• Le 22 octobre, la Moldavie a déclaré l’état d’urgence énergétique faute de stocks suffisants de gaz. Pour la première fois depuis son indépendance en 1991, elle a acheté du gaz polonais plutôt que russe en raison de la tactique de Gazprom, qui affiche des prix trop élevés et réclame une dette contestée de 610 millions d’euros.
  • Le contrat avec la Pologne n’ayant pas résolu l’affaire, la Moldavie s’est trouvée obligée, fin octobre, de signer un nouveau contrat de cinq ans avec Gazprom. Si l’entreprise russe assure que ses positions ont été jusqu’alors motivées par des raisons purement commerciales, la classe politique moldave pro-européenne au pouvoir, la présidente Maia Sandu en tête, y voient une tentative de pression pour tourner le dos à l’Union et se rapprocher de la Russie. Gazprom a notamment précisé qu’elle était prête à baisser ses prix si la Moldavie s’engageait à revoir son accord de libre-échange avec l’Union et ralentissait le rythme de ses réformes (notamment dans le marché de l’énergie) soutenues par Bruxelles.
  • Indépendante de l’URSS depuis 1991, la Moldavie et ses 2,6 millions d’habitants sont divisés sur la question de la proximité avec le régime russe. L’ancien président, Igor Dodon, au pouvoir de 2016 à 2020, était pro-russe tandis que la présidente Maia Sandu, investie en décembre 2020, a rompu avec ce positionnement, son parti, Action et solidarité, ayant un positionnement pro-européen. La victoire du parti de la présidente aux élections législatives de juillet 2021 a renforcé son pouvoir et celle-ci a déclaré, à l’annonce de sa victoire, vouloir mettre « fin [au] règne des voleurs »1, la Moldavie ayant été secouée par des scandales financiers, notamment en 2015 où un milliards d’euros avaient disparu des fonds de trois banques.
  • Le gaz en question passera en partie par la Transnistrie, province séparatiste de l’Est moldave de 500 000 habitants environ, reconnue par seulement trois États de fait non membres de l’ONU, et très proche du voisin russe. En effet, la langue officielle de la Transnistrie est le russe, et cette région, dont le statut officiel est celui de région autonome de la Moldavie, n’a ni la même monnaie ni le même gouvernement que la Moldavie2. Lorsque la Moldavie décide de prendre le roumain comme langue officielle, la région se soulève, menant à une réponse militaire de la part de la Moldavie en 1992, contrecarrée par des forces russes « d’interposition », qui sont toujours présentes dans la région. 
  • Cette situation s’inscrit dans le contexte plus large d’un chantage de la Russie aux pays européens, qui refuse de fournir davantage de gaz à l’Europe tant que Nord Stream 2 ne sera pas mis en service3. L’Agence allemande des réseaux a quant à elle annoncé hier la suspension de la procédure de certification du gazoduc pour des raisons juridiques mais qui ne peuvent être séparées du contexte politique, avec la formation de la coalition « feu tricolore », dont l’un des membres, les Verts allemands, sont opposés depuis son commencement au projet Nord Stream 2. Angela Merkel, elle, a soutenu ce projet, notamment face aux États-Unis, qui y étaient opposés du fait de la pression potentielle qu’aurait pu exercer la Russie sur l’Ukraine, pays par lequel passe le gazoduc4.   
Sources
  1. Le Monde, Les pro-européens remportent largement les législatives en Moldavie, 12 juillet 2021
  2. France Inter, La Transnistrie, cette région autonome de Moldavie qui cherche à être reconnue via le football, Xavier Monferran, 18 août 2021
  3. Le Monde, Nouveau revers pour le gazoduc Nord Stream 2, 17 novembre 2021, Thomas Wieder, Nicolas Ruisseau et Virginie Malingre
  4. Le Monde, Gazoduc Nord Stream 2 : les Etats-Unis et l’Allemagne se mettent d’accord, Thomas Wieder, 22 juillet 2021