Le point de convergence des mouvements de protestations qui ont lieu dans tout le pays est la politique sanitaire draconienne à l’œuvre depuis plusieurs mois.

  • Au vu de l’augmentation du nombre de cas, très relative par rapport aux pays occidentaux (du moins dans les chiffres officiels), le gouvernement chinois a généralisé depuis plusieurs mois les tests PCR journaliers avec la nécessité de présenter un QR code vert (健康码) dans de nombreuses grandes villes du pays. 
  • Des quarantaines pour les voyageurs qui voyagent entre les provinces sont également mises en place, aggravant les performances économiques du pays et contribuant à l’exaspération de la population.

Les perspectives économiques — alors que les prévisions de croissance et de consommation sont à la baisse — attisent les revendications de la jeunesse chinoise.

  • Le chômage des jeunes de 18 à 24 ans a désormais atteint un niveau record de près de 20 %.
  • La baisse de la vente de biens immobiliers en Chine de 53 % depuis le début de l’année remet en cause l’objectif d’acquérir une propriété, autrefois commun à une grande partie de la jeunesse.

Selon des sondages, le contrôle du gouvernement sur le secteur privé est lui aussi de plus en plus mal perçu parmi la jeunesse.

  • Le terme xia hai (下海, prendre la mer) a été inventé dans les années 1990 pour désigner symboliquement l’envie de travailler dans le secteur privé pour de nombreux jeunes.
  • À l’opposé, on utilise aujourd’hui shang an (上岸, descendre à terre) pour caractériser l’envie de travailler dans le secteur public, qui offre plus de stabilité malgré un salaire moindre.
  • Depuis 2021, plus de 70 000 personnes ont été licenciées dans l’industrie technologique chinoise, en partie à cause des restrictions sanitaires1.

La forte concurrence entre individus qui caractérise le modèle culturel chinois est rejetée par une frange croissante de la jeunesse. L’entièreté du modèle compétitif de la Chine est remis en cause, incarné par une nouvelle expression, nei juan (内卷), utilisée par de nombreux étudiants pour désigner la concurrence irrationnelle entre étudiants pour acquérir des ressources limitées. 

Pour toutes ces raisons, la lutte d’une partie de la jeunesse chinoise — la première pour nombre d’entre eux — voit un enchevêtrement de revendications aux natures très différentes.

  • La semaine dernière, le « Superman » de Chongqing rejetait publiquement le système dans lequel « 70 % de nos concitoyens en Chine gagnent moins de 3 000 yuans (un peu plus de 400 €) par mois ».
  • Le week-end dernier, des manifestants à Shanghai ironisaient à propos du rôle joué par les « interférences étrangères » dans l’incendie d’Ürümqi et les mouvements qui ont suivi, mettant en cause le récit de Xi Jinping pour qui tous les maux de la Chine viendraient de l’étranger2.
  • Une théorie du complot de plus en plus populaire sur Weibo consiste à dire que les États-Unis disposent d’un budget de 500 millions de dollars pour soutenir des manifestations contre la politique zéro-Covid en Chine3.

Deux interrogations majeures restent en suspens du côté des manifestants et du Parti. D’une part, quelle sera la réponse du régime de Xi Jinping, affaibli par cette opposition frontale ? D’autre part, le mouvement durera-t-il dans le temps si le Parti se décide à faire des concessions ? Pour le moment, le mouvement demande avant tout la suppression des restrictions sanitaires, mais le renforcement de la sécurité dans les grandes villes comme Shanghai pourrait, à terme, le compromettre.

Sources
  1. Ward Zhou, « China’s tech layoffs : How many people have been affected ? », Technode, 11 avril 2022.
  2. Tweet de Cindy Yu du 28 novembre 2022.
  3. Tweet de Wenhao du 30 novembre 2022.