Hier, le président sortant d’extrême-droite Jair Bolsonaro a été battu d’une courte tête par l’ancien président de gauche Lula, qui l’emporte pour un troisième mandat avec une avance de seulement 2 millions de votes sur un collège électoral de 156 millions de votants.

  • Dans son discours de victoire, le président nouvellement élu a appelé à la réconciliation et à l’unité  : «  À partir du 1er janvier, je gouvernerai pour 215 millions de Brésiliens, pas seulement pour ceux qui ont voté pour moi. Il n’existe pas deux Brésils. Nous sommes un seul pays, un seul peuple, une grande nation  »1.
  • Cet appel à l’unité est aussi dû aux résultats non négligeables du camp Bolsonaro. Les gouverneurs pro-Bolsonaro des États de Rio de Janeiro et du Minas Gerais ont été réélus dès le premier tour, tandis qu’à São Paulo le parachuté Tarcísio Gomes de Freitas l’a emporté avec 55 % des suffrages.
  • Ces trois seuls États représentent plus de la moitié du PIB Brésilien et 40 % de la population. Sur les 27 unités fédérales, 14 se situent donc dans l’opposition au camp du président élu.
  • Surtout, les gouverneurs disposent de pouvoirs étendus qui leur permettent de constituer une force d’opposition d’envergure à l’exécutif, comme l’avait démontré en 2020 le bras de fer entre l’ancien gouverneur de São Paulo, João Doria, et Jair Bolsonaro sur les mesures de restriction sanitaire.

Alors que beaucoup de Brésiliens attendaient la «  fin du cauchemar  », les résultats montrent que le troisième mandat de Lula sera certainement le plus difficile. La polarisation entre les deux camps et l’image de deux Brésils irréconciliables est désormais ancrée dans les esprits.

  • La campagne du second tour démontrait aussi cette opposition, avec des appels à l’électorat évangélique, acquis à Jair Bolsonaro, ou une tentative de réappropriation du drapeau brésilien, symbole accaparé par l’extrême-droite. Le candidat Lula est ainsi allé voter vêtu de blanc, couleur de la paix.

Hier, les Brésiliens votaient aussi pour les députés fédéraux, les sénateurs, les gouverneurs et les députés d’État.

  • Concernant le pouvoir législatif, le parti de Jair Bolsonaro, le Parti Libéral, a réalisé la meilleure performance de son histoire et devient ainsi le premier parti à la Chambre des députés et au Sénat avec 99 députés sur 513, contre 80 pour la coalition de Lula, et 8 sénateurs sur 27 contre 42.
  • Le camp de Lula devra donc s’allier à d’autres partis pour passer des lois cruciales de son programme, notamment le budget qui devra être revu à la hausse pour les ministères de l’éducation, de la science et de l’environnement, ainsi que pour les organes de lutte contre la déforestation et de protection des populations indigènes.

Le bolsonarisme a donc été défait, mais n’est pas vaincu. Avec des résultats aussi historiques, il est encore puissant à tous les niveaux de la politique brésilienne et impactera considérablement le troisième mandat de Lula.

  • Les nombreux députés, sénateurs, gouverneurs et militants auront encore un poids important sur l’avenir du Brésil. Ils auront la capacité d’entraver les objectifs de Lula de «  zéro déforestation  » ou bien d’éradication de la faim.
  • Ce résultat continue à cultiver le ressentiment qu’une grande partie de la population a contre Lula et son parti, toujours vivace depuis l’opération Lava-Jato en 2016.
  • De nombreux partisans de Bolsonaro ont déclaré avant et pendant les élections qu’ils ne se laisseraient pas faire en cas de retour du Parti des travailleurs.

Ainsi, la grande inconnue est la réaction de Jair Bolsonaro, qui ne s’est pas encore prononcé sur le résultat des élections.

  • Contestera-t-il le résultat d’une élection si serrée pour s’engager sur une voie similaire à celle empruntée par Donald Trump, voire pire  ? Ou acceptera-t-il les résultats  ?
  • Dans ce cas, la prochaine bataille sera celle du budget. Le camp Lula devra négocier un budget comprenant des objectifs contraires à ceux du précédent gouvernement auprès d’un Congrès national où il rencontrera une très forte opposition.
Sources
  1. Tweet de Luiz Inácio Lula da Silva, 30 octobre 2022.
  2. Chambre des députés du Brésil, A nova composição da Câmara.