La question qui nous intéresse est la plus simple et la plus essentielle : qu’est-ce qui change, dans le fond, avec l’essor des nouvelles technologies ? D’ordinaire, trois grandes postures caractérisent la façon dont on y répond, et dont on aborde l’impact de la technologie numérique : la première relève du fantasme, la deuxième de l’idéologie, la troisième de la critique. Nous en proposons une quatrième, qui relève, à peu de choses près, de la poésie1.

Du fantasme transhumaniste à la critique anticapitaliste : une hystérisation des débats technologiques

La posture fantasmatique est celle des techno-prophètes : elle repose sur une foi absolue dans les capacités de la technoscience à transformer la vie sur terre, promet l’avènement d’un monde post-humain2dans lequel l’homme serait définitivement délivré des faiblesses et des malheurs de sa condition biologique3grâce aux miracles d’une «  super-intelligence  » artificielle4. Cette posture techno-utopique n’a pas de réel fondement empirique (les experts s’accordent pour dire que «  l’intelligence  » artificielle est un contresens, les algorithmes demeurants plutôt «  bêtes  »5), et nous renseigne davantage sur les qualités de la culture occidentale6(et notamment sur la façon dont on a considéré, depuis des siècles, la technique comme l’incarnation absolue de la Raison, et comme le sens ultime du Progrès7), que sur les enjeux de la technologie. Elle joue néanmoins un rôle considérable dans notre imaginaire culturel8 : elle a inspiré la plupart des grands récits de science-fiction9, mais aussi toute la stratégie marketing de la Silicon Valley — sorte de traduction édulcorée (et pragmatique) de ces grands délires techno-philosophiques : l’idée que la technologie va «  changer le monde  ».

Telle est donc la deuxième posture, qui consiste à envisager la technologie numérique comme le moteur du changement social et de tous les progrès : outil versatile et incroyablement efficace, la technologie serait l’instrument privilégié du changement social, de la démocratisation et de l’empowerment de l’individu10, grâce auquel on pourrait, plus et mieux que jamais, rationaliser les procédures et améliorer les performances, mais aussi « rapprocher le monde entier » (Facebook), « faire le bien » (Google) , « résoudre les problèmes et rendre le monde meilleur » (Palantir). Cette posture incarne une forme de techno-militantisme (ou techno-solutionnisme) ; elle est idéologique en nature, pour deux raisons : d’abord, parce qu’en  subordonnant l’amélioration de la condition humaine au progrès technologique11, elle souscrit à une « doctrine de l’inévitabilisme »12qui n’est autre qu’une injonction à adopter (et à s’adapter à) la technologie ; ensuite, parce qu’elle feint d’ignorer que, dans l’économie contemporaine, faire de l’innovation technologique le moteur du progrès social suppose d’adhérer à un certain nombre de principes « idéologiquement chargés »13— de croire, entre autres, aux bienfaits du libre marché et de l’entreprise individuelle, d’accepter une certaine dérégulation, et de tendre, globalement, vers une forme plus ou moins aboutie de société néolibérale14.

Qu’est-ce qui change, quand tout change ? Pas grand-chose, finalement. La technologie numérique n’a transformé ni la nature humaine, ni sa condition.

Charleyne Biondi

La posture critique s’élève donc contre les discours des deux premières, qu’elle apparente à une forme «  d’évangélisme technologique  »15. En décortiquant les nouvelles pratiques numériques et leurs effets, la posture critique n’a de cesse de nous mettre en garde — contre les possibles dérives de la «  surveillance de masse  » pour l’État de droit, contre la manipulation insidieuse d’une nouvelle forme de «  gouvernance algorithmique  », contre le «  nouveau technopouvoir  » des géants de la tech, contre la mutation maligne du capitalisme 2.0, etc. Elle s’inscrit dans une longue tradition qui, depuis la première révolution industrielle, consiste à rattacher de manière systématique la technologie à ses conséquences matérielles, de montrer la face cachée du techno-progressisme. Aujourd’hui, la posture critique expose l’impact environnemental de l’industrie technoscientifique16, les répercussions socio-économiques de la transformation numérique (l’automatisation du travail, l’uberisation de l’économie, le capitalisme de surveillance),17les conséquences (géo)politiques résultant du pouvoir d’influence des géants de la tech18, les dangers de l’appropriation de ces technologies par les pouvoirs publics pour les libertés individuelles19  ; mais aussi, les effets de la médiation permanente de la technologie sur la formation de l’identité20, sur les modes de subjectivation et les relations de pouvoir qu’elle matérialise21, l’hyper-individualisation des modes de vie22 et l’isolement qui en découle23, la polarisation de l’opinion publique, la radicalisation des extrêmes et la désinformation qu’elle favorise24. Ses analyses pointent toutes vers le même constat  : elles prouvent qu’en dépit de sa fonction marginalement émancipatrice pour l’individu, la technologie numérique renforce les hiérarchies traditionnelles d’exploitation (des ressources) et de centralisation du pouvoir (au profit de certaines grandes entreprises, et parfois, de certains États) bien plus qu’elle ne les décentralise25. Loin de renverser l’ordre du monde, elle le servirait au contraire — en magnifiant les dynamiques, bonnes et mauvaises, de ce qu’on identifie depuis longtemps comme les conséquences de la mondialisation26

Alors, qu’est-ce qui change, quand tout change  ? Pas grand-chose, finalement. La technologie numérique n’a transformé ni la nature humaine, ni sa condition. Quant à la société, elle a simplement renforcé les rapports de force qui la traversaient déjà, en armant de ses outils rudement efficaces les institutions traditionnelles du pouvoir économique et administratif. 

