Cet article est disponible en version anglaise sur le site du Groupe d’études géopolitiques.
L’ère de l’Anthropocène dans laquelle nous vivons actuellement est marquée par le sceau de l’omnipotence de l’Homme en tant que force dominante de la nature 1. Les problèmes auxquels nous faisons collectivement face, affectent de manière inhérente, le bien être des générations futures. La crise climatique en est, bien sûr, l’archétype. Afin de prévenir des changements irrémédiables qui seraient désastreux, il nous faut gérer à la fois dans notre intérêt mais également pour celui des générations futures un bien commun mondial : la stabilité du système climatique. Ce problème, nous devons l’aborder en prenant en compte la nature kaléidoscopique de notre époque, de notre monde qui se caractérise en effet, par une évolution rapide de la technologie, de la structure des pouvoirs et de ses acteurs mais également et surtout par un dérèglement sans cesse plus effréné du climat. Les problématiques apparaissent aussi vite qu’elles disparaissent et les dynamiques sociales autour de ces dernières fluctuent tout aussi rapidement 2.
Les acteurs majeurs de la lutte contre le réchauffement ne sont plus les seuls États mais les États fédérés, les villes, les entreprises, les ONG, les organisations et coalitions ad-hoc et même les individus. Si les accords internationaux et les législations nationales restent essentiels, ils sont insuffisants. Les instruments juridiques non contraignants et les engagements individuels et volontaires à tous les niveaux font florès. Le monde se localise et se globalise en même temps. L’engagement dans l’action climatique se fait par conséquent à la fois de la base vers le sommet (bottom-up) et du sommet vers la base (top-down).
Le monde kaléidoscopique reflète la révolution des technologies de l’information et des communications, qui permettent aux gens de communiquer, de se mettre en réseau et de collaborer dans le monde entier. Facebook, Tumblr, YouTube, Twitter et leurs équivalents dans divers pays ont vu le jour à une échelle sans précédent. Au printemps 2019, Twitter comptait 330 millions d’utilisateurs mensuels et les gouvernements, chefs d’État ou ministres des affaires étrangères de 187 États possédaient ensemble 951 comptes. Dans cette même veine, la technologie des téléphones mobiles s’est répandue plus rapidement que toute autre technologie dans l’histoire. Plus de 5,1 milliards de personnes utilisent des téléphones portables, cela leur permet de communiquer instantanément sans contrainte de distance. Ces technologies permettent aux organisations, aux coalitions ad hoc, aux mouvements sociaux et aux individus de se faire entendre de manière ascendante, à toutes les échelles, qu’elles soient locales, régionales, nationales ou internationales.
1. L’urgence de la lutte contre le réchauffement climatique
À travers l’Accord de Paris, les États ont exprimé l’objectif de limiter l’augmentation de la température de la Terre à 1,5° C et la nécessité de ne pas dépasser 2° C par rapport aux niveaux pré-industriels. Il est déjà prouvé que la température de la Terre est sur le point d’augmenter bien au-delà de cette limite. Les études publiées lors du sommet des Nations Uunies (« ONU ») sur l’action climatique de 2019 montrent que les émissions associées aux contributions actuelles des États déterminées au niveau national entraîneront une augmentation de la température de 2,9 à 3,4 °C d’ici 2100 3.
Les scientifiques craignent en effet que la hausse des concentrations de gaz à effet de serre (« GES ») et l’augmentation de la température qui en résultera ne franchissent des seuils importants et perturbent la stabilité de l’équilibre climatique avec des conséquences désastreuses. Des scénarios autrefois considérés comme « les plus pessimistes » deviennent de plus en plus plausibles. Le rapport spécial 2019 du GIEC sur l’océan et la cryosphère a révélé que l’augmentation de l’absorption du dioxyde de carbone a rendu les océans plus acides et moins productifs en dioxygène (O2). L’augmentation des températures fait fondre les glaciers et les calottes glaciaires, ce qui contribue à une élévation alarmante du niveau de la mer 4. Les phénomènes météorologiques extrêmes sont en augmentation dans le monde entier, comme en témoignent les incendies, les méga-tempêtes et les inondations historiques.
Les données recueillies jusqu’au début du mois d’octobre 2019 indiquaient que 2019 était la cinquième année consécutive au cours de laquelle les États-Unis avaient connu au moins dix catastrophes d’un coût supérieur à un milliard de dollars chacune. Juillet 2019 a été le mois le plus chaud jamais enregistré pour l’ensemble du monde. De récentes études révèlent que le permafrost est en train de dégeler, ce qui soulève des inquiétudes quant aux importantes émissions de méthane. Le relâchement dans l’atmosphère de ce gaz pourrait conduire à franchir certains seuils, avec des conséquences irréversibles et catastrophiques.
2. La nécessité d’approches ascendantes
La stabilité du système climatique est un bien public mondial, dans lequel tous les acteurs qu’ils soient publics ou privés doivent être engagés. Les gouvernements nationaux doivent encore relever le défi. Heureusement, les collectivités territoriales, les villes, le secteur privé et les particuliers prennent des mesures efficaces pour réduire les émissions, promouvoir des solutions à faible intensité de carbone et / ou faire pression sur les gouvernements à tous les niveaux pour qu’ils agissent. Certains intentent également des procès contre des gouvernements et des entreprises pétrolières. Tous ces efforts peuvent être considérés comme des initiatives ascendantes.
