• À ce stade, on dénombre une dizaine d’oligarques et de figures d’opposants politiques russes — pour la plupart vivant à l’étranger — qui auraient trouvé la mort accidentellement ou se seraient suicidés ces dernières semaines. Parmi eux, près de la moitié étaient directement impliqués dans les grandes entreprises russes du secteur de l’énergie.
  • Avant le début de la guerre en Ukraine le 24 février dernier, un cadre dirigeant de Gazprom, Leonid Shulman, fut retrouvé mort dans sa salle de bains avec, à ses côtés, une lettre de suicide expliquant ses motivations. Depuis, dix autres cas de figure similaires se sont succédés, révélant un nombre anormalement élevé de décès parmi les cadres et dirigeants du secteur de l’énergie russe.
  • Le « suicide » le plus récent en date, celui du président du conseil d’administration du groupe pétrolier russie Lukoil, Ravil Maganov, incarne l’opposition au pouvoir qui se retrouve dans un certain nombre de cas. Dès le début du mois de mars, quelques jours après le début de la guerre, Lukoil créait la surprise à l’international en dénonçant publiquement la guerre déclarée par Vladimir Poutine contre l’Ukraine, appelant à un « arrêt immédiat des combats »1.
  • Depuis, le président du conseil d’administration aurait « chuté d’une fenêtre » d’un hôpital situé à quelques rues du Kremlin, et un autre membre du conseil d’administration de l’entreprise, Alexandre Soubbotine, aurait été victime d’une « attaque cardiaque durant un rituel chamanique ». Jeudi dernier, Lukoil — le plus grand producteur russe de pétrole — publiait un communiqué pour exprimer son « plus profond regret » quant au décès de Maganov « des suites d’une grave maladie »2, tandis que l’agence de presse TASS, proche du pouvoir russe, évoquait déjà un suicide3.
  • L’affaire Alexeï Navalny et particulièrement le travail d’investigation réalisé par l’équipe de Bellingcat a révélé l’implication des services secrets russes dans la tentative d’assassinat, ainsi que la détermination du Kremlin à se débarasser des opposants politiques4. Pour le moment, aucune enquête n’a toutefois connecté ces mystérieux décès au Kremlin ou aux services secrets russes, ni même écarté la piste du suicide.
  • Si certains de ces hommes comme Dan Rapoport ne cachaient pas leur opposition ou bien leur absence de soutien au régime de Vladimir Poutine, certains n’avaient jamais fait de telles déclarations publiquement. Bien qu’il y ait une concentration apparente de ces décès dans un seul secteur, celui de l’énergie, cette vague de « suicides » et de « morts accidentelles » n’est pas unique : entre 2014 et 2017, USA Today recensait 38 décès mystérieux parmi des personnalités publiques russes5.