© AP Photo/Frank Augstein (œuvre de Ryoji Ikeda)

La transformation numérique de la société : une « rupture » insaisissable

Ainsi, un paradoxe traverse l’ensemble de la littérature au sujet de la technologie numérique, et notamment son corpus critique : alors que l’immense majorité des textes suggère explicitement que ces nouvelles technologies créent une «  rupture  » (dans les pratiques économiques et sociales, dans la production des savoirs et des richesses, etc.), les effets de cette rupture pour l’ordre socio-politique — en d’autres termes, ses enjeux politiques — restent insaisissables. En effet, tandis que le caractère prétendument «  inédit  » des effets de la technologie n’a de cesse d’être invoqué — pour décrire la «  fin de l’individu  » ou celle du «  monde commun  » ; pour parler d’un «  nouvel impérialisme  » ou d’une nouvelle forme de «  colonisation numérique  » — le débat public et universitaire au sujet de la régulation de la technologie suggère au contraire qu’il ne se passe rien de nouveau sous le soleil de la démocratie libérale, conçue pour entretenir avec l’économie de marché une négociation permanente, pour trouver son propre équilibre dans ce jeu incessant d’ajustements tactiques que lui imposent la croissance et son éternel moteur, le progrès technique. 

Au sein de la posture critique, ce paradoxe est propre aux «  lectures instrumentales  » de la technologie, c’est-à-dire aux analyses qui s’intéressent à la façon dont la technologie est utilisée pour servir des fins sécuritaires, économiques ou impérialistes, et qui décrivent la façon dont l’instrumentalisation des outils et techniques numériques risque d’accroître le pouvoir des uns ou des autres, de déséquilibrer l’équilibre démocratique en menaçant les libertés fondamentales. Ces analyses observent volontiers le caractère «  inédit  » de nouveaux phénomènes numériques, mais continuent d’appréhender leurs conséquences au travers des grilles de lectures traditionnelles de la critique (marché contre démocratie, individu contre État, liberté contre sécurité, etc.) : elles ne cherchent pas à savoir ce que la technologie produit en soi, mais comment elle actualise (et souvent, déséquilibre) des luttes d’intérêt qui lui préexistent. 

L’autre versant de la posture critique consiste à aborder la technologie numérique d’un point de vue épistémologique. L’objet de ces analyses est précisément la «  rupture  » produite par la technologie  : elles décrivent, théorisent, expliquent en quoi les pratiques et les outils numériques (l’intelligence algorithmique, le Big Data, le réseau social, etc.) constituent une façon radicalement nouvelle (ou pas) de produire des savoirs, de gouverner des populations, de construire son identité, de prendre conscience de soi, et plus fondamentalement encore, de comprendre la réalité qui nous entoure27. Abordée au-travers de sa fonction philosophique, la technologie devient enfin signifiante  : c’est par elle que sont transformées les notions de soi, du temps, de population28, de réalité29, de vérité, de public et de privé30, de matérialité31, d’homme et d’objet32, etc. Grâce à ces recherches, on sait comment les choses changent avec la transformation numérique de la société, et dans quelle mesure nous ne faisons (et ne comprenons) plus les choses de la même façon. Les effets de la technologie sont ainsi abordés comme Foucault abordait ceux du pouvoir  : ce qui importe, ce n’est pas tant qui se trouve à la tête des institutions centrales et évidentes du pouvoir (politique ou technologique), mais comment l’ensemble de l’ordre social est organisé. En considérant la technologie numérique comme une pratique sociale, ou mieux, comme une «  technique de gouvernementalité  », la théorie critique en fait donc un révélateur  : elle reconnaît à la technologie numérique la capacité d’incarner (et de transformer  ?) une forme de «  rationalité de gouvernement  », elle lui attribue le pouvoir d’organiser (et d’instituer  ?) l’ordre social. C’est énorme. Pourtant, la critique s’arrête avant de tirer les conclusions de ses propres constats : quand elle décortique effectivement ce qui change avec la transformation numérique de la société (les pratiques, les usages, la culture, et même le sens des choses), elle hésite à poursuivre le raisonnement et ne dit rien de ce que ça change. En d’autres termes, elle diagnostique bien des «  ruptures  » — dans les usages, dans les pratiques, dans les connaissances et les modes de production du savoir — mais opère ensuite comme s’il s’agissait d’un simple changement de procédures, d’une réorganisation des opérations  ; comme si la transformation numérique de la société pouvait se dérouler en conservant «  toutes choses égales par ailleurs  » — comme si la base pouvait «  tout changer  » sans qu’il n’en soit rien pour son sommet.

