréalité continue. S’il gagne à nouveau, nous devrons vivre cette réalité alternative une fois de plus.
C’est pour cela que je pense que pour vraiment comprendre Trump, il faut comprendre et regarder The Apprentice. C’est la plateforme qui a façonné son image et fait de lui un mythe aux yeux du public, jetant les bases de sa carrière politique. Mon livre, Apprentice in Wonderland, se penche sur cette question en explorant l’influence de l’émission et la construction de l’image de Trump à travers elle.