La Géorgie est l’État où la marge entre Biden et Trump a été la plus faible en 2020 : le candidat démocrate l’a emporté avec seulement 0,24 points d’avance — soit 11 779 voix. C’est également à partir de l’exemple de ce désormais swing state du sud-est du pays, Biden étant devenu le premier démocrate à gagner la Géorgie depuis 1992, que Trump a lancé ses accusations infondées de « fraude électorale massive » en 2021.

  • Cette année, la Géorgie fait ainsi partie des sept États les plus susceptibles de déterminer le résultat du scrutin. Comme dans les autres swing states, les sondages prédisent un écart trop faible pour départager les deux candidats (1,4 point d’avance pour Trump au 24 octobre).
  • Contrairement à la plupart des États où le vote anticipé est disponible sans justification, le taux de participation en Géorgie est pour le moment supérieur à ses niveaux de 2020 et 2022 : 2,16 millions d’électeurs ont déposé leur bulletin au 24 octobre, soit 250 000 de plus que lors de la précédente présidentielle.
  • Si ces chiffres ne fournissent pas d’indications concrètes quant au candidat à qui cette hausse de la participation pourrait le plus bénéficier, ils témoignent néanmoins des efforts des campagnes à mobiliser leurs électeurs.

Cette augmentation significative du nombre de votes anticipés s’explique notamment par le changement du discours républicain — et de Trump en particulier. Si le vote anticipé existe depuis le fondement des États-Unis (avant de s’établir au moment de la guerre civile), le candidat républicain a martelé à de multiples reprises durant la campagne de 2020 que tout bulletin déposé en amont de l’élection ou envoyé par courrier constituait une fraude.

Cette année, Trump et son entourage ont encouragé les électeurs républicains à voter par tous les moyens disponibles.

  • En Géorgie comme dans de nombreux États, c’est principalement le taux de participation qui pourra faire bouger les lignes et favoriser un candidat plutôt qu’un autre. Or, depuis 1845, toutes les élections présidentielles américaines se tiennent le mardi suivant le premier lundi du mois de novembre — ce qui fait des États-Unis l’une des seules démocraties au monde où les électeurs votent un jour ouvré.
  • Cette tradition décourage de nombreux électeurs, principalement démocrates, dont l’électorat repose notamment sur des personnes parmi les plus précaires qui ne peuvent se permettre de perdre une journée de travail pour se rendre aux urnes.
  • En 2020, 85 % des voix de Biden en Géorgie correspondaient à des bulletins déposés avant le jour de l’élection, contre 75 % pour Trump1. Pour 2024, la campagne du candidat républicain a réussi à convaincre Trump qu’un discours encourageant à voter de manière anticipée permettrait de réduire l’écart avec les démocrates, maximisant les chances du GOP de remporter l’État2.

La victoire démocrate de 2020 est principalement attribuable au playbook popularisé par la chef de file démocrate à la Chambre des représentants de Géorgie, Stacey Abrams. Celui-ci présentait la Géorgie comme un État artificiellement républicain : en poussant plus d’électeurs afro-américains, hispano-américains et asiatiques à s’inscrire sur les listes électorales, les Démocrates seraient en mesure de l’emporter. Cette stratégie a porté ses fruits lors de la présidentielle, mais pas lors des élections de 2022.

  • Il y a deux ans, les Républicains ont maintenu leur contrôle du Sénat et de la Chambre. Ils ont également remporté tous les postes soumis à des élections : gouverneur, secrétaire d’État, lieutenant-gouverneur, commissaire à l’agriculture, au travail, aux assurances et surintendant des écoles.
  • C’est cependant le contrôle républicain de la commission électorale de l’État qui inquiète le plus les Démocrates. En amont de l’élection, cette instance composée à majorité de membres trumpistes a modifié des règles existantes relatives au décompte des bulletins ainsi qu’à la certification des élections.
  • Selon Abrams, « en cas de litige prolongé sur le décompte des voix, la Géorgie pourrait manquer la date limite du 11 décembre pour la certification des résultats du collège électoral ». L’élection serait alors décidée par la Chambre des représentants, garantissant la victoire à Donald Trump3.

Avec 16 grands électeurs, la Géorgie pourrait bien déterminer le vainqueur de l’élection. L’État est cependant également susceptible de constituer un terrain d’affrontement juridique portant sur la certification des résultats du scrutin. La Géorgie est le seul État où les bulletins de vote de l’élection de 2020 ont été comptés à deux reprises (d’autres États ont procédé à des recomptes au niveau des comtés), conduisant à un recul de l’avance de Biden de 12 670 à 11 779 voix4.

Sources
  1. Peter Biello, « What’s behind Georgia’s record-breaking early voting turnout », Georgia Public Broadcasting, 21 octobre 2024.
  2. Olivia Rinaldi, « How Trump changed his stance on absentee and mail voting — which he used to blame for election fraud », CBS News, 27 avril 2024.
  3. Ari Berman, « How Republicans Could Block a Democratic Victory in Georgia », Mother Jones, 19 septembre 2024.
  4. Vote Recounts and Election Contests in Battleground States, Stanford-MIT Healthy Elections Project, juin 2021.