Ce constat rend explicite un décalage — si important qu’il s’apparente de plus en plus à une contradiction — entre les diagnostics posés quant à la nature de la transformation numérique (qui « change tout », et dont le corpus critique détaille les innombrables aspects des mutations sociales, épistémologiques, pratiques qu’elle manifeste), et les enjeux politiques qui en découlent (puisque les solutions proposées — réguler démocratiquement la technologie et ses instances de production, reviennent à dire que la technologie change finalement bien peu de choses). En somme, cette littérature — pourtant si riche et si dense qu’on y trouvait difficilement quelque chose de pertinent à ajouter — se refuse catégoriquement à articuler ses multiples constats d’une transformation techno-culturelle profonde à une réflexion d’ordre « systémique » sur les enjeux que cela représente pour l’avenir de l’organisation politique et sociale. La frustration qui en résulte est le point de départ de ce travail. 

Notre approche repose donc sur trois hypothèses — qui sont aussi des convictions. La première est que pour comprendre ce qui change avec la transformation numérique de la société (et donc pour comprendre les enjeux politiques de la technologie), il faut oser envisager la radicalité politique de ces «  ruptures épistémologiques  ». Et pour cela, il faut aussi oser se souvenir de la contingence de nos institutions, de leur immense fragilité, de leur dépendance totale vis-à-vis d’un imaginaire social. Aussi désirable (et donc immuable  ?) que puisse paraître la démocratie libérale — avec ses promesses de liberté et d’égalité formelle entre les citoyens, son substrat humaniste et sa grande malléabilité procédurale — elle n’en demeure pas moins entièrement conditionnée à une forme d’accord tacite, inconscient, collectif, par lequel tout régime politique n’existe qu’en ce qu’il s’accorde (au sens orchestral, harmonique du terme) avec les aspirations de ceux qu’il organise, en ce qu’il incarne un certain «  air du temps  ». C’est la deuxième hypothèse  : que nos institutions politiques sont déterminées par (et donc dépendantes de) une épistémè33, qu’elles dépendent d’un ordre sous-jacent, d’un «  système d’avant tout système  »34qui, en édictant les «  règles inconscientes  » de ce qu’il est possible de penser, d’espérer, d’imaginer, les rend non seulement envisageables mais aussi souhaitables et légitimes35. Dans les mots de Cornelius Castoriadis, c’est l’idée qu’une société «  tient  » ensemble parce que l’imaginaire collectif et anonyme qui l’institue lui donne un sens, lui trouve une signification, une raison d’être36. Enfin, la technologie joue un rôle essentiel dans la construction, la détermination et l’éventuelle transformation de cet imaginaire collectif en ce qu’elle incarne un «  objet abstrait-concret  »37, c’est-à-dire qu’elle incorpore et fait (littéralement) fonctionner des abstractions théoriques qu’elle rend visibles, concrètes, compréhensibles. C’est la théorie de Bachelard  : les «  ruptures épistémologiques  » se manifestent au-travers des innovations technologiques, car c’est en les utilisant que nous prenons conscience des connaissances qui les ont produites et du savoir qui en découle38. En ce sens, il apparaît non seulement légitime mais essentiel d’interroger le numérique pour ce qu’il révèle de notre façon d’être au monde, ou comme l’écrit Norbert Wiener, de notre «  horizon de sens  ». 

Le seul enjeu politique de la technologie numérique qui vaille encore d’être discuté est celui de l’impact de la transformation numérique sur ce nouvel imaginaire qui nous permet de «  tenir ensemble  » et de «  donner un sens  » à notre organisation socio-politique. 

Charleyne Biondi

Partant, il nous semble que le véritable enjeu politique de la technologie numérique, le seul enjeu qui vaille encore d’être discuté (et le seul qui n’ait pas été épuisé, ou presque, par la vaste littérature critique sur la technologie), est celui de l’impact de la transformation numérique sur ce substrat épistémique inconscient — que nous appelons l’imaginaire — qui nous permet de «  tenir ensemble  » et de «  donner un sens  » à notre organisation socio-politique. 

Pour comprendre ce qui change avec l’essor des technologies, pour comprendre ce qui est en jeu à l’échelle politique et institutionnelle avec cette «  grande transformation  » numérique, il faut extraire la réflexion des débats juridico-politiques sur la régulation de l’industrie et s’éveiller, derrière le bruit et de la fureur de la nouvelle économie et de ses scandales, à la radicalité silencieuse de son potentiel transformateur sur l’imaginaire des hommes. 

Nous avons appelé cette posture «  poétique  » car elle cherche à décrire ce qui ne se voit pas, à dire ce qui se trame de véritablement politique derrière les constats pragmatiques de la nouvelle économie : la transformation profonde de la psyché individuelle et collective, l’avènement progressif d’une nouvelle façon d’être au monde, l’émergence, en d’autres termes, d’un nouvel imaginaire.

