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Il y a cinq ans, vous écriviez dans les pages de la revue une étude de référence pour comprendre les nominations au sein de l’Union. Est-ce que les choses ont fondamentalement changé avec la reconduction d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission, la nomination d’Antonio Costa à la présidence du Conseil européen et la proposition de Kaja Kallas en tant que cheffe de la diplomatie ?
Sur le fond de la doctrine, non. Les particularités qui définissent la démocratie européenne sont les mêmes, à la fois sur le plan formel et sur le plan sociologique ou plus structurel et pratique. Je rappellerais simplement que le fonctionnement du champ doit distinguer les conjonctures routinières des conjonctures politisées, comme le sont les nominations des « tops positions », les derniers rounds des perspectives financières ou d’autres sujets portant une visibilité particulièrement élevée 1. Les nominations aux tops positions sont des conjonctures politisées où il faut simultanément parvenir à un compromis et « montrer les muscles » — auprès des médias de son pays et leurs lecteurs, auprès des membres de son groupe parlementaire, etc.
Il y a de plus une compétition pour la position, symboliquement prisée, de « faiseur de rois ». En conjonctures politisées, on tend enfin à régresser sur des règles plus formelles. Ce que les acteurs appellent la règle de la double majorité — il faut à la fois la majorité au Conseil et la majorité au Parlement — est particulièrement important pour les nominations. À part le président du Conseil qui est nommé par le Conseil européen, les noms proposés pour les postes de Président et de Haut-représentant Vice-président (HRVP) de la Commission doivent avoir une chance sérieuse d’être investis par le Parlement, ce qui n’est jamais gagné d’avance. Les groupes au Parlement européen ne votent pas comme un seul homme, et des logiques très différentes peuvent se superposer. C’est toute la question dans la conjoncture présente.
Le contexte a, en revanche, beaucoup changé ?
En effet. Ce n’est pas tant les équilibres issus des élections au Parlement européen qui ont changé. Il n’y a pas de bouleversement à proprement parler. Pour l’instant du moins, la fragmentation des marchés politiques fait qu’il existe des vagues nationales, mais pas de tsunami. Jusqu’à présent, les mouvements ne vont pas dans le même sens dans tous les pays et donc se tempèrent. Le nouvel équilibre qui résulte des élections donne néanmoins une force nouvelle au PPE au sein du Parlement. En particulier, le rapport entre socialistes et droite classique était beaucoup plus équilibré dans la période précédente. Les socialistes sont stables, mais ils perdent en sièges compte tenu du départ des Slovaques. De son côté, le PPE progresse au Parlement tandis que les libéraux et les verts déclinent — pour le moment, car tous les groupes ne sont pas constitués définitivement, ce qui est un enjeu fort du moment.
Le changement principal, et qui crée le relatif paradoxe de la situation — et le déséquilibre qui modifie les routines —, c’est la situation au Conseil européen. Lors des dernières nominations, Angela Merkel, la chancelière du pays le plus important, à la fois économiquement et démographiquement, était PPE. Aujourd’hui le seul représentant du PPE au Conseil européen parmi les grands pays est le polonais Donald Tusk. On a donc une contradiction entre un rapport de force politique favorable au PPE au Parlement, mais qui lui est en même temps défavorable au Conseil. C’est pour cette raison qu’il y a dix jours, le leader du PPE, Manfred Weber, a essayé de pousser l’avantage sur la proposition d’une rupture de l’alternance à la présidence du Parlement européen ou du Conseil européen. Probablement cherchait-il moins à « pousser l’avantage » qu’à protéger ses arrières compte tenu de la fragilité nouvelle du PPE au Conseil européen. C’est un bel exemple du retour aux logiques formelles dans une situation tendue, la présidence du Parlement européen a été sortie des discussions en cours — ce qui respecte la lettre des institutions, puisque le ou la présidente du Parlement est par définition élu par ce dernier et donc complètement indépendamment du Conseil européen a priori.
L’avancée de l’extrême droite au Parlement n’aurait donc pas ou peu d’effet ?
