L’élection présidentielle qui s’est déroulée hier, dimanche 28 juillet, au Venezuela dans un contexte particulier, s’inscrit dans un processus de transition démocratique qui a commencé dans les années 1970 en Amérique latine.

  • Au cours de la troisième vague de démocratisation, entre 1978, date des élections en République dominicaine, et 1994, date à laquelle ont eu lieu ce qu’on a appelé les « élections du siècle » au Salvador, les transitions démocratiques de gouvernements autoritaires ont été marquées par des processus électoraux assez transparents, approuvés par la communauté internationale et, fondamentalement, dont les résultats ont été acceptés par toutes les parties impliquées.
  • Dans cette vague d’appels aux urnes, le processus nicaraguayen est peut-être le plus pertinent dans la mesure où il était question d’une « double transition » : de l’autoritarisme des Somozas au régime révolutionnaire à parti unique du Sandinismo, et de ce dernier à une démocratie plurielle et compétitive.
  • Les élections de février 1990, au cours desquelles Violeta Barrios de Chamorro l’a emporté sur Daniel Ortega avec un taux de participation de 86 %, ont constitué le point culminant de ce moment. Les sandinistes ont quitté le pouvoir, mais pas le contrôle des forces armées, et ont récupéré une grande partie des biens qu’ils avaient gérés au pouvoir dans ce que l’on a appelé « la piñata ».
  • Ironie de l’histoire, trois décennies plus tard, une faction dirigée par Ortega lui-même a commencé à mettre en place un nouveau régime autoritaire — qui a abouti à la situation que nous connaissons actuellement au Nicaragua. 

Dans le cadre d’un exercice d’analyse comparative, l’élection qui s’est déroulée au Venezuela ce dimanche 28 juillet peut s’inscrire dans ce scénario. Il faut effectivement rappeler que l’élection présidentielle vénézuélienne ne s’est pas déroulée dans un contexte démocratique. Au contraire, elle s’inscrit dans un processus de consolidation autoritaire qui est en cours depuis plusieurs années.

  • La principale figure de l’opposition de ce scrutin est María Corina Machado. Celle-ci n’a pas été autorisée à se présenter car elle a été accusée de détournement de fonds et de corruption.
  • Le candidat qui s’est présenté contre Maduro est Edmundo González Urrutia — quatrième nom que l’opposition a dû présenter pour pouvoir enregistrer formellement un candidat. 

Cette élection revêtait une importance historique : elle n’a pas été boycottée par l’opposition et a donc vu s’affronter Nicolás Maduro et Edmundo González Urrutia. Selon les informations recueillies jusqu’à présent, l’organisme officiel d’État chargé du processus électoral a indiqué le triomphe de Nicolás Maduro avec 51,2 % des voix. Le total des scores obtenus par les candidats, sur la base de 80 % des bulletins dépouillés, atteignait toutefois plus de 130 %, soulevant de sérieux doutes quant à la fiabilité des résultats.

  • L’opposition, par le biais d’Edmundo González Urrutia et María Corina Machado, ne reconnaît pas les résultats annoncés et revendique même la victoire.
  • Machado demande la réalisation d’un audit pour vérifier que les votes exprimés ont été effectivement comptabilisés.
  • Dans un climat de polarisation extrême et dans un scénario où les autorités contrôlent tout l’appareil institutionnel du pays, il s’agit d’une tâche urgente.

Parmi les différents scénarios qui ont été esquissés, et à l’exception des élections législatives de 2015, celui-ci représente la continuité des pratiques mises en œuvre par le chavisme depuis que son évolution électorale a montré sa faiblesse.

  • Les États-Unis et de nombreux pays de la région suivent ces élections avec beaucoup d’attention car ils veulent tous éviter de nouvelles vagues migratoires vénézuéliennes.
  • Avant les élections, des présidents comme le Chilien Boric et le Brésilien Lula avaient déclaré qu’il fallait respecter le résultat des urnes — ce qui avait déplu à Caracas.
  • Pour le moment, les résultats annoncés laissent craindre des réactions au sein des foyers vénézuéliens et l’augmentation conséquente de l’émigration, l’appauvrissement dû à l’incapacité du régime à gérer l’économie et l’isolement international qui s’étend maintenant à l’Amérique latine elle-même, où Nicolás Maduro ne peut compter que sur le soutien de Cuba, du Nicaragua et de la Bolivie — les pays qui ont reconnu les résultats annoncés par le gouvernement et qui ont félicité Maduro pour sa victoire.
  • À l’inverse, Boric a déclaré que le Chili ne reconnaîtrait que des résultats « vérifiables ». Albares a quant à lui demandé à Caracas une « totale transparence », tout comme le gouvernement de Petro en Colombie dont la diplomatie cherche à jouer un rôle central dans les médiations entre le chavisme au pouvoir et l’opposition.

Une sorte d’oligarchie consultative — qui est le terme que Carmelo Mesa Lago a donné à la fin du castrisme à Cuba — ne cesse de contrôler le pouvoir au Venezuela. Cependant, la nouveauté aujourd’hui est que, contrairement aux années précédentes, l’opposition s’articule en un front uni. Paradoxalement, cette situation peut favoriser les actions répressives du régime en lui permettant de concentrer sa persécution sur des personnalités qui ont démontré leur capacité à attirer le soutien populaire.