© AP Photo/Frank Augstein (œuvre de Ryoji Ikeda)

Le numérique et la production de l’imaginaire social

Cette perspective semble à peu près la seule qui permette d’appréhender les enjeux politiques de la technologie de manière productive. En abordant la transformation numérique comme la manifestation concrète de l’avènement d’une nouvelle épistémè, il apparaît clairement que l’enjeu n’est pas tant de réguler une industrie et ses acteurs, mais d’actualiser l’organisation politique et sociale de façon à ce que les institutions reflètent le nouvel imaginaire collectif, et incarnent le sens nouveau que la transformation numérique imprime progressivement et silencieusement sur les choses. 

En d’autres termes, il nous semble dérisoire d’envisager les modalités d’une délibération démocratique quant à l’orientation du progrès technologique — de concevoir l’avenir au travers de la régulation d’une sphère (technologique) par une autre (politique), comme si la seconde était immune de l’influence de la première. Nous croyons, au contraire, que pour imaginer les institutions et les procédures qui garantiront le renouveau de la démocratie à l’âge technologique, il faut être capable de penser l’avenir de la politique non pas contre la technologie, mais avec elle. Autrement dit, il ne suffit pas de concevoir les procédures qui permettront aux institutions démocratiques de s’approprier la question technologique  ; il faut, avant tout, réfléchir à l’impact du numérique sur la validité, la pertinence, la légitimité, le sens même de ces principes, de ces postulats théoriques, de ces idéaux directeurs de la démocratie libérale que nous prenons pour immuables. 

Il faudrait, par exemple, interroger les relations paradoxales que le numérique entretient avec la notion de liberté. Aujourd’hui, nous sommes nudgés de manière quasi-continue, l’ensemble de nos « relations » avec le monde extérieur est cartographié (c’est-à-dire quantifié et représenté en données sur la grille virtuelle du monde), une intelligence statistique dont on ne maîtrise pas le raisonnement pose pour nous les hypothèses à partir desquels on envisage le réel… Or, non seulement avons-nous conscience de tous ces phénomènes et de leurs implications39, mais nous les désirons. On n’accepte pas simplement la surveillance, on y participe activement ; on ne tolère pas le conditionnement algorithmique de nos comportements, on le souhaite et l’encourage ; et tout en sachant cela, on continue de se lever le matin et de se sentir libres. Peut-être même plus libres que jamais, si l’on en croit les thèses qui affirment que le numérique rend l’individu ingouvernable, ou tyrannique, et les récents travaux sur la génération Z40ou la « grande démission »41.

Il faut interroger les relations paradoxales que le numérique entretient avec la notion de liberté : on n’accepte pas simplement la surveillance, on y participe activement ; on ne tolère pas le conditionnement algorithmique de nos comportements, on le souhaite et l’encourage ; et tout en sachant cela, on continue de se lever le matin et de se sentir libres.

Charleyne Biondi

Ce paradoxe — le fait que l’on désire, affirme, affiche une liberté débridée alors même que l’on abandonne sciemment et avec enthousiasme une part croissante de nos consciences à des automatismes algorithmiques — invite un scepticisme sourcilleux : mais de quelle liberté parlons-nous ?  Et c’est précisément ça qui est en jeu avec la transformation numérique : le sens que l’on donne au mot lui-même ; la façon dont, à force d’envisager le monde au travers du filtre inexorable de la rationalité numérique, on se figure une liberté aux couleurs et aux tonalités bien différentes de cette autonomie théorique, de ce libre arbitre d’un individu isolé, rationnel, indépendant sur lequel se fondent nos institutions politiques.

Cette idée — qu’un même mot peut recouvrir selon les époques un sens radicalement différent, car les concepts, même les plus fondamentaux, ne sont jamais figés, ils restent historiquement et socialement situés — n’a rien d’original. C’est d’ailleurs l’argument central du célèbre discours de Benjamin Constant, De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes (1819) : il explique que la faillite morale et politique de la Révolution française résulte de l’aveuglement des philosophes (les maîtres à penser des révolutionnaires) aux réalités de leur temps. Il leur reproche d’avoir idéalisé les républiques antiques au point d’en adopter les principes (et notamment le concept de « liberté ») « comme des préjugés », sans se rendre compte que ceux-ci n’étaient plus « convenables aux temps modernes ». L’erreur fatale des artisans de la Révolution, constate-t-il, est de ne pas avoir vu que leurs contemporains n’aspiraient pas vraiment à la liberté démocratique telle qu’Aristote l’avait définie vingt-deux siècles plus tôt ; de ne pas avoir compris que c’était « l’indépendance individuelle » (et non la participation à la vie politique) qui constituait « le premier des besoins modernes » — et d’avoir ainsi bâti une République parfaitement anachronique, vouée à l’inconséquence (et à « l’usurpation jacobine »). Pour que la Révolution enfante un régime viable, il aurait fallu que les assemblées constituantes « prennent la décision d’être modernes  »42, qu’elles inventent un régime capable d’incarner (d’institutionnaliser) les «  besoins » et les « aspirations » du siècle, d’actualiser les concepts hérités des Anciens de façon à refléter le sens nouveau et profondément différent que les modernes donnaient au mot « liberté ». La révolution a tout renversé, tout balayé, et ce faisant, elle a acté l’impossibilité historique de conserver un régime absolutiste qui n’avait plus aucun fondement au regard des croyances et des aspirations de l’époque ; mais elle n’a pas su reconstruire une alternative suffisamment moderne, elle a raté la traduction institutionnelle de ce qui était le plus essentiel, et le plus spécifique, à ses contemporains : la reconnaissance d’une nouvelle manière d’être (et d’être libres) au monde.