La constitution des groupes parlementaires n’est pas terminée et les équilibres peuvent changer. La semaine dernière, Renew/Renaissance, troisième groupe, a perdu les Tchèques. Cela place les CRE en troisième position, mais avec de fortes turbulences internes. Depuis, Victor Orban a de plus annoncé la création d’un troisième groupe d’extrême droite, les Patriotes (avec les Tchèques de Babis, ex Renew donc et le FPÖ autrichien).
Quant aux effets de la progression de l’extrême droite au Parlement, je serais toutefois tenté de répondre : non et oui — et surtout de distinguer au sein de la « double majorité » évoquée précédemment.
Non, d’abord, parce que les extrêmes droites sont pour l’instant divisées au Parlement européen et que l’avancée des deux groupes existants est finalement faible sur le plan cumulé. Les CRE — le groupe historique de Meloni et du PIS polonais — gagne 21 sièges, mais ID — le groupe du RN — en perd 15 — du fait de la rupture au moins provisoire avec l’AfD. Surtout, les extrêmes droites ne sont pas en mesure de former une coalition. Ce qui change, en revanche, c’est le poids acquis dans les pays membres. La victoire en Italie, en Autriche, mais aussi aux Pays-Bas et en France change la donne des anticipations au Conseil européen. L’échec du PiS en Pologne avait recréé des équilibres autour de la droite classique, mais la victoire de Giorgia Meloni aux élections législatives italiennes puis aux élections européennes, puis celle de Wilders aux Pays-Bas — on verra en Belgique puisqu’on parle de Bart de Wever comme Premier ministre — font que les anticipations au Conseil changent. Et c’est évidemment sans parler de la dissolution en France qui ouvre la voie à la bascule d’un autre grand pays fondateur. Dans ce cas, non seulement les équilibres changeront significativement au Conseil, mais ce changement entraînera aussi des effets retours au Parlement. Au sein de ce dernier, des recompositions s’opèreraient entre et autour des partis d’extrême droite au pouvoir — le capital politique n’est pas que du capital électoral, il inclut évidemment les ressources gouvernementales.
Il reste donc aujourd’hui beaucoup d’incertitudes, et ce d’autant plus si l’on anticipe sur les ralliements des très nombreux non-inscrits. Si l’on additionne les Non-Inscrit traditionnels — dans lesquels figuraient lors de la dernier législature beaucoup de parlementaires d’extrême droite, Aube dorée, des anciens du RN, l’AfD exclue d’Identité et démocratie (ID), mais aussi le Mouvement 5 étoiles ou les communistes italiens — et les députés élus sans affiliation, 87 députés sont susceptibles de bouger, sans parler des migrations internes au groupe — les Engagés belges qui siégeaient au PPE rejoignent par exemple Renew. Dans ce contexte, il faut voir ce que sera le paysage au 15 juillet, qui est la date butoir pour l’inscription des et dans les groupes. La déclaration de Orbán visant à former les patriotes et les élections françaises changent les pronostics initiaux. À l’heure où je vous réponds, il n’est pas dit que Identité et démocratie pourra rassembler des députés de 7 pays différents compte tenu des ralliements à Oban. La semaine dernière a aussi vu des tension importante entre le PiS polonais et le parti de Georgia Meloni au sein du groupe CRE.
Sous la direction de Giuliano da Empoli.
Avec les contributions d’Anu Bradford, Josep Borrell, Julia Cagé, Javier Cercas, Dipesh Chakrabarty, Pierre Charbonnier, Aude Darnal, Jean-Yves Dormagen, Niall Ferguson, Timothy Garton Ash, Jean-Marc Jancovici, Paul Magnette, Hugo Micheron, Branko Milanovic, Nicholas Mulder, Vladislav Sourkov, Bruno Tertrais, Isabella Weber, Lea Ypi.
