Vendredi dernier, lors de sa dernière conférence de presse conjointe avec Angela Merkel, Vladimir Poutine a annoncé qu’il ne restait plus que 15 kilomètres à construire pour achever Nord Stream 21. Un mois plus tôt, les États-Unis et l’Allemagne ont annoncé être parvenus à un accord relatif à Nord Stream 2. Nous revenons ici sur la séquence politique ayant suivi l’annonce de l’exécutif américain de ne pas sanctionner Nord Stream 2 AG et son PDG, puis nous analyserons le contenu de l’accord avant d’évoquer les réactions qu’il engendre.

La décision du département d’État

Le 19 mai, le département d’État a remis au Congrès son rapport désignant les entités impliquées dans la construction de Nord Stream 2, et sanctionnables au titre du Protecting Europe’s Energy Security Act (PEESA) amendé par le Protecting Europe’s Energy Security Clarification Act. Ce texte législatif contraint le département d’État à soumettre un tel rapport au Congrès tous les 90 jours. Le rapport désigne2 :

  • cinq entités : Mortransservice LLC, Koksokhimtrans LLC, JSC Samara Heat and Energy Property Fund, le Service Fédéral russe de Sauvetage Maritime, Nord Stream 2 AG
  • 13 bateaux
  • 1 individu : Matthias Warnig, le PDG de Nord Stream 2 AG.

Le secrétaire d’État Antony Blinken a déclaré avoir « déterminé qu’il est dans l’intérêt national des États-Unis de déroger à l’application de sanctions à l’encontre de Nord Stream 2 AG, de son PDG Matthias Warnig, et des dirigeants de Nord Stream 2 AG »3. Illustrant l’équilibre intenable entre les exigences du Congrès et la volonté de se rapprocher de l’Allemagne, le communiqué de presse d’Antony Blinken se conclut par le paragraphe suivant : « Les mesures prises aujourd’hui démontrent l’engagement de l’administration en faveur de la sécurité énergétique en Europe, en accord avec la promesse du président de reconstruire les relations avec nos alliés et nos partenaires en Europe. Nous continuerons à nous opposer à la réalisation de ce projet, qui affaiblirait la sécurité énergétique européenne et celle de l’Ukraine et des pays du flanc est de l’OTAN et de l’UE. Notre opposition au gazoduc Nord Stream 2 est inébranlable. Même si nous ne sommes pas toujours d’accord, nos alliances restent fortes et notre position est en phase avec notre engagement à renforcer nos relations transatlantiques pour des raisons de sécurité nationale. »

Les réactions de républicains

Le lendemain de cette annonce, le sénateur Républicain du Dakota du Nord, Kevin Cramer, a introduit le Protecting Our Well-being by Expanding Russian Sanctions (POWERS) Act, un projet de loi visant à rétablir l’application des sanctions à l’encontre de Nord Stream 2 AG et de ses dirigeants, ainsi qu’à étendre les sanctions aux sous-traitants de toute entité travaillant sur le gazoduc Nord Stream 2. Kevin Cramer, dont le leadership a été salué par l’ancien secrétaire à l’énergie Dan Brouillette, a déclaré  : « Au risque d’affaiblir la position internationale de l’Amérique, l’administration Biden acquiesce à une stratégie allemande malavisée qui donnera à Poutine une emprise sur nos alliés en Europe. Le pipeline de Poutine doit être arrêté, et je demande instamment à mes collègues de se joindre à cet effort avant que l’administration ne fasse apprendre aux États-Unis à la dure pourquoi la sécurité énergétique est synonyme de sécurité nationale ».

Aux États-Unis, le sénateur texan Ted Cruz s’est imposé comme le principal adversaire du Nord Stream 2. Les liens entre son opposition au gazoduc russe et la défense des intérêts économiques de son État, principale producteur et exportateur de gaz américain, ont largement été mis en avant. Toutefois, l’alignement politique avec les intérêts de l’industrie gazière américaine est un phénomène structurant l’ensemble du bloc Républicain. Les réactions d’un certain nombre de sénateurs républicains (cosponsors du POWERS act) à la décision de l’exécutif de ne pas sanctionner Nord Stream 2 AG et son PDG laissent apparaitre une représentation géopolitique commune, articulant les problématiques de l’industrie gazière locale avec celles du marché gazier européen. Cette représentation géopolitique faisant de Nord Stream 2 un adversaire de l’industrie américaine est à la source de ce nouveau projet de loi, le POWERS act, et est un facteur majeur dans le développement d’une politique agressive du Congrès et de l’administration Trump à l’égard du projet de gazoduc russe. Les citations que nous rapportons ci-dessous pourraient paraître redondantes au lecteur, mais nous estimons qu’il est important de les relever afin de rendre compte de l’étendue et de la profondeur de la dimension locale de l’action internationale des élus républicains4.

