Vendredi 31 mars, l’autorité administrative italienne indépendante « Garantie pour la protection des données personnelles » (Garante per la Protezione dei Dati Personali, ou GPDP) a annoncé qu’il était désormais impossible d’accéder en Italie à l’agent conversationnel de l’entreprise américaine OpenAI, ChatGPT, en raison du non-respect des lois sur la protection de la vie privée.

  • L’autorité a déclaré que cette décision était temporaire, tandis qu’une enquête a été ouverte visant à déterminer si l’entreprise est en mesure de s’assurer que les utilisateurs sont âgés d’au moins 13 ans.
  • Les préoccupations exprimées par la GPDP concernent également le manque d’informations communiquées aux utilisateurs relatives à la collecte de données personnelles ainsi que les raisons « justifiant la collecte et le stockage massifs de données personnelles dans le but d' »entraîner » les algorithmes qui sous-tendent le fonctionnement de la plateforme »1.
  • OpenAI dispose d’un délai de 20 jours pour communiquer à l’autorité les décisions prises permettant de donner suite aux demandes de la GPDP « sous peine d’une sanction pouvant aller jusqu’à 20 millions d’euros ou jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial ».

Sept pays ont introduit une interdiction d’accès à ChatGPT : la Russie, la Chine, l’Iran, la Corée du Nord, le Venezuela, la Biélorussie et l’Italie. Cependant, d’autres pays pourraient suivre à mesure que les progrès exponentiels des applications d’intelligence artificielle (IA) suscitent des inquiétudes relatives à la collecte et l’utilisation des données des utilisateurs. Dans une lettre ouverte — ayant recueilli à ce jour plus de 10 000 signatures, dont certaines personnalités importantes du monde de l’IA, de la recherche et de l’ingénierie — publiée mercredi 29 mars, Elon Musk, Steve Wozniak ou Chris Larsen ont appelé à « interrompre immédiatement, pour une durée d’au moins six mois, la formation de systèmes d’intelligence artificielle plus puissants que GPT-4 »2.

Si la lettre met en avant les « risques civilisationnels » représentés par l’IA, les gouvernements et autorités nationales sont quant à eux inquiets pour la sécurité des données des utilisateurs.

  • Ces craintes ont été attisées par une brèche des données stockées par OpenAI du 20 mars. Selon l’entreprise à l’origine de ChatGPT, un bug a permis « à certains utilisateurs de voir les titres de l’historique de discussion d’un autre utilisateur actif » et aurait « causé la visibilité involontaire d’informations relatives au paiement de 1,2 % des abonnés de ChatGPT Plus qui étaient actifs au cours d’une fenêtre spécifique de neuf heures »3.
  • Dans l’Union européenne, d’autres pays — dont la France, l’Allemagne et l’Irlande — considèrent la mise en place de mesures similaires à celles prises par l’Italie, tandis que l’Espagne « n’exclut pas la possibilité d’une enquête ultérieure »4.
  • Malgré la décision de la GPDP, le gouvernement italien n’est pas unanimement favorable à une interdiction de ChatGPT. Le vice-président du Conseil et ministre des Infrastructures et de la Mobilité durable, Matteo Salvini, a notamment qualifié la restriction de « disproportionnée ».

Malgré les propos tenus par Margrethe Vestager qui paraissent plutôt en défaveur d’une interdiction de ChatGPT, l’application ne semble pas pouvoir invoquer des justifications légales nécessaires à la collecte et à l’utilisation de données personnelles prévues dans le cadre du RGPD. En France, au moins deux plaintes ont déjà été déposées auprès de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) contre ChatGPT5.

Sources
  1. Intelligenza artificiale : il Garante blocca ChatGPT. Raccolta illecita di dati personali. Assenza di sistemi per la verifica dell’età dei minori, Garante per la Protezione dei Dati Personali, 31 mars 2023.
  2. Pause Giant AI Experiments : An Open Letter, Future of Life Institute, 29 mars 2023.
  3. March 20 ChatGPT outage : Here’s what happened, OpenAI, 24 mars 2023.
  4. Supantha Mukherjee, Elvira Pollina and Rachel More, « Italy’s ChatGPT ban attracts EU privacy regulators », Reuters, 3 avril 2023.
  5. « Premières plaintes auprès de la Cnil contre ChatGPT en France », L’Obs, 5 avril 2023.