• La guerre en Ukraine a provoqué de fortes tensions sur le marché pétrolier, la Russie faisant partie avec l’Arabie Saoudite des deux premiers exportateurs mondiaux de pétrole. Le prix du baril de brent a ainsi atteint près de 130 dollars le 8 mars 2022, le jour de l’annonce de l’embargo américain sur les hydrocarbures russes, avant de redescendre pour se stabiliser autour de 100-110 dollars.
  • Ces prix restent toutefois très élevés, et les États-Unis appellent depuis plusieurs semaines leurs partenaires traditionnels du Golfe — l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis —, à augmenter leur production de pétrole afin de faire baisser les prix1. Or, ces derniers sont plutôt réticents. Plusieurs votes à l’Assemblée générale de l’ONU ont révélé une forme de « neutralité » des ces deux pays dans le conflit entre l’Ukraine et la Russie. Le 25 février, les Émirats arabes unis se sont abstenus lors du vote sur la condamnation de la Russie au Conseil de Sécurité de l’ONU, tandis que l’Arabie Saoudite s’est abstenue de voter la suspension de la Russie du Conseil des droits de l’homme des Nations unies le 7 avril dernier. 
  • Les pays de l’OPEP+ ne devraient donc pas augmenter substantiellement leur production de pétrole, et ne produire qu’un volume réduit de pétrole additionnel. En vertu d’un accord conclu en juillet 2021, le groupe doit augmenter la production de seulement 432 000 barils par jour chaque mois jusqu’à la fin du mois de septembre, afin de mettre fin aux réductions de production restantes2. L’offre de pétrole devrait surpasser la demande avant la fin de l’année 2022. 
  • Une plus forte hausse de la production serait dans les intérêts à court terme des Européens, qui pourraient plus facilement compenser l’embargo sur les importations de pétrole russe proposé hier par la Commission européenne. Nécessitant un vote à l’unanimité de tous les États membres, la Hongrie refuse sa mise en place « en l’état actuel »3
  • Pour Olivier Blanchard et Jean Pisani-Ferry, la question du pétrole russe n’est pas la même que celle du gaz : « Pour le pétrole, la Russie peut se diversifier en s’éloignant du marché de l’Union et en vendant sur le marché mondial où elle opère en tant que preneur de prix. Les conséquences sont que les retombées des sanctions de l’Union sont mondiales et qu’un embargo ou des droits de douane européens sur le pétrole peuvent avoir des effets limités sur les prix du pétrole à la consommation ».
  • En cas d’embargo sur le pétrole, la Russie cherchera à diversifier ses exportations en direction de la Chine et de l’Inde. Mais pour l’instant, cette réorientation reste difficile, notamment car les acheteurs négocient des prix réduits pour éviter les effets de sanctions internationales collatérales4. Si les pays européens pourront trouver d’autres sources d’approvisionnement, l’éventualité d’un embargo à l’échelle européenne sur le gaz russe est quant à elle beaucoup plus épineuse, bien que cette ressource constitue une importante manne financière pour le régime de Poutine.
Sources
  1.  Alain Gresh, « Le jeu d’équilibre risqué de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis », Orient XXI, 22 mars 2022.
  2. Ahmad Ghaddar et Alex Lawler, « OPEC+ set to stick to existing deal despite demand concerns », Reuters, 4 mai 2022.
  3. Eleni Varvitsioti, Sam Fleming et Andy Bounds, « Hungary holds up EU plan to ban imports of Russian oil », Financial Times, 4 mai 2022.
  4. Keith Bradsher, « Russia Could Sell More Energy to Asia, but Has to Slash Prices », The New York Times, 3 mai 2022.