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«  Des situations de même nature ont provoqué en moi, à différentes époques, les mêmes réflexes qui s’exprimaient naturellement dans les mêmes formules  : «  unité de vue et d’action  », «  conception d’ensemble  », «  mise en commun de ressources  ».
Jean Monnet

Alors que l’Ukraine, candidate à l’adhésion à l’Union européenne, est agressée par la Russie, les Etats-Unis constituent son principal soutien militaire, mettant en évidence les limites des capacités d’intervention de l’Union et de ses membres aux portes même de son territoire. 

Dans cette perspective, nous proposons une méthode éprouvée pour accélérer le développement et l’exécution d’une stratégie de défense européenne commune, dans la continuité des travaux et des propositions de la Commission européenne en ce sens1. Cette stratégie reposera sur une évaluation d’ensemble, précise et partagée, des capacités de défense actuelles de l’Union. Elle découlera de la formulation claire d’une ambition de défense commune prenant en compte les risques, menaces et opportunités auxquels l’Union européenne est confrontée. Enfin, elle devra se traduire dans un plan d’action hiérarchisé qui permettra de répondre aux défis d’aujourd’hui, mais surtout de préparer l’Europe à ceux de demain.

Un constat évident  : l’Europe n’est pas capable d’assurer seule sa sécurité et celle de ses voisins

Aujourd’hui, si l’Ukraine parvient à résister à l’invasion russe, c’est avant tout grâce aux équipements militaires fournis par les Etats-Unis et à l’autorisation donnée aux pays européens de fournir du matériel américain. Il eût suffi d’un manque de volonté politique, d’un blocage institutionnel, ou d’un évènement extérieur comme une catastrophe climatique, pour que les États-Unis se détournent du conflit, avec les conséquences que l’on peut imaginer2. Ce constat, 80 ans après le début de l’intervention décisive des Américains en Europe, et 70 ans après le début de l’unification européenne, appelle une réponse de la part des Européens, comme l’ont déclaré les 27 chefs de gouvernements européens réunis à Versailles les 10 et 11 mars 2022, appelant dans la déclaration qui en émane à «  renforcer nos capacités de défense  »3.

En effet, en dehors de missions de maintien de la paix, à l’instar de «  Concordia  »4, l’impuissance des Européens à intervenir dans un conflit sans soutien américain n’est pas une surprise. On l’a observé lors de la crise syrienne et plus récemment lors du retrait des troupes d’Afghanistan pour lequel les Européens dépendaient des capacités logistiques américaines. 

La crise ukrainienne a mis en évidence de façon encore plus cruelle l’inadéquation des moyens militaires européens à leur environnement stratégique. Ainsi, dès le début du conflit, Alfons Mais, chef de l’armée de terre allemande, avait déclaré que son armée était « plus ou moins à sec », et dès le 9 avril 2022, l’Allemagne a reconnu être arrivée à la limite de ses capacités de livraison d’armes. La Pologne, quant à elle, n’a pas pu envoyer ses chasseurs MIG-29 (seuls appareils que les pilotes ukrainiens sont capables de piloter), car elle n’a pas obtenu le soutien américain nécessaire à l’opération. Ces exemples ne sont pas des cas isolés, comme l’a récemment détaillé le rapport de l’Agence Européenne de Défense, dans son rapport au titre révélateur, « Scoping EU defence investment gaps »5

Les raisons de ce sous-investissement sont multiples. La perspective d’un conflit armé au sein de l’Union européenne a pratiquement disparu bien sûr, créant un sentiment de sécurité parmi ses membres. Mais surtout, depuis la guerre froide, un grand nombre d’États européens ont de fait intégralement délégué leur défense aux États-Unis dans le cadre de l’OTAN. C’est notamment le cas des anciens membres du bloc de l’Est comme la Pologne, qui ont opté pour cette solution économique et rassurante. 