L’alignement politique avec les intérêts de l’industrie gazière américaine est un phénomène structurant l’ensemble du bloc Républicain

Sami Ramdani

Thom Tillis, sénateur de Caroline du Nord  : « La décision de l’administration Biden de lever les sanctions autour du gazoduc Nord Stream 2 au profit de la Russie et de Poutine tout en annulant des projets de gazoducs à travers les États-Unis et en tuant des milliers d’emplois est vraiment stupéfiante. Au cours des quatre dernières années, les États-Unis ont fait d’énormes progrès vers l’indépendance énergétique et la réduction de notre dépendance à l’égard d’autres pays pour l’approvisionnement en énergie, mais l’administration Biden fait tout ce qu’elle peut pour mettre fin à cet objectif de bon sens et nous ramener à l’époque des prix élevés du gaz et des politiques destructrices d’emplois. Je suis fier de me joindre à mes collègues pour renverser cette terrible décision et rétablir les sanctions sur le gazoduc Nord Stream 2. »

Chuck Grassley, sénateur de l’Iowa : « La levée des sanctions sur la société du gazoduc Nord Stream 2 et l’ancien officier de la Stasi qui la dirige est un cadeau pour Poutine et ses comparses. C’est une situation perdant-perdant que de bloquer des pipelines avec notre allié proche, le Canada, et de les approuver en Russie. Cela nuit à la sécurité de nos alliés en première ligne et nous rend moins indépendants énergétiquement chez nous. »

Joni Ernst, sénatrice de l’Iowa  : « La décision du président Biden de lever les sanctions et de permettre la réalisation du gazoduc Nord Stream 2 est un cadeau à Vladimir Poutine et une menace pour la sécurité nationale. L’année dernière, le Sénat a convenu à une écrasante majorité que ce gazoduc, une fois achevé, portera atteinte à la sécurité nationale et économique des États-Unis. Ce nouvel effort garantira que les États-Unis rétablissent ces sanctions et contrecarrent l’intention de Poutine d’isoler et d’intimider nos alliés européens ».

Steve Daines, sénateur du Montana : « Il est inacceptable de voir le président Biden soutenir un pipeline russe après avoir annulé le pipeline Keystone XL dans le Montana dès le premier jour de son mandat. Les actions de Biden ne sont pas seulement mauvaises pour notre sécurité nationale et notre économie, elles envoient également un terrible message à nos alliés et à nos adversaires dans le monde entier. Au lieu de soutenir les travailleurs américains et les emplois américains, Biden aide le Kremlin et donne du pouvoir à Poutine tout en nuisant à la sécurité des États-Unis et de nos alliés. »

Roger Marshall, sénateur du Kansas : « L’hypocrisie du président Biden qui bloque des pipelines américains et tue des emplois du secteur de l’énergie bien rémunérés dans mon État, tout en permettant à Vladimir Poutine de terminer son pipeline, est stupéfiante. »

Rick Scott, sénateur de Floride : « Le programme énergétique de l’administration Biden tue des emplois, réduit l’indépendance des États-Unis et augmente la dépendance à l’égard de nos adversaires, comme la Russie. Quelques mois après avoir annulé l’oléoduc Keystone, et des milliers d’emplois américains par la même occasion, Biden se rapproche de Poutine et lui facilite le contrôle de l’approvisionnement énergétique en Europe. Nous ne pouvons pas permettre au président Biden de faire passer l’Amérique et nos alliés en dernier ».

Cindy Hyde-Smith, sénatrice du Mississippi  : « L’annulation par le président Biden de la construction du pipeline Keystone XL a éliminé des milliers d’emplois américains et réduit le niveau d’indépendance énergétique de notre nation. Maintenant, l’administration Biden ajoute l’insulte à l’injure en ouvrant la voie à la domination énergétique russe en levant les sanctions liées au projet de gazoduc Nord Stream 2. L’annulation de ces sanctions, qui ont déjà bénéficié du soutien bipartisan du Congrès, envoie le mauvais message à de nombreux Américains qui travaillent dur, ainsi qu’à nos alliés européens et à nos adversaires du monde entier ».

Shelley Moore Capito, sénatrice de la Virginie de l’ouest : « Soutenir un gazoduc russe — surtout après le piratage du Colonial Pipeline — est exactement le contraire de ce que l’administration devrait faire. S’il est opérationnel, le gazoduc Nord Stream II, détenu majoritairement par l’État russe, renforcera la dépendance de nos alliés européens à l’égard de l’énergie produite par la Russie. Notre législation garantira que les entreprises seront tenues responsables de leur rôle dans la construction du gazoduc Nord Stream II, et s’opposera à la tentative de la Russie de dominer les marchés énergétiques européens. Il est temps pour l’administration de soutenir un programme énergétique qui place l’Amérique en premier en soutenant les familles américaines, les emplois, la sécurité et l’économie énergétique. »

John Hoeven, sénateur du Dakota du Nord : « Alors que l’administration Biden bloque le pipeline Keystone XL chez nous, elle lève les sanctions sur le pipeline Nord Stream 2, un projet qui porte un préjudice important à notre sécurité nationale et met nos alliés en danger tout en donnant du pouvoir à notre adversaire, la Russie. » 

Bill Cassidy, sénateur de Louisiane : « Le président Biden bloque les gazoducs américains, mettant ainsi des milliers d’Américains au chômage, mais donne son feu vert à un gazoduc russe pour envoyer son gaz plus polluant en Europe. C’est encore une fois la politique énergétique rétrograde que nous voyons de la part de cette administration. Nord Stream 2 est un risque pour la sécurité nationale et renforce le régime de Poutine. »

