L’Espagne ne sera pas représentée mardi 1er octobre à l’investiture de la présidente élue du Mexique, Claudia Sheinbaum, en signe de protestation contre le refus d’inviter le Roi Felipe VI.

  • Dans un communiqué publié le 24 septembre, le ministère espagnol des Affaires étrangères a fait part de son intention de « ne pas participer à l’investiture, à quelque niveau que ce soit ».
  • Ce sera la première fois dans l’histoire récente qu’aucun représentant espagnol ne participera à l’événement. Le gouvernement de Madrid qualifie la décision des équipes de Sheinbaum d’« inexplicable » et d’« inacceptable ».

En réponse, celle-ci a publié une déclaration sur ses réseaux sociaux confirmant que la raison du refus d’inviter le Roi Felipe VI est basée sur l’absence de réponse du monarque espagnol à une lettre signée par le président mexicain encore en fonction, Andrés Manuel López Obrador, en 2019, dans laquelle il soulignait la nécessité d’excuses publiques de la part du royaume d’Espagne pour les violences et les violations exercées contre les populations indigènes pendant la colonisation.

  • La lettre, datée du 1er mars 2019, appelait à un travail bilatéral au plus haut niveau entre les deux pays afin de « reconnaître publiquement et officiellement les torts causés » aux peuples indigènes mexicains.
  • Celle-ci n’avait pas reçu de réponse du Roi, bien que le ministère espagnol des Affaires étrangères ait déclaré que l’histoire ne peut pas être jugée avec un regard contemporain. Des experts constitutionnels consultés par le Grand Continent expliquent que l’article 97 de la Constitution espagnole exempte la couronne de l’obligation de rendre compte directement, car les actions de politique intérieure et extérieure sont dirigées par le gouvernement, et non par le Roi.

En 2020, le président mexicain avait envoyé une lettre similaire au Vatican, demandant au pape François de s’excuser pour la répression des peuples indigènes par l’Église catholique. 

  • La lettre, datée du 2 octobre, avait été remise par l’intermédiaire de l’épouse d’AMLO, Beatriz Gutiérrez, un jour avant le 12 octobre — fête nationale espagnole qui célèbre les liens unissant l’hispanité.

Ces deux lettres marquent un changement clef dans les relations diplomatiques du gouvernement mexicain d’AMLO.

  • Les autorités mexicaines ont indiqué que le refus d’inviter le Roi Felipe VI ne signifie pas s’opposer au peuple espagnol. Cependant, cet argument se heurte à des contradictions, selon la diplomatie espagnole.
  • La Constitution de l’Espagne consacre le Roi comme chef de l’État, représentant de la nation et de sa continuité. D’après l’article 56, le Roi « assume la plus haute représentation dans les relations internationales, en particulier avec les nations de sa communauté historique ». En d’autres termes, le refus d’inviter le Roi concerne la plus haute représentation de l’Espagne.

Des diplomates espagnols ont déclaré au Grand Continent qu’une invitation adressée au Premier ministre ne peut en aucun cas être confondue avec celle du chef de l’État.

  • Pedro Sánchez ne peut donc pas  assister à l’investiture à la place du Roi — une idée inconcevable pour les autorités dans le cadre de la monarchie parlementaire espagnole.  
  • Le Roi a participé à l’investiture du président Andrés Manuel López Obrador en 2018 à l’invitation des autorités mexicaines. Il a également assisté en décembre dernier à l’investiture du président argentin Javier Milei et à celle du président de la République dominicaine Luis Abidaner en août.

Malgré la controverse, le gouvernement espagnol n’a pas annoncé de mesures diplomatiques autres que sa non-participation à l’événement.

  • Le ministre des Affaires étrangères espagnol, José Manuel Albares, se présentera devant le Congrès à sa propre demande pour expliquer la décision de ne pas envoyer de délégation officielle au Mexique. La date n’a pas encore été fixée.

Lors d’une conférence de presse le 25 septembre, Claudia Sheinbaum a insisté pour que les autorités espagnoles expliquent pourquoi elles n’avaient pas répondu à la lettre de López Obrador visant à renouveler les liens historiques entre le Mexique et l’Espagne.

  • Elle a également fait allusion à la générosité du Mexique pendant la guerre civile espagnole (1936-1939) en accueillant les exilés du camp républicain après la victoire de Franco. « Pour le gouvernement que je dirigerai à partir du 1er octobre 2024, la reconnaissance des peuples indigènes est fondamentale pour continuer à avancer dans la transformation de la vie publique », a-t-elle déclaré.
  • Historiquement, l’Espagne et le Mexique entretiennent des relations diplomatiques étroites. Les deux pays ont promu et piloté le format de dialogue du sommet ibéro-américain, qui réunit aujourd’hui 22 pays, représentant l’Amérique latine,  l’Espagne et le Portugal. 

Vladimir Poutine a été invité à l’investiture malgré l’invasion russe à grande échelle de l’Ukraine.

  • Selon les médias russes, Poutine n’y participera pas. Celui-ci est sous le coup d’un mandat d’arrêt délivré par la Cour pénale internationale (CPI) en mars 2023 pour crimes de guerre, notamment pour la déportation illégale d’enfants ukrainiens vers la Russie.
  • Le Mexique ayant ratifié le Statut de Rome, les autorités mexicaines seraient dans l’obligation d’arrêter Vladimir Poutine.
  • Le président russe n’a cependant pas été arrêté par les autorités mongoles lors de sa visite dans le pays au début du mois de septembre.