À la demande de l’Allemagne et de l’Islande, le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU a exprimé son souhait d’ouvrir une enquête internationale sur la répression meurtrière des manifestants en Iran. La résolution appelle Téhéran à « coopérer pleinement » avec les enquêteurs, qui devraient présenter un rapport complet sur la situation en mars 20241.

  • Le Conseil s’est aujourd’hui réuni en « session spéciale », à la demande de 44 pays membres, sur 472.
  • Ces sessions spéciales sont rares ; cette année, une seule seulement s’est tenue en mai en réaction à l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
  • 25 pays ont voté en faveur de l’ouverture de la commission d’enquête — une majorité de 24 voix était requise —, 6 pays ont voté contre et 16 pays se sont abstenus.
  • Le rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’Homme en Iran, Javaid Rehman, sera chargé de conduire cette enquête.

Mercredi 16 novembre, le vote à l’Assemblée générale des Nations unies avait déjà fait émerger trois blocs autour de la question de la condamnation des violations des droits de l’Homme en Iran.

  • Les pays occidentaux avaient voté pour, tandis qu’une grande partie des pays d’Asie, dont la Russie, la Chine et l’Inde avaient voté contre.
  • Enfin, les pays d’Afrique se sont en majeure partie abstenus, ou n’étaient pas présents lors de la séance.

Depuis septembre et la mort de Mahsa Amini, au moins 15 000 personnes ont été arrêtées en Iran pour avoir participé aux manifestations

  • Selon l’ONG Iran Human Rights, au moins 416 personnes ont été tuées par les forces de sécurité iraniennes depuis le début du mouvement de protestations le 16 septembre dernier, dont 51 mineurs.
  • À ce jour, plusieurs manifestants font face à des accusations pouvant entraîner la peine de mort, dont : Toomaj Salehi, Niloofar Hamedi et Elahe Mohammadi, deux journalistes ayant contribué à la diffusion de l’histoire de Zhina Amini.

Depuis quelques mois, les observateurs notent la transformation d’un mouvement de manifestations prenant un tournant révolutionnaire contre la théocratie iranienne.

  • Farhad Khosrokhavar, spécialiste de la sociologie de la révolution iranienne de 1979, décrit le « rapport de coopération » qui lie les hommes et les femmes « contre un ennemi commun qui est l’État théocratique, c’est-à-dire un État qui veut détruire la société au nom de principes islamiques de plus en plus rigidifiés ».
  • Les revendications ont aussi changé de ton. Le slogan qui au commencement était « femme, vie, liberté » s’est transformé pour s’attaquer directement au régime : « À mort le dictateur », « à mort la dictature ».

Alors que certains parallèles semblent évident avec la révolution iranienne de 1979, le mouvement en cours doit être observé en lien avec la situation économique du pays.

  • Alors que la révolution iranienne de 1979 s’est produite après une période de grande modernisation, le mouvement actuel se produit après des décennies de démodernisation, selon Khosrokhavar.
  • En 1979 le revenu par habitant de l’Iran était entre deux et trois fois supérieur à celui de la Turquie. Entre 2012 et 2020, il est passé de 8 525 $ par habitant à 2 756.