Les actions des collectivités locales ou des États fédérés dans les pays dotés de systèmes fédéraux peuvent être particulièrement utiles car ces autorités, par exemple aux États-Unis, sont responsables de la planification, de la réglementation et du financement de secteurs clés notamment via la réglementation des services d’électricité, la planification des transports, l’utilisation des terres, les normes de construction, etc. Les engagements pris à ces niveaux peuvent renforcer la volonté politique, tant au niveau local que national. Les efforts d’atténuation réussis font œuvre de modèle, peuvent inspirer d’autres collectivités et faire l’effet de catalyseur pour des engagements nationaux et internationaux plus ambitieux et atteignables. Cela est particulièrement important compte tenu des récents reculs d’États fédéraux en matière de réglementation climatique, tant aux États-Unis qu’ailleurs.
Nous nous concentrons donc principalement sur les États-Unis, puisque la population et l’économie combinées de certains de leurs États fédérés sont comparables à celles de grands pays souverains, et que certains États américains sont à la tête de la lutte contre le changement climatique depuis des décennies. Les États-Unis sont dotés d’un système de gouvernement fédéral, avec cinquante États, chacun ayant sa propre compétence pour traiter les questions liées au climat. La Constitution prévoit en ce sens que « tous les pouvoirs qui ne sont pas délégués aux États-Unis en vertu de la Constitution des États-Unis, ni interdits par celle-ci aux États, sont réservés aux États respectivement, ou au peuple ». En l’absence d’un leadership fédéral sur la problématique du réchauffement climatique, les efforts des États fédérés et des autres collectivités sont particulièrement importants et révèlent des progrès dans la lutte contre les émissions de GES.
Cet article décrit certains des principaux programmes des États, de leurs initiatives transnationales, des programmes des villes comme des collectivités locales, ainsi que l’engagement du secteur privé et des mouvements sociaux en faveur du climat.
3. Mesures au niveau des États fédérés et au niveau local
Des actions d’envergure au niveau des États fédérés et au niveau local ont commencé il y a près de deux décennies, après que les États-Unis se sont retirés du Protocole de Kyoto. Parmi ces développements, on peut citer le leadership californien dans le lancement d’un programme de plafonnement et d’échange à l’échelle de l’économie et dans la réglementation des émissions de GES des véhicules et des carburants ; la bipartisane Regional Greenhouse Gas Initiative (« RGGI ») dans le Nord-Est ; la Clean Air Clean Jobs Act dans le Colorado ; et de nombreuses autres dispositions ailleurs.
Ces initiatives ont montré que la lutte contre le changement climatique est non seulement possible, mais qu’elle apporte également de grands avantages en termes de croissance économique. Une majorité d’États américains a adopté de manière bipartisane des normes applicables aux sociétés de gestion d’actifs en matière de production d’énergie renouvelable. Ces normes ont été plébiscitées et ont favorisé la promotion des sources d’énergie renouvelables tout en contribuant à réduire les coûts. De même, le déploiement des véhicules électriques a été poussé par des incitations des États, y compris des déductions fiscales et des politiques publiques sectorielles et multi-scalaires telles que l’autorisation de mise sur le marché de carburants propres ou encore la permission pour des véhicules d’emprunter des voies généralement réservées aux véhicules prioritaires 5.
Lorsque Donald Trump a annoncé en juin 2017 son intention de retirer les États-Unis de l’accord de Paris 6, les gouverneurs de Washington, de New York et de Californie ont immédiatement pris des mesures en formant la U.S. Climate Alliance (« USCA »), dans l’intention d’honorer dans leur États, les engagements pris par les États-Unis dans le cadre de l’accord de Paris. En septembre 2019, 24 États et Porto Rico avaient rejoint l’USCA. Cette coalition bipartisane représente plus de 55 % de la population américaine et 11,7 milliards de dollars soit plus de 60 % du PIB américain. Si les membres de l’USCA formaient un État souverain, elle représenterait la troisième plus grande économie du monde. Lorsque l’USCA a publié son rapport annuel en septembre 2018, elle a déclaré que, « compte tenu des politiques en matière de climat et d’énergie propre déjà en place dans les États de l’Alliance, nous devrions obtenir une réduction combinée de 18 à 25 % des émissions de GES par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2025 » 7.
En parallèle, une coalition plus large d’entreprises, d’investisseurs, de villes, d’États, d’universités et d’autres organisations ad hoc se sont agrégés via la coalition « We Are Still In » (« WASI »), s’engageant à contribuer à la réalisation des objectifs de l’accord de Paris. La coalition WASI compte aujourd’hui plus de 2.800 signataires, dont 2 203 chefs d’entreprise et investisseurs, 287 villes et comtés, 351 universités et 10 États. Cela représente plus de 155 millions de personnes dans les 50 États, pour un total de près de 10.000 milliards de dollars de PIB 8.
En plus de faire preuve de leadership dans leur propre champ de compétences en lançant et en élargissant des coalitions, les États fédérés américains travaillent ensemble sur une base bipartisane pour contrer l’allégement des normes en matière d’énergie verte notamment les réglementations touchant aux émissions des voitures diesel.
En sus, certains États ont mis en place des plans de collaboration inter-régionaux. En 2009, la RGGI est devenue le premier programme américain de plafonnement et d’échange de droits d’émission multiétatique visant à réduire les émissions de dioxyde de carbone du secteur de l’électricité. En 2017, les États participants (dont beaucoup sont dirigés par des gouverneurs républicains) ont convenu de prolonger le programme jusqu’en 2030, tout en abaissant de 30 % le plafond d’émissions pour la période 2020-2030. In fine, cela devrait réduire les émissions du secteur de l’électricité de la région de 65 % par rapport aux niveaux de 2009 9.
La collaboration interrégionale s’amorce également dans le secteur des transports. La Transportation and Climate Initiative (TCI) est une collaboration entre des États de la région du Mid Atlantic et de la Nouvelle-Angleterre qui travaillent avec le Georgetown Climate Center pour concevoir un programme de plafonnement et d’investissement pour le secteur des transports similaire à la RGGI. Une proposition de protocole d’accord a été publiée fin 2019 10.
