Cette étude est également disponible en version anglaise sur le site du Groupe d’études géopolitiques.

Le concept d’économie de marché représente un système où les décisions de produire, d’échanger et d’allouer des biens et services rares sont déterminées majoritairement à l’aide d’informations résultant de la confrontation de l’offre et de la demande telle qu’établie par le libre jeu de la concurrence par les prix1. Selon la théorie libérale, ce mécanisme, conduisant à un marché libre et autorégulateur, dans une économie mondialisée, dépolitisée et libérée de toute contrainte exogène, notamment économique, sociale et environnementale, est le moteur de la croissance économique2. Il est toutefois apparu, dès le XIXe siècle, d’abord aux États-Unis puis en Europe, que la protection de la libre concurrence, principe central de l’économie de marché3, exigeait l’intervention des États pour corriger les imperfections du marché liées au comportement des entreprises, lorsqu’elles en entravent le bon fonctionnement, que ces entraves résultent de pratiques anticoncurrentielles (ententes, abus de positions dominantes) ou d’une concentration excessive. Ces interventions des États se font dans le cadre de politique de la concurrence4.

Au milieu du 20e siècle, cette doctrine libérale s’était complétée d’une analyse des défaillances du marché, à l’origine de la théorie des externalités, théorie selon laquelle, par leur activité, les entreprises en concurrence produisent des effets procurant à autrui, sans contrepartie monétaire, une utilité ou un avantage ou, au contraire, une nuisance ou un dommage. Échappant à la logique marchande, ces externalités, surtout lorsqu’elles sont négatives, imposent l’intervention de l’État par des politiques de régulation5.

Soutenue par l’ensemble des organisations internationales à vocation économique6, s’est ainsi progressivement imposée, à l’échelle mondiale, une théorie du marché régulé établissant un lien entre la concurrence, la politique de la concurrence, et les résultats macroéconomiques, tels que la productivité, la croissance, l’innovation, l’emploi et les inégalités7. Assurées de la validité de ce modèle, ces organisations ont incité les États à adopter des politiques de la concurrence mises en œuvre par des autorités et / ou juridictions de la concurrence, en principe indépendantes dans le respect des garanties procédurales fondamentales, selon des règlementations standardisées8 regardées comme indispensables à leur participation au commerce international9. Ainsi le droit de la concurrence, uniformisé et mondialement intégré par des accords de coopération10, a été érigé en principe d’une gouvernance mondiale par le marché11. Ayant supplanté les systèmes collectivistes ou dirigistes12, ce modèle est aujourd’hui universel13. Sur un marché planétaire, les capitaux, les biens et les services et le travail sont en situation de concurrence globale.

À partir de la fin des années 1970, il est toutefois apparu que, si ce modèle économique a permis des progrès incontestables, il a suivi des orientations que la planète et ses habitants ne pourront supporter plus longtemps tant en matière de développement qu’en matière d’environnement. Une Commission mondiale sur l’Environnement et le Développement constituée en 1983 par l’Assemblée générale des Nations Unies a ainsi fait le constat d’une double faillite : du développement et de la gestion de l’environnement.

Selon le rapport de cette Commission établi en 198714 et largement documenté par quatre années de travaux, en ce qui concerne le développement, « en chiffres absolus, il n’y a jamais eu autant de gens qui ont faim et le nombre des affamés ne cesse de progresser. Il en va de même pour le nombre d’analphabètes, de gens qui n’ont pas accès à l’eau potable, qui n’ont pas de logement digne de ce nom ou qui manquent de bois pour se chauffer et faire la cuisine. L’écart entre pays nantis et pays pauvres se creuse au lieu de se refermer et, étant donné les tendances et les dispositifs institutionnels qui sont les nôtres, il y a peu d’espoir de voir cette tendance s’inverser ». Tandis que « Sur le plan de l’environnement, il existe aussi des tendances qui menacent la planète et nombre des espèces qui l’habitent, dont l’espèce humaine ». Afin de remédier à cette situation de péril planétaire, cette Commission a proposé l’adoption de politiques dites « de développement durable » permettant « de répondre aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations futures de satisfaire les leurs ».

Tel qu’il est conçu par ce rapport et des textes fondateurs qui l’ont suivi, le développement durable repose sur des solutions économiques, environnementales et sociales intégrées qui sont la base de modèles économiques au service des peuples et de l’environnement, de politiques environnementales qui contribuent au progrès, d’approches sociales qui favorisent le dynamisme économique et protègent le patrimoine environnemental, tout en renforçant les droits de l’homme, l’égalité et la viabilité15. Si dans sa formulation, ce concept peut sembler large et flou, au fil du temps, il s’est cependant beaucoup précisé dans sa triple dimension, économique, sociale et environnementale comme dans les mécanismes d’intégration qui lient chacune d’elles.

