La COP 28 sonne d’ores et déjà comme une occasion manquée pour certains observateurs, dénonçant l’intrication des intérêts pétroliers dans les négociations climatiques entre États. Au moins 70 000 personnes sont attendues à Dubaï à partir de demain, jeudi 30 novembre, y compris des lobbyistes de diverses industries, dont l’industrie pétrolière : d’après un collectif d’ONG, au moins 7 200 accréditations auraient été délivrées à des représentants de l’industrie pétrolière pour assister aux COP sur les vingt dernières années.
Si la présence de lobbyistes n’est pas une nouveauté, l’accession de Sultan Ahmed Al-Jaber, représentant de l’industrie pétrolière, au poste de président de la COP est inédite. Amnesty International a pointé du doigt « l’impossibilité » pour Al-Jaber de mener des négociations « en toute bonne foi ». Cette nomination met ainsi en danger les négociations à l’heure où « nous ne pouvons nous permettre une pause dans l’action climatique, ou une mauvaise COP », comme le résume l’ancienne présidente irlandaise Mary Robinson.
ADNOC (Abu Dhabi National Oil Company) est la première entreprise pétrolière des Émirats arabes unis — septième pays producteur mondial de pétrole. Au 29 novembre 2023, sa capitalisation boursière dépassait 45 milliards de dollars. Al-Jaber dirige également Masdar, entreprise spécialisée dans les énergies renouvelables fondée en 2006 dont le portefeuille de projets contient notamment la construction de la ville de Masdar City, entièrement fondée sur les énergies renouvelables et les technologies bas-carbone. Face aux critiques, Al-Jaber met ainsi en avant les projets de développement d’énergies renouvelables émiratis et la décision de ses dirigeants d’être des « pionniers » dans leur développement. Il insiste par ailleurs sur son rôle dans la stratégie de décarbonation des activités d’ADNOC, fondée notamment sur l’électrification, les technologies de capture du carbone et l’augmentation de l’efficacité énergétique.
Cette semaine, les craintes évoquées depuis la nomination d’Al-Jaber se sont en partie concrétisées. D’après des documents révélés par la BBC trois jours avant la COP, les Émirats arabes unis auraient prévu de profiter de la COP 28 pour faire avancer les négociations des accords de développement de projets pétroliers avec 15 pays, dont l’Allemagne, l’Égypte et la Chine. Al-Jaber définit son approche de la politique climatique et de la mise en œuvre de la transition énergétique comme « pratique », « pragmatique » ou encore « réaliste ». Dès demain, il aura treize jours pour obtenir un accord sur des sujets clefs, allant de la mise en place d’un fonds pour les « pertes et dommages » à la suppression progressive des combustibles fossils.