• Présentée en octobre 2020 par la Commission, cette directive ne vise pas à instaurer un salaire minimum unique en Europe. La Commission a souvent rappelé qu’imposer une telle mesure était « impossible »1. Seulement vingt et un pays sur les vingt-sept membres de l’Union disposent d’un salaire minimum légal. Dans les six autres pays — Autriche, Chypre, Italie, Suède, Finlande, Danemark —, le salaire minimum est fixé par des négociations collectives. 
  • De surcroît, les niveaux de salaire minimum en Europe sont très disparates. Au Luxembourg, le salaire minimum atteint 2256.95€ tandis qu’il n’est que de 332.34€ en Bulgarie. En 2020, le Commissaire à l’emploi, Nicolas Schmit, avait déclaré que « si la Bulgarie devait adopter les salaires du Luxembourg, son économie cesserait d’exister du jour au lendemain »2
  • La proposition de la Commission d’octobre 20203 visait alors à « améliorer la convergence, réduire les écarts, étoffer les salaires, stimuler les salaires minimums et les salaires en général » au sein de l’Union4. Concrètement, la Commission préconisait d’atteindre le seuil de 70 % de salaires négociés par convention collective, un seuil qui permettrait d’atteindre des niveaux relativement élevés de salaire minimum. Par la suite, la Commission appelait les États membres à utiliser des indicateurs économiques — comme le salaire médian ou le salaire moyen — pour fixer des salaires minimums adéquats dans chaque pays. 
  • Sans intégrer de normes contraignantes, la Commission avait convenu que 50 % du salaire moyen ou 60 % du salaire médian étaient de bons indicateurs. Enfin, la Commission proposait de suivre, par le biais de rapports annuels présentés au Parlement européen et au Conseil de l’Union, l’évolution des salaires minimums en Europe. La Commission n’a pu faire que des recommandations dans ce domaine car la base juridique pour légiférer sur le sujet est très mince, les compétences en matière de salaires et de protection sociale relevant en premier lieu des États membres. 
  • Néanmoins, le Conseil de l’Union et le Parlement européen ont exprimé fin 2021 leur position par rapport à cette proposition de directive et, hier soir, les deux institutions ont trouvé un accord provisoire sur la nouvelle législation européenne5. L’accord stipule que les États membres qui appliquent des salaires minimums doivent mettre en place un cadre procédural pour fixer et actualiser ces salaires minimums en fonction d’une série de « critères clairs ». Une mise à jour des salaires minimums légaux devrait ensuite avoir lieu au moins tous les deux ans — au maximum tous les quatre ans pour les pays qui utilisent un mécanisme d’indexation automatique. 
  • Sur la question des négociations collectives, lorsque le taux de couverture de celles-ci est inférieur à un seuil de 80 % — un seuil plus élevé que celui établi par la Commission —, les co-législateurs ont convenu que les États membres devront établir un plan d’action pour promouvoir la négociation collective. Les partenaires sociaux devront également être impliqués dans les procédures de fixation et d’actualisation des salaires minimums légaux.
  • Enfin, des mesures spécifiques pour renforcer la protection sociale du salaire minimum sont inscrites dans l’accord comme des contrôles effectués par les inspections du travail, un accès plus facile aux informations sur la protection du salaire minimum et le renforcement des poursuites contre les employeurs qui ne respectent pas les critères minimums de salaire. Cet accord doit encore être soumis au vote au Conseil de l’Union et au Parlement européen. Après adoption, les États membres ont deux ans pour transposer dans leur droit national les directives européennes.