La bataille pour la ville de Bakhmout, dans l’est de l’Ukraine, dure désormais depuis plus de neuf mois, et constitue l’épisode le plus meurtrier depuis le lancement de l’invasion russe.

  • Le 1er mai, la Maison-Blanche estimait que les pertes russes (comprenant les morts ainsi que les blessés) au cours des cinq derniers mois dans la région de Bakhmout et « d’autres zones d’Ukraine » s’élevaient à 100 000 hommes1.
  • Selon les services de renseignement américains, la moitié des 20 000 Russes tués dans l’est de l’Ukraine appartiendrait au groupe Wagner.

Suite à une période marquée par d’importantes pertes russes journalières entre début février et fin mars — entre 700 et 900 par jour, parfois jusqu’à plus de 1 000 —, selon le ministère ukrainien de la Défense, la violence des combats semble avoir diminué au cours des dernières semaines.

Toutefois, l’armée ukrainienne progresse autour de Bakhmout depuis plusieurs jours consécutifs, ce qui pourrait témoigner d’un affaiblissement plus durable du dispositif défensif russe autour de la ville.

En raison des assauts ukrainiens répétés contre des positions russes au nord et au sud de la ville (notamment autour de Ivanivske, Klishchiivka et Sakko i Vantsetti jeudi 18 mai), le chef de la milice Wagner Evgueni Prigogine a déclaré que les forces russes n’étaient plus en mesure d’y encercler les forces ukrainiennes — brisant ainsi une dynamique amorcée il y a plusieurs semaines2.

  • Depuis la fin du mois d’avril, la ville est occupée à plus de 90 % par les forces russes — dont seuls quelques quartiers à l’ouest de la ville, surtout résidentiels, échappent au contrôle russe.
  • Plutôt que de concentrer leurs attaques sur la ville elle-même — quasiment entièrement détruite par les bombardements et tirs d’artillerie —, à l’intérieur de laquelle la progression de véhicules blindés est risquée et difficile, l’armée ukrainienne mène depuis plusieurs jours consécutifs des opérations contre-offensives au nord et au sud de la ville.
  • Tandis que le commandement russe a décidé d’allouer plus de moyens à la défense de la ville (par Wagner et les forces conventionnelles) plutôt que de privilégier la défense de l’ensemble de la ligne de front, les forces russes progressent toujours lentement dans la ville mais perdent du terrain en-dehors.

Ces récentes avancées ukrainiennes autour de Bakhmout sont intéressantes dans le contexte de la contre-offensive en préparation qui pourrait débuter prochainement, permise par une météo clémente marquée par une hausse des températures et donc la fin du dégel ainsi que par l’accumulation de réserves de munitions pour plusieurs semaines. En concentrant ses attaques sur une zone très restreinte de la ligne de front (une dizaine de kilomètres seulement), Kiev signale que ses forces pourraient y tenter une percée plus importante, ou bien que ces opérations constituent une diversion visant à fragiliser la ligne russe — dans les deux cas, elles constituent un dilemme pour Moscou3.

Les avancées ukrainiennes sont encore trop incertaines pour anticiper une potentielle prise en tenaille des forces russes concentrées à l’intérieur de la ville, mais posent néanmoins un défi pour l’état-major russe qui doit désormais décider s’il veut consacrer encore plus de ressources aux forces de Bakhmout afin de repousser les attaques ukrainiennes, quitte à fragiliser le reste du front, ou bien tenter de stabiliser le front plus à l’est.

Sources
  1. Steve Holland et Katharine Jackson, « US believes Russians in Ukraine have suffered 100,000 casualties in 5 months », Reuters, 2 mai 2023.
  2. Grace Mappes, Kateryna Stepanenko, Nicole Wolkov, Layne Philipson et Frederick W. Kagan, « Russian Offensive Campaign Assessment, May 18, 2023 », Institute for the Study of War.
  3. Francis Farrell, « Ukraine strikes back around Bakhmut as Wagner reaches last streets in the city », The Kyiv Independant, 19 mai 2023.