Au cours de l’histoire américaine, un président sortant disposant d’un bon mandat et de ressources financières suffisantes n’a jamais été attaqué par des figures de son propre parti ou encore moins contourné pour présenter un autre candidat à sa place. Comme le disait Julian Zelizer en décembre : « Pour un candidat prometteur, s’attaquer au président pour perdre est une très mauvaise combinaison ».

Pourtant, suite au débat de la nuit dernière entre Biden et Trump, un grand nombre de cadres du Parti démocrate ont laissé entendre qu’ils seraient prêts à mettre fin à cette « tradition » et écarter Joe Biden du ticket démocrate pour l’élection de novembre. Les potentiels candidats, eux, ne veulent pas se brûler les ailes.

  • Le gouverneur de Californie et figure montante du Parti démocrate, Gavin Newsom, a publiquement écarté cette possibilité quelques minutes après la performance catastrophique de Biden : « Je ne tournerai jamais le dos au président Biden. Je ne connais pas un seul démocrate de mon parti qui le ferait »1.
  • Convaincu qu’il est le seul rempart face à un second mandat de Trump, Joe Biden ne serait certainement pas prêt à renoncer à sa candidature — particulièrement quatre mois avant le scrutin.
  • Cet argument a contribué ces dernières années à empêcher l’émergence de figures alternatives disposant d’une crédibilité nationale : le secrétaire aux Transports Pete Buttigieg, la gouverneur du Michigan Gretchen Whitmer ou du Kentucky Andy Beshear disposent tous des qualités pour être candidats à la présidence, mais sont toujours dans l’ombre du président.

Au sein du Parti démocrate, la solution pourrait venir des cadres du parti et non des potentiels candidats à l’investiture. Actuellement, les règles du parti pour la convention nationale d’août 2024 sont claires : « Les délégués élus à la convention nationale qui se sont engagés en faveur d’un candidat à la présidence doivent, en toute bonne conscience, refléter les sentiments de ceux qui les ont élus »2. En d’autres termes, les 3 894 délégués remportés par Biden lors des primaires devraient voter pour lui lors de la convention.

  • Cependant, au vu de l’apparente urgence de la situation pour le parti présidentiel, le Comité national démocrate (DNC) pourrait décider de changer les règles de la convention et revenir à celles en vigueur avant 1968 en matière de vote des délégués.
  • C’est suite à cette convention que le parti avait pris la décision « d’allouer » des délégués à un démocrate, le résultat de la primaire reflétant ainsi le choix des électeurs.
  • Ce scénario, actuellement jugé peu probable, pourrait être sérieusement considéré par les cadres du parti si la piètre performance de Biden se reflète dans les sondages3.
  • Comme en 1968, le parti pourrait créer une commission appelant à un changement dans le processus d’allocation du vote des délégués4. En vertu du droit d’association garanti par le premier amendement, les partis ont largement les mains libres en matière de processus de nomination des candidats5.

La solution la plus consensuelle pour qu’une convention ouverte ait lieu à Chicago cet été serait le désistement de Biden. Peu de personnes sont néanmoins susceptibles de persuader le président de laisser sa place — parmi lesquelles Barack Obama, Hilary Clinton ou bien l’épouse du candidat démocrate, Jill Biden. Selon les données agrégées par Real Clear Politics, il faut environ une semaine avant que l’impact du débat sur les électeurs se reflète dans les sondages. C’est à ce moment-là que, selon les chiffres, la question du remplacement de Biden pourrait commencer à sérieusement se poser.

Sources
  1. « California Gov. Newsom says he would « never turn my back » on Biden after debate performance draws scrutiny », CBS News, 27 juin 2024.
  2. Delegate Selection Rules For the 2024 Democratic National Convention, Adopted by the Democratic National Committee on September 10, 2022.
  3. Will Weissert, « Here’s why it would be tough for Democrats to replace Joe Biden on the presidential ticket », Associated Press, 28 juin 2024.
  4. Byron E. Shafer, Quiet revolution : the struggle for the Democratic Party and the shaping of post-reform politics, Russell Sage Foundation, New York, 1983.
  5. Ezra Klein et Elaine Kamarck, « Here’s How an Open Democratic Convention Would Work », The New York Times, 21 février 2024.