À la suite de l’occupation des ports ukrainiens par la Russie, l’Union européenne a levé les droits de douane sur les exportations agricoles du pays et a créé des corridors commerciaux pour le transport de ces marchandises à travers la Bulgarie, la Pologne et la Roumanie.

  • Les exportations de céréales ukrainiennes avaient pu partiellement reprendre grâce à l’Initiative sur le grain de la Mer noire – un accord obtenu en juillet dernier sous l’égide de la Turquie et des Nations unies. Dans le cadre de l’accord, l’Ukraine était autorisée par la Russie à exporter ses céréales par l’intermédiaire de trois ports ; elle a ainsi pu exporter quelque 28,8 millions de tonnes de produits agricoles, dont 14,6 millions de tonnes de maïs et 7,8 millions de tonnes de blé.
  • La Russie a néanmoins déclaré le 24 avril qu’elle n’étendrait pas l’accord au-delà du 18 mai, sa date de fin présumée, sans obtenir certaines concessions ; pour sa prolongation, Moscou souhaite que les pays européens lèvent les obstacles à l’exportation de céréales et d’engrais russes, notamment en reconnectant la Banque agricole russe (Rosselkhozbank) au système de paiement SWIFT.

En parallèle, les « voies de solidarité » n’ont pas fonctionné comme prévu – une grande partie des marchandises ukrainiennes reste encore bloquée en Europe de l’Est.

  • En raison de goulets d’étranglement logistiques, une grande partie des produits destinés à l’Afrique et au Moyen-Orient s’est accumulée en Europe de l’Est, entraînant une surabondance de maïs, de blé et de graines de tournesol.
  • Les données des Nations unies1 montrent que les cinq pays d’Europe de l’Est concernés – la Bulgarie, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie et la Slovaquie – ont importé ensemble 4 millions de tonnes de maïs et 1,3 million de tonnes de blé d’Ukraine en 2022, contre seulement 23 000 tonnes et 3 000 tonnes respectivement en 2021. 
  • Conséquence du surplus, mi-avril, la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie et la Bulgarie ont annoncé un embargo sur les produits agricoles ukrainiens, déclarant que l’afflux de denrées en provenance de leur voisin de l’Est menaçait les moyens de subsistance des agriculteurs locaux.

La Commission européenne, qui a dénoncé les interdictions unilatérales imposées par quatre de ses États membres est parvenue à un premier accord le vendredi 28 avril2

  • Après plusieurs jours de discussions, les ministres de l’agriculture ont décidé d’accorder aux agriculteurs des cinq pays concernés une aide de 100 millions d’euros provenant de la réserve de crise de l’Union. Cette aide s’ajoute à celle de 56 millions d’euros décidée en mars. 
  • L’Union a également décidé d’interdire jusqu’au 5 juin les importations des produits dont la croissance est la plus rapide – le maïs, le colza, l’huile de tournesol, les graines de tournesol et le blé. Ces derniers ne pourront entrer sur le territoire des quatre États (auxquels s’ajoutent la Roumanie) qu’à condition d’être réexportés. Les interdictions d’importations sur le lait, le miel et le poulet, demandées par les cinq pays, ont cependant été rejetées. 

Si le déblocage des importations est important pour l’économie ukrainienne, partiellement paralysée depuis le début de la guerre, il est aussi vital pour les pays dont la population est soumise à l’insécurité alimentaire ; l’Ukraine est en effet l’un des principaux exportateurs du blé du globe, et représente avec la Russie plus d’un quart des exportations mondiales3. Avant la guerre, le secteur agricole ukrainien représentait environ 12 % du PIB et 40 % de l’ensemble des exportations du pays.

Sources
  1. Voir la base de données de l’UN Comtrade.
  2. Voir le tweet de Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission européenne.
  3. « Rapport mondial sur les crises alimentaires : Le nombre de personnes confrontées à une insécurité alimentaire aiguë est passé à 258 millions dans 58 pays en 2022 », Programme alimentaire mondial, 3 mai 2023.