4. Initiatives transnationales
Un autre développement important repose sur l’émergence de programmes développés conjointement entre les États fédérés américains et des entités infranationales d’autres pays. Ces accords de coopération concernent la capture des émissions carbones (Californie, Brésil, Québec), le développement et le déploiement de véhicules électriques (Californie et Chine ; Vermont et Québec), et le « Pacific Coast Collaborative » (entre les États des États-Unis et les provinces de l’Ouest canadien). Ces programmes ne sont pas des traités au sens du droit international. Ils prennent souvent la forme d’engagements volontaires, dans lesquels les participants acceptent de coopérer. Cela n’est pas nouveau puisqu’en vue de lutter contre les pluies acides et autres problèmes de pollution certains États américains et des provinces canadiennes avaient mis en place des instruments similaires à l’échelle bilatérale. Ces instruments prennent souvent la forme d’un Memorandum of Understanding (« MoU ») qui prévoit les modalités d’échanges d’idées, d’information et de soutien mutuel pour la mise en œuvre de politiques à faible intensité de carbone. Dans le cadre des MoU, les institutions peuvent lancer des programmes et des approches de réduction des GES, qui peuvent être reproduits ou étendus à d’autres États. Cette approche pourrait être adoptée à terme au niveau national ou dans le cadre d’accords internationaux formalisés.
De nombreux programmes transnationaux multilatéraux relient de manière informelle les États et les villes des États-Unis et leurs équivalents dans le monde entier. Par exemple, 94 villes, représentant plus de 700 millions de citoyens et un quart de l’économie mondiale, participent au C40, qui crée un réseau de collaboration afin de partager les connaissances « et de mener des actions significatives, mesurables et durables sur le changement climatique » 11.
Un programme transnational similaire, la Under2 Coalition, met en relation les gouvernements et dirigeants qui s’efforcent de maintenir la hausse des températures « bien en dessous » de 1,5°C 12. Il regroupe plus de 220 gouvernements et représente 1,3 milliard de personnes et 43 % de l’économie mondiale. Dix États et régions au sein du groupe se sont engagés à atteindre une émission nette de zéro d’ici 2050 au plus tard. Ils s’engagent ainsi à réduire les émissions de 80 à 95 % par rapport aux niveaux de 1990, soit deux tonnes de carbone par an et par habitant d’ici 2050.
Il existe également des initiatives multilatérales dans le secteur de l’énergie. Par exemple, la Powering Past Coal Alliance est une coalition de gouvernements nationaux, locaux et d’organismes du secteur privé, dont l’objectif est de remplacer le charbon grâce à des programmes d’énergie propre. En septembre 2019, l’Alliance comptait 91 membres, répartis entre 32 gouvernements nationaux, 25 collectivités et 34 entreprises ou organisations transnationales 13.
Ces initiatives transnationales sont des éléments du monde kaléidoscopique, permettant aux acteurs de se réunir dans des alliances créatives pour mettre en œuvre des objectifs définis collectivement. Leurs membres peuvent changer, tout comme leurs programmes en réponse à l’évolution des scénarios et des effets climatiques prévus. Les initiatives reflètent un standard international de coopération de base dans laquelle les acteurs cherchent à éviter les dommages en travaillant ensemble à obtenir des avantages qu’ils ne pourraient obtenir seuls.
5. Programme des États fédérés
Aux États-Unis, les programmes mis en place dans les différents États donnent une vue globale de l’ampleur des préoccupations liées au réchauffement climatique et des mesures innovantes pour le combattre. Au moins huit États, le district de Columbia et Porto Rico ont adopté des lois exigeant une énergie propre ou renouvelable à 100 %. Nous nous concentrerons sur la Californie, le New Jersey et New York parce qu’ils ont une population et une économie importantes, et parce qu’ils comptent également parmi les pionniers en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
5.A. Californie
La Californie est un modèle dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique depuis des décennies, sous les administrations démocrates et républicaines. Elle a agi sur différents fronts pour réduire les émissions de GES, promouvoir l’efficacité énergétique et stimuler les investissements verts. Quelques points saillants des programmes sont décrits ci-dessous.
Premièrement, la Californie dispose d’un programme de plafonnement et d’échange de droits d’émission de GES, qui a récemment été prolongé jusqu’en 2030. En 2018, le gouverneur de l’époque, Jerry Brown, a également engagé l’État à produire 100 % d’énergie électrique propre d’ici 2045. La politique californienne a stimulé d’énormes investissements privés et publics. En 2018, l’État était en tête du pays pour le nombre d’emplois dans le secteur solaire, avec plus de 76 000 employés 14, et a triplé sa capacité éolienne ces dernières années en créant 12 nouveaux parcs éoliens, ce qui représentait des investissements de 12,6 milliards de dollars jusqu’en 2017.
L’une des évolutions les plus significatives est la collaboration de la Californie avec d’autres États et les constructeurs automobiles de premier plan pour réduire les émissions de GES des véhicules au-delà des normes fédérales. En septembre 2019, cependant, l’administration Trump a publié une règle révoquant la compétence juridique de la Californie à appliquer des limites plus strictes en matière de GES émis par les véhicules, alors même que d’autres États souhaitaient suivre. En réponse, la Californie et d’autres États poursuivent le gouvernement fédéral pour contester la légalité de cette décision. La Californie s’est également associée aux grands constructeurs automobiles – Ford, Honda, VW et BMW – dans un accord stipulant que ces derniers continueront à augmenter progressivement leurs normes anti-pollution. Les signataires de l’accord ont jusqu’en 2026 pour produire des voitures consommant au maximum 1 galon pour 50 miles parcourus 15. L’accord couvre 30 % de toutes les nouvelles voitures et de tous les nouveaux SUV vendus aux États-Unis. D’autres entreprises, dont GM, Fiat Chrysler et Toyota, ont ensuite, dans la continuité, publié des déclarations de soutien au gouvernement fédéral.
