Le pape François a entamé, de lundi dernier 2 septembre et jusqu’au 13 septembre prochain, le plus long voyage apostolique de son pontificat, en Asie du Sud-Est et dans l’archipel australasien. Au cours de ce périple, il doit se rendre dans pas moins de quatre pays : l’Indonésie (3-6 septembre), la Papouasie-Nouvelle-Guinée (6-9 septembre), le Timor Oriental (9-11 septembre) et Singapour (11-12 septembre). Si chacun de ces États recouvre plusieurs dimensions d’importance pour le Saint-Siège — rôle du dialogue interreligieux et de la coexistence mutuelle en Indonésie, le plus grand pays musulman au monde ; place hégémonique du catholicisme au Timor Oriental ; proximité du monde chinois à Singapour, pour ne citer que les plus évidents — la Papouasie apparaît à bien des égards comme un monde à part, extrêmement mal connu des Européens. Pourtant, la présence et la mission de l’Église catholique en Papouasie ont en quelque sorte valeur de laboratoire des attitudes nouvelles que le pape aimerait voir adopter dans l’Église universelle qu’il appelle de ses vœux : une Église des périphéries, en sortie, un « hôpital de campagne » au service du bien commun. 

1 — La place du christianisme en Papouasie-Nouvelle-Guinée

Le christianisme occupe une place centrale en Papouasie-Nouvelle-Guinée, deuxième plus grand pays du Pacifique par sa population et sa superficie (462 840 km2) après l’Australie, mais qui demeure pourtant extrêmement mal connu. Le pays, indépendant de l’Australie depuis 1975, membre du Commonwealth, occupe la partie orientale de la grande île de Nouvelle-Guinée ainsi que plusieurs îles et archipels environnants — Bougainville, Nouvelle-Bretagne, Nouvelle-Irlande, Îles Trobriand, Îles Bismarck, etc.

Selon les derniers recensements, 98 % des 10 à 17 millions d’habitants que compte le pays — il n’existe aucun recensement fiable — se déclarent chrétiens. Ce chiffre et le succès du christianisme sont extrêmement étonnants du fait de l’histoire récente de cette religion en Papouasie-Nouvelle-Guinée, qui n’y est arrivée qu’à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle. C’est en effet la partie du monde qui a été colonisée le plus tardivement et les Hautes Terres du centre du pays, pourtant une des parties les plus densément peuplées, n’ont été « découvertes » par les Occidentaux que dans les années 1930.

2 — La présence chrétienne en Papouasie-Nouvelle-Guinée

Comme dans beaucoup d’îles du Pacifique, les missionnaires chrétiens ont précédé la colonisation, sans forcément la préparer.

C’est en 1847 que la première mission catholique, composée de religieux issus de la congrégation des Pères maristes, s’installe sur la côte sud de la Nouvelle-Guinée. Par la suite, l’Île est divisée entre les Hollandais à l’Ouest, les Allemands dans le Nord-Est, baptisé Kaiser Wilhelms Land jusqu’en 1918, et les Britanniques (partie sud-est de l’île), voient arriver des missionnaires protestants de différentes dénominations : Luthériens dans la partie allemande, Anglicans et méthodistes dans la partie britannique, etc. 

Depuis les années 1970, ce sont plutôt les missionnaires évangéliques américains qui sont arrivés en nombre en Papouasie-Nouvelle-Guinée

3 — Les principales confessions du pays

Aujourd’hui, les confessions majoritaires de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, dont 98 % des habitants se déclarent chrétiens, se répartissent entre protestants (74 %) et catholiques (26 %). Les confessions protestantes sont elles-mêmes éclatées en de nombreuses dénominations :  Luthériens (18 %), Adventistes du 7ème Jour (13 %), Pentecôtistes (10 %),  United Church  méthodiste (10 %), Alliance Evangélique (6 %), Anglicans (3 %), Baptistes (3 %) et de nombreux autres groupes de taille moindre. Les religions traditionnelles animistes ont pratiquement disparu en tant que telles. 

Mais ces chiffres ne doivent pas masquer la survivance, aux côtés de la foi chrétienne, de nombreuses croyances et pratiques animistes, qui subsistent sur le mode du syncrétisme.

4 — Le rôle social des Églises chrétiennes dans le pays aux mille tribus

Les quelque 200 Églises et organisations chrétiennes présentes dans le pays y occupent une place incontournable.