 Ainsi, l’Agenda 2030 articule autour de cinq piliers (planète, population, prospérité, paix et partenariats) 17 objectifs du développement durable16 qui sont désormais suffisamment précis pour orienter et évaluer l’action des États signataires17.

Selon la doctrine de l’économie de marché, les questions environnementales et sociales comprises dans la durabilité relèvent des externalités18. De sorte que, en principe, marché et développent durable suivent des logiques différentes : le libre jeu de la concurrence pour l’un, l’intervention de l’État sous diverses formes, essentiellement réglementaires et fiscales, pour l’autre. La question est alors de savoir si ces politiques de régulation sont suffisantes pour compenser les conséquences négatives climatiques, environnementales et sociales de l’économie de marché19. Le constat est malheureusement celui de l’accroissement des inégalités, de l’aggravation de la pauvreté20, de la progression de la faim21, de la dégradation de l’environnement et de l’accélération réchauffement climatique22 alors, au surplus, que la remise en cause de notre modèle de développement prend une nouvelle dimension avec les conséquences économiques et sociales de la pandémie mondiale du coronavirus23.

La double approche, libre concurrence et régulation étatique, est en outre source de tensions, dans la mesure ou l’économie de marché et le développement durable sont antagoniques : à l’intérêt privé poursuivi par l’entreprise s’oppose l’intérêt public de la durabilité, au temps présent des transactions immédiates sur des biens existants s’oppose le potentiel des projets à venir, aux échanges ponctuels et anonymes du marché s’opposent la transmission des savoirs et la solidarité entre les peuples et envers les générations futures, enfin, aux effets économiques pour les entreprises s’opposent les conséquences dérivées sur les biens communs24.

Selon l’opinion dominante, la survie de l’économie libérale impose, en effet, que soient réglées ces contradictions existentielles afin d’éviter l’explosion sociale et la catastrophe climatique25. À cette fin, à l’échelon mondial, diverses organisations, posant en principe la compatibilité de l’économie de marché avec les impératifs du développement durable (1), recherchent les techniques de prise en compte de ces impératifs dans l’application du droit de la concurrence (2).

1. L’affirmation du principe de compatibilité entre économie de marché et développement durable

Dans les positions politiques de ces diverses organisations étatiques ou interétatiques, la coexistence entre l’économie de marché et les objectifs du développement durable repose sur l’ambition d’une nouvelle doctrine du marché26 (A), mobilisant divers principes fondamentaux conventionnels ou constitutionnels (B) et par une nouvelle conception du bien-être du consommateur en tant qu’objectif essentiel des politiques de concurrence (C). Comme l’indique « Le pacte vert pour l’Europe », il s’agit finalement de se donner les moyens de rendre durable l’économie de marché27 (D).

1.A. L’ambition d’une nouvelle doctrine du marché

À partir des années 1990, la montée en puissance des préoccupations sociales et environnementales a poussé les organisations internationales, l’Union européenne, les États et les institutions chargées de la mise en œuvre des politiques de concurrence à réduire ces tensions, tant dans le domaine de l’antitrust et des concentrations que dans celui des aides d’État.

L’idée centrale est qu’une politique de concurrence bien conduite et appliquée efficacement, en fonction de la situation économique, sociale et environnementale d’un pays, devrait compléter les autres politiques gouvernementales pour soutenir une croissance et un développement durables et solidaires. Il est argué en particulier que des marchés concurrentiels encouragent les entreprises à produire au moindre coût, à investir efficacement, à innover et à adopter des technologies plus économes en énergie, que cette pression concurrentielle est une incitation puissante à utiliser efficacement les ressources limitées de la planète et qu’ainsi elle complète les politiques et les règles de protection des équilibres sociaux et de l’environnement28.

