Le peuple autochtone des Yanomami, un des principaux de la région (38 000 personnes), vit le long de la frontière entre le Brésil et le Venezuela. Côté brésilien, ils se situent sur un territoire de près de 9,6 millions d’hectares dans les États de l’Amazonas et du Roraima  : la Terre Indigène Yanomami (TIY), démarquée par le gouvernement brésilien en 1992, compte notamment de nombreux peuples non-contactés1.

  • Cette région de l’Amazonie est particulièrement isolée. La TIY est à plus de 150 km de la métropole la plus proche, Boa Vista, dans le Roraima, sans être reliée par une route (dans cette région, les principaux moyens de transport sont bien souvent fluviaux ou aériens). Il s’agit d’une région pauvre du Brésil, difficile à contrôler de par sa taille et son inaccessibilité.
  • Comme dans le reste de la forêt amazonienne, les terres autochtones font face à la déforestation et à l’orpaillage illégal, deux activités qui menacent le mode de vie de ces peuples. Les chercheurs d’or polluent les cours d’eau par l’utilisation du mercure, tandis que la déforestation dégrade la biodiversité — et donc les ressources alimentaires des autochtones. De plus, les responsables de ces activités apportent des maladies auxquelles les peuples d’Amazonie sont très vulnérables.

L’existence de ces activités sur les terres yanomami est attestée depuis les années 1960, mais la politique anti-autochtone et pro-exploitation de l’Amazonie de Jair Bolsonaro a contribué à accentuer la pression sur la TIY2. Ce dernier s’est toujours montré favorable aux orpailleurs et déclarait déjà en 1998 : «  La cavalerie brésilienne a été incompétente. Celle qui était compétente était la cavalerie nord-américaine pour avoir décimé ses Indiens dans le passé et ne plus avoir ce problème aujourd’hui dans leur pays  »3. Sous le gouvernement Bolsonaro, les orpailleurs ont ainsi gagné en puissance en Amazonie, allant jusqu’à mener des actions de représailles comme fin 2022, lorsqu’un poste de santé Yanomami a été incendié peu après qu’une opération de police de lutte contre l’orpaillage illégal ait eu lieu dans la même région4.

  • L’association Hutukara Yanomami, principale organisation de représentation de ce peuple, a alerté le gouvernement fédéral dès 2019 quant aux menaces pesant sur les Yanomami, sans n’être reçue ni entendue5.
  • Ainsi, lorsque l’ONG Survival International a publié un rapport en décembre sur la situation des Yanomami, leur condition s’était entre temps considérablement aggravée, en particulier dans le Roraima où les pouvoirs locaux sont bolsonaristes6. En janvier, sur 30 000 Yanomami recensés, 22 000 souffraient du paludisme. Entre 2019 et 2022, 570 enfants yanomami sont morts, dont 152 de faim, une augmentation de 360 % par rapport à la période 2015-2018.
  • À cela s’ajoutent les nombreux témoignages de viols (notamment sur des mineures) et de menaces faites par les orpailleurs aux autochtones7.

La situation est tellement grave qu’elle est décrite au Brésil comme un génocide. Dans ce pays, ce terme renvoie notamment à l’absence d’action du gouvernement qui amène à la mise en danger de pans entiers de la population. Durant son mandat, Bolsonaro a été qualifié plusieurs fois de «  génocidaire  » pour son inaction vis-à-vis de la population autochtone brésilienne ou lors de la pandémie de Covid-19.

  • Lula s’est rendu le 21 janvier dans le Roraima pour constater l’ampleur de la situation et indiquer le retour du gouvernement fédéral dans la protection des populations autochtones.
  • De retour à Brasília, le nouveau gouvernement a commencé à travailler sur une réponse pour aider ces populations et chasser les orpailleurs de la TIY. La fermeture de l’espace aérien et fluvial est notamment envisagée afin d’empêcher les orpailleurs de se ravitailler, d’apporter du matériel et de faire sortir l’or extrait de leurs activités. Le ministre de la Défense et les chefs d’Etat-major des forces armées devraient se rendre personnellement dans le Roraima pour coordonner les opérations.
  • Une enquête a été ouverte le 30 janvier sur les membres du gouvernement Bolsonaro pour «  génocide indigène  » par le juge Luís Roberto Barroso8.

Cette crise humanitaire s’inscrit dans le cadre de la bataille informationnelle entre Lula et Bolsonaro. Elle constitue pour le camp de l’actuel président brésilien un angle supplémentaire d’attaque pour discréditer l’ancien gouvernement d’extrême-droite. La protection des peuples autochtones s’inscrit plus largement dans le cadre de la protection de l’environnement. Ces peuples protègent ces zones de l’exploitation intensive, en particulier dans une région du monde où celle-ci est vue comme principale source d’enrichissement. 

  • Lula ayant déclaré vouloir organiser la COP30 à Belém, en Amazonie, et à parvenir à un objectif « Déforestation zéro », sa politique indigéniste participera de ce rayonnement international.
  • Dès sa prise de pouvoir, le président brésilien a annoncé la réouverture du « Fonds Amazonie » — en partie alimenté par des capitaux étrangers — dédié à la protection de cette forêt qui a été gelé sous le gouvernement Bolsonaro. Dès sa réouverture, l’Allemagne a annoncé qu’elle y contribuerait à hauteur de 35 millions d’euros9.
  • La conclusion de l’accord UE-Mercosur ayant été suspendue pendant le mandat Bolsonaro pour des raisons environnementales, les mesures concrètes de Lula allant vers une plus grande protection de l’environnement ont le potentiel de débloquer les négociations.
Sources
  1. Terra Indígena Yanomami, site internet Terras Indígenas no Brasil – https://terrasindigenas.org.br , consulté le 01/02/2023
  2. Ricardo Stuckert, Povos originários guerreiros do tempo, éditions TordesilhasClick, 2022
  3. Leonardo Sakamoto, De ‘fedorento’ a ‘animais’ : Dez vezes em que Bolsonaro atacou indígenas, UOL, 26/01/2023
  4. Posto de saúde indígena na Terra Yanomami é incendiado e associações atribuem autoria a garimpeiros, G1 RR, 07/12/2022
  5. Felipe Medeiros, “Foi ele (Bolsonaro) que matou”, denuncia Davi Kopenawa, Amazônia Real, 24/01/2023
  6. Un nouveau rapport révèle une crise sanitaire dramatique pour le peuple yanomami au Brésil, Survival International France, 21/12/2022
  7. Reportage de l’émission Fantástico, Fome, desnutrição, malária, e contaminação por mercúrio : a tragédia Yanomami em Roraima, TV Globo, 30/01/2023
  8. Tainá Andrade, Barroso manda investigar membros do governo Bolsonaro por genocídio indígena, Correio Braziliense, 30/01/2023
  9. Alemanha anuncia envio de € 35 milhões para Fundo Amazônia, Poder360, 04/01/2023