Le christianisme est souvent présenté comme une référence commune, un ciment qui permet à ce pays jeune et pauvre de faire nation, ce qui constitue un défi en soi alors que la population encore très rurale (à 85 %) est divisée en un très grand nombre de groupes ethniques et linguistiques : la Papouasie compte pas moins de 839 langues — détenant le record mondial de langues parlées dans un seul État. Certaines d’entre elles n’ont pas encore été décrites par les linguistes, et beaucoup ne sont parlées que par un nombre infime de personnes. Diverses familles de langues très différentes coexistent en Papouasie, quand d’autres constituent tout bonnement des isolats linguistiques.

Le christianisme est souvent présenté comme une référence commune, un ciment qui permet à ce pays jeune et pauvre de faire nation.

Jean-Benoît Poulle, Clément de la Vaissière

Par ailleurs, les Églises y sont généralement populaires. Elles sont réputées pour leur immersion dans les cultures du pays — sans nier que leur attitude face aux pratiques traditionnelles ait pu parfois être intolérante, voire violente. Les missions ont joué un grand rôle pour mettre fin à des coutumes sanglantes comme l’anthropophagie et pacifier le pays, notamment les Hautes Terres, qui étaient déchirées par d’incessants conflits tribaux, qui demeurent encore nombreux aujourd’hui.

Très souvent, et à l’exemple des stratégies missionnaires adoptées par l’Église catholique en Afrique, ce sont des catéchistes laïcs d’origine papoue, eux-mêmes formés par des missionnaires occidentaux, qui ont évangélisé l’intérieur des terres. Aujourd’hui les Églises se sont largement acculturées et comptent un très grand nombre de pasteurs, prêtres ou missionnaires d’origine papoue. Les missionnaires — notamment le Summer Institute of Linguistics, SIL, ONG évangélique américaine dont le but principal est la traduction de la Bible et l’évangélisation à travers l’étude, le développement, la documentation des langues dites « minoritaires » — ont mené un immense travail de documentation des centaines de langues locales et de traduction de la Bible — intégralement ou en partie — dans ces langues.

Le pape Jean-Paul II est accueilli par des habitants des Hautes Terres de Papouasie-Nouvelle-Guinée lors de sa visite au mont Hagen, en Nouvelle-Guinée, sur cette photo d’archives datant du 8 mai 1984. © AP Photo. «  Depuis le concile Vatican II en effet, et surtout depuis les pontificats de Paul VI et de Jean-Paul II, l’Église met en valeur l’inculturation, c’est-à-dire l’effort d’adaptation du message évangélique aux réalités culturelles et civilisationnelles des pays où elle s’implante.  »

Les Églises et organisations chrétiennes remplissent aussi un rôle de service public dans ce pays pauvre où la corruption est endémique et les institutions étatiques notablement déficientes. Une grande partie de la population n’a pas accès à l’électricité, aux routes, ni aux soins médicaux. Ce sont souvent les missionnaires qui gèrent les hôpitaux, les dispensaires de santé, de même que des compagnies d’aviation qui relient les communautés rurales isolées au reste du pays. Un grand nombre de structures éducatives (70 % des écoles du pays) sont financées et gérées par les Églises ou  des ONG chrétiennes, souvent de provenance anglo-saxonnes (américaines, australiennes, etc.). Les Églises sont aussi très actives dans les ONG de lutte contre la pauvreté et la violence endémique, notamment celle liée aux accusations de sorcellerie. Dans une société pauvre, soumise à des bouleversements socio-économiques très forts en quelques décennies, des personnes — en majorité des femmes — servent de boucs émissaires et sont accusées de sorcellerie, parfois torturées ou exécutées sommairement. On estime qu’environ 200 victimes sont ainsi tuées par an, peut-être même davantage.

5 — Les risques d’instrumentalisation politique du christianisme en Papouasie

Le président actuel James Marape s’appuie sur le christianisme pour asseoir sa légitimité. Contesté lors d’émeutes violentes en janvier 2024 qui ont fait 22 morts (une grève de la police ayant entraîné le chaos dans la capitale), James Marape a pour projet depuis février 2024 d’inscrire l’identité chrétienne du pays dans la constitution. Il essaie de fédérer les habitants autour de ce projet de nation chrétienne, déclarant qu’il voulait faire de la Papouasie la « plus riche nation noire chrétienne ». Dans la même veine, une version de la King James Bible vieille de 400 ans avait été placée au centre du parlement en 2015.

