Depuis l’importante arrivée de migrants et de demandeurs d’asile en 2015-2016, les États-membres cherchent désespérément à trouver un accord visant à réformer la politique migratoire européenne. Selon des sources proches du dossier, rien ne garantit qu’un accord soit trouvé aujourd’hui entre les 271.

  • Le contexte d’augmentation des arrivées dans l’Union a remis le sujet migratoire au cœur des discussions. Si le nombre de demandeurs et primo-demandeurs d’asile demeurait significativement inférieur l’an dernier par rapport au pic de 2015, on observe néanmoins une nette augmentation depuis 2020.
  • De plus, l’invasion russe de l’Ukraine a entre-temps provoqué une vague de départ de citoyens ukrainiens qui ont principalement trouvé refuge en Russie et dans les pays de l’Union. 
  • La grande majorité de ces réfugiés ayant bénéficié du mécanisme d’urgence dit de « protection temporaire » (ouvrant aux réfugiés ukrainiens des droits sociaux ainsi qu’une accès au logement et au marché du travail) se sont temporairement installés en Allemagne et en Pologne, qui hébergaient plus de 2 millions d’Ukrainiens en avril 2023.

Aujourd’hui, à Luxembourg, les ministres de l’Intérieur des États-membres tenteront de s’accorder sur deux éléments : la mise en place de règles standardisées pour le traitement des demandes d’asile ainsi qu’un mécanisme garantissant une répartition plus équitable des demandes entre les 27. Cependant, plusieurs points de blocage subsistent entre les pays du Sud (Italie et Grèce notamment) et d’Europe centrale (Pologne et Hongrie principalement), notamment sur le programme de « relocalisation », qui vise à mieux répartir les demandeurs d’asile arrivant dans l’Union.

  • La « relocalisation » de demandeurs d’asile d’un État-membre vers un autre a été mise en œuvre pour la première fois en septembre 2015, en application du principe de solidarité.
  • Les pays membres du Groupe de Visegrád ainsi que la Croatie sont opposés au « système de redistribution volontaire », qui sera discuté aujourd’hui2. Cette disposition vise à établir un quota de demandeurs d’asile que le pays sera tenu d’accueillir, ou bien de proposer de payer une « compensation » au pays d’arrivée, dont le prix se situerait entre 10 000 et 22 000 € par personne3.
  • En raison du caractère controversé d’une telle disposition — qui pourrait inciter certains pays à en faire un modèle économique —, l’Allemagne pourrait voter contre la proposition et ainsi atteindre le seuil requis pour une minorité de blocage.

Les prévisions de pénurie de main-d’œuvre dans les décennies à venir au sein des pays européens pourraient cependant conduire à terme les États-membres à chercher à attirer des travailleurs de l’étranger afin de limiter la baisse de croissance et les pressions inflationnistes provoquées par ce phénomène. Sans solde migratoire positif, la main-d’oeuvre allemande pourrait diminuer de 30 % en 2060 par rapport aux niveaux de 2020, passant de 47,4 millions de personnes en âge de travailler à 31,64.

Sources
  1. Henry Foy, « EU ministers desperately seek deal on migration reforms », Financial Times, 8 juin 2023.
  2. « Visegrad Countries & Croatia Oppose EU’s Migrant Redistribution Proposal », Schengen Visa, 5 juin 2023.
  3. Jacopo Barigazzi, « A price tag to reject migrants ? It’s not the only fight threatening a reform package », Politico, 6 juin 2023.
  4. Alexander Weber et Andre Tartar, « Germany Is Running Out of Workers, Putting Growth in Jeopardy », Bloomberg, 7 juin 2023.