La fermeté exprimée par les pays de la Cédéao vis-à-vis des putschistes qui ont pris le pouvoir au Niger par rapport aux précédents coups d’État au Mali, en Guinée et au Burkina Faso avait conféré une certaine crédibilité à l’option militaire suite à l’expiration de l’ultimatum adressé à Niamey. Quatre jours plus tard, les dirigeants de l’organisation régionale se réunissent à Abuja pour « examiner et discuter de la situation politique et des développements récents au Niger »1.

Si une intervention militaire était présentée comme le principal recours — après expiration de l’ultimatum — pour « réinstaurer l’ordre constitutionnel » suite au premier sommet de la Cédéao, l’organisation veut désormais privilégier la voie diplomatique2.

  • Le président du Nigéria — qui assure la présidence tournante de la Cédéao —, Bola Tinubu, figurait parmi les dirigeants les plus résolus à mettre fin au régime de la junte ayant pris le pouvoir à Niamey, si nécessaire en ayant recours à la force.
  • Cependant, depuis que le Sénat nigérian a exprimé des réserves samedi 5 août vis-à-vis d’une intervention militaire de l’armée au Niger, cette solution semble de moins en moins plausible, le Nigéria concentrant la majeure partie des forces dans la région3.
  • La société civile nigériane, particulièrement dans le Nord du pays — où vivent la plupart des Haoussas, un peuple qui représente également plus de la moitié de la population du Niger —, s’oppose également à une guerre contre un « voisin fraternel » dont les conséquences se traduiront par la mort de citoyens innocents4.

L’opposition à une intervention militaire est également impopulaire dans d’autres États de la région non-membres de la Cédéao. Le Tchad et l’Algérie, deux importants acteurs régionaux, ont déclaré qu’ils étaient contre la constitution d’une force régionale qui entraînerait également le Mali et le Burkina Faso dans le conflit. Tandis que le Tchad a tenté de jouer un rôle de médiateur dans les premiers jours suivant le putsch, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a déclaré être catégoriquement opposé à une intervention militaire qui pourrait « embraser toute la région du Sahel »5.

  • La France et les États-Unis, deux partenaires majeurs du gouvernement Bazoum, appellent quant à eux au « rétablissement des institutions démocratiques du Niger » et ne se sont pas exprimés publiquement sur l’hypothèse d’une intervention militaire6.
  • Malgré les tentatives diplomatiques menées par Paris et Washington, les efforts semblent inefficaces tandis que la junte accuse la France d’avoir « relâché des terroristes » et violé son espace aérien dans un effort de « déstabilisation du pays ».
  • À la tête d’une délégation américaine envoyée à Niamey lundi 7 août, la Sous-secrétaire d’État pour les Affaires politiques, Victoria Nuland, n’a pas été autorisée à s’entretenir avec le général Abdourahamane Tiani et n’a pas pu rencontrer le président Mohamed Bazoum. Celui-ci aurait toutefois discuté par téléphone avec Antony Blinken le lendemain7.
  • Mercredi 9 août, les dirigeants de la junte ont toutefois accepté de rencontrer à Niamey une délégation envoyée par Tinubu en amont du sommet de la Cédéao8.

Selon le premier sondage réalisé au Niger après le coup d’État, la population — tout du moins celle vivant majoritairement dans les villes — semble être favorable à la junte, mais souhaiterait que de nouvelles élections soient organisées9. Dans la nuit de mercredi à jeudi, la junte a annoncé avoir formé un nouveau gouvernement au sein duquel des hommes ayant pris part au coup d’État occupent des postes-clefs, à la Défense et à l’Intérieur.

Sources
  1. Communiqué de la Cédéao, X (Twitter), 7 août 2023.
  2. « Niger : « La diplomatie est la meilleure voie à suivre », considère le président de la Cedeao », Le Monde, 8 août 2023.
  3. Abdulqudus Ogundapo, « Niger Coup : Nigerian Senate rejects Tinubu’s troop deployment plan, urges political solution », Premium Times, 5 août 2023.
  4. Aanu Adeoye, « Nigerian threats to Niger junta undone by fierce domestic opposition », Financial Times, 10 août 2023.
  5. « Algeria opposes military intervention in Niger, Ennahar TV reports », Reuters, 6 août 2023.
  6. Q&R – Niger – Extrait du point de presse (4 août 2023), Ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères.
  7. Secretary Blinken’s Call with Nigerien President Mohamed Bazoum, U.S. Department of State, 9 août 2023.
  8. Abdel-Kader Mazou et Felix Onuah, « Niger junta meets Nigeria envoys ahead of summit with regional leaders », Reuters, 10 août 2023.
  9. « After Niger’s coup, the drums of war are growing louder », The Economist, 7 août 2023.