En plus de réglementer les véhicules, la Californie exige également depuis septembre 2018, que les producteurs de carburant réduisent la pollution de leurs produits de 20 % d’ici 2030 dans le cadre de leur Low Carbon Fuel Standard. En juin 2019, la Californie a signé un protocole d’accord avec le Canada pour coopérer sur des mesures limitant les émissions de GES. Ce partenariat vise à accélérer l’achat de véhicules à zéro émission et prévoit un transfert de connaissances en matière d’informations techniques et également une standardisation des meilleures pratiques 16.
5.B. New Jersey
En octobre 2018, le gouverneur du New Jersey, Philip Murphy, a publié une feuille de route visant à ce que 100 % de l’énergie électrique consommée par l’État provienne de sources renouvelables d’ici 2050, et 50 % d’ici 2030 17. En juillet 2019 il a promulgué le Updated Global Warming Response Act. Ce dernier fixe un nouveau cadre contraignant en matière d’émissions : 80 % en dessous des niveaux de 2006 d’ici 2050 – et exige des mesures spécifiques pour atteindre cet objectif. Le New Jersey travaille également à l’augmentation des énergies renouvelables, en particulier l’énergie éolienne.
Certains décrets exigent ainsi que l’État développe 3 500 mégawatts d’énergie éolienne en mer d’ici 2030, qu’il charge le Board of Public Utilities et le Department of Environmental Protection d’élaborer un plan stratégique pour l’énergie éolienne en mer, et qu’il crée un institut pour l’innovation et le nouveau développement éolien qui servira de centre régional pour l’industrie éolienne. La législation de l’État établit également un standard qui oblige les entreprises d’électricité à produire 35 % de leur électricité à partir d’énergies renouvelables d’ici 2025 et 50 % d’ici 2030. En octobre 2019, un décret a établi une stratégie de résilience au changement climatique à l’échelle de l’État pour planifier les impacts du réchauffement climatique 18.
5.C. New York
En mars 2019, le gouverneur de New York Andrew Cuomo a promulgué un budget de 175 milliards de dollars, qui prévoit la mise en place de péages verts – les premiers du genre aux États-Unis – obligeant les conducteurs de certaines parties de la ville de New York à payer un droit de circulation, dont le produit sera utilisé pour améliorer le métro et répondre à d’autres besoins en matière de transport 19. New York a également adopté le Climate Leadership and Community Protection Act, qui est entré en vigueur en juillet 2019 20. Cette loi fixe un objectif ambitieux à l’échelle de l’État, à savoir atteindre un niveau d’émissions de carbone « net zéro » d’ici 2050, en plus de fixer les objectifs contraignants d’une réduction de 85 % des émissions d’ici 2050, avec un objectif à moyen terme de 40 % d’ici 2030. D’ici 2040, l’État souhaite parvenir à une électricité 100 % propre 21. Il convient également de souligner l’accent mis sur les questions de justice environnementale, avec un conseil d’action pour le climat composé de 22 membres qui élaborera un plan d’action en vue de mieux prendre en compte les problématiques liées à la justice climatique.
Reconnaissant le devoir de l’État de mettre en place des mesures visant l’égalité, le gouverneur a engagé l’État à fournir gratuitement de l’énergie solaire à 10.000 résidents à faible revenu. En mars 2018, le gouverneur a également engagé 1,4 milliard de dollars pour 26 projets liés à l’énergie renouvelable, dont 22 parcs solaires, trois parcs éoliens et un projet hydroélectrique. L’État investira 200 millions de dollars dans le stockage de l’énergie. New York s’attaque également à l’augmentation de l’efficacité énergétique et a annoncé qu’il augmenterait de 50 % son objectif actuel d’efficacité énergétique pour 2025 et qu’il fournirait également 36 millions de dollars pour inciter les localités, les promoteurs, les résidents et les entreprises à investir dans l’amélioration de l’efficacité énergétique.
Les actions menées dans ces trois États sont ainsi toutes axées sur le développement des énergies renouvelables, sur l’offre et la demande d’énergie et sur l’intégration de considérations liées à la justice environnementale. Leurs actions offrent un aperçu détaillé de ce que peuvent impliquer les actions ascendantes au niveau infranational et de leur rôle important dans la lutte contre le changement climatique.
6. Initiatives municipales
Les villes sont également devenues des acteurs majeurs dans la lutte contre le réchauffement climatique. Des villes comme New York, Los Angeles et Chicago sont aujourd’hui à la pointe du progrès écologique grâce à des organisations telles que le C40 et les Climate Mayors. En juin 2017, la Conférence des maires des États-Unis, qui représente les villes de plus de 300 000 habitants, a adopté plusieurs résolutions, dont une qui reconnaît explicitement l’importance de l’Accord de Paris, du Plan pour l’énergie propre et de l’action fédérale en faveur de solutions de transport propre, ainsi que la nécessité de fournir aux villes les outils nécessaires pour lutter contre le changement climatique et se préparer à ses effets sur les habitants. La conférence a également adopté des résolutions encourageant les services publics, le gouvernement fédéral et d’autres à contribuer à l’accélération de l’électrification du secteur des transports et à soutenir les villes à poursuivre la transition vers une énergie 100 % propre et renouvelable d’ici 2035. Ces mesures sont importantes, mais elles doivent encore être mises en œuvre.
