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La situation en Bolivie était très confuse hier. Evo Morales a déclaré « qu’un coup d’État est en préparation ». Le président Arce a dénoncé des « mobilisations irrégulières de certaines unités de l’armée bolivienne ». Avez-vous plus d’informations sur ce qui se passe ?
Hier, le général et chef de l’armée Juan José Zúñiga a menacé d’emprisonner l’ancien président Morales. Il a tenu ces propos lors d’une interview télévisée au cours de laquelle on lui demandait ce qui se passerait si Evo Morales se présentait à nouveau à l’élection présidentielle. Zúñiga a alors déclaré qu’il l’en empêcherait, affirmant que les militaires sont « le bras armé de la patrie ».
En réaction, le gouvernement actuel du président Arce lui a demandé de démissionner et il a été relevé de ses fonctions. Cela a conduit à la situation que nous suivons avec beaucoup d’attention et d’inquiétude. Zúñiga a forcé l’entrée du palais présidentiel avec des soldats lourdement armés.
Il est clair qu’après une grave crise institutionnelle en 2019, la Bolivie est à nouveau confrontée aux démons du coup d’État.
Comment expliquer les manœuvres de Zúñiga ?
Le général Zúñiga s’est déclaré garant de la paix et de la prospérité — par le biais d’un coup d’État. Il a parlé « d’ennemis intérieurs et extérieurs » et a déclaré vouloir changer le gouvernement.
Savoir s’il représente une faction politique n’est pas encore clair — encore moins laquelle.
Quels sont les risques actuels et comment pourrait-on sortir de la crise ?
Le risque principal est, bien sûr, la rupture démocratique d’un pays en voie de normalisation. Cette nouvelle crise institutionnelle touchera à nouveau les Boliviens.
Sous la direction de Giuliano da Empoli.
Avec les contributions d’Anu Bradford, Josep Borrell, Julia Cagé, Javier Cercas, Dipesh Chakrabarty, Pierre Charbonnier, Aude Darnal, Jean-Yves Dormagen, Niall Ferguson, Timothy Garton Ash, Jean-Marc Jancovici, Paul Magnette, Hugo Micheron, Branko Milanovic, Nicholas Mulder, Vladislav Sourkov, Bruno Tertrais, Isabella Weber, Lea Ypi.
Mais il semble que Zúñiga n’ait pas le soutien de la majorité de l’armée. Le président Arce l’a repoussé et, avec ses ministres, a appelé la population à se mobiliser pour empêcher un coup d’État.
Cette séquence se déroule dans le contexte d’une grave crise économique et sociale dans le pays, avec des manifestations prévues dans un futur proche. Quel sera le rôle de la population ?
Cela ne résoudra rien, bien au contraire. Il a été rapporté qu’il y avait des manifestants dans les rues pour soutenir le gouvernement légitime de Luis Arce et condamner le coup d’État. On fait également mention d’affrontements entre soldats et manifestants. Il est essentiel que le droit de manifester soit respecté.
Avez-vous pu parler au président Arce ou à Evo Morales ?
Depuis hier, je suis en contact permanent avec le président Morales. J’ai écrit aujourd’hui au président Arce pour lui faire part de notre solidarité et de notre vigilance face aux événements. Je lui ai dit que nous alertions la communauté internationale sur ce qui se passe en Bolivie afin d’éviter un coup d’État.
Tout en respectant le droit, nous avons appelé au respect de la volonté démocratique.
Que faut-il faire maintenant pour assurer une plus grande stabilité politique ?
Un pacte de toutes les forces politiques en faveur de la démocratie est nécessaire. En dehors de la démocratie : rien ; à l’intérieur de la démocratie : tout. Un tel pacte est essentiel.
Même l’Organisation des États américains (OEA) — qui a encouragé le coup d’État il y a quelques années, en 2019 — a changé de comportement par l’intermédiaire de son Secrétaire général, Luis Almagro. Peut-être a-t-elle retenu la leçon. Il faut aussi noter l’absence totale de soutien dont bénéficie Zúñiga pour l’instant. Même la dirigeante du coup d’État de 2019, Jeanine Añez — qui est actuellement en prison pour cela — a dénoncé le coup d’État sur X.
Les gens ont compris que, comme dans tous les coups d’État, si les militaires parviennent à prendre le contrôle des structures étatiques par la force, cela conduira à un plus grand isolement du pays et de ses institutions. Je pense que même les militaires l’ont compris. C’est pour cela, me semble-t-il, qu’ils ont commencé à se retirer après la nomination d’un nouveau chef militaire par le président Arce.
Que pouvez-vous nous dire sur le soutien presque total dont a bénéficié Luis Arce ?
Le « presque » est important : seul le président argentin Javier Milei s’est montré silencieux. C’est l’exception d’un comportement de défense des valeurs démocratiques en Amérique latine, une région qui vit un cauchemar avec l’éternel retour à la crise institutionnelle et démocratique.
Que va-t-il se passer maintenant ?
Je pense que ce que dit le président Evo Morales est important : les auteurs du coup d’État militaire doivent être punis. Il faudra voir, ensuite, si le gouvernement peut se ressaisir, s’il peut trouver un certain point d’accord, ou s’il peut construire un point d’accord pour qu’Evo Morales et Luis Arce puissent reprendre le dialogue.
Il reste à voir si ce coup dur renforce ou non le processus.