• La rumeur circulait déjà depuis quelques jours lorsque le Ministre du Pétrole et de l’Énergie norvégien, Terje Aasland, avait laissé entendre qu’en raison des niveaux historiquement bas des réservoirs hydrauliques, la Norvège pourrait limiter ses exportations en direction des pays européens afin de satisfaire sa demande intérieure et de limiter ainsi l’augmentation des prix1. Selon la Direction norvégienne des ressources en eau et de l’énergie (NVE), les niveaux d’eau dans le Sud du pays ont atteint leur niveau le plus bas depuis 1996 avec un taux de remplissage des réservoirs de 49,3 %, contre 74,4 % en moyenne pour la période 2000-2019 au même moment de l’année2.
  • Hier, Terje Aasland a finalement déclaré devant le Storting (le Parlement norvégien) qu’en raison de potentielles pénuries d’électricité dans les mois à venir « le gouvernement veillera à ce que nous ayons des dispositions qui privilégient le remplissage de nos réservoirs hydroélectriques et la sécurité d’approvisionnement en électricité et limitent les exportations lorsque le niveau d’eau dans les réservoirs descend très bas »3. Le cadre précis de ces nouvelles dispositions devrait être annoncé dans les prochaines semaines.
  • Tandis que dans le contexte de la guerre en Ukraine les pays européens sont en quête de nouveaux fournisseurs d’énergie, cette annonce contribuera à l’augmentation des prix de l’électricité — qui ont déjà atteint des niveaux historiquement hauts en Europe, le prix du MWh ayant augmenté de plus de 600 % depuis août 2021 en France4. L’Angleterre, particulièrement dépendante de l’électricité norvégienne que le pays importe par câbles sous-marins, pourrait relancer certaines de ses centrales à charbon.
  • L’électricité norvégienne, principalement générée dans le Sud du pays via des barrages hydroélectriques — qui compte pour 92 % de l’énergie renouvelable générée, elle-même comptant pour environ 90 % de la production totale d’électricité du pays en 2021 —, est en baisse de 18 % par rapport à l’an dernier. Cette situation conduit déjà à une augmentation des prix de l’électricité en Norvège, ainsi qu’à des scénarios prévoyant un potentiel rationnement à court et moyen terme.
  • La Norvège fait toutefois partie du marché intérieur de l’énergie et à ce titre le pays ne peut décider unilatéralement de mettre fin à ses exportations d’électricité — comme certaines personnalités politiques norvégiennes l’ont suggéré.
  • Les câbles électriques sous-marins norvégiens relient directement quatre pays européens : la Suède, le Danemark, les Pays-Bas de l’Allemagne. Le North Sea Link, reliant la Norvège à l’Angleterre — qui est devenu l’interconnecteur en service le plus long du monde lors de sa mise en service le 1er octobre 2021 —, peut fournir de l’électricité à 5 % des foyers britanniques5. Bien que la diminution de l’électricité qui transite via le North Sea Link ne devrait pas conduire à une coupure du courant dans certains foyers britanniques, cette annonce noircit encore un peu plus le scénario qui se profile pour cet hiver.
Sources
  1. Ott Ummelas et Lars Paulsson, « Norway Mulls Curbing Electricity Exports to Avoid Shortages », Bloomberg, 5 août 2022.
  2. Magasinstatistikk, Noregs vassdrags- og energidirektorat (NVE).
  3. Olje- og energiministerens redegjørelse for Stortinget om strømsituasjonen, Regjeringen, 8 août 2022.
  4. Will Mathis, « Power Prices Hit Fresh Records as Heat Wave Scorches Europe », Bloomberg, 8 août 2022.
  5. Alex Lawson, « UK braces for even higher bills as Norway threatens electricity export cut », The Guardian, 8 août 2021.