La doxa est que la politique de concurrence contribue, par elle-même, à l’efficacité des politiques vertes ou plus généralement de développement durable29. Telles sont les ambitions reprises sous diverses formes, par les Nations Unies avec les Objectifs du développement durable (ODD agenda 2030), par l’OCDE30, à travers ses études et recommandations sur le développement durable et les politiques de concurrence, mais aussi par la CNUCED31, le FMI32, la Banque Mondiale33 l’OMC34 et l’ISO35. Telle est également l’ambition du plan d’action de l’Union européenne du « pacte vert »36. La même ambition est affirmée par certains États, dont la France qui se mobilise pour atteindre les objectifs du développement durable de l’Agenda 203037, qui constitutionnalise ses politiques de protection de l’environnement38, a réuni une convention citoyenne pour accélérer la lutte contre le changement climatique et s’est dotée d’un cadre législatif pour prendre en compte la responsabilité sociétale des entreprises39. Dans cette perspective, les autorités publiques et administratives indépendantes nationales ont publié un document de travail sur leur rôle et leurs outils face aux enjeux climatiques40. De son côté, l’Autorité française de la concurrence a annoncé, lors de la publication de ses orientations pour l’année 2020, que, par ses décisions, elle entendait prendre en compte des exigences du développement durable et notamment de l’environnement41. En résumé, les politiques de concurrence auraient un rôle à jouer pour soutenir la durabilité et en particulier dans la protection de l’environnement. Il s’agirait en définitive de parvenir à une « concurrence inclusive ».

La réalisation de cette nouvelle doctrine du marché est toutefois subordonnée à la mise en relation du droit de la concurrence avec les principes juridiques qui se rattachent au développement durable. Un tel rapprochement peut suivre différentes logiques : prévalence, conciliation, équilibre, intégration, articulation, mise en cohérence, prise en compte, coopération, complémentarité, appui, etc., qui déterminent des orientations différentes dans la relation entre le marché et la durabilité.

1.B. La mobilisation des principes fondamentaux

En Europe, réorienter la politique de concurrence en considération des objectifs du développement durable consiste d’abord à examiner la manière dont la durabilité, d’une part, et la concurrence, d’autre part, prennent place dans les textes fondateurs de l’Union.

Le cadre de cette relation est donné dans le Préambule du Traité sur l’Union européenne (TUE) : « Déterminés à promouvoir le progrès économique et social de leurs peuples, compte tenu du principe du développement durable et dans le cadre de l’achèvement du marché intérieur, et du renforcement de la cohésion et de la protection de l’environnement, et à mettre en œuvre des politiques assurant des progrès parallèles dans l’intégration économique et dans les autres domaines ». S’ensuivent les dispositions des traités. D’un côté, le droit de l’environnement est garanti par l’article 37 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, selon l’article 3 du TUE le développement durable est un des objectifs de l’Union « fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement » ; les valeurs sociales du développement durable sont également affirmées par le même article 3 du TUE et précisées aux articles 8 et 10 alors que l’article 11 stipule que les exigences de protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et des activités de l’Union, donc, en particulier, dans celles qui visent à promouvoir le développement durable. Tandis que, d’un autre côté, la concurrence est une des politiques de l’Union dont les règles sont fixées par les articles 101 et suivants du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et que son article 7 prescrit la mise en cohérence des principes fondamentaux, des objectifs de l’UE et des finalités de ses politiques, en ce comprises celles sur lesquelles repose le développement durable dans le contenu de la politique de concurrence.

L’articulation de ces textes est déterminante des méthodes par lesquelles les autorités et juridictions de la concurrence tiennent compte des impératifs de la durabilité. En termes de hiérarchie des normes, la puissance normative du droit fondamental de protection de l’environnement et des objectifs du développement durable tels que formulés par les traités devrait s’imposer dans la détermination des finalités de la politique de la concurrence ; ce qui invite à vérifier si, en l’état, la Cour de justice a tiré toutes les conséquences de cette exigence de mise en cohérence du droit et des politiques de la concurrence de l’UE.

Pour la France, la même approche consisterait à contrôler la constitutionnalité des règles relatives au droit de la concurrence contenues dans les articles L. 410-1 et suivants du Code de commerce avec les dispositions de la Constitution relatives à la protection de l’environnement et à la garantie des droits sociaux, ce dont le Conseil constitutionnel n’a guère été saisi42. Encore faudrait-il qu’un tel ajustement ne conduise pas à priver d’effet les règles de concurrence de l’UE.

1.C. L’évolution de l’objectif du bien-être du consommateur

En droit de l’UE comme en droit national, l’instrument essentiel de la mise en cohérence de la politique de concurrence avec les objectifs du développement durable est la recherche du bien-être du consommateur. Quoiqu’il ne soit cité ni dans les dispositions du TFUE relatives aux règles de concurrence ni dans les titres II et III du livre IV du Code de commerce, il est sous-jacent à la politique de concurrence dont il est l’objectif essentiel sinon exclusif. Une référence textuelle pourrait toutefois être trouvée dans l’article 3 du TUE qui fait du « bien-être de ses peuples » l’un des buts de l’Union. Passer de l’individu « consommateur », à la collectivité « peuple » est d’ailleurs indicatif du débat actuel sur la notion de bien-être du consommateur43.