Certaines municipalités s’engagent individuellement à promouvoir l’énergie propre. Pour ne citer que deux exemples, Orlando, en Floride, est en train de faire passer son parc de véhicules municipaux au 100 % électrique à une date cible de 2030, et Disneyworld met en ligne un projet solaire de 50 MW pour alimenter deux de ses quatre parcs à thème. San Francisco, en Californie, est devenue la première grande ville américaine à vouloir s’alimenter entièrement par des énergies renouvelables, avec pour objectif d’y parvenir d’ici 2030.
Les villes d’autres pays prennent également des mesures importantes pour lutter contre le changement climatique. Lors du sommet de l’ONU sur l’action climatique de 2018, le C40 a annoncé que 27 de ses villes membres avaient atteint un pic de leurs émissions de carbone, et depuis lors, ces dernières ont diminué. En octobre 2017, douze villes, dont Londres, Los Angeles, Mexico et Paris, se sont engagées à n’acheter que des bus zéro émission pour les flottes municipales de transport en commun à partir de 2025 22.
Si ces initiatives et engagements sont importants, ils ne sont pas suffisants à eux seuls. Les autres structures des États-Unis, le gouvernement fédéral et le monde entier doivent faire plus pour éviter d’atteindre des points de bascule au-delà desquels le changement climatique pourrait produire des effets catastrophiques. Des études récentes ont montré que si 68 pays ont déclaré leur intention de rehausser leur contribution au titre de l’accord de Paris, cela ne représente tout au plus que 8 % des émissions mondiales 23. Davantage de mesures doivent être prises à tous les niveaux – fédéral, étatique, communautaire et individuel – pour faire en sorte que nous ne dépassions pas les seuils critiques. Les sections suivantes abordent d’autres acteurs importants de notre monde kaléidoscopique, à savoir le secteur privé et les particuliers.
7. Engagements du secteur privé
Certains acteurs du secteur privé prennent des mesures importantes pour lutter contre le réchauffement climatique. Des entreprises ont ainsi pris des engagements unilatéraux pour réduire les émissions et investir dans des solutions renouvelables. Elles sont motivées par des rapports scientifiques convaincants, des demandes des consommateurs et des employés, des résolutions d’actionnaires, des campagnes de désinvestissement, des risques de réputation et de contentieux, etc. La Business Roundtable 24, dont les membres sont exclusivement des dirigeants de grandes entreprises américaines, a publié une déclaration dans laquelle ils s’engagent à diriger leurs entreprises « dans l’intérêt de toutes les parties prenantes – clients, employés, fournisseurs, communautés et actionnaires ». Cela inclut aussi la protection de l’environnement en adoptant des pratiques commerciales durables.
La participation du secteur privé est globale. La semaine du climat aux Nations Unies en septembre 2019 a donné lieu à des dizaines de nouveaux engagements de la part d’entreprises et d’organisations internationales. Par exemple, 130 banques de 49 pays dans le cadre de l’initiative financière du Programme des Nations Unies pour l’environnement – représentant plus de 47 000 milliards de dollars d’actifs – ont publié les Principes pour un secteur bancaire responsable afin d’accélérer « la contribution du secteur bancaire à la réalisation des objectifs de la société tels qu’ils sont exprimés dans les objectifs de développement durable et l’Accord de Paris sur le climat » 25. Amazon s’est également engagé à honorer les objectifs de l’Accord de Paris, l’entreprise souhaite même atteindre les objectifs fixés en 2040, plutôt qu’en 2050 comme le prévoit l’Accord, et a appelé les autres entreprises à faire de même. L’ancien maire de New York, Michael Bloomberg, a lancé l’America’s Pledge, qui suivra les efforts des États, des villes et des entreprises américaines pour réduire les GES.
8. Les mouvements sociaux en faveur du climat
Les jeunes ont ouvert la voie en catalysant les mouvements sociaux pour convaincre les gouvernements de lutter contre le changement climatique. Les mouvements de jeunes pour le climat ont commencé à apparaître après la Conférence de Rio sur l’environnement et le développement en 1992 et ont été largement organisés de manière segmentée géographiquement. Depuis 2005, la plupart d’entre eux ont été regroupés au sein de l’International Youth Climate Movement (IYCM), dont les membres proviennent de toutes les régions du monde. Bien que nationaux ou régionaux ces réseaux peuvent regrouper en leur sein des mouvements locaux. Il existe également des organisations comme le Climate Action Network International, qui regroupe plus de 1 100 organisations non gouvernementales dans 120 pays.
Au cours des dernières années, les jeunes ont créé beaucoup plus de mouvements de lutte contre le changement climatique, qui ne sont pas ancrés territorialement. Parmi ces mouvements, citons le Sunrise Movement, Fridays For Future, Extinction Rebellion, Earth Uprising et Youth Climate Leaders. Certains, comme le Sunrise Movement aux États-Unis, sont axés sur des actions nationales. D’autres, comme les Youth Climate Leaders, visent à devenir des organisations internationales. Certains sont mondiaux et très décentralisés et n’exigent pas qu’un individu s’engage auprès d’une institution avant d’agir au nom du mouvement. Ces derniers se recoupent et se combinent. Par exemple, les ambassadeurs de Earth Uprising sont également des protestataires passionnés au sein du mouvement Fridays For Future. Les mouvements peuvent également se soutenir mutuellement, comme l’illustrent les posts de Greta Thunberg sur les réseaux sociaux qui soutiennent les actions d’extinction rébellion.
