Dès 2017, la Commission a déclenché une procédure au titre de l’article 7 pour traiter un risque éventuel de violation des valeurs de l’Union par la Pologne. Cet été, plusieurs coups de théâtre ont marqué la relation entre la Pologne et l’Union en ce qui concerne l’État de droit et surtout le déblocage de 35,4 milliards d’euros liés au plan de relance post-Covid qui doivent être attribués au pays.

  • En cause : la création par le gouvernement PiS (Droit et Justice) d’une chambre disciplinaire pour les juges où ceux-ci seraient jugés par d’autres juges nommés par le pouvoir, et contre les décisions desquels ils auraient peu de recours.

Considérant que cette chambre constituait une rupture à l’impartialité de la justice, la Commission a bataillé pour qu’elle soit supprimée. Ce que la Pologne a fait en juin, ouvrant la voie à un versement des fonds, décision validée par la Commission puis le Conseil de l’Union. Cependant, les critiques ont fusé car l’indépendance des juges et leur droit au recours en cas de condamnation restent sous forte influence politique.

Entre-temps, la Commission a semblé adopter une position conciliante avec la Pologne et n’a pas activé le mécanisme de conditionnalité du versement des fonds comme elle l’a fait pour la Hongrie.

  • La semaine dernière, la ministre polonaise de l’Économie a déclaré qu’elle pensait que Varsovie était « sur la bonne voie pour obtenir l’argent ». Ce n’est pourtant pas la position officielle de la Commission, qui déclare que sans réforme de fond du système judiciaire, aucune somme ne sera versée.
  • À Princeton, fin septembre, von der Leyen a statué : « Si les choses prennent une direction difficile — et j’ai parlé de la Hongrie et de la Pologne — nous avons les outils nécessaires », provoquant l’ire du Premier ministre polonais qui a parlé de dictature de Bruxelles contraire à l’État de droit 1.

Ce qui est sûr, c’est qu’à l’approche de l’hiver, les fonds européens sont nécessaires pour affronter une crise énergétique sans précédent. L’opposition polonaise, rassemblée autour de la Plateforme civique, reproche au gouvernement de ne pas se donner les moyens d’obtenir les fonds nécessaires en refusant de lancer une réforme judiciaire.

Selon les informations données par le porte-parole de la Commission Stefan De Keersmaecker, Bruxelles s’apprêterait à geler le versement des 76,5 milliards d’euros prévus dans l’accord de partenariat adopté en juin dernier 2. Le dialogue entre Bruxelles et Varsovie est toutefois encore en cours, la Commission attendant des propositions de mesures relatives à l’indépendance de la justice 3.

Jan Krzysztof Kordys écrivait en juillet dernier dans nos colonnes, à propos du parti Droit et Justice au pouvoir en Pologne : « Le réseau du PiS est fondé sur des liens informels, personnels ou de parenté, qui permet d’imposer, du sommet vers la base, des décisions en outrepassant les limites habituelles d’un État de droit. On retrouve un schéma de pensée hérité de l’ère communiste, où l’État (et idéalement la société dans son ensemble) est lié au parti ».