Il nous semble, précisément, qu’il est en train de se produire aujourd’hui, du fait de la transformation numérique de la société, un décalage similaire à celui qu’avait identifié Benjamin Constant : nos institutions continuent de fonctionner selon des principes et des représentations (essentiellement humanistes et libérales) qui nous ressemblent de moins en moins, qui sont de plus en plus éloignés de la façon dont on reconsidère les choses à l’ère numérique. En d’autres termes : on ne vit plus sous les mêmes étoiles que la démocratie libérale qui, pourtant, continue de nous organiser. La médiation permanente de la technologie, dont on adopte inconsciemment la rationalité, fait que l’on perd progressivement de vue ces deux idées fondatrices (ces deux idéaux, ces prémisses) que sont la liberté de l’individu et son indétermination — et avec elles, nous perdons les boussoles (et donc le sens) du monde commun. Dès lors, si on ne fait pas l’effort de comprendre comment la numérisation croissante des expériences et des existences humaines transforme les aspirations, les représentations collectives et politiques, on risque de concevoir une démocratie technologique aussi anachronique et inadaptée à ses contemporains que ne l’a été la démocratie jacobine de la Révolution. 

La médiation permanente de la technologie, dont on adopte inconsciemment la rationalité, fait que l’on perd progressivement de vue ces deux idées fondatrices que sont la liberté de l’individu et son indétermination — et avec elles, nous perdons les boussoles et donc le sens du monde commun.

Charleyne Biondi

Si cette position peut sembler radicale, elle est en réalité beaucoup plus nuancée que la plupart des critiques de la technologie aujourd’hui. En l’occurrence, nous ne croyons pas que la gouvernance algorithmique (qu’elle soit instrumentalisée ou non par les intérêts économiques du capitalisme de surveillance) conduise à la disparition, à l’extinction, à la réduction du libre arbitre et de l’autonomie de l’individu. En revanche, nous considérons que la transformation numérique, en insérant partout la rationalité de la technologie comme le « mode de fonctionnement par défaut », a normalisé une représentation de l’homme et de son rapport au monde dans laquelle le « point de référence », le postulat théorique de départ n’est pas celui d’un individu monadique, indépendant, autonome mais celui d’un organisme profondément dépendant de son environnement et dont « l’identité » dépend davantage de ses « relations » que de sa « vie intérieure ». En somme, nous constatons simplement que la liberté de l’individu (au sens philosophiquement et politiquement libéral du terme), ne constitue plus un point d’ancrage fondamental, qu’elle n’est plus, au regard de la rationalité numérique, un postulat théorique (et encore moins une valeur morale) essentiel.

© AP Photo/Frank Augstein (œuvre de Ryoji Ikeda)

Il en découle que la distinction fondamentale entre le public et le privé devient obsolète : en cartographiant le monde à travers la représentation des relations qui y ont lieu (et non des entités qui l’habitent), la rationalité numérique ne peut tolérer aucun sanctuaire — et certainement pas le sanctuaire si libéral de la « sphère privée »43. Pour produire un savoir objectif, pour être efficace dans son fonctionnement, pour être « rationnelle », la technologie numérique a besoin d’envisager les « échanges », les « relations » entre les entités dans leur totalité.  Encore une fois, il ne faut pas en déduire que la « vie privée » n’existe plus, contrairement à ce qu’en dit Mark Zuckerberg, qui justifiait Facebook en arguant que « la vie privée n’est plus une valeur sociale aujourd’hui »44 ; ni même qu’elle serait intrinsèquement menacée. Même si les métadonnées de nos échanges sont toutes traitées par des algorithmes, même si Google Home enregistre les conversations qui ont lieu dans nos cuisines, personne aujourd’hui n’a le sentiment de vivre sous l’œil intrusif d’un espion omniprésent ; personne n’est contraint de renoncer à sa part de secret. C’était d’ailleurs l’argument de Barack Obama pour rassurer l’opinion publique au lendemain des révélations d’Edward Snowden : « personne ne lit les messages que vous envoyez à votre mari », avait-il déclaré. Le numérique a de toute évidence provoqué une nouvelle forme d’autocensure : on « contrôle » ce que l’on poste sur les réseaux, on est conscients de la permanence de nos traces numériques, on met en place de nouvelles stratégies d’exposition et de représentation de soi qui traduisent une forme réflexive de subjectivation. De fait, les réseaux sociaux et la « culture » de la surveillance ont participé à redéfinir les notions de l’intime et du privé (c’est l’argument de Mark Zuckerberg, ou le fameux lieu commun selon lequel on publie aujourd’hui sans complexe ce que nos grands-mères n’auraient pas osé confier à leurs journaux intimes) ; mais tout cela n’a rien à voir, ni en théorie, ni en pratique, avec « La Vie des Autres »45. La surveillance qui découle de la rationalité propre au numérique n’est pas (et n’est jamais), en elle-même, une «  technique disciplinaire » : elle ne contraint pas, ni consciemment ni inconsciemment, celles et ceux dont les données sont collectées. Elle opère néanmoins une transformation radicale dans l’ordre des choses, et avant tout dans l’ordre de nos représentations, puisqu’elle fait disparaître l’idée d’une séparation nécessaire et inviolable entre le public et le privé.