Cet article se concentre sur les actions infra-nationales aux États-Unis, nous considérerons d’abord le Sunrise Movement, qui a débuté en 2017 et a une influence nationale importante. Le Sunrise Movement tente de stimuler l’engagement politique pour amener les autorités à agir. Ils essaient de convaincre le Congrès américain d’adopter le Green New Deal, appelant à une transition rapide vers une énergie 100 % d’origine renouvelable. Le Green New Deal intègre la prise en compte des inégalités raciales et socio-économiques avec des demandes de mesures accrues pour lutter contre le changement climatique et des investissements pour la classe ouvrière. Le mouvement a connu un certain succès puisque la résolution Green New Deal a été présentée au Congrès et que certains candidats à des fonctions politiques nationales en adoptent les principes, bien que davantage de détails soient nécessaires pour la mettre en œuvre.
Nous considérerons ensuite deux mouvements internationaux qui dépendent d’actions individuelles locales. Greta Thunberg, une Suédoise, a commencé son propre mouvement en août 2018 lorsqu’elle a protesté devant le Parlement suédois pendant trois semaines. Elle a poursuivi ses protestations le vendredi après la rentrée scolaire, partageant ses dernières photos sur Instagram et Twitter, ce qui a donné lieu aux hashtags #FridaysForFuture et #Climatestrike. En utilisant les réseaux sociaux, elle a pris de l’élan avec d’autres jeunes du monde entier. En septembre 2019, Greta Thunberg s’est adressée au Sommet des Nations Unies sur l’action climatique sous des applaudissements nourris. À la suite de son discours, elle a gagné des millions de nouveaux adeptes sur Twitter et Instagram. Ce mouvement n’est pas neutre car il génère des réactions négatives sur les médias sociaux à l’encontre des enfants et des adolescentes.
Extinction Rebellion a débuté au Royaume-Uni en octobre 2018. Il se décrit comme un « mouvement international qui utilise la désobéissance civile non violente pour tenter d’arrêter l’extinction massive et de minimiser le risque d’effondrement social ». Son approche contraste avec les outils traditionnels comme les pétitions ou les efforts pour atteindre les représentants politiques. Le mouvement, qui utilise les réseaux sociaux d’Instagram et de Twitter, préconise une action décentralisée, en affirmant que toute personne qui suit ses principes et valeurs fondamentales peut agir en son nom 26.
Bien que ces mouvements soient similaires dans leur tentative de déclencher le changement, ils diffèrent de manière significative, y compris dans leur rhétorique. La plupart des premiers mouvements s’identifiaient géographiquement, utilisaient peu les médias sociaux (inexistants à l’époque) et étaient plutôt centralisés, avec parfois des couches d’organisation institutionnelle. Les mouvements récents utilisent les réseaux sociaux pour atteindre les gens, prônent des actions individuelles décentralisées et peuvent utiliser une rhétorique vigoureuse. Cette stratégie leur permet de prendre rapidement un élan mondial, d’atteindre beaucoup plus de personnes et de stimuler une action plus large et globale.
9. Actions introduites devant les tribunaux et les organes des Nations Unies
La société civile se saisit de plus en plus des organes judiciaires ou semi-judiciaires pour faire pression en faveur d’une action sur le changement climatique. Certains efforts visent les tribunaux internationaux ou les organes d’institutions internationales compétents pour recevoir des plaintes. Greta Thunberg et quinze autres jeunes ont adressé une pétition au Comité des droits de l’enfant des Nations-Unies en vertu du troisième protocole facultatif (article 5) pour protester contre les échecs des gouvernements à faire face à la crise climatique. La pétition allègue que l’inaction collective de la part de l’Allemagne, de l’Argentine, du Brésil, de la France et de la Turquie entraînera, au détriment des futures générations, des violations des dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant (articles 3, 6, 24, 30). La pétition fournit de nombreux détails sur les préjudices attendus et examine également les principes applicables du droit international, notamment le principe de précaution et le principe d’équité intergénérationnelle. Si la question de la qualité à agir doit être abordée, l’initiative est importante car elle laisse présager d’autres pétitions éventuelles adressées à des organismes internationaux.
La jeunesse et d’autres militants se tournent également de plus en plus vers les tribunaux nationaux pour tenter de forcer les gouvernements à en faire plus pour lutter contre le réchauffement climatique ou pour cibler les entreprises polluantes. Aux États-Unis, 21 jeunes ont intenté un procès au gouvernement américain dans l’affaire Juliana v. United States, alléguant que le gouvernement négligeait sciemment la prévention des effets catastrophiques du changement climatique, en violation des droits constitutionnels des plaignants notamment le respect du droit à la vie et du droit de propriété. Ils ont invoqué la doctrine du public trust 27 et l’ont étendue à l’atmosphère. La District Court et les cours d’appel fédérales ont refusé de rejeter l’affaire, mais en raison de contestations procédurales, l’affaire n’a pas encore été jugée. Des poursuites similaires ont été engagées dans d’autres États américains.
Des actions sont également en cours dans d’autres pays. Aux Pays-Bas, la Fondation Urgenda a poursuivi le gouvernement néerlandais pour ne pas avoir pris des mesures adéquates en vue de réduire les émissions de GES. Le tribunal de district de La Haye a ordonné au gouvernement de réduire les émissions annuelles de GES d’au moins 25 % à la fin de 2020 par rapport au niveau d’émissions de 1990 pour atténuer le risque d’un changement climatique dangereux. La Cour a conclu que le principe d’équité exigeait que l’État veille à ce que les coûts de la crise climatique soient raisonnablement répartis entre les générations actuelles et futures. Le 20 décembre 2019, la Cour suprême des Pays-Bas a confirmé cette décision. Au Pakistan, dans l’affaire Leghari v. Federation of Pakistan, la Haute Cour de Lahore a convenu que l’incapacité du gouvernement à faire face au changement climatique violait les droits constitutionnels des plaignants à la vie et à la dignité. Elle a ordonné la création d’une commission sur le changement climatique pour surveiller les progrès de la mise en œuvre de la politique nationale sur le changement climatique du pays. L’affaire est particulièrement importante pour la reconnaissance des droits fondamentaux comme base pour contester l’inaction du gouvernement national en matière de changement climatique et pour invoquer l’équité intergénérationnelle et les principes de précaution.