Le sénateur républicain de l’Idaho Jim Rish, membre de la commission des affaires étrangères du Sénat, ne fait pas parti des Républicains portant le POWERS act : il a opté pour une autre stratégie. Le 25 mai, Jim Risch et le représentant républicain du Texas, Michael McCaul, membre de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, ont envoyé une lettre au secrétaire d’État Antony Blinken afin d’exprimer leur désaccord avec l’idée qu’épargner Nord Stream 2 AG et son PDG serait dans l’intérêt national des États-Unis5. La lettre rappelle que « la section 228 du CAATSA (Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act) exige que le président impose des sanctions à l’égard d’une personne étrangère ‘si le président détermine que cette personne étrangère a sciemment facilité une ou plusieurs transactions importantes, y compris des transactions trompeuses ou structurées, pour ou au nom de… toute personne faisant l’objet de sanctions imposées par les États-Unis à l’égard de la Fédération de Russie’ ». Or, d’après Risch et McCaul, le dernier rapport relatif au PEESA inclue Nord Stream 2 AG « précisément en raison de son rôle dans la facilitation de ‘transactions trompeuses ou structurées’ pour, ou au nom, d’entités sanctionnées au titre de la PEESA afin de fournir des navires pour la construction du gazoduc Nord Stream 2. ». Les parlementaires pointent la relation entre Nord Stream 2 AG et LLC Koksokhimtrans, une société qui possède deux des navires identifiés dans le rapport. Cette même entité a déjà été sanctionnée par l’administration Obama pour ses opérations en Crimée et ses liens avec une autre entité sanctionnée, le groupe Sovfracht-Sovmortrans. Ainsi, le rapport du département d’État établirait le lien juridique qui justifie l’application à Nord Stream 2 AG de sanctions au titre la section 228 du CAATSA. Risch et McCaul attendent une réponse précise du département d’Etat sur les raisons pour lesquelles Nord Stream 2 AG n’est pas sanctionnée au titre du PEESA et du CAATSA.

Les réactions allemandes

Le 19 mai, Heiko Maas a qualifié d’« étape constructive » la décision de l’administration Biden à l’égard de Nord Stream 2 AG et son PDG. Le ministre allemand des Affaires étrangères s’est satisfait de ce geste de l’exécutif américain offrant « un délai supplémentaire de trois mois (jusqu’au prochain rapport du département d’État au congrès) pour discuter avec les responsables à Washington de la manière de procéder »6. Ouvrir la discussion était bien l’objectif de la dérogation du département d’État, comme l’explique l’un de ses fonctionnaires, cela « offre de l’espace pour un engagement diplomatique avec l’Allemagne afin de remédier aux risques qu’un gazoduc achevé poserait à l’Ukraine et à la sécurité énergétique européenne »7. Abondant en ce sens, Joe Biden estime qu’il aurait été contre-productif d’appliquer les sanctions.

Le 20 mai, dans la perspective des élections fédérales allemandes de septembre, se tenait le premier débat axé sur la politique étrangère et de sécurité. Armin Laschet, candidat de la CDU, y a salué la décision de l’administration américaine et y a réaffirmé son soutien au projet Nord Stream 28. Cette position partagée par Olaf Scholz, le candidat SPD, fut vivement attaquée par Annalena Baerbock, la candidate des Verts, qui considère que Nord Stream 2 est une question « de guerre et de paix », compte tenu du risque sécuritaire que le projet ferait peser sur l’Ukraine. Quatre jours plus tard, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a accueilli Robert Habeck qui co-dirige avec Annalena Baerbock l’Alliance 90 / Les Verts. Les deux hommes ont exprimé une vision partagée de la nature géopolitique et non économique du projet Nord Stream 29. Ils ont également évoqué un intérêt mutuel pour la mise en œuvre de projets énergétiques communs dans le cadre du Green Deal européen.

Selon le groupe allemand de presse Funke Media Group, Angela Merkel a envoyé deux émissaires à Washington pour préparer un accord sur Nord Stream 2 en amont de la visite de Joe Biden en Europe à la mi-juin. La volonté allemande d’aboutir à un accord a été confirmée le 1er juin par Heiko Maas qui a affirmé « Je suis convaincu que nous parviendrons à trouver une solution, même si cela ne sera certainement pas facile et ne se produira peut-être pas rapidement »10.

Les ukrainiens inquiets

Le lendemain de l’annonce de la décision du département d’État, le PDG de Naftogaz, Yuriy Vitrenko, ainsi que de nombreux représentants politiques ukrainiens, ont publié une lettre ouverte dans laquelle ils s’inquiètent des dérogations émises par l’exécutif américain et appellent « les parties prenantes à Washington, Berlin et Bruxelles en position d’autorité et de responsabilité à appliquer tous les moyens nécessaires pour arrêter ce projet »11. Les auteurs de la lettre estiment que les dérogations sont « un mauvais signal à envoyer alors que l’Ukraine vient de faire face à un important renforcement militaire à sa frontière, et que le processus de paix pour mettre fin à l’occupation de la Crimée et arrêter la guerre à Donbass est au point mort ». Les auteurs croient « fermement que si Nord Stream 2 était déjà terminé et opérationnel, la Russie aurait intensifié son agression envers l’Ukraine. ».