Les postulats fondamentaux et inviolables de l’individualisme et la séparation du public et du privé sur lesquels repose la démocratie libérale, la rationalité numérique les ignore davantage qu’elle ne les contredit, pour la seule raison qu’elle est fondée sur des idées et des représentations différentes — et d’une certaine façon, concurrentes.

Charleyne Biondi

La technologie numérique ne nie pas le libre arbitre, elle ne s’oppose pas à l’autonomie de l’individu, elle ne viole pas sa vie privée : elle s’en désintéresse, tout simplement. Ces postulats fondamentaux et inviolables sur lesquels repose la démocratie libérale (l’individualisme et la séparation du public et du privé), la rationalité numérique les ignore davantage qu’elle ne les contredit, pour la seule raison qu’elle est fondée sur des idées et des représentations différentes — et d’une certaine façon, concurrentes.

Aujourd’hui, la rapidité et l’ampleur de la transformation numérique répand et incarne cette nouvelle rationalité (avec ses postulats, ses façons de se représenter l’homme et le monde, les relations sociales et l’ordre des choses) partout où elle pénètre : à chaque fois qu’elle médiatise une activité humaine, elle « donne corps » à cette autre idée de l’homme et de sa liberté. Elle provoque, en somme, un changement de perspective — un déplacement, un glissement — et cela suffit à provoquer, pour reprendre l’expression de Marshall McLuhan, un bouleversement « cataclysmique » dans l’imaginaire collectif.