Si ces affaires sont peut-être parmi les plus connues, les jeunes et d’autres ont porté des affaires de changement climatique dans au moins 28 pays, couvrant l’Amérique du Nord et du Sud, l’Europe, l’Asie et la région du Pacifique 28. En janvier 2019, la municipalité de Grande-Synthe en France a déposé un recours en excès de pouvoir devant le Conseil d’État contre le gouvernement français pour ne pas avoir pris les mesures appropriées pour lutter contre le changement climatique et a demandé qu’il lui soit ordonné de prendre les mesures appropriées pour réduire les émissions de GES. Notre Affaire à Tous et trois autres associations ont déposé une action en responsabilité en mars 2019 devant le tribunal administratif de Paris. Ces affaires reflètent une tendance croissante à utiliser les tribunaux comme un moyen d’amener les gouvernements à lutter contre le changement climatique.
Les procureurs, les organisations non gouvernementales et les particuliers se tournent également vers les tribunaux pour tenter de tenir les entreprises de combustibles fossiles responsables de leur incapacité à reconnaître publiquement et à traiter les dangers des combustibles fossiles qui contribuent au changement climatique. À New York, le procureur général a cherché à poursuivre Exxon Mobil en vertu du Martin’s Act visant à lutter contre la fraude envers les actionnaires, alléguant que l’entreprise avait trompé les investisseurs sur les coûts et les risques réels du changement climatique et donc sur l’évaluation de l’attractivité de l’entreprise.
Le 10 décembre 2019, la Cour suprême de New York a rejeté la plainte au motif que le procureur général n’avait pas réussi à étayer son action par des preuves suffisantes. Le Massachusetts a intenté une action civile contre Exxon Mobil, alléguant des déclarations inexactes et l’absence de divulgation des risques liés au changement climatique pour l’entreprise et demandant le prononcé d’une injonction et des dommages-intérêts punitifs. Plusieurs actionnaires d’Exxon Mobil au Texas et dans le New Jersey ont engagé des poursuites devant un tribunal fédéral contre les dirigeants de la société, alléguant une violation de la loi fédérale sur les valeurs mobilières, un manquement au devoir fiduciaire, un gaspillage des actifs de la société et un enrichissement sans cause. Dans le Maryland, le maire et le conseil municipal de Baltimore ont déposé une plainte devant un tribunal d’État contre 26 sociétés pétrolières et gazières, alléguant qu’elles avaient contribué au changement climatique en produisant et en vendant des combustibles fossiles et en trompant le public sur le danger que représentent ces produits, en violation de plusieurs lois de l’État.
Des procès contre des entreprises accusées d’avoir contribué au changement climatique sont également en cours dans d’autres pays, comme par exemple le procès intenté par un agriculteur péruvien contre une compagnie d’électricité allemande pour avoir participé au changement climatique qui a entraîné la fonte des glaciers et des inondations. Le recours aux tribunaux pour tenir les gouvernements et les entreprises responsables du changement climatique est de plus en plus fréquent. Cette tendance reflète un sentiment d’urgence dans l’utilisation de tous les leviers et approches disponibles pour faire face au changement climatique.
La question clé est de savoir quels impacts toutes les initiatives décrites ci-dessus auront pour limiter suffisamment les émissions de GES afin d’éviter que la température mondiale n’augmente rapidement et ne mette en péril la stabilité de notre système climatique. La réponse n’est pas encore claire. Il sera essentiel de surveiller et d’évaluer ces efforts et leurs effets.
10. Réflexions sur les initiatives ascendantes dans le monde kaléidoscopique
L’atténuation du changement climatique est un bien public mondial. Nos actions visant à lutter contre le changement climatique s’inscrivent dans le contexte du nouveau monde kaléidoscopique, caractérisé par des changements rapides, de nombreux acteurs tant publics que privés et différents types d’instruments juridiques. Les problèmes liés au changement climatique doivent être abordés aux niveaux local, régional et international. Les citoyens doivent s’impliquer. Si tous les acteurs sont responsables de leurs actions (ou de leur inaction), la complexité du monde kaléidoscopique rend la responsabilisation de chacun plus difficile.
Dans le nouveau monde kaléidoscopique, les gouvernements nationaux doivent agir pour réduire les émissions de GES. Cependant, les mesures descendantes ne suffiront probablement pas à elles seules, même si les États respectent leurs contributions nationales actuelles. Les approches ascendantes qui impliquent d’autres acteurs que les gouvernements sont essentielles. Elles permettent à ces derniers de respecter leurs engagements et offrent des possibilités de les dépasser.
Dans ce contexte plus fluide, les instruments juridiques doivent aller au-delà des accords internationaux et de la législation nationale. Les accords entre entités infranationales, les instruments juridiques non contraignants et les engagements volontaires individualisés de tous les acteurs, publics et privés, sont essentiels et devraient devenir de plus en plus courants.
L’élaboration de mesures descendantes et ascendantes pour faire face au changement climatique soulève des questions d’équité. Le changement climatique aura des effets disparates et inégaux sur les communautés et les individus à faible revenu et les minorités qui vivent souvent dans des zones vulnérables et disposent de beaucoup moins de ressources pour s’adapter. En outre, ce sont eux qui ont le moins contribué aux émissions de gaz à effet de serre. Cela signifie que nous devons remédier à ces inégalités intra générationnelles par des politiques justes et résilientes 29.
