Plusieurs rencontres de haut niveau entre l’Inde et la Russie ont eu lieu pendant les derniers mois, impliquant les ministres des Affaires étrangères, de la Défense ainsi que les deux chefs d’État, qui se sont rencontrés pendant le sommet de l’organisation pour la Coopération de Shanghai en septembre, à Samarcande.

La guerre en Ukraine est le principal sujet à l’ordre du jour. Bien que l’Inde tente de maintenir une certaine distance, maintenant un dialogue avec les deux camps, elle n’a pas condamné l’invasion russe.

  • Elle s’est notamment abstenue lors du vote de la résolution à l’ONU condamnant la guerre en Ukraine, insistant sur les questions d’intégrité territoriale.
  • Les deux pays partagent la vision d’un monde « de plus en plus multipolaire et équilibré », comme rappelé à Moscou par Jaishankar1.
  • De plus, l’Inde a profité des nouvelles routes des exportations énergétiques russes à bas prix, notamment pétrolières, pour ses approvisionnements.

Toutefois, si une série de facteurs rapprochent l’Inde de la Russie, il ne sont pas suffisants pour que la première soutient ouvertement Moscou, et la présence d’autres facteurs qui viennent les contrecarrer ne doit pas être sous-estimée.

  • New Delhi ne peut pas être enthousiaste des exploits de l’armée et des équipements russes (massivement utilisés par l’armée indienne) en Ukraine, où ils sont en train de montrer leurs faiblesses.
  • De plus, l’interdépendance globale de certains secteurs ainsi que l’isolement croissant de la Russie rendront de plus en plus difficile la production en Russie d’armes sophistiquées.

L’attractivité de la Russie est en train de décliner fortement depuis l’invasion de l’Ukraine. L’Inde n’a aucune intention de se lier davantage à un paria de l’ordre international, mais elle peut encore choisir les champs dans lesquels une interaction avec la Russie pourrait comporter des intérêts : des livraisons énergétiques à bas prix ainsi que le soutien à un ordre mondial multipolaire.

De l’autre côté, le partenariat avec les États-Unis est aussi très important pour l’Inde, qui ne peut se permettre de courir le risque de le compromettre en penchant trop vers Moscou. Sous cet angle, on peut comprendre la phrase qui avait marqué la rencontre Poutine-Modi en Ouzbékistan, pendant laquelle ce dernier avait dit à son homologue russe que « l’ère d’aujourd’hui n’est pas une ère de guerre ».

  • Toutefois, la rencontre Lavrov-Jaishankar intervient à un moment particulièrement significatif : au même moment que la COP 27 en Égypte — à laquelle ni Modi ni Poutine (et ni Xi Jinping) ne participent personnellement —, et une semaine avant le G20 indonésien. 
  • C’est à cette occasion qu’on pourra mesurer quelles sont les intentions de l’Inde par rapport aux recompositions provoquées par la guerre en Ukraine, et si ses appels à la paix font partie de la rhétorique diplomatique — ou bien s’ils cachent une volonté plus profonde de se proposer comme médiateur.