Dans cette lettre, des craintes sont également exprimées quant aux discussions entre l’Allemagne et les États-Unis  : « Le Kremlin attend de l’Allemagne qu’elle négocie un accord avec les États-Unis, dans lequel l’application complète des sanctions sera évitée. Cela ne peut être autorisé. Trop souvent dans l’histoire, de grands accords ont été conclus aux dépens de l’Europe centrale et orientale — et nous l’avons tous payé chèrement. ».

Le document conclut qu’«  avec des milliers de troupes russes toujours massées à nos frontières, aucune action non militaire ne ferait plus pour protéger l’Ukraine contre l’agression russe que l’arrêt du Nord Stream 2  ». La lettre n’évoque pas les importantes pertes économiques que Nord Stream 2 causera à l’Ukraine, le texte se concentre sur les questions de défense en agitant le spectre d’un engament militaire russe plus profond dans le territoire ukrainien en cas d’achèvement du gazoduc. Pourtant, s’il est certain que Nord Stream 2 impactera lourdement l’économie ukrainienne, il est moins sûr que ce gazoduc supprimera la garantie stratégique que le réseau de transport ukrainien confère à son pays. En effet, le réseau ukrainien, même réduit au statut de variable d’ajustement, restera nécessaire à Gazprom pour répondre aux périodes de forte demande gazière européennes ou lors des périodes de maintenance de ses gazoducs sous-marins.

Pourtant, s’il est certain que Nord Stream 2 impactera lourdement l’économie ukrainienne, il est moins sûr que ce gazoduc supprimera la garantie stratégique que le réseau de transport ukrainien confère à son pays

Sami Ramdani

Le 21 mai, Le parlement ukrainien a voté une résolution demandant au Congrès des États-Unis d’« utiliser tous les outils disponibles prévus par la loi américaine pour arrêter complètement et de manière irréversible la construction du gazoduc Nord Stream 2 en appliquant des sanctions de blocage contre tous les participants à ce projet géopolitique russe, y compris Nord Stream 2 AG ». Les parlementaires américains sont au centre de l’attention des responsables ukrainiens. Les 1er et 2 juin, une délégation bipartisane réunissant les sénateurs démocrates Jeanne Shaheen et Chris Murphy ainsi que le républicain Rob Portman s’est rendue à Kiev afin de rencontrer notamment le président Volodymyr Zelensky, le Premier ministre Denys Shmyhal, le ministre des Affaires étrangères Dmytro Kuleba et le ministre de la Défense Andriy Taran. Insistant sur la dimension sécuritaire du dossier, le président ukrainien a affirmé : « Nord Stream 2 déconnectera l’Ukraine de l’approvisionnement en gaz, ce qui signifie nous ‘déconnecter’ d’au moins 3 milliards de dollars par an… Nous ne serons pas en mesure de payer l’armée ukrainienne »12. Dmytro Kuleba a insisté sur l’impact qu’un succès du projet Nord Stream 2 pourrait avoir sur l’opinion publique ukrainienne : « C’est un mauvais projet pour l’Ukraine, pour l’Europe et pour les États-Unis. Il représente des menaces non seulement économiques mais aussi sécuritaires et politiques pour notre pays. En mettant en œuvre ce projet, la Russie cherche à discréditer l’Occident aux yeux des Ukrainiens et en dehors de notre pays. Il est dans notre intérêt commun de contrecarrer ces plans »13.

L’annonce d’un accord germano-américain

Le 21 juillet, les gouvernements allemand et américain ont publié une déclaration conjointe annonçant la conclusion d’un accord qui vise à compenser les éventuelles conséquences négatives d’une mise en service du Nord Stream 214. Ce document présente les engagements conséquents pris par l’Allemagne.

Tout d’abord, l’Allemagne affirme qu’en cas d’utilisation agressive des exportations énergétiques par la Russie, elle agira aux niveaux national et européen, notamment par des sanctions afin de limiter les exportations russes, qu’elles soient énergétiques ou concernant d’autres secteurs économiquement pertinents.

L’Allemagne souligne qu’elle respectera la lettre et l’esprit du troisième paquet énergie dans son application au Nord Stream 2, tel que prévu par l’amendement de la directive gaz européenne de mai 2019. Le processus de certification qu’inclut la réglementation européenne sera particulièrement périlleux pour Nord Stream 2 du fait de la récente victoire polonaise devant la CJEU dans le cas OPAL15. Le régulateur allemand doit s’assurer, conformément à l’article 11 de la directive gaz 2009, que Nord Stream 2 ne mettra pas en danger la sécurité d’approvisionnement des États membres ou de l’Union dans son ensemble16. Conséquemment à la décision de la CJEU sur OPAL, qui fait de la solidarité énergétique un principe légalement contraignant, le régulateur allemand devra opérer son évaluation des conséquences de Nord Stream 2 sur la sécurité d’approvisionnement en consultation avec les acteurs de tous les marchés européens concernés, notamment les acteurs polonais. Toute tentative d’accorder une certification sans tenir compte des préoccupations des autres États membres entraînerait une action en justice. Alors que les publications contradictoires sur les implications de Nord Stream 2 sur la sécurité énergétique fleurissent, cette procédure de certification sera particulièrement intéressante à suivre, permettant une confrontation directe des points de vue antagonistes.

