L’annonce officielle de la candidature de Ron DeSantis aux primaires présidentielles du Parti républicain de 2024 fût un fiasco rythmé par des problèmes techniques ayant suscité des moqueries au sein des deux partis. Le choix d’annoncer sa candidature tant attendue sur Twitter, le réseau social racheté par Elon Musk en octobre 2022, est quant à lui caractéristique de l’idéologie du gouverneur de Floride.

  • Dans son dernier livre publié en février, The Courage to Be Free : Florida’s Blueprint for America’s Revival, DeSantis fait part extensivement de sa méfiance vis-à-vis des grands médias traditionnels (les legacy media) ainsi que des « élites », mentionnées pas moins de 20 fois dans l’introduction longue de 12 pages1.
  • Bien que Musk ait confié avoir voté pour Joe Biden lors de l’élection présidentielle de 2020, le magnat n’a jamais caché nourrir la même défiance vis-à-vis des médias mainstream — qui s’est traduite par un affaiblissement notoire de la politique de modération des contenus sur la plateforme visant, selon celui-ci, à encourager la liberté d’expression absolue.
  • En novembre 2022, quelques semaines après le rachat de Twitter, le Washington Post titrait que les membres républicains du Congrès avaient gagné plusieurs dizaines de milliers d’abonnés, tandis que les élus démocrates en avaient perdu en moyenne 4 0002.
  • La plateforme a depuis été choisie par le chroniqueur conservateur Tucker Carlson pour héberger une « nouvelle version » de son émission auparavant diffusée sur la chaîne Fox News.

Au cours du live audio d’une durée de 25 minutes aux côtés d’Elon Musk, Ron DeSantis a eu du mal à faire passer son message — au-delà de l’annonce elle-même — en raison des nombreuses coupures provoquées par des problèmes techniques, tournées par le gouverneur à son avantage en revendiquant avoir réussi à « casser Internet »3. Le clip de campagne publié dans la nuit — qui s’ouvre sur la phrase « notre frontière est un désastre » — offre quant à lui l’image d’un candidat seul aux côtés d’un drapeau américain, en rupture avec la place accordée aux Américains dans la vidéo de campagne publiée par Joe Biden le mois dernier4.

Bien que le lancement de la campagne de DeSantis n’ait pas eu le succès escompté, le gouverneur de Floride mise sur le temps long pour séduire les électeurs républicains et convaincre la base électorale de Donald Trump.

  • Si les sondages le placent pour le moment loin derrière l’ancien président républicain en termes d’intention de vote, DeSantis demeure « l’étoile montante » du parti républicain et le seul opposant crédible face à Donald Trump.
  • Bien qu’il incarne une ligne dure sur des sujets clivants (l’immigration, qu’il considère incontrôlée, la pensée « woke  », responsable du déclassement des États-Unis, l’interdiction de l’avortement après six semaines de grossesse…), il est néanmoins perçu comme un candidat capable d’aller au-delà du discours pour véritablement implémenter des politiques reflétant son agenda conservateur — à la différence donc de Donald Trump.
  • Le gouverneur de Floride — qui peut se reposer sur sa confortable réélection de novembre 2022 — est notamment apprécié par les conservateurs américains pour avoir été l’un des premiers à œuvrer pour rouvrir progressivement les bars, restaurants, espaces publics de son État au cours de la pandémie de Covid-19.
  • Auteur de plusieurs « actions coup de poing » — notamment l’envoi par avion de plusieurs migrants sur l’île de Martha’s Vineyard (où résident de nombreuses personnalités libérales aisées), dans le Massachusetts, sans que ceux-ci soient avertis de leur destination —, DeSantis partage l’essentiel des valeurs conservatrices de Donald Trump tout en revendiquant un style différent5

Avec environ 21 % d’intentions de vote selon l’agrégateur de sondages de FiveThirtyEight, le gouverneur de Floride est pour le moment loin derrière Donald Trump en termes d’intentions de vote, tandis que certains sondages le déclaraient gagnant au début de l’année 2023. Cependant, il reste encore plus d’un an avant la primaire républicaine et les débats organisés par le Republican National Committee (dont le premier devrait se tenir en août prochain) pourraient lui permettre de se présenter comme un candidat capable de se faire élire en 2024 et de mettre en oeuvre l’agenda conservateur qu’il promeut6.

Sources
  1. Manuel Roig-Franzia, « Ron DeSantis’s scorn-filled book sets the tone for a potential campaign », The Washington Post, 27 février 2023.
  2. Gerrit De Vynck, Jeremy B. Merrill et Luis Melgar, « High-profile Republicans gain followers in first weeks of Musk’s reign », The Washington Post, 28 novembre 2022.
  3. Tweet de @TeamDeSantis, 25 mai 2023.
  4. Joe Biden Launches His Campaign For President : Let’s Finish the Job, YouTube, 25 avril 2023.
  5. Jonathan Allen et Ted Hesson, « Migrants flown to Martha’s Vineyard by Florida governor say they were misled », Reuters, 17 septembre 2022.
  6. Maggie Haberman et Maggie Astor, « Republicans Will Hold Their First Presidential Debate in Milwaukee », The New York Times, 23 février 2023.