Cette relative fluidité de la conjoncture peut expliquer les revirements de la position de Giorgia Meloni la semaine dernière. Cette dernière avait joué un rapprochement de fond avec la présidente de la Commission et le PPE et elle pensait probablement être en position de participer au compromis. Mais dans le contexte d’élections déterminantes en France et du serment du nouveau gouvernement des Pays-Bas le 3 juillet, la conjoncture crée une pression sur la temporalité des discussions. D’un côté, les uns souhaitent que les choses aillent vite. On peut le comprendre, mais cela coupe court à la temporalité d’un compromis avec Meloni. Mise hors jeu, celle-ci est conduite à se retourner contre ces « partenaires ». De ce point de vue, son mécontentement des derniers jours est à la fois réactif et correspond à l’imbrication de plusieurs problématiques : les mots qu’elle a employés contre l’accord — « surréaliste », « oligarchique », etc. — sont en cohérence avec ses positions de longue haleine en Italie ; elle pèse, en même temps, sur ces partenaires pour avoir des compensations. On parle ainsi d’un poste important de commissaire et sans doute peut-on anticiper des compensations sur des textes ponctuels en lien avec ces thèmes fétiches ; dans la mandature précédente, le PPE n’a pas hésité à faire passer des textes en créant une majorité avec l’extrême droite sur plusieurs sujets. Simultanément, briser la logique du consensus qui prévaut généralement dans les nominations des « top jobs », c’est tenter de repousser la décision du Conseil européen. Le cas échéant, la question des nominations se joue, comme on vient de le voir, dans d’autres équilibres au Conseil, tout particulièrement si le RN venait à gagner en France. Dans tous les cas de figure, le tempo politique est ici un élément clef, qui se superpose au tempo proprement institutionnel — c’est-à-dire les dates fixées pour les nouvelles institutions. Les élections nationales à venir en France, la formation des groupes au Parlement, la première session de ce dernier puis plus tard les investitures de commissaires rendent de fait la conjoncture incertaine.
Les nominations sorties confirment-elles le schéma d’il y a cinq ans ?
Oui, à condition d’intégrer les nouveautés qui résultent de la nouvelle conjoncture.
D’un côté, on peut dire que la structure du jeu politique européen n’a pas changé. On retrouve dans les nominations du 28 juin toutes les constantes et les règles implicites qui prévalent : équilibre nord-sud, est pour faire vite, équilibre « grands pays »/ « petits pays », équilibre de genre (ici favorable aux femmes, tout particulièrement, si l’on ajoute les présidentes du Parlement et de la Banque centrale, mais il faudra évidemment voir plus tard sur une liste plus large de postes clefs), et enfin équilibre entre les trois groupes politiques centraux (et majoritaires sur le papier). Par un compromis subtil, on a évité une nouvelle querelle sur le Spitzenkandidat. Cette innovation institutionnelle supposée était au cœur de la dramaturgie fin 2012. Pour mémoire, Manfred Weber, candidat du PPE arrivé en tête, ne faisait pas partie du consensus et avait dû céder sa place. Dans la configuration présente, Ursula von der Leyen a été investie et présentée comme Spitzenkandidat par le PPE — mais sans avoir été candidate aux élections. Bref, on a cherché à sauver les apparences doctrinales.
La nouveauté résulte de ce que nous disions : la politisation du moment et le positionnement « rebelle » de Meloni ont conduit à régresser sur la règle formelle. Au lieu de décider par consensus, les membres du Conseil européen ont donc voté. Cette rupture avec les habitudes a permis de rester dans le calendrier à la fois institutionnel — la mise en place d’un nouveau mandat prend du temps si l’on veut une Commission investie par le Parlement et prête au travail en novembre — mais aussi le calendrier très politique de la course-poursuite en jeu — Emmanuel Macron et d’autres devaient faire vite, l’extrême droite a plus de temps. Elle offre aussi aux tenants du dissensus la possibilité d’adresser un message. Typiquement, Giorgia Meloni s’abstient sur Ursula von der Leyen pour la ménager — et avec elle ses partenaires de coalition, puisque la droite classique fait partie de son gouvernement — mais elle vote contre les socialistes et les libéraux qui pressent le PPE de ne pas faire d’alliance à leur droite. Elle instaure donc clairement un nouveau clivage Gauche/Droite. Orbán, quant à lui, vote contre von der Leyen et Kallas qui sont aux avant-postes de la défense de l’Ukraine, mais épargne Costa.
Sur un plan plus sociologique, vous évoquiez le poids du capital européen des protagonistes, qu’en est-il dans la nouvelle configuration ?