Alors que les publications contradictoires sur les implications de Nord Stream 2 sur la sécurité énergétique fleurissent, cette procédure de certification sera particulièrement intéressante à suivre, permettant une confrontation directe des points de vue antagonistes

Sami Ramdani

L’Allemagne assure qu’elle utilisera tous les moyens disponibles pour obtenir une prolongation de 10 ans de l’accord de transit entre l’Ukraine et la Russie. Un envoyé spécial sera assigné à cette mission qui devrait débuter d’ici le 1er septembre. Le processus de certification de Nord Stream 2 pourrait être un précieux atout dans les mains allemandes lors de ces négociations. Il convient de rappeler que l’Allemagne avait déjà joué un rôle essentiel lors de la dernière prolongation du transit ukrainien. En effet, le 19 décembre 2020, Maroš Šefčovič, alors vice-président de la Commission européenne chargé de l’Union énergétique, remerciait le ministre allemand de l’économie et de l’énergie, Peter Altmaier, pour son action décisive dans l’élaboration de l’accord de transit17.

Lors de leur rencontre à la Maison-Blanche le 15 juillet, Joe Biden et Angela Merkel ont annoncé le lancement de l’U.S. – Germany Climate and Energy Partnership18. Dans le cadre de ce partenariat, l’Allemagne s’engage à créer et à gérer un Green Fund destiné à soutenir la transition énergétique, l’efficacité énergétique et la sécurité énergétique de l’Ukraine. Prévu pour attirer au moins 1 milliard de dollars de capitaux publics et privés, le fonds recevra un don initial de l’Allemagne de 150 millions d’euros, mais il est prévu que le pays augmentera sa participation lors des prochaines années. L’hydrogène est un des secteurs clés cités car l’Ukraine dispose d’un important potentiel de production d’hydrogène vert, ce qui représente une chance considérable pour l’UE qui aura besoin d’importer de l’hydrogène depuis des pays tiers. La production et l’exportation d’hydrogène vert permettrait à l’Ukraine de renouvelé l’usage de son important réseau de gazoduc, et ce en offrant un hydrogène plus attrayant écologiquement que l’hydrogène bleu que la Russie pourrait produire à partir de son gaz naturel. Le 23 juillet, la BERD et le gestionnaire de réseau de transport gazier ukrainien GTSOU ont officialisé leur partenariat pour le développement du secteur hydrogène bas-carbone19.

L’Allemagne investira également 60 millions d’euros dans un « Ukraine Resilience Package » qui appuiera des mesures de résilience en Ukraine telle que l’intégration du réseau électrique ukrainien au réseau européen, le développement des capacités cyber de protection des infrastructures critiques, et l’augmentation des capacités gazières permettant d’importer depuis l’UE. Les États-Unis, par la voix de l’US AID, encouragent notamment la construction d’une synergie entre les capacités d’importations gazières polonaises et les capacités de stockage ukrainiennes, qui permettrait d’accumuler du GNL bon marché en été pour l’écouler lors des périodes de fortes demande hivernales, atténuant ainsi les coûts pour les consommateurs européens20. Dans cette perspective d’approfondissement des échanges gaziers entre l’Ukraine et ses voisins européens, le 21 juillet 2021 un protocole d’accord pour le développement d’un marché régional intégré en l’Europe du Sud-Est et de l’Est (SEEGAS) a été signé par le secrétariat de la Communauté de l’énergie, les fournisseurs de services de trading BRM (Roumanie), UEEX (Ukraine), TGE (Pologne), CEEGEX (Hongrie), ECG (Austriche) ainsi que les gestionnaires de réseaux de transport Moldovatransgaz (Moldavie), GTSOU (Ukraine), FGSZ (Hongrie) et GAZ-SYSTEM (Pologne)21.

Déjà impliquée diplomatiquement dans l’Initiative des Trois Mers, l’Allemagne va approfondir son engagement par un soutien financier aux projets énergétiques de l’organisation. Cette idée était déjà défendue par l’Atlantic Council fin 2020 dans sa publication « The United States and Central Europe : A road map for a democratic post-pandemic agenda »22. De plus, l’Allemagne soutiendra, via le budget de l’UE, les Projets d’Intérêt Commun (PCI) européens du secteur de l’énergie par une contribution d’environ 1,5 milliard d’euros sur la période 2021-2027. Les PCI contribuent grandement à l’intégration des marchés gaziers des États membres d’Europe centrale et orientale.