L’impuissance militaire de l’Europe est également le résultat d’une gouvernance largement intergouvernementale qui ne permet pas d’optimiser les moyens collectifs des États membres. Contrairement aux États-Unis, à la Russie ou à la Chine, puissances intégrées, l’Union européenne fonctionne encore comme une addition d’États membres répondant à des logiques stratégiques, commerciales, budgétaires séparées. Non seulement le niveau d’investissement consolidé est faible (1,25 % du PIB des 27 contre 3 % aux États-Unis), mais il est aussi largement incohérent, morcelé et donc collectivement inefficace6. Dans son discours du 3 mai 2022 à Strasbourg, Mario Draghi note très justement  : «  Nos dépenses de sécurité sont environ trois fois supérieures à celles de la Russie, mais elles sont réparties en 146 systèmes de défense. Les États-Unis n’en ont que 34  »7. Certes, depuis quelques années, des évolutions positives ont été observées avec la mise en place d’outils de défense collective et le lancement d’initiatives ciblées. La Facilité européenne pour la paix (FEP), par exemple, a permis à l’Union d’acheminer du matériel militaire vers l’Ukraine. Le Fonds Européen de Défense (FED), instrument à la main de la Commission, doit permettre aux industriels européens de la défense de travailler sur des projets communs. S’ils représentent un progrès, ces outils restent le plus souvent mal financés, parcellaires dans leur approche, et gérés au niveau intergouvernemental. 

La défense européenne s’inscrit dans le cadre de l’OTAN mais doit poursuivre ses objectifs propres

Il n’y a aucune contradiction entre appartenance à l’OTAN et autonomie stratégique européenne, l’interopérabilité des armées européennes étant déjà garantie dans le cadre de l’OTAN. Dans certaines situations, notamment lors de conflits éloignés de l’Union, l’OTAN est le cadre d’intervention naturel. Il n’en reste pas moins que l’Union doit être capable d’intervenir, à ses frontières notamment, indépendamment de la volonté de l’OTAN, et qu’elle doit être capable, dans le cadre d’une intervention de l’OTAN, de peser sur ses choix et de faire à terme jeu égal avec les États-Unis, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui8

Ce rééquilibrage passe bien sûr par une remise à niveau des investissements militaires. L’annonce d’Olaf Scholz d’une injection de 100 milliards d’euros dans le budget de défense allemand, grâce à laquelle celui-ci devrait atteindre 2 % du PIB9, est une avancée majeure. Cela ferait du budget allemand le troisième budget de défense au monde. De même, la loi de programmation militaire de la France prévoit de faire passer le budget de la défense française à 50 milliards en 2025 (41 milliards en 2022)10. En 2021, seuls 8 pays investissaient 2 % du PIB dans leur défense, demande formulée par l’OTAN en 2014. Tous s’engagent à atteindre ce niveau en 2025. 

L’augmentation de ces dépenses brutes pourrait avoir une série de conséquences très importantes pour les rapports de force au sein de l’OTAN  : la formation endogène des militaires, le développement d’industries militaires nationales et européennes, la participation plus active à la doctrine militaire de l’OTAN11. Certes, si tous les États membres de l’Union qui sont également membres de l’OTAN augmentaient leur budget militaire pour parvenir à 2 % du PIB consacré aux dépenses militaires, le budget militaire total européen resterait largement inférieur au budget militaire américain12, mais l’objectif d’une défense européenne n’est pas de rivaliser avec les États-Unis – elle doit être capable de répondre aux objectifs stratégiques propres de défense de l’Union tels qu’il lui revient de les définir. 

