• Lundi 31 mai, le Premier ministre libyen Abdel Hamid Dbeibah, récemment choisi en mars pour diriger le gouvernement d’union nationale après un vote de confiance du Parlement, a effectué une visite officielle en Italie, au cours de laquelle il a rencontré le président du Conseil et chef du gouvernement, Mario Draghi. Lors d’une conférence de presse conjointe, ce dernier a affirmé se tenir aux côtés de la Libye dans cette “transition complexe”.
  • Le 1er juin, son voyage en Europe se poursuit de l’autre côté des Alpes puisqu’il est attendu à Paris pour y rencontrer Emmanuel Macron, ainsi que le Medef. Le premier ministre libyen souhaite affirmer sa légitimité en renouant avec les pays européens, de manière à attirer de nouveau des investissements dans le pays. En avril dernier, il s’était déjà rendu en Russie, en Turquie, en Égypte et dans le Golfe avec les mêmes objectifs.
  • Le pays sort à peine d’une période de chaos qui dure depuis plus de dix ans, et qui est encore loin d’être terminée. Des milliers de mercenaires étrangers (20 000 selon l’ONU) ainsi que des centaines de militaires turcs sont présents en Libye, et le maréchal Khalifa Haftar dispose encore d’appuis dans l’Est du pays, où il s’est retranché. On peut s’attendre à ce que Paris réitère sa demande de retrait de ces puissances étrangères (principalement la Turquie et la Russie) de Libye, déjà exprimée en janvier au conseil de sécurité de l’ONU.
  • La visite à l’Élysée du Premier ministre libyen n’est pas anodine, puisque la France a pendant longtemps soutenu Haftar, (aux côtés de la Russie, de l’Égypte, et des Émirats Arabes Unis principalement) considéré comme un criminel de guerre par le régime libyen au pouvoir. Lors d’une audience accordée en mars dernier à Paris au président du Conseil présidentiel libyen, Mohammed el-Menfi, Emmanuel Macron avait reconnu le rôle joué par la France à partir de l’intervention de 2011 en déclarant : « Nous avons une dette à l’égard de la Libye et des Libyens ».
  • Les intérêts français et italiens en Libye diffèrent : si la France cherche à tout prix la stabilité politique en raison de la lutte qu’elle mène contre la menace terroriste au Sahel, l’Italie, première destination des migrants qui souhaitent rejoindre l’Europe, souhaite avant tout limiter les départs en provenance de la Libye. Mario Draghi a déclaré lundi 31 mai, après la réception du premier ministre libyen, qu’il souhaitait à ce sujet une “action déterminée et rapide de l’UE”, après avoir réitéré son appel lors du Conseil européen des 24 et 25 mai 2021.
  • Abdel Hamid Dbeibah assure l’intérim dans l’attente de la tenue d’élections, prévues en Libye pour le 24 décembre 2021. Cette période de transition est cruciale dans un pays encore profondément divisé, qui n’a pas connu de paix durable depuis dix ans. L’entretien prévu avec le Président français et d’importants acteurs économiques nationaux est également critique pour la France, qui semble vouloir faire oublier son soutien à Haftar.
  • Le prochain rendez-vous est prévu pour le 23 juin en Allemagne, où le gouvernement libyen de transition y est attendu pour discuter du processus de paix.