Parallèlement à la publication de déclaration annonçant l’accord germano-américain, des représentants du département d’État ont participé à une séance de questions réponses téléphonique avec des journalistes au cours de laquelle ils ont justifié la stratégie de l’administration Biden, répondant ainsi aux critiques émanant du camp républicain, voire même parfois des rangs démocrates. Considérant l’achèvement du gazoduc comme un fait accompli, l’exécutif américain a estimé qu’il valait mieux un Nord Stream 2 fonctionnel avec des contrepoids, qu’un Nord Stream 2 fonctionnel sans aucune contrepartie. Pour obtenir des garanties allemandes, l’administration Biden a décidé d’épargner Nord Stream 2 AG et ses dirigeants, ce qui a effectivement permis d’assoir l’Allemagne à la table des négociations. Cette stratégie collaborative apparaît bien plus productive que l’agressivité de l’administration précédente, au vu des engagements conséquents adoptés par l’Allemagne.

Considérant l’achèvement du gazoduc comme un fait accompli, l’exécutif américain a estimé qu’il valait mieux un Nord Stream 2 fonctionnel avec des contrepoids, qu’un Nord Stream 2 fonctionnel sans aucune contrepartie

Sami Ramdani

Alors que l’exécutif est accusé de laxisme par de nombreux législateurs radicalement opposés au Nord Stream 2, les représentants du département d’État ont insisté sur le fait qu’en dépit des législations prévoyant des sanctions adoptées entre 2017 et 2019 et de son ton belliqueux, l’administration Trump n’a appliqué des sanctions qu’à une entité et à son unique navire, et ce au dernier jour de son mandat. Les fonctionnaires de l’administration Biden revendiquent le ciblage des entités et des navires cités plus haut dès les 6 premiers mois de leur prise de fonction. Du fait de ce bilan, l’un des fonctionnaires affirme  : « notre opposition au gazoduc, notre engagement à respecter la loi, je pense, est incontestable ». Les membres de l’administration ont annoncé que l’accord avec l’Allemagne ne changeait pas la volonté de l’exécutif de se conformer à la loi, déclarant « nous devons remettre un rapport au Congrès à la mi-août, et nous examinerons toute activité potentiellement sanctionnable dans laquelle des entités pourraient être engagées relativement à ce projet et nous prendrons ces décisions au cas par cas ». Le 20 août, nous avons appris que ce rapport avait permis d’identifier un nouveau navire et deux entités russes sanctionnables au titre du PEESA23. Ces nouvelles cibles ne permettront cependant pas de satisfaire les législateurs.

Les ukrainiens mécontents

À travers une déclaration commune, les parlementaires ukrainiens ont accueilli avec inquiétude l’annonce germano-américaine, et ont exprimé leur scepticisme quant aux garanties de sécurité formulées dans la déclaration, au regard des précédents historiques  : « Ainsi, le Mémorandum de 1994 sur les garanties de sécurité liées à l’adhésion de l’Ukraine au Traité de non-prolifération des armes nucléaires (Mémorandum de Budapest), qui a notamment été signé par les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France, et en vertu duquel l’Ukraine a volontairement renoncé aux armes nucléaires en échange de garanties de sécurité, n’a pas empêché le Kremlin d’envahir le pays »24. Même son de cloche du côté de l’exécutif. Le ministre des Affaires étrangères ukrainien, Dmytro Kuleba, et son homologue polonais, Zbigniew Rau, ont estimé dans une déclaration conjointe que toute décision relative à Nord Stream 2 « doit également avoir une dimension démocratique, qui suppose des discussions avec les gouvernements des pays les plus touchés par les effets négatifs de NS2 »25. Mikhail Podolyak, conseiller du chef de l’administration présidentielle ukrainienne, Andriy Yermak, s’est également plaint du manque de consultation avec les partenaires américains et allemands  : « Dans le cadre de négociations bilatérales, les États-Unis et l’Allemagne peuvent résoudre toutes les questions qui concernent leurs intérêts. Mais quand cela concerne les intérêts d’autres nations, il est impossible de décider quoi que ce soit dans leur dos ». Le patron du gestionnaire de réseau de transport gazier ukrainien, Sergiy Makogon, affirme  : « l’Ukraine, pour autant que je sache, ne faisait pas du tout partie du processus de négociation entre l’Allemagne et les États-Unis en ce qui concerne cette déclaration particulière  »26. Pourtant, lors de leur briefing téléphonique à destination des journalistes, les fonctionnaires du département d’État ont assuré que « nos partenaires allemands et nous-mêmes avons consulté étroitement l’Ukraine et la Pologne, ainsi que d’autres pays qui seraient lésés par ce projet, pour connaître leurs préoccupations, dont nous avons tenu compte ». Les membres de l’exécutif américain ont même ajouté que le texte de la déclaration germano-américaine avait été soumis préalablement aux représentants ukrainiens, et que ces derniers avaient pu y intégrer certaines de leurs idées.