Le moment est propice à une indispensable remise à niveau des capacités de défense de l’Union dans le cadre d’une défense européenne

Il est utile de se pencher sur l’historique des efforts et tentatives passés destinés à faire émerger une défense européenne pour comprendre pourquoi et comment les montagnes stratégiques de l’«  Europe de la défense  » n’ont accouché que de souris conventionnelles. Après l’échec de la Communauté européenne de défense (CED) en 1954, qui appliquait probablement trop tôt au domaine régalien de la défense le « fédéralisme européen partiel » de la CECA, le projet d’Europe de la défense n’émerge à nouveau qu’en 1992 avec le Traité de Maastricht et la création de la Politique extérieure et de sécurité commune. Au Sommet de Saint-Malo entre le Royaume-Uni et la France de 1998, les deux puissances militaires européennes reconnaissent que « l’Union doit avoir une capacité autonome d’action, appuyée sur des forces militaires crédibles, avec les moyens de les utiliser et en étant prête à le faire afin de répondre aux crises internationales »13. Malgré la mise en place d’institutions lors du Traité de Nice en 200114, la « Stratégie européenne de sécurité  » de 200315, et la «  Stratégie globale de l’Union européenne  » de 2016, force est de constater qu’aucun progrès significatif n’a été réalisé dans le domaine de la défense européenne en près de 70 ans, au delà  d’initiatives et d’outils certes appréciables mais limités dans leur application et de quelques projets transnationaux comme Galiléo. 

L’échec des tentatives de coopération en matière de défense européenne découle en grande partie de la formulation d’objectifs trop complexes et trop ambitieux et d’une méfiance persistante parmi les pays membres dès lors que l’on aborde les questions de défense. La Boussole Stratégique de 2022 dont on peut se féliciter qu’elle recueille l’adhésion de tous car élaborée à 27, ne déroge pas totalement à cette règle.  Elle reprend une série d’objectifs, probablement trop nombreux dont aucun ne ressort comme prioritaire. Son opérationnalisation proposée par la Commission est certes bienvenue mais est-elle réellement soutenue par tous et s’attaque-t-elle bien aux leviers fondamentaux  ? 

Objectifs complexes et ambitieux donc, mais aussi méfiance et incompréhension. La plupart des projets de défense européenne ont été formulés alors que la gouvernance européenne n’était pas capable de les porter ou que les esprits n’y étaient pas préparés : en 1954 bien sûr, mais aussi en 1992 avant même la monnaie commune  ; en 2003, alors que l’Europe venait tout juste de s’élargir à l’Est, passant de 15 à 25 États membres ; en 2016 enfin, alors que le Brexit venait de fragiliser l’édifice européen tout entier et voyait sortir un des piliers de ses projets de défense européenne.

Aujourd’hui, le contexte a évolué et semble propice à une avancée historique. La nécessité d’abord, mère de tout changement d’envergure, ne peut plus être ignorée16. L’incapacité de l’Union européenne à réagir à l’agression de l’Ukraine à ses frontières, et l’embarrassante révélation de sa dépendance stratégique vis-à-vis des États-Unis et de l’OTAN, mettent l’Union au pied du mur. D’autant que le spectacle de sa désunion a probablement encouragé Vladimir Poutine dans sa décision d’envahir l’Ukraine. 

L’Europe ne peut plus aujourd’hui ignorer les risques qu’elle court et qu’elle fait courir à ses voisins par son incapacité à organiser sa défense. L’objectif et la raison d’agir sont maintenant clairs. Les esprits également ont évolué au gré des crises successives auxquelles l’Union s’est attachée à répondre depuis plusieurs années. Le front commun face au Brexit, la gestion collective des achats de vaccins, la mutualisation de la dette pour financer les plans de relance, les sanctions sévères prises à l’encontre de la Russie, l’activation de la Facilité Européenne pour la Paix (FEP)17, l’évocation aujourd’hui d’achats énergétiques communs et même d’une augmentation significative des Fonds Européens de Défense, sont autant de raisons de penser que le moment d’une action décisive est venu, qu’il ne faut pas laisser passer.

La question dominante est bien sûr  : quelle action, pour quelle défense européenne ? Comment éviter de se heurter aux questions difficiles de gouvernance et de préférences nationales avant même d’avoir établi les grands principes qui nous rassemblent  ? Comment établir la confiance entre les pays membres, s’assurer que chacun parle le même langage et part d’une même réalité  ? Comment développer un plan clair et priorisé qui échappe à la complexité excessive des stratégies passées, qui a le soutien de tous, et porte sur les leviers fondamentaux, ces «  points limités mais décisifs  » comme les appelait Jean Monnet ? 

