Abascal et Franco — une lourde filiation 

  • Santiago Abascal est né en 1976 à Bilbao, diplômé en sociologie de l’Université réputée et conservatrice (privée et catholique) de Deusto à Bilbao, son mémoire a été publié sous le titre La farsa de la autodeterminación (Áltera) et préfacé par l’ancien président du gouvernement du PP, José María Aznar (1996-2004). Le livre est un pamphlet contre le plan Ibarretxe qui visait à renforcer l’autonomie du Pays Basque en 2003 ; Abascal y défend déjà « l’unité de l’Espagne » contre le « nationalisme basque ».
  • Il est le fils de Santiago Abascal Escuza (PP), figure historique du groupe Alianza Popular, parti conservateur, fondé pendant la Transition espagnole notamment par des anciens cadres de Franco. Abascal Escuza est maintenant membre de Vox. 
  • Il est le petit-fils de Manuel Abascal Pardo qui a été maire et député de la commune de Amurrio sous le franquisme.
  • De nombreux cadres actuels de Vox sont issus de courants phalangistes connus pour la virulence de leurs critiques contre le gouvernement socialiste. À plusieurs reprises Abascal a appelé à « virer et chasser » Sánchez  — en restant souvent ambigu sur le sens de ses propos.

Les débuts en politique : le rôle des fondations et la formation au PP

  • Abascal intègre les rangs du Parti populaire dès ses 18 ans. Il occupe son premier poste d’élu à 22 ans en tant que conseiller municipal à Llodio, dans la région d’Álava. 
  • En 2004 il devient membre du Parlement basque et en 2006, il crée la fondation DENAES (Défense de la nation espagnole) dont il deviendra le président jusqu’en 2014. La fondation est depuis devenue un think tank central dans l’écosystème de Vox — tout comme la fondation Disenso, actuellement présidée par Abascal.
  • Celle-ci reçoit à la fois des financements publics (estimés à 220 000 euros entre 2020 et 2021) et des cotisations de ses membres. Ce sujet a fait polémique en 2023 lorsque l’ancienne porte-parole de Vox Macarena Olona accuse Abascal de détourner une partie des fonds publics destinés à Vox dans les caisses de la Fondation. Le montant du détournement serait estimé à hauteur de 7 millions d’euros. 

Création de Vox 

  • En novembre 2013, il annonce qu’il quitte le PP en avançant plusieurs divergences avec la direction du parti. Il se montre critique de la gestion des affaires de corruption qui éclatent en son sein, ainsi que de la politique menée par le gouvernement Rajoy face aux nationalismes régionaux — notamment basques et catalans. 
  • En janvier 2014, Abascal fonde un nouveau parti d’extrême droite, Vox, avec José Antonio Ortega Lara, José Luis González Quirós et Ignacio Camuñas et présente une liste pour les élections européennes de mai. Ils n’obtiennent que 1,57 % des voix. 
  • En 2015 et 2016 Abascal est candidat à la présidence du gouvernement mais ne récolte respectivement que 0,23 % et 0,20 % des voix.
  • Il devient député de Madrid à partir de 2019 — poste qu’il occupe toujours aujourd’hui. Son électorat — dont une partie votait pour le PP — est caractérisé par le fait d’être très masculin, majoritairement jeune (entre 18 et 24 ans) et résidant dans des villes moyennes espagnoles.

Le paradoxe de la puissance relative lors des élections de 2023

  • Avec les bons résultats du parti — et de la droite en général lors des élections régionales du 28 mai 2023 — le PP et Vox étaient donnés comme grands favoris pour les élections générales de juillet 2024. La coalition des droites espagnoles se préparait à gouverner et à se répartissaient les postes — avant même le début de la campagne.  
  • Cependant, pris de court par la stratégie inattendue du président socialiste qui décide de convoquer abruptement des élections anticipées, Abascal mène laborieusement une campagne durant laquelle il se trouve pris au piège même par le PP qui empiète de plus en plus sur son électorat. 
  • Annoncé faiseur de roi et même vice-président du gouvernement espagnol, Abascal se trouve finalement presque dépassé par Sumar, la coalition de gauche, à la troisième place des partis avec un score en baisse (12,39 %).

Rayonnement sur la scène internationale : l’avenir de l’Europe post-grandes élections se décidera-t-il à Madrid ? 

  • Par le biais notamment de la fondation Disenso, Abascal joue un rôle bien plus important en plan mondial en travaillant notamment l’axe transatlantique de l’extrême droite. Le dernier congrès de Vox qui s’est tenu les 18 et 19 mai derniers a notamment accueilli l’Argentin Javier Milei, le Chilien José Antonio Kast, des représentants du trumpisme comme le chef de file de la Conservative Political Action Conference (CPAC), Matt Schlapp, et le vice-président de la Heritage Foundation, Roger Severino.
  • Les principaux représentants de l’extrême droite européenne (Orban, Ventura, Le Pen ou encore Meloni) ont aussi participé au congrès.
  • Les événements organisés par Abascal apparaissent comme la tribune pour que ses alliés s’expriment haut et fort sur la scène internationale. Meloni avait déjà participé au même congrès deux ans auparavant et, avant cela, à un rassemblement de Vox à Marbella pour les élections andalouses où la leader de Fratelli d’Italia avait tenu un discours particulièrement virulent — et différent de celui qu’elle a pour habitude de tenir sur le territoire national.
  • Avec un score de 9,62 % (6 sièges, 3 de plus par rapport à 2019) aux Européennes, Santiago Abascal pourrait chercher à compenser la perte de vitesse de son parti à l’échelle nationale en se projetant encore plus sur la scène européenne. Il semble être le seul à pouvoir finir par réunir autour de la même table l’extrême droite européenne.