Nous sommes toujours un peu dans la même logique. Ursula von der Leyen — fille d’un très haut fonctionnaire qui a participé à la fondation des institutions européennes, éduquée à l’école européenne lorsqu’elle était enfant à Bruxelles, etc. — n’est plus seulement l’incarnation d’une nouvelle « noblesse d’État européenne » embryonnaire ; elle est aussi la Présidente sortante avec, donc, un capital institutionnel européen beaucoup plus constitué, même si son premier mandat fait qu’elle sera plus contestée. De son côté, et de façon complètement homologue à Charles Michel en 2019, Kaja Kallas est la fille d’un ancien commissaire européen, Slim Kallas, qui fut commissaire pendant 10 ans. Elle a de plus une expérience au Parlement européen. Bref, si elle est devenue une figure du Conseil dans les suites de la guerre en Ukraine, notamment en s’imposant à Angela Merkel et Emmanuel Macron, son ancrage européen est de fait assez fort. Quant à Antonio Costa, il bénéficie d’un crédit européen dans la mesure où il a représenté l’exception portugaise et la remise en ordre des comptes ; il semble de plus apprécié par les milieux européens en tant que négociateur fiable. Or la confiance est une des parties intégrantes du capital symbolique dans le jeu européen.
Un point supplémentaire à prendre en compte est que personne ne souhaitait reproduire les tensions qui ont parcouru tout le dernier mandat entre Ursula von der Leyen et Charles Michel. On entend donc dire que l’esprit d’équipe et la compatibilité entre ces individus est quelque chose qui a compté. C’est un élément là encore assez intéressant du point de vue de la prime progressive donnée à des ressources émanant du champ des institutions européennes, plutôt que de la politique nationale.
Enfin, un point notable de la nouvelle conjoncture du point de vue sociologique est à trouver dans la transformation de la relation permanents/intermittent qui sera bouleversée au Conseil européen. On a célébré à juste raison Jacques Delors. Il n’en faut pas moins rappeler que ce dernier avait bénéficié du soutien de chefs d’État et de gouvernement d’une longévité exceptionnelle. Dans la conjoncture qui s’ouvre, aucun des chefs d’État et de gouvernement d’un grand pays n’aura de longévité dans le jeu — à l’exception de Tusk. En cas de cohabitation, Macron, qui aurait pu prendre une position forte de ce point de vue, sera très affaibli.
Faut-il dès lors parler d’une nouvelle donne dans le gouvernement de l’Union ?
Il se joue clairement quelque chose de très important dans les équilibres au Conseil. Quel que soit le résultat final des élections, Emmanuel Macron ne disposera plus de la position dont il avait pu jouir avant la dissolution, et cette situation sera évidemment aggravée en cas de cohabitation avec Jordan Bardella. C’est d’autant plus le cas après le départ Charles Michel de la présidence du Conseil, de Mark Rutte, Premier ministre des Pays-Bas depuis 2010 — et son remplacement par Dick Schoof à la tête d’une coalition de droite et d’extrême droite à la suite de la victoire de de Geert Wilders jusqu’à présent dans le parti de Marine Le Pen au Parlement européen —, du Belge Alexander de Croo — peut être remplacé par Bart de Waever, qui est dans le même groupe que Giorgia Meloni —, et la dérive des libéraux tchèques — dont le premier ministre a rejoint Viktor Orbán. Au-delà de l’effondrement des forces libérales, le chancelier allemand est par ailleurs politiquement faible dans la perspective d’élections au Bundestag qui ont toutes les chances de lui être défavorable dans un an.
Sur le plan de l’expérience du Conseil, Viktor Orbán arrivé la même année que Mark Rutte, sera le doyen — et aura pour les six prochains mois la présidence du conseil de l’Union. Indépendamment d’un rapport de force politique profondément bouleversé, il siégera dans un Conseil où les novices seront prépondérants, si l’on excepte Sanchez, mais dont le siège est fragile, et Plenkovic, le Premier ministre croate, tous deux arrivés en 2016.