Pour une méthode d’action exigeante mais éprouvée

Cela semble évident  : tout effort de remise à niveau des capacités militaires européennes ne peut se faire que de façon concertée entre les pays-membres dans la mesure où l’Union européenne a l’ambition d’être capable d’agir de concert dans le cadre d’une future défense européenne. Cette remise à niveau ne peut pas être le résultat d’un seul exercice arithmétique défini par l’OTAN selon lequel chaque pays doit investir 2 % de son PIB dans sa défense. Il s’agit de construire une vision d’ensemble, d’identifier et d’exploiter pôles d’excellence et complémentarités, de remédier à nos carences collectives, d’éviter doublons et redondance, en somme de construire collectivement une capacité de défense commune. 

Cela ne sera pas facile. L’annonce très médiatisée de la décision de l’Allemagne de commander des F-35 américains donne la mesure du chemin à parcourir. On sait par ailleurs quelle est l’influence des industries d’armement nationales dans les choix d’investissement des Etats, créant des biais nationaux qui, en s’additionnant, n’ont que peu de chance de mener à un équilibre optimal au niveau de l’Union. La réaction négative immédiate de treize pays de l’Union à la proposition française de réviser les Traités pour étendre le vote à la majorité qualifiée montre également que c’est une erreur d’évoquer les délicates questions de gouvernance avant même de s’être entendu sur le problème à résoudre et la direction commune à prendre. 

Il faut donc faire appel à une méthode. Nous proposons de redécouvrir la simplicité et la rigueur de la méthode que Jean Monnet a appliquée avec succès tout au long de sa vie pour régler des questions de nature similaire. Il la résumait par les formules suivantes  : «  unité de vue et d’action  », «  conception d’ensemble  », «  mise en commun de ressources  ». À partir d’une réalité commune, l’union est naturelle et l’action s’enclenche.

En se référant à cette méthode qui – encore une fois – a montré son efficacité, les étapes du développement et de l’exécution d’une stratégie européenne de défense pourraient être les suivantes  : 

  1. Établir avec précision la réalité actuelle de la capacité collective de défense européenne sur le plan des équipements, des technologies, des moyens humains, des capacités d’intervention, des mécanismes de décision, dans la continuité des travaux menés par l’Agence européenne de la défense, de la Coordinated Annual Review on Defence (CARD) et du Capability Development Plan (CDP).

    En s’appuyant sur ces travaux déjà existants, il s’agit de les renforcer par l’établissement d’un bilan quantitatif et qualitatif sans concession des capacités de défense actuelles des pays de l’Union européenne, pays par pays et pris dans leur ensemble, ainsi que de celles des principaux blocs en présence (États-Unis, Chine, Russie). Un tel travail nécessite de renforcer les structures déjà existantes telles que l’Agence européenne de la défense, en augmentant son budget et en mettant davantage en avant ses travaux, afin d’établir cette vision commune et partagée. Il serait idéal de pouvoir associer dans certaines conditions le Royaume Uni à cet exercice.

    L’objectif est de créer une base commune de faits, une réalité partagée incontestable, et une méthodologie permettant de mettre ce bilan à jour régulièrement. Sur la base de ce que nous savons déjà, l’exercice détaillera et quantifiera les insuffisances d’équipements, les limites de la coordination stratégique, les doublons contre-productifs, le manque de gouvernance commune, les disparités très importantes entre pays, que nous avons découverts à l’occasion de l’invasion de l’Ukraine. Du côté positif, on mettra probablement en évidence une industrie et des savoir-faire technologiques robustes mais sous-optimisés car non mutualisés. La puissance de l’exercice est dans l’évaluation précise et l’adhésion collective à ces diagnostics des partenaires européens.  Nous ne sous-estimons pas la difficulté qu’il y aura à conduire cette évaluation, mais c’est à ce prix que tous seront confrontés à une même réalité et que l’action commune s’imposera.