James Marape, lui-même adventiste du 7ème Jour, se place avec ce projet dans une vision du monde très influencée par celle des milieux évangéliques américains. Il reflète le poids croissant que prennent les Églises évangéliques dans le pays et leur tentative de redéfinir une certaine identité chrétienne en Papouasie, dont beaucoup de traits se rapprochent du fondamentalisme.

Adventiste du 7ème Jour, le président James Marape a pour projet depuis février 2024 d’inscrire l’identité chrétienne du pays dans la constitution.

Jean-Benoît Poulle, Clément de la Vaissière

Dans le contexte de rivalité entre la Chine et les États-Unis dans le Pacifique, le christianisme évangélique est un atout de soft power important des états-Unis, notamment dans les milieux évangéliques conservateurs, proches de la mouvance MAGA de Donald Trump. La Chine investit quant à elle à coups de milliards dans l’extraction de ressources naturelles, notamment des mines de cuivre. Mais, inexpérimentée et hostile sur le terrain religieux, elle ne peut pas jouer sur le relais d’influence considérable que constitue le christianisme évangélique.

Ce n’est donc pas un hasard si James Marape est aussi notablement proche Benjamin Netanyahou. Les Adventistes du 7ème jour respectent eux-même le Shabbat et révèrent en Israël le peuple qui a conservé et transmis le message divin originel. En septembre 2023, la Papouasie Nouvelle Guinée a ainsi été le cinquième pays à ouvrir une ambassade à Jérusalem (après les Etats-Unis, le Guatemala, le Honduras et le Kosovo). Depuis la tragédie du 7 octobre, la Papouasie a voté à chaque fois contre un cessez-le-feu à Gaza aux Nations Unies.

6 — La Papouasie : « terre de mission » pour une Église « jeune »

Les missions catholiques furent les premières à s’implanter en Papouasie : les Pères maristes établissent la première mission en 1847 tout à l’Est de l’île avant que le relais ne soit pris par une autre congrégation masculine bien moins nombreuse, les Missionnaires français du Sacré Coeur d’Issoudun, dirigés  par le Français Alain de Boismenu (1870-1953), et établis dans l’île en 1881. Mais dans beaucoup de zones du pays (côte nord, Hautes Terres centrales), la présence catholique date surtout d’après la Deuxième Guerre mondiale, ce qui en fait une Église extrêmement jeune.

François n’est pas le premier pape à se rendre en Papouasie. La communauté catholique, établie sur la côte de la Nouvelle Guinée et dans les îles environnantes, a été très marquée par la guerre, où les forces d’occupation japonaises ont martyrisé plusieurs missionnaires et catéchistes locaux, dont le bienheureux Peter To Rot (1912-1945), qui a continué à prendre soin de sa communauté chrétienne locale dans l’île de Nouvelle-Bretagne sous occupation japonaise et qui a fini exécuté. C’est cette figure que le pape Jean Paul II avait notamment mise à l’honneur lors de son déplacement dans le pays en 1995. 

7 — Le catholicisme en Papouasie comme illustration de la notion « d’inculturation »

Dans cette Église très jeune, de nombreux catholiques pratiquent une religion très syncrétique, mêlant les rites et croyances anciennes aux enseignements et pratiques catholiques. Cette propension au syncrétisme est accentuée par le fait que les prêtres couvrent souvent des territoires immenses, et ne peuvent pas demeurer au quotidien auprès des fidèles. En cela, l’Église de Papouasie-Nouvelle-Guinée est confrontée aux mêmes défis que l’Église catholique en Amazonie — une région chère au cœur du pape François, au point qu’il a organisé à Rome en 2019 un synode entièrement dédié à elle.

L’évangélisation s’est beaucoup faite et continue de se faire par le biais de catéchistes locaux, des laïcs mariés investis de responsabilités pastorales, d’abord convertis par des missionnaires occidentaux. Ils exercent de nombreuses tâches pastorales dans les villages. L’Église catholique en Papouasie se veut donc très inculturée en faisant la part belle à la dignité des nombreuses cultures et tribus du pays.

Depuis le concile Vatican II en effet, et surtout depuis les pontificats de Paul VI et de Jean-Paul II, l’Église met en valeur l’inculturation, c’est-à-dire l’effort d’adaptation du message évangélique aux réalités culturelles et civilisationnelles des pays où elle s’implante. Cet effort a pu connaître différentes traductions théologiques ou liturgiques, l’incorporation de concepts ou d’éléments rituels — danses, chants — dans les célébrations catholiques. Par là, l’Église a tenté de rompre l’assimilation, hâtive quoique souvent fondée, entre évangélisation et colonisation. Déjà le pape Pie XII (1939-1958) avait rappelé que l’Église catholique ne pouvait pas s’identifier seulement à la culture occidentale.

