La ville de Bakhmout a été érigée par le Kremlin comme un point central du dispositif défensif ukrainien dont la chute augurait d’une percée territoriale plus vaste dans le nord-est de l’Ukraine. Aujourd’hui détruite dans sa quasi-totalité — comme le révèlent des images satellites récentes —, Bakhmout est majoritairement occupée par les forces russes1.
- Dans une vidéo publiée dimanche 2 avril au soir, le chef de la milice Wagner — dont les opérations sont concentrées dans et autour de la ville — a déclaré que la ville était désormais sous contrôle russe après avoir brandi un drapeau russe à proximité du bâtiment administratif municipal central2.
- Suite à plusieurs mois de combats intensifs qui ont conduit à la capture de la partie est de la ville, sur la rive est de la rivière Bachmutka, les forces russes et ukrainiennes livrent désormais des combats urbains concentrés au nord et au sud de la ville.
- Dans ces deux axes, l’armée russe et Wagner ont avancé de plusieurs kilomètres en direction des villages d’Orikhovo-Vasylivka et d’Ivanivske dans un effort visant à entraver les lignes de ravitaillement et de communication ukrainiennes.
En hissant un drapeau russe sur le symbole administratif de la ville, Prigogine a déclaré que la ville était désormais « légalement prise », une affirmation contestée par le président ukrainien qui dénonce « l’invention d’une victoire qui n’existe pas dans la réalité »3. L’enjeu est également de taille pour le pouvoir ukrainien qui a fait de la ville un symbole de la résilience du pays, qualifiée par Zelensky de « forteresse Bakhmout ».
Si les alliés occidentaux de Kiev ont par le passé été critiques vis-à-vis de la stratégie militaire ukrainienne du « coûte que coûte » pour conserver le contrôle de la ville, le porte-parole de la Maison-Blanche John Kirby a déclaré lundi 3 avril que « l’Ukraine continue de se battre avec acharnement pour la ville de Bakhmout […] et la bataille n’est pas terminée », tandis que Washington a annoncé qu’un nouveau paquet d’aide militaire d’environ 500 millions de dollars de munitions et d’équipements sera envoyé à l’Ukraine cette semaine4.
Tandis que l’offensive russe se concentre principalement autour de Bakhmout ainsi que d’autres villes de l’oblast de Donetsk — Vuhledar, Avdiivka, Marinka et la ville de Donetsk elle-même —, une percée russe ouvrirait la voie vers d’autres villes de plus grande importance : Kramatorsk et Kharkiv notamment.
- Dans le même temps, l’impressionnante construction de tranchées et d’infrastructures défensives dans le nord de la Crimée suggère que Moscou s’attend à devoir reculer plus au sud, en amont d’une offensive ukrainienne attendue au printemps5.
Pour Zelensky, l’armée ukrainienne doit absolument remporter une victoire à Bakhmout faute de quoi « la Russie pourrait commencer à obtenir un soutien international pour un accord qui pourrait exiger de l’Ukraine qu’elle fasse des compromis inacceptables ». En capturant la totalité de la ville, le président ukrainien considère que Moscou serait en mesure de « vendre sa victoire » à la société russe, mais également à la Chine, à l’Iran ainsi qu’à l’Occident6.
Sources
- Elena Shao et Marco Hernandez, « Satellite images show widespread destruction after heavy fighting in Bakhmut », The New York Times, 9 mars 2023.
- Jared Malsain, « Fighting Escalates in Ukraine’s Bakhmut, as Wagner Chief Hoists Russian Flag in Eastern City », The Wall Street Journal, 3 avril 2023.
- « President’s Office urges to ‘calmly react to fakes’ after Wagner boss claims seizure of Bakhmut administration building », The Kyiv Independent, 3 avril 2023.
- Léonie Chao-Fong, Martin Belam et Helen Livingstone, « US ‘pushing hard’ for Wall Street Journal reporter’s release, says White House – as it happened », The Guardian, 3 avril 2023.
- Adam Taylor, Júlia Ledur, Francesca Ebel et Mary Ilyushina, « A web of trenches shows Russia fears losing Crimea », The Washington Post, 3 avril 2023.
- Julie Pace et Hanna Arhirova, « Ukraine’s Zelenskyy : Any Russian victory could be perilous », Associated Press, 29 mars 2023.