    Il importera, à partir de cette évaluation de nos capacités collectives, de faire un travail de pédagogie efficace auprès de l’opinion publique. Il est facile de comprendre la gabegie et l’inefficacité liées à une fragmentation qui fait que nous avons, par exemple, douze chars d’assaut européens différents alors qu’il n’existe qu’un seul char d’assaut américain. On ne peut pas à la fois reprocher à l’Europe les lourdeurs de sa bureaucratie et s’opposer à des actions de simplification aussi évidentes que nécessaires. De même, les travaux de l’Agence européenne de défense, pourtant si cruciaux, ne sont publiés qu’en anglais, et ne sont pas diffusés largement auprès du public – en dépit de l’intérêt que les citoyens européens portent à la stratégie militaire, en raison notamment du contexte tragique de la guerre en Ukraine. La diffusion de cette vision quantifiée des limites des armées européennes contribuera à faire du réarmement un objet central du débat public européen.
  2. Formuler clairement notre ambition commune de défense. Un alignement stratégique passe par la formulation d’une ambition commune. Souhaitons-nous être capables de défendre ensemble indépendamment des Etats-Unis l’intégrité du territoire de l’Union  ? Souhaitons-nous faire jeu égal avec les Etats-Unis au sein de l’OTAN  ? Souhaitons-nous être en mesure de porter secours aux pays voisins en cas d’agression, notamment ceux qui ont vocation à rejoindre un jour l’Union européenne  ? Souhaitons-nous enfin constituer un pôle stabilisateur dans un monde de plus en plus instable  ?

    Nous sommes convaincus que cette seconde question ne peut être débattue sereinement et de façon informée que lorsque la première étape d’évaluation détaillée aura été mise en œuvre et partagée.
  3. Développement d’un plan d’action commun. De la mise en évidence de cette réalité et du déficit à couvrir pour réaliser notre ambition commune émergeront naturellement quelques impératifs stratégiques à même d’enclencher un processus irréversible. Ils seront traduits dans un plan d’action commun s’étalant sur plusieurs décennies.  Bien sûr, cette phase est celle qui fera émerger les différences de vues les plus marquées et créera des points de fixation. C’est pourquoi elle ne doit être abordée que lorsque les pays de l’Union auront partagé un diagnostic commun sur la réalité actuelle et auront formulé une ambition de défense commune. Elle identifiera parmi d’autres éléments les niveaux d’investissement nécessaires, les lacunes technologiques à combler, des doublons à éliminer, les outils de gouvernance à établir etc… Elle priorisera les actions sur les leviers fondamentaux. 

Un tel exercice ne pourra pas que mettre en évidence la nécessité d’un plan de remise à niveau des capacités de défense européennes soutenu par un budget européen d’investissement de défense. En contrepartie des financements européens, cet investissement devra être coordonné et optimisé globalement, quitte à recourir à des outils de planification limitant la discrétion des États membres dans leurs choix d’investissement et de fournisseurs. On pourra même imaginer de placer tout ou partie des industries d’armement européennes sous le contrôle d’une autorité commune sur le modèle de la Communauté charbon-acier. Il proposera des évolutions en termes de gouvernance en élargissant le champ des décisions prises à la majorité qualifiée et en renforçant le rôle du Parlement européen dans le débat.  Enfin, il renforcera probablement le rôle de l’Union dans l’OTAN, conséquence naturelle de la remise à niveau des capacités de défense des Etats membres de l’Union. 

Mais le mieux est encore d’enclencher rapidement ce processus d’alignement car «  la confiance, écrit Monnet dans ses Mémoires, s’établit naturellement entre les hommes qui ont pris une vue commune du problème à résoudre. Lorsque le problème devient le même pour tous, et que tous ont le même intérêt à sa solution, les différences, les soupçons s’effacent, et alors souvent l’amitié s’installe  ».