Dans cette Église très jeune, de nombreux catholiques pratiquent une religion très syncrétique, mêlant les rites et croyances anciennes aux enseignements et pratiques catholiques.

Jean-Benoît Poulle, Clément de la Vaissière

Aujourd’hui le clergé est pour une part constitué de missionnaires étrangers, pour une autre part de prêtres, religieux et religieuses locaux, natifs de Papouasie. L’archevêque papou de Port Moresby, John Ribat (né en 1957) a notamment été créé cardinal par le pape François en 2016. Il est le premier Papouan-néo-guinéen à obtenir cette dignité.

8 — L’Église catholique de Papouasie face au défi de la mouvance évangélique

C’est dans ce cadre de valorisation des cultures autochtones que la conférence des évêques du pays s’est opposée à l’inscription de l’identité chrétienne dans la constitution. En cela, elle se montre fidèle aux grandes orientations décidées à Vatican II, lorsque l’Église catholique avait abandonné sa prétention à toute reconnaissance officielle comme religion d’État, sanctionnée dans les constitutions nationales, et avait œuvré à leur abandon dans les pays catholiques où elle détenait une telle prééminence publique, au nom de la défense commune de la liberté de religion. Décelant sans doute derrière ce projet le reflet des manœuvres d’une certaine mouvance évangélique américaine, la Conférence des évêques de Papouasie a déclaré s’opposer à cette mesure qui « obscurcit et efface même notre identité mélanésienne unique […] au lieu de la reconnaître la célébrer et la perfectionner à travers l’Évangile »1.

Le Premier ministre de Papouasie-Nouvelle-Guinée, James Marape le vendredi 18 novembre 2022. © Rungroj Yongrit/Pool Photo via AP. «  Adventiste du 7ème Jour, le président James Marape a pour projet depuis février 2024 d’inscrire l’identité chrétienne du pays dans la constitution.  »

En effet, un des principaux défis que doit affronter l’Église catholique en Papouasie est la concurrence des groupes évangéliques dans le pays, dont beaucoup prêchent une théologie de la prospérité, qui enseigne que la richesse matérielle comme le succès professionnel sont un signe d’élection divine, voire une récompense, doctrine à laquelle s’oppose fermement l’Église catholique. Elle reproche à cette tendance minoritaire de vouloir imposer ses vues, et plus largement, de faire tendre le pays vers un fondamentalisme chrétien non-dénominationnel.

L’Église catholique en Papouasie ne s’implique en principe pas dans la politique partisane. Pour jouer un rôle actif dans la société, elle privilégie l’engagement social, en particulier contre la violence, la corruption et le sous-développement, et en faveur des droits de l’Homme. L’Église est présente dans des zones très rurales et reculées où, comme on l’a vu, elle assure nombre de missions de service public, à l’instar des Églises protestantes, avec lesquelles, globalement, elle collabore en bonne intelligence. 

On peut notamment mentionner à cet égard le rôle de la Catholic Church Health Service, organisation de l’Église qui gère des hôpitaux et de nombreux dispensaires —jusqu’à 20 % des infrastructures de santé du pays seraient gérées par cette organisation —, parfois dans des zones très reculées. En sus de cela, 3000 écoles, et une université — l’Université du Verbe Divin de Madang — sont gérées par l’Église.

9 — Une Église périphérique comme source d’inspiration pour l’Église catholique à l’échelle mondiale

Il peut sembler surprenant que le Pape François, bientôt âgé de 88 ans et affaibli physiquement — il rencontre notamment de grandes difficultés à marcher — aille visiter ce pays des confins, où Jean-Paul II s’était néanmoins rendu par deux fois, en 1984 et 1995. La visite en Papouasie prend place dans le cadre d’un voyage plus long qui lui fait visiter aussi l’Indonésie, le Timor oriental et Singapour, et qui constitue jusqu’à présent son plus long déplacement. À travers cette visite, le Pape François veut témoigner qu’il se tient aux côtés d’une Église jeune, pauvre, missionnaire, en marge et qui lui est particulièrement chère — à l’instar de la toute jeune Église catholique de Mongolie qu’il a visitée en 2023. C’est en somme une Église des périphéries extrêmes qu’il veut mettre à l’honneur, et également une Église « hôpital de campagne », pour reprendre deux images qu’il emploie fréquemment.