Sources
  1. Cet article synthétise la thèse développée dans notre essai Dé-coder : une contre-histoire du numérique (Bouquins, 2022).
  2. Hayles, N. Katherine. How We Became Posthuman : Virtual Bodies in Cybernetics, Literature, and Informatics. 1st edition. Chicago, Ill : University of Chicago Press, 1999. 364 p.
  3. Kurzweil, Ray. The Singularity Is Near : When Humans Transcend Biology. New York : Penguin Books, 2006. 672 p.
  4. Bostrom, Nick. Superintelligence : Paths, Dangers, Strategies. Reprint edition. Oxford, United Kingdom ; New York, NY : OUP Oxford, 2016. 432 p.
  5. Crawford, Kate. Atlas of Ai : Power, Politics, and the Planetary Costs of Artificial Intelligence. New Haven : Yale University Press, 2021. 336 p.   ; Koenig, Gaspard. La fin de l’individu : Voyage d’un philosophe au pays de l’intelligence artificielle. Paris : L’observatoire, 2019. 400 p.
  6. Golumbia, David. The Cultural Logic of Computation. Cambridge, Mass : Harvard University Press, 2009. 272 p.
  7. Saul, John Ralston. Voltaire’s Bastards : The Dictatorship of Reason in the West. Reprint. Simon & Schuster, 2013. 656 p.
  8. Gilder, George. Telecosm : How Infinite Bandwidth Will Revolutionize Our World. Revised ed. Free Press, 2000. 372 p.   ; Heidegger, Martin. Essais et Conférences. Paris : Gallimard, 1980. 349 p. 
  9. Gibson, William. Neuromancer. 1er édition. Gateway, 2016. 321 p.
  10. Negroponte, Nicholas. Being Digital. First Edition, First Printing. New York, NY : Vintage, 1996. 272 p.
  11.  On notera que ce technico-positivisme n’est pas nouveau puisqu’il apparaît déjà au cœur de la philosophie de Marx. Dans Le capital, la technique n’est pas seulement neutre mais « raison opérante », matérialisation de la « nature scientifique » de l’homme et « révélation exotérique des forces de l’être humain ». Marx ne met donc jamais en cause la technique, qu’il considère en elle-même irréprochable, mais seulement son appropriation par la classe bourgeoise. Marx, Karl. Capital : Volume I. New Ed édition. Penguin, 2004. 1134 p.
  12. L’expression est tirée de Zuboff, Shoshana. The Age of Surveillance Capitalism : The Fight for a Human Future at the New Frontier of Power. Main edition. Profile Books, 2019. 705 p.
  13. Par exemple : Mumford, Lewis. Myth of the Machine. London : Martin Secker & Warburg Ltd, 1967. 352 p.  ; Mumford, Lewis. Technique et civilisation. Illustrated édition. Marseille : PARENTHESES, 2016. 480 p.  ; Polanyi, Karl. La Grande Transformation : Aux origines politiques et économiques de notre temps. Paris : Gallimard, 2009. 476 p.  ; Winner, Langdon. « Do Artifacts Have Politics ? », Daedalus. 1980, vol.109 no 1. p. 121-136.
  14.  Negri, Antonio et Michael Hardt. Empire. Paris : 10 X 18, 2004. 572 p.
  15. Turner, Fred. From Counterculture to Cyberculture : Stewart Brand, the Whole Earth Network, and the Rise of Digital Utopianism. Chicago, Ill. : University of Chicago Press, 2008. 327 p.
  16. Klein, Naomi. This Changes Everything : Capitalism vs. the Climate. 1er édition. London : Penguin, 2015. 576 p.
  17. Cooper, Melinda E. Life As Surplus : Biotechnology and Capitalism in the Neoliberal Era. Seattle : University of Washington Press, 2008. 208 p.   ; Srnicek, Nick. Platform Capitalism. Cambridge, UK ; Malden, MA  : Polity Press, 2016. 120 p.   ; Zuboff, Shoshana. The Age of Surveillance Capitalism : The Fight for a Human Future at the New Frontier of Power. Profile Books, 2019. 705 p.
  18. Floridi, Luciano. «  The Fight for Digital Sovereignty : What It Is, and Why It Matters, Especially for the EU  », Philosophy & Technology. 1 septembre 2020, vol.33 no 3. p. 369‑378.   ; Morozov, Evgeny. «  Reasserting cyber sovereignty : how states are taking back control  », The Observer. 7 octobre 2018 .
  19. Klein, Naomi. «  Screen New Deal : Under Cover of Mass Death, Andrew Cuomo Calls in the Billionaires to Build a High-Tech Dystopia  », Blog The Intercept. 2020.   ; Mims, Christopher. «  Privacy Is Dead. Here’s What Comes Next  », Wall Street Journal. 6 mai 2018 .   ; Snowden, Edward. Permanent Record. New York, NY : Picador, 2019. 339 p.
  20.  Boyd, Danah. It’s Complicated : The Social Lives of Networked Teens. 1st edition. New Haven London  : Yale University Press, 2015. 296 p.   ; Koopman, Colin. How We Became Our Data : A Genealogy of the Informational Person. Chicago : University of Chicago Press, 2019. 280 p.   ; Turkle, Sherry. Life on the Screen : Identity in the Age of the Internet. New York : Simon & Schuster, 1997. 352 p.
  21. Harcourt, Bernard E. Exposed – Desire and Disobedience in the Digital Age. Cambridge, Mass. : Harvard University Press, 2015. 375 p.
  22. Sadin, Eric. L’ère de l’individu tyran : La fin d’un monde commun. Paris : Grasset, 2020. 352 p.
  23. Turkle, Sherry. Alone Together : Why We Expect More from Technology and Less from Each Other. 3e édition. New York : Basic Books, 2017. 400 p.
  24. Allcott, Hunt et Matthew Gentzkow. «  Social Media and Fake News in the 2016 Election  », Journal of Economic Perspectives. mai 2017, vol.31 no 2. p. 211‑236.   ; Dylko, Ivan, Igor Dolgov, William Hoffman, et al. «  The dark side of technology  », Computers in Human Behavior. 1 août 2017, vol.73 C. p. 181‑190.   ; Pariser, Eli. The Filter Bubble : What The Internet Is Hiding From You. London : Penguin, 2012. 304 p.
  25. Crawford, Kate. Atlas of Ai : Power, Politics, and the Planetary Costs of Artificial Intelligence. New Haven : Yale University Press, 2021. 336 p. ; Golumbia, David. The Cultural Logic of Computation. Cambridge, Mass : Harvard University Press, 2009. 272 p.