Les raisons du mécontentement des représentants ukrainiens dépasseraient la question de leur degré d’implication dans les négociations germano-américaines. En effet, Politico rapporte, d’après les témoignages de quatre sources, que les ukrainiens auraient subi des pressions diplomatiques américaines visant à éviter qu’ils ne critiquent l’accord publiquement27. Les membres de l’exécutif américain auraient notamment insisté pour que les ukrainiens n’engagent pas de discussions au sujet de l’accord avec le Congrès américain, au sein duquel les acteurs ukrainiens disposent d’une influence certaine. Un haut fonctionnaire de l’administration a contesté les informations recueillies par Politico, affirmant que la situation était plus nuancée, sans pour autant donner plus de détails quant à la teneur des échanges entre les responsables américains et leurs homologues ukrainiens. Alors que Mikhail Podolyak, conseiller de l’administration présidentielle ukrainienne, a affirmé que « L’Ukraine reçoit différents signaux à différents niveaux », Victoria Nuland, sous-secrétaire d’État aux affaires politiques, a nié toutes pressions lors d’une audition devant le Comité des affaires étrangères du sénat américain  : « je ne connais personne dans l’administration qui ait dit [aux Ukrainiens] comment se sentir ou comment parler de cette question ». L’affirmation de Victoria Nuland faisait suite aux questions de Ted Cruz. Précédemment, au cours de ce même échange, le sénateur texan a déclaré  : « Je pense qu’il s’agit d’une erreur géopolitique de portée générationnelle, que dans des décennies, les futurs dictateurs russes récolteront des milliards de dollars de bénéfices annuels grâce à l’erreur de Joe Biden et qu’ils utiliseront ce gazoduc pour exercer un chantage économique sur l’Europe. »

L’exécutif ukrainien a invoqué l’accord d’association Ukraine-UE en vue d’initier des consultations avec la Commission européenne et le gouvernement allemand28. La note verbale envoyée par le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, s’appuie sur les articles 274 et 337 de l’accord d’association de 2014. L’article 274 stipule que l’UE et ses États membres sont tenus de « consulter et de se coordonner » avec l’Ukraine sur les « développements des infrastructures » énergétiques, et  » doivent coopérer sur les questions relatives au commerce du gaz naturel, à la viabilité et à la sécurité de l’approvisionnement. ». Dmytro Kuleba rappelle qu’en vertu de l’article 337, les parties se sont engagées à mettre en place « des mécanismes efficaces pour faire face aux situations potentielles de crise énergétique dans un esprit de solidarité ». La solidarité énergétique est décidément une notion qui monte en puissance. La demande de consultations ukrainienne au titre de l’accord d’association n’est pas une première. Une telle demande avait déjà été émise en 2017 au sujet du cas OPAL, à la différence qu’à l’époque elle n’avait pas été faite publiquement.

La solidarité énergétique est décidément une notion qui monte en puissance. La demande de consultations ukrainienne au titre de l’accord d’association n’est pas une première

Sami Ramdani

Les sénateurs démocrates et républicains s’opposent à l’accord

L’alliance bipartisane des législateurs américains sur Nord Stream 2 ne faiblit pas après l’avancée diplomatique obtenue par l’administration Biden. La sénatrice démocrate du New Hampshire (architecte des sanctions avec Ted Cruz), Jeanne Shaheen, s’est dite sceptique quant au caractère suffisant des mesures évoquées par la déclaration germano-américaine. Le 2 août, le sénateur démocrate du New Jersey, Bob Menendez, président de la commission des Affaires étrangères du Sénat, a publié une déclaration s’opposant à l’accord avec l’Allemagne conjointement avec Marek Kuchcinski, président de la commission des Affaires étrangères du Sejm de Pologne, Bogdan Klich, le président de la commission des Affaires étrangères et de l’Union européenne du sénat polonais, Marko Mihkelson, le président de la commission des Affaires étrangères du Riigikogu estonien, Ondřej Veselý, le président de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des députés tchèque, Pavel Fischer, le président de la commission des Affaires étrangères de la défense et de la sécurité du Sénat tchèque, Harles Flanagan, le président de la commission des Affaires étrangères de la Chambre irlandaise de l’Oireachtas, Rihards Kols, le président de la commission des Affaires étrangères de la Saeima lettone, Oleksandr Merezhko, le président de la commission de la politique étrangère et de la coopération interparlementaire de la Verkhovna Rada ukrainienne, Tom Tugenhadt, le président de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des communes du Royaume-Uni, et enfin avec Žygimantas Pavilionis, président de la commission des Affaires étrangères du Seimas lituanien.

De leur côté, les républicains font pression sur l’administration en ne permettant pas la confirmation des nominations de nombreux fonctionnaires. Soixante nominations au département d’État attendent d’être confirmées. CNN explique qu’il existe un certain nombre de raisons expliquant le freinage des nominations, mais que l’une des raisons majeurs se trouve être l’exigence de Ted Cruz de voir l’administration appliquer pleinement les sanctions29. Les sénateurs républicains ont également indiqué qu’ils prévoyaient de s’opposer à deux nominations au département du Trésor pour protester contre l’accord avec l’Allemagne30.

Conclusion

À long terme, il ne peut être que positif pour l’Ukraine de se défaire d’une dépendance à une rente gazière, qu’elle perçoit qui plus est de son voisin russe, et d’opter pour des secteurs énergétiques d’avenir. Alors que l’Ukraine fait le choix souverain de son intégration aux structures euro-atlantiques, tournant ainsi le dos à la Russie, il paraît absurde d’exiger de cette dernière qu’elle subventionne ce processus. Toutefois, à moyen terme, le renouvellement du contrat de transit souhaité dans la déclaration germano-américaine permettrait d’amorcer cette transition en douceur. Il en va de la responsabilité des partenaires occidentaux de l’Ukraine d’investir sérieusement dans l’intégration économique et politique du pays au sein de la communauté transatlantique. L’administration Biden dessine des perspectives d’avenir, mais il reste à savoir si le pouvoir législatif américain permettra à l’exécutif de poursuivre sa stratégie constructive.