Le changement climatique soulève intrinsèquement des questions liées à l’équité intergénérationnelle. Nos actions d’aujourd’hui influenceront profondément la robustesse et l’habitabilité de notre planète pour les générations futures et les coûts qu’elles devront supporter pour protéger leur héritage. Les jeunes le savent. Le problème est que les générations futures ne sont pas à la table des décisions. Le monde kaléidoscopique complique les efforts visant à leur donner une voix, car ces décisions se prennent à de multiples niveaux, avec de multiples acteurs et sur de multiples questions. Nous devons trouver des moyens de garantir que les intérêts des générations futures soient pris en compte dans ces décisions.
La responsabilisation est essentielle pour garantir que ceux qui agissent, que ce soit du haut vers le bas ou du bas vers le haut, soient responsables des résultats de leur action ou de leur inaction. Les individus doivent également être responsables. La responsabilisation peut être compliquée. Qui doit rendre des comptes à qui, pour quoi, quand et comment ? Les poursuites judiciaires liées au changement climatique et les mouvements de jeunesse et autres qui travaillent par le biais d’un engagement direct avec les décideurs politiques sont des efforts visant à responsabiliser les dirigeants. Ces actions sont essentielles pour attirer l’attention et catalyser l’action à tous les niveaux de la société.
Nous n’avons qu’une seule planète, la Terre, dont nous dépendons tous. Nous avons l’obligation morale, envers nous-mêmes et les générations futures, de protéger notre planète contre un changement climatique catastrophique. Les initiatives ascendantes qui font appel à l’énergie et à l’engagement de tous les individus, gouvernements et autres parties prenantes décrits ci-dessus sont un élément essentiel pour remplir cette obligation.
Sources
- Les auteurs remercient Katherine McCormick et Olivia Le Menestrel pour leur assistance dans les recherches qui ont servies à la rédaction de cet article, ayant fait l’objet d’une première publication en anglais dans Y. Aguila (dir.), « le droit à l’épreuve de la crise écologique », Revue des Juristes de Sciences Po, janvier 2020.
- E. Brown Weiss, Establishing Norms in a Kaleidoscopic World, 396 Recueil des cours, 2018.
- P. Kabat, et al., “United in Science : High-Level Synthesis Report of Latest Climate Science Information”, Programme des Nations Unies pour l’environnement, 5 septembre 2019.
- Intergovernmental Panel on Climate Change, Special Report on the Ocean and Cyrosphere in a Changing Climate, 25 septembre 2019).
- V. Arroyo, “From Pittsburgh to Paris”, 31 Georgetown Environmental Law Review 433, (2019) pour des exemples topiques.
- Le Président des États-Unis a envoyé sa notification officielle de retrait le 4 novembre 2019 ; le retrait prend effet un an plus tard
- U.S. Climate All., Fighting for Our Future : Growing Our Economies and Protecting Our Communities Through Climate Leadership (2018).
- Site web We are still in.
- Regional States Announce Proposed Program Changes : Additional 30 percent Emissions Cap Decline by 2030, RGGI, INC (23 AUG. 2017).
- TCI’s Regional Policy Design Process 2019, Transportation & Climate initiative.
- C40 CITIES.
- Under2 Coalition.
- Powering Past Coal All.
- Annexe A : Solar Jobs by State, The Solar Fund (2018).
- Note de la rédaction : soit environ 5,7 litres pour 100 kilomètres.
- “Canada and California Sign Agreement to Work Together on Cleaner Transportation”, CAL. Air Ressources Board).
- The State of Innovation : Building a Stronger and Fairer Economy in New Jersey, THE ST. OF N. J. (Oct. 2018).
- “Governor Murphy Signs Executive Order to Establish Statewide Climate Change Resilience Strategy”, INSIDER NJ (Oct. 29, 2019).
- FY 2020 Enacted Budget Financial Plan, N. Y. ST. of Opporunity (Mar. 2019).
- New York Climate Leadership and Community Protection Act, S. 6599, 2019 Leg. Reg. Sess. (N. Y. 2019).
- “Governor Cuomo Announces Formal Request for New York Exclusion from Federal Offshore Drilling Program”, N. Y. ST. (9 Mar. 2018).
- C40 Cities Clean Bus Declaration of Intent, C40 CITIES (2017).
- 2020 NDC Tracker, Climate Watch.
- Business Roundtable Redefines the Purpose of a Corporation to Promote ‘An Economy That Serves All Americans’, Business Roundtable (Aug. 19, 2019).
- Principles for Responsible Banking, UNEP Fin. Initiative.
- About Us, Extinction Rebellion[date de consultation : 1er novembre 2019].
- Note de la rédaction : théorie développée dans les années 1970 aux États-Unis, en vertu de laquelle certaines ressources naturelles et culturelles sont préservées pour l’usage des citoyens, et que le gouvernement se voit confier ce devoir de protection et d’entretien. La violation de ce principe par ce dernier, étant censée donner la possibilité aux citoyens de se pourvoir en justice pour le faire respecter.
- J. Setzer et R. Byrnes, Climate Change Litigation : 2019 Snapshot, July 2019. See Climate Change Litigation Database, for a list of cases initiated by youth.
- E. Brown Weiss, Intergenerational Equity in a Kaleidoscopic World, 49 Environmental Law & Policy 3 (2019) ; U.N. Secretary-General, Intergenerational Solidarity and the Needs of Future Generations : Report of the Secretary-General, UN Doc. A/68/322 (15 Aug. 2013).