• En mars 2022, le taux d’inflation annuel a atteint en moyenne 7,5 % dans la zone euro. Le taux d’inflation est au minimum de 4,6 % à Malte, et il atteint au maximum 15,6 % en Lituanie. La France et l’Allemagne ont respectivement des taux de 5,1 % et 7,6 %. Avec l’embargo sur le charbon russe décidé par l’Union vendredi dernier, qui entrera en vigueur au mois d’août, et la poursuite des négociations sur un possible embargo sur les importations de gaz et de pétrole, l’inflation – principalement due à la hausse des prix de l’énergie – pourrait se poursuivre. 
  • La BCE est ainsi confrontée au même dilemme depuis plusieurs mois. Elle doit faire face à une inflation située largement au-delà de sa cible de 2 %, mais ne veut pas remonter trop rapidement ses taux directeurs – actuellement situés autour de 0 % – pour ne pas ralentir la croissance économique, dans un contexte de ralentissement de l’activité mondiale lié principalement à la guerre en Ukraine et au contexte sanitaire en Chine. Une hausse des taux directeurs pourrait aussi avoir un effet sur le spread – écart entre le taux d’intérêt sur la dette allemande et le taux d’intérêt sur la dette italienne –, déstabilisant ainsi la zone euro comme lors des années 2010-2012.
  • Or, si la BCE a choisi d’arrêter progressivement son programme d’achat de dettes publiques sur les marchés secondaires en mars (PEPP) la présidente a réaffirmé aujourd’hui à l’issue de la réunion des gouverneurs que les taux directeurs de la BCE resteront inchangés.
  • Aux États-Unis, la FED a annoncé en mars dernier une première remontée de ses taux directeurs – de 0 à 0,25 % – pour lutter contre l’inflation, qui s’élevait à 8,5 % au mois de mars. Selon un sondage réalisé auprès de plus d’une centaine d’économistes, deux autres remontées des taux de 0,5 % devraient intervenir en mai et juin 2022. 
  • La BCE reste donc prudente, au moment où les pays membres de l’Union débattent de la possibilité d’imposer un embargo total sur les hydrocarbures russes. En Allemagne, plusieurs études économiques sur la possibilité d’arrêter les importations de gaz et de pétrole en provenance de Russie font état de scénarios inquiétants : s’il n’y a pas d’arrêt brutal des livraisons de gaz et de pétrole russe, cinq instituts de recherche estiment que le taux de croissance allemand s’établira à 2,7 % – contre 4,8 % prévu initialement fin 2021 –, et l’inflation grimperait sur l’ensemble de l’année 2022 à 6,1 %. En revanche, dans un scénario où l’Allemagne arrêterait ses importations de gaz et de pétrole russe, les cinq instituts prévoient une perte de 400 000 emplois et un taux d’inflation avoisinant les 7,3 %. 
  • Bien que l’Allemagne ait déjà réduit de 55 % à 40 % sa dépendance au gaz russe depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les conséquences économiques d’un embargo total sur les hydrocarbures russes devraient pousser le Olaf Scholz à continuer de refuser d’accentuer les sanctions européennes envers la Russie. Des pays comme la Hongrie, la Bulgarie et l’Autriche sont aussi dans la même démarche. Dans ce contexte d’incertitude sur les sanctions à venir, la BCE préfère donc ne pas se positionner trop rapidement sur une remontée de ses taux directeurs.