  26. Ainsi, la posture critique nous montre que derrière la rhétorique techno-optimiste de l’innovation et les méthodes disruptives de l’écosystème numérique, la «  dématérialisation  » des services et la «  rationalisation  » des procédés participent en réalité d’une logique néolibérale bien connue, qui mènerait au démantèlement et au désengagement progressif de l’État. Voir par exemple Filippova, Diana. Technopouvoir : Dépolitiser pour mieux régner. Paris : Les Liens Qui Libèrent, 2019. 288 p. ; Golumbia, David. The Politics of Bitcoin : Software as Right-Wing Extremism. 1 edition. Minneapolis : University of Minnesota Press, 2016. 100 p. ; Rockhill, Gabriel et Pierre-Antoine Chardel. Technologies de contrôle dans la mondialisation : enjeux politiques, éthiques et esthétiques. Kimé, 2009.   ; Zuboff, Shoshana. The Age of Surveillance Capitalism. Op. cit.
  27.  Ingvarsson, Jonas. Towards a Digital Epistemology : Aesthetics and Modes of Thought in Early Modernity and the Present Age. Palgrave Macmillan, 2020. 182 p.   ; Lankshear, Colin. «  The Challenge of Digital Epistemologies  », Education, Communication & Information. 1 juillet 2003, vol.3. p. 167-186.   ; Liu, Alan. «  Theses on the Epistemology of the Digital : Advice For the Cambridge Centre for Digital Knowledge  ». Cambridge University, 2014.
  28. Halpern, Orit, Patrick Jagoda, Jeffrey West Kirkwood, et al. «  Surplus Data  ». Op. cit.
  29. Galloway, Alexander R. «  Golden Age of Analog  », Critical Inquiry. janvier 2022, vol.48 no 2. p. 211-232.
  30. Rouvroy, Antoinette et Thomas Berns. «  Gouvernementalité algorithmique et perspectives d’émancipation. Le disparate comme condition d’individuation par la relation  ?  », Réseaux. 2013, vol.177 no 1. p. 163-196.
  31. Barad, Karen. Meeting the Universe Halfway : Quantum Physics and the Entanglement of Matter And Meaning. Durham : Duke University Press, 2007. 544 p.
  32. Nous incluons aussi toute la littérature qui interroge la nature des artefacts et la question de la matérialité en général, et qui propose, par exemple, de ne pas considérer les objets (et notamment les objets technologiques) comme des réceptacles de la volonté humaine, mais de faire l’hypothèse d’une «  agency  » propre à l’artefact lui-même. Voir par exemple Hekman, Susan. «  We have never been postmodern : Latour, Foucault and the material of knowledge  », Contemporary Political Theory. 1 novembre 2009, vol.8. p. 435‑454. Turkle, Sherry (ed.). Evocative Objects : Things We Think With. Reprint edition. Cambridge, Mass : The MIT Press, 2011. 396 p.
  33. «  Dans une culture et à un moment donné, il n’y a jamais qu’une épistémè, qui définit les conditions de possibilité de tout savoir  », voir p.179 dans  : Foucault, Michel. Les Mots et les Choses : Une Archéologie des Sciences Humaines. Paris : Gallimard, 1990.
  34. Voir «  Entretien avec Madeleine Chapsal  » dans Foucault, Michel. Dits et Ecrits, tome 1 : 1954-1975. Paris : Editions Gallimard, 2013. 1700 p.
  35. Or Foucault n’a de cesse de le rappeler, ces règles ont leurs «  propres lois de transformation  », elles changent avec le temps  ; et il s’est efforcé de montrer, dans L’histoire de la folie, Les mots et les choses, puis L’archéologie du savoir, comment se sont produits les passages d’une épistémè à une autre.
  36. Castoriadis, Cornelius. L’institution imaginaire de la société. Paris : Seuil, 1999. 540 p.
  37.  Bachelard, Gaston. Le rationalisme appliqué. Paris : PUF, 2004. 224 p.  Voir en particulier p.105 : «  Dans toutes les anciennes techniques, pour éclairer il faut brûler une matière. Dans la lampe d’Edison, l’art technique est d’empêcher qu’une matière ne brûle. L’ancienne technique est une technique de combustion. La nouvelle technique est une technique de non-combustion […]. Nous pouvons donc bien affirmer que l’ampoule électrique est un objet de la pensée scientifique. À ce titre, c’est pour nous un bien simple mais bien net exemple d’un objet abstrait-concret. Pour en comprendre le fonctionnement, il faut faire un détour qui nous entraîne dans une étude des relations des phénomènes, c’est-à-dire dans une science rationnelle, exprimée algébriquement.  »
  38. Balibar, Étienne. «  1 – Le concept de « coupure épistémologique » de Gaston Bachelard à Louis Althusser.  », Armillaire. 1991. p. 9-57.
  39. On en a d’ailleurs parfaitement conscience, puisqu’on en est arrivés au point de télécharger des applications (comme Opal), qui nous permettent de « déconnecter » ces stimulis numériques permanents.
  40. Dorsey, Jason R. et Denise Villa. Zconomy : How Gen Z Will Change the Future of Business―and What to Do About It. Illustrated edition. New York, NY : Harper Business, 2020. 288 p.  ; Kaplan, Elaine Bell. « The Millennial/Gen Z Leftists Are Emerging : Are Sociologists Ready for Them ? », Sociological Perspectives. 1 juin 2020, vol.63 no 3. p. 408-427.
  41. Fuller, Joseph et William Kerr. « The Great Resignation Didn’t Start with the Pandemic », Harvard Business Review. 23 mars 2022. 23 mars 2022 .
  42. La formule est de Marcel Gauchet dans sa préface aux Écrits de Benjamin Constant
  43. Pour Valérie Charolles, bien en amont du Big Data, ce sont les artefacts eux-mêmes, et en particulier l’omniprésence des écrans et de leur médiation, qui rend la distinction du public et du privé obsolète. Voir : « Il y a en particulier deux questions essentielles sur lesquelles on pouvait estimer que la modernité avait apporté des réponses presque définitives, en termes de principes au moins : celle de la régulation de la sphère marchande et celle de la distinction entre espace public et espace privé. Or, sur ces deux points, l’avènement d’une civilisation d’écrans apparaît à ce point important qu’il remet en cause ce qui a pu être pensé avant. » Charolles, Valérie. Philosophie de l’écran.
  44. Johnson, Bobbie et Las Vegas. « Privacy no longer a social norm, says Facebook founder ».
  45. Le film de Florian Henckel von Donnersmarck sur la surveillance de masse et la Stasi en Allemagne de l’Est.