Sources
  1. « Just 15 km of Nord Stream 2 pipeline to go, says Putin », Reuters, 20 août 2021.
  2. U.S. Departmenf of the Treasury, « Issuance of PEESA-related General License and Frequently Asked Questions ; PEESA Designations ; Ukraine-/Russia-related Designation Update », 21 mai 2021.
  3. U.S. Department of State, « Nord Stream 2 and European Energy Security », 19 mai 2021.
  4. Kevin Cramer, « Sen. Cramer Leads Bill to Reverse Biden’s Nord Stream 2 Actions, Expand Sanctions on Russia », 20 mai 2021.
  5. U.S. Senate Committee on Foreign Relations, « Risch, McCaul : Nord Stream 2 subject to CAATSA sanctions », 26 mai 2021.
  6. « Germany confirms U.S. waiver on some Nord Stream 2 sanctions », Reuters, 19 mai 2021.
  7. Andrea Shalal, Timothy Gardner et Steve Holland, « U.S. waives sanctions on Nord Stream 2 as Biden seeks to mend Europe ties », Reuters, 19 mai 2021.
  8. Paul Carrel, « Candidates to succeed Merkel clash on Nord Stream 2 pipeline », Reuters, 20 mai 2021.
  9. Zelensky, « Habeck discuss threat posed by Nord Stream 2 », Ukrinform, 25 mai 2021.
  10. Claude Chendjou, « L’Allemagne et les USA discutent du projet Nord Stream 2 », selon Berlin, La Tribune, 1er juin 2021.
  11. « Naftogaz CEO and Ukrainian MPs urge the U.S. to continue sanctions against Nord Stream 2 », NaftoGaz Group, 20 mai 2021.
  12. « President : Only US can prevent Nord Stream 2 from being commissioned », Ukrinform, 3 juin 2021.
  13. « FM Kuleba : Nord Stream 2 poses not only economic threats », Ukrinform, 3 juin 2021.
  14. U.S. Department of State, « Joint Statement of the United States and Germany on Support for Ukraine, European Energy Security, and our Climate Goals », 21 juillet 2021.
  15. Foo Yun Chee, « Germany loses Gazprom gas pipeline appeal as court sides with Poland », Reuters, 15 juillet 2021.
  16. Alan Riley, « The ‘principle of solidarity’ : OPAL, Nord Stream, and the shadow over Gazprom », Atlantic Council, 17 octobre 2019.
  17. « La Russie, l’Ukraine et la Commission européenne sont parvenues à « un accord de principe » », Sputnik News, 19 décembre 2019.
  18. U.S. White House, « Fact Sheet : U.S.-Germany Climate and Energy Partnership », 15 juillet 2021.
  19. George Heynes, « EBRD, GTSOU to promote hydrogen use and development in Ukraine », H2 View, 23 juillet 2021.
  20. U.S. Agency for International Development, « Increased Integration of Ukrainian and Polish Transmission Systems and Gas Markets », 10 mars 2021.
  21. Energy Community, « Energy Community Secretariat supports trans-regional cooperation on development of integrated SEEGAS market », 21 juillet 2021.
  22. Daniel Fried, Jakub Wiśniewski, Denise Forsthuber et Alena Kudzko, « The United States and Central Europe : A road map for a democratic post-pandemic agenda », Atlantic Council, 19 octobre 2020.
  23. Timothy Gardner, « U.S. imposes Nord Stream 2 sanctions ; opponents say they won’t halt project », Reuters, 20 août 2021.
  24. Joint Statement of People’s Deputies of Ukraine, « Appeal to the United States of America and the European Union on the unacceptability of launching Nord Stream-2 », Politico, 21 juillet 2021.
  25. Ministry of Foreign Affairs of Ukraine, « Joint Statement by Minister of Foreign Affairs of Ukraine Dmytro Kuleba and Minister of Foreign Affairs of Poland Zbigniew Rau on Nord Stream 2 », 21 juillet 2021.
  26. Vladislav Golovine, « США і ЄС домовились щодо російського газопроводу « Північний потік – 2 ». Що втрачає Україна ? Інтерв’ю з керівником держкомпанії « Оператор ГТС України » Сергієм Макогоном », Forbes, 22 juillet 2021.
  27. Andrew Desiderio et Alexander Ward, « ‘I’m not happy about it’ : Dems torch Biden’s Russian pipeline deal », Politico, 21 juillet 2021.
  28. David M. Herszenhorn, « In Nord Stream 2 fight, Ukraine gives EU taste of its own bureaucracy », Politico, 26 juillet 2021.
  29. Kylie Atwood et Nicole Gaouette, « Ted Cruz is blocking diplomats from being confirmed, and it has nothing to do with their qualifications », CNN Politics, 21 juillet 2021.
  30. Ian Talley, « Republicans Threaten to Block Two Biden Nominations Over Russian Nord Stream 2 Pipeline », The Wall Street Journal, 29 juillet 2021.