Sources
  1. «  Remarks by Executive Vice-President Vestager, High Representative/Vice-President Borrell, and Commissioner Breton, at the press conference on EU defence investment gaps and measures to address them  », 18 mai 2022, Site de la Commission européenne, Disponible en ligne.
  2. Rappelons que l’aide militaire américaine était de 2,6 milliards de dollars le 21 avril 2022, au moment de l’annonce d’une nouvelle enveloppe 800 millions de dollars ce jour-là – comprenant 72 obusiers et 120 drones Phoenix Ghost. Un think-tank allemand, le Kiel Institute for the World Economy, a pour sa part estimé l’aide américaine à 4,6 milliards entre le 24 février et le 27 mars 2022. Le site Oryx, qui recense les livraisons d’armes lourdes à l’Ukraine, montre que la quasi-totalité des armements lourds fournis à l’Ukraine proviennent d’Etats qui ne font pas partie de l’Union européenne  : «  Answering the Call  : Heavy Weaponry Supplied to Ukraine  », Oryx, 11 avril 2022, Disponible en ligne. Cette aide militaire prend une nouvelle ampleur le 28 avril, jour où Joe Biden demande au Congrès de débloquer 33 milliards d’aide supplémentaire, dont 20 milliards d’aide militaire à l’Ukraine.
  3. Déclaration de Versailles, 10 et 11 mars 2022, Site du Conseil européen, Disponible en ligne.
  4. La force européenne EUFOR Concordia était une mission de maintien de la paix qui a été déployée en République de Macédoine au cours de l’année 2003.
  5. “Scoping EU Defence investment gaps”, 18 mai 2022, Site de la Commission européenne, Disponible en ligne.
  6. 11 % des investissements des Vingt-Sept sont effectués en commun, alors que la politique de «  coopération structurée permanente  » pour la défense prévoyait 35 % de dépenses en commun.
  7. «  Prime Minister Mario Draghi’s address to the European Parliament”, 03 mai 2022, site du gouvernement italien, Disponible en ligne.
  8. Ainsi, depuis le début des années 2010, les dépenses militaires des États-Unis représentent plus de 70 % des dépenses de défense des pays de l’Otan.
  9. Pierre Mennerat, «  Le jour où la politique étrangère allemande a changé  », 28 février 2022, Le Grand Continent.
  10. Certes, l’Allemagne a récemment annoncé qu’elle allait commander des F-35, cela ne remet pas en cause qu’une partie considérable de l’augmentation du budget militaire allemand sera dédiée au SCAF. Le F35 est en effet un avion de cinquième génération, et ne sera pas en concurrence avec le SCAF, avion de chasse de sixième génération, dont la mise en service dans les années 2030.
  11. À cet égard, les pays de l’Union européenne devraient s’investir massivement pour que le concept stratégique de l’OTAN de 2022 parte des préoccupations des États membres de l’organisation.
  12. Les États-Unis dépensent 778 milliards de dollars en défense, soit 3,6 % de leur PIB, par ailleurs supérieur au PIB européen (données en dollars américains, valeur constante 2019 – source SIPRI). Il est estimé que seulement une quarantaine de milliards du budget américain sont consacrés à la défense de l’Europe. Cf. “Rapport d’information n° 626 (2018-2019)”, Sénat, Déposé le 03 juillet 2019, Disponible en ligne.
  13. Déclaration franco-britannique sur la défense européenne, Site du Sénat, Disponible en ligne.
  14. Comité politique et de sécurité (COPS) ; Comité militaire de l’Union européenne (CMUE) : État-major de l’Union européenne (EMUE).
  15. Conseil de l’Union européenne, «  Stratégie européenne de sécurité – Une Europe sûre dans un monde meilleur  », Disponible en ligne.
  16. « Les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ne voient la nécessité que dans la crise » (Jean Monnet, Mémoires)
  17. Décision PESC 2021/509 du Conseil de l’Union européenne établissant la Facilité européenne pour la paix.