Décelant derrière ce projet le reflet des manœuvres d’une certaine mouvance évangélique américaine, la Conférence des évêques de Papouasie a déclaré s’opposer au projet d’inscription de l’identité chrétienne de la Papouasie-Nouvelle-Guinée dans la constitution.

Jean-Benoît Poulle, Clément de la Vaissière

Par ce déplacement, le pape valorise ainsi une Église qui saurait épouser et transcender les particularismes de chaque pays et de chaque culture et qui s’immerge dans les réalités locales. François rendra notamment visite à un monastère de religieux masculins sur la côte nord du pays à Vanimo. Le Père Alejandro Diaz, le missionnaire argentin de l’Institut du Verbe Incarné, qui est en charge de ce monastère, explique dans un article à Vatican News qu’il a l’habitude de chasser le cerf avec les villageois des alentours, notamment pour nourrir les pèlerins qui viendront pour la visite pontificale : « Il y a beaucoup d’animaux ici, il y a déjà quinze jours nous avons eu une bonne chasse. On a des panneaux solaires et on met dans le congélateur. Avec huit à dix cerfs, nous aurons de quoi nourrir ceux qui viennent de là-bas »2.

C’est aussi une Église laboratoire des formes nouvelles d’évangélisation au XXIe siècle que le Pape veut mettre à l’honneur. Il avait déjà mis en avant ce thème lors du synode sur l’Amazonie en 2019, où il avait notamment prôné de nouvelles manières d’évangéliser supposément davantage en harmonie avec les cultures et modes de vie locaux. En Papouasie, en l’absence d’un clergé suffisant pour les besoins pastoraux, ce sont souvent les catéchistes locaux, des hommes mariés et non des prêtres, qui lisent l’Écriture, président des célébrations non sacramentelles, et distribuent la communion. Par là, certaines solutions locales pourraient avoir valeur d’exemple pour l’Eglise universelle, car le problème du manque de clergé se fait de plus en plus  criant en Occident.  Cette Église jeune est encore une Église oecuménique, qui entretient de bonnes relations de travail avec les autres Églises protestantes.

L’Église de Papouasie Nouvelle Guinée est également une Église « hôpital de campagne », notion chère au Pape François, au chevet de la population. Le Pape ira notamment voir pendant sa visite des enfants des rues de la capitale, Port Moresby, touchée par des poches de grande pauvreté. Il devrait plaider contre la violence, pour plus de justice sociale et de redistribution dans un pays miné par la corruption et le sous-développement.

10 — L’arrière-plan diplomatique et écologique de la visite de François

Un autre aspect que le Pape mettra probablement en avant est l’importance de sauvegarder la Création, la « Maison Commune », notion qu’il avait développée dans l’encyclique Laudato Si’ (2015). La Papouasie est en effet un pays qui possède une des plus grandes biodiversités au monde avec une faune et une flore endogène,  et compte beaucoup de forêts primaires et de montagnes vierges d’activités humaines. Néanmoins, cette richesse naturelle est menacée par les différents projets d’extraction des matières premières (or et cuivre), notamment au profit des Chinois, Australiens, Indiens ou Américains, en échange de promesses de développement et de retombées économiques locales souvent mal tenues.

On peut enfin se demander si le Pape aura un mot sur la situation en Nouvelle-Guinée Occidentale ou Irian Jaya, province indonésienne qui constitue la moitié ouest de l’île de Nouvelle-Guinée, sans froisser cependant le président indonésien Joko Widodo, avec lequel les relations sont plutôt cordiales. La majorité papoue,  chrétienne également, y est en effet soumise à une répression et une violence croissantes de la part du gouvernement indonésien qui combat une guérilla indépendantiste réclamant la sécession de la province. De nombreux habitants de la Papouasie occidentale ont prévu de franchir la frontière pour assister à la visite papale3.  Dans le même temps, des craintes se font jour sur sa situation écologique, alors que de vastes plantations et des mines défigurent une partie de cette province.

Sources
  1. Asia News, « Catholic Church tells politicians, not to put Christian sectarianism in the constitution », 24 avril 2024.
  2. Antonella Palermo, « L’arrivée du Pape est une caresse pour l’âme confie un missionnaire en Papouasie », Vatican News, 31 août 2024.
  3. Mikael Corre, « Que va faire François en Asie du Sud-Est et en Océanie ? », La Croix, 3 septembre 2024.