Le recours à l’article 49 alinéa 3 survient après six semaines de discussion parlementaire sur la réforme, qui était une promesse centrale de la campagne de réélection d’Emmanuel Macron ; son parti Renaissance étant minoritaire à l’Assemblée, plusieurs rapprochements avaient été tentés avec le parti conservateur LR pour disposer d’une majorité absolue au vote.
- Dans la version présentée en conseil des ministres le 23 janvier 1, le projet de loi prévoyait le retour à l’équilibre budgétaire du système de retraites à l’horizon 2030, par la réalisation de 19,4 milliards d’économie. Le report de l’âge de départ à la retraite, ainsi que l’allongement de la durée de cotisation pour bénéficier du taux plein, y contribuaient pour 17,7 milliards.
- Avec l’aval du gouvernement, la chambre haute du Parlement, dominée par Les Républicains, avait adopté plusieurs mesures de dépenses supplémentaires, dont un départ anticipé à la retraite pour les carrières longues et une surcote en fin de carrière pour les mères de famille. Le texte a été adopté au Sénat samedi 11 mars (193 pour, 114 contre).
- L’alliance centriste Ensemble ! (Renaissance, Modem, Horizons) comptant 250 députés à l’Assemblée, le ralliement des élus de l’opposition lui est nécessaire pour atteindre la majorité absolue de 289 voix. Si Elisabeth Borne était parvenue à un accord avec les dirigeants LR, ces derniers ont finalement averti la première ministre que seuls 28 à 30 députés sur 61 voteraient en faveur du texte.
La décision de recourir à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution française permet au gouvernement d’adopter la loi sur les retraites sans vote, à moins que les partis d’opposition ne s’unissent pour renverser le gouvernement par une motion de censure.
- Le recours fréquent à la clause par le gouvernement – 11 fois depuis l’ouverture de la dernière session parlementaire en mai 2022 – le classe comme celui l’ayant utilisé le plus dans l’histoire de la Cinquième République, derrière le gouvernement de Michel Rocard (1988-1991).
- La décision de recours au 49.3 a été critiquée par les groupes d’opposition qui préparent des motions de censure contre le gouvernement. Le groupe LIOT et le Rassemblement national (extrême-droite) mené par Marine Le Pen ont prévu chacun d’en déposer une. La NUPES (gauche) a annoncé qu’elle rallierait la motion transpartisane du groupe LIOT.
- Dans l’hypothèse d’un vote unanime des groupes NUPES (149 députés), RN (88) et LIOT(20), avec le ralliement des indépendants (5 en tout), les 262 votes pour la motion n’atteindraient pas la majorité absolue des votes exprimés (287), nécessaire pour obtenir la démission du gouvernement. Le succès de celle-ci dépendrait donc du vote d’au moins 25 députés Les Républicains sur les 61 que compte le groupe. Ajoutons également que, dans le vote d’une motion de censure, seuls les votes en faveurs de la motion sont comptabilisés.
Les sondages indiquent que près de 75 % de l’opinion publique est opposée au relèvement de l’âge de la retraite.
- Depuis le lancement de la réforme fin janvier, la France a connu une série de manifestations ; celle du 7 mars a mobilisé jusqu’à 1,3 million de personnes selon le ministère de l’Intérieur (3,5 millions selon le syndicat de la CGT).
- En outre, les transports ont été perturbés par l’annulation de trains et de vols, et les travailleurs des centrales nucléaires ont réduit la production d’électricité.
Sources
- Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 janvier 2023.