Cela étant, il faut élargir le cadre. D’une part, il faudra voir si les nominations de la présidente de la Commission et de la HRVP sont suivies d’investiture. C’est probable, mais pas certain compte tenu des évolutions au Parlement évoquées plus haut. Ensuite, ces positions sont les plus visibles, mais les équilibres subtils au sein du champ invitent simultanément à prendre en compte d’autres acteurs. On pense aux présidents de groupes et aux présidents de commissions au Parlement européen qui sont en train d’être discutées et aux commissaires — dont les nominations se jouent dans une configuration du Conseil et de gouvernements de coalitions complexe et très différente.
Il faut dire un mot du débat qui est né sur la nomination du commissaire français. C’est une question qui est loin d’être tranchée. Lors des dernières cohabitations, la France avait deux postes de Commissaire, ce qui simplifiait les choses. Les personnalités nommées ont probablement dû être discutées entre le Président et le Premier ministre et cela a conduit à nommer des commissaires disposant d’une forte crédibilité européenne. En 1994, Edith Cresson ancienne Première ministre, avait occupé des portefeuilles sur le commerce et l’Europe, Yves Thibault de Silguy, diplomate, avait travaillé au cabinet de François-Xavier Ortoli lorsque ce dernier était vice-président de la Commission européenne (après en avoir été le Président) et été secrétaire général de l’ancêtre du Secrétariat général aux Affaires européenne qui coordonne la politique européenne de la France. En 1999, tant Michel Barnier (lui aussi ancien ministre délégué aux affaires européennes, et qui avait négocié le traité d’Amsterdam) que Pascal Lamy (l’ancien chef de cabinet de Jacques Delors) disposaient là encore d’un fort capital européen et, au passage, d’un positionnement politique très loin d’être aux extrêmes. La situation avec un seul poste sera différente en cas de nouvelle cohabitation. Il reste que la question est davantage politique que constitutionnelle. Ce sera l’occasion d’un rapport de force à la fois en France mais aussi avec et au sein des institutions de l’Union. La personnalité proposée devra avoir l’approbation de la présidente de la Commission élue (qui distribue par ailleurs les portefeuilles), du Conseil dans son entier, et surtout du Parlement européen. En cas de conflit ouvert en France, la position de la personnalité nommée sera fragilisée dans le processus d’approbation.
Au-delà des postes politiques, il faudra aussi, entre la rentrée et le mois de janvier prochain, analyser de près les nominations de fonctionnaires — hauts fonctionnaires des institutions, représentants permanents — qui sont à la source des équilibres et des compromis. Bref, l’analyse, en soi, ne doit pas s’arrêter au poste le plus visible 2. Enfin, il faut lire avec attention la feuille de route qui émane de cette réunion du Conseil et ce que sera le programme proposé par la Commission. Les enjeux sur l’investissement, la défense, le climat et bien sûr la démocratie qui est le premier axe retenu donneront sans aucun doute lieu à des configurations d’alliance entre et au sein des institutions bien différentes.
Au total, on en revient à ce que nous disions il y a cinq ans. La focalisation fétichiste sur le Spitzenkandidat ou le caractère « démocratique » ou non des nominations aux top jobs doit céder le pas à une focale plus large sur la configuration du pouvoir européen et surtout à la réflexion sur les politiques et ce qu’elles produisent sur les sociétés européennes. C’est essentiel. Comme il y a cinq ans, il faudra de nouveau miser sur l’optimisme de la volonté — dans la situation politique présente, c’est encore plus nécessaire.
Sources
- On trouvera des amendements à la théorie du champ de l’eurocratie dans nos publications récentes (Didier Georgakakis, « Ce que la théorie des champs nous dit de l’administration européenne (I). Un retour réflexif sur le champ de l’eurocratie », Revue française d’administration publique, 2021/4 (N° 180), p. 883-900 ; « Ce que la théorie des champs nous dit de l’administration européenne (II) : les transformations du champ bureaucratique européen (2000-2020) », Revue française d’administration publique, 2021/4 (N° 180), p. 933-960.
- Voir par exemple : Sophia Bordier, Didier Georgakakis, « Qui dirige les administrations du triangle institutionnel et des agences ? », Revue française d’administration publique, 2022/1 (N° 181), p. 65-86.