À partir d’indices discernables d’évolution de la notion de bien-être du consommateur dans les décisions de la Commission44 et la jurisprudence de la CJUE comme dans celles des autorités et juridictions des États-membres45, un débat politique s’est instauré tant sur la nature du bien-être que sur ses bénéficiaires46. Doit-il être exclusif ou complété d’intérêt public ? Réduit à la dimension économique du « surplus du consommateur » centrée sur les prix ou élargi d’une vision qualitative ouverte aux considérations sociales et environnementales47 ? Doit-il être apprécié individuellement ou collectivement ? Être étendu à toutes les personnes, et notamment les travailleurs, dont la situation est impactée par le fonctionnement du marché ? Doit-il encore être apprécié à court terme ou à long terme, de manière statique ou dynamique ?

L’enjeu est d’importance, la dimension donnée au bien-être du consommateur commande l’aptitude des autorités et juridictions de la concurrence à intégrer la protection de l’environnement et les équilibres sociaux dans le raisonnement concurrentiel. Ce serait donc bien une logique « d’intégration » qui serait à l’œuvre. À cet égard diverses études conduites sous l’égide de l’OCDE consacrées aux rapports de la concurrence avec la dimension sociale de la durabilité et en particulier la justice sociale, la promotion de l’égalité des sexes, la réduction de la pauvreté, les politiques de l’emploi, le marché du travail ou la protection des droits de l’homme, insistent sur la nécessité d’élargir la notion de bien-être du consommateur48.

1.D. Position de la Commission UE

Qu’en est-il alors de la position de la Commission européenne sur la compatibilité de la politique de concurrence avec le développement durable ? S’agissant de la dimension climatique et environnementale de la durabilité, elle est très clairement exprimée dans la définition du cadre de son appel à propositions sur l’appui de la politique de concurrence au « pacte vert pour l’Europe »49.

Après avoir rappelé l’objectif de ce pacte et résumé en quoi la politique de concurrence contribue par elle-même à l’efficacité des politiques vertes, le document définit le cadre dans lequel cette contribution pourrait être améliorée en une formule synthétique qui comprend cinq propositions. La logique de cette compatibilité est donc clairement celle d’une « contribution »50. Les deux premières propositions sont une reprise de la théorie des externalités : « La politique de concurrence n’est pas en première ligne en matière de lutte contre le changement climatique et de protection de l’environnement » et « Il existe de meilleurs instruments, plus efficaces, tels que la réglementation et la fiscalité ». La troisième suggère néanmoins une évolution de cette théorie : « Toutefois, la politique de concurrence peut compléter la réglementation et la question est de savoir comment elle pourrait le faire le plus efficacement possible ». Le rapport serait donc un rapport de complémentarité. La quatrième proposition rappelle la compétence que lui confèrent les traités à cette fin : « La Commission est responsable de l’application des règles de concurrence sur la base des compétences qui lui sont conférées par le traité et le droit dérivé de l’UE, sous le contrôle étroit des juridictions de l’UE ». Et elle en déduit, à droit constant, les limites de la contribution de la politique de concurrence au pacte vert : « Cela signifie que, en l’absence de toute modification du cadre juridique existant, la contribution de la politique de concurrence au pacte vert ne peut intervenir que dans ces limites clairement définies ». La suite du document indique très logiquement que ces limites sont les techniques de mise en œuvre du droit de la concurrence qu’il est proposé d’améliorer par d’éventuelles modifications des règles en vigueur.

2. Les techniques de prise en compte des objectifs du développement durable dans la politique de concurrence

L’état actuel de la réglementation oblige donc à examiner l’aptitude des techniques classiques de mise en œuvre du droit de la concurrence à servir le développement durable, tant dans le domaine des aides d’État, que dans celui de l’antitrust et des concentrations51. Est également à considérer une autre démarche consistant à « internaliser les externalités » dans le jeu concurrentiel par la création de marchés des biens environnementaux.

2.A. Les aides d’État

Il est acquis que le contrôle des aides d’État se fait au moyen d’un test de mise en balance des effets négatifs de l’aide sur les échanges et la concurrence dans le marché unique et ses effets positifs en termes de contribution à la réalisation d’un objectif d’intérêt commun bien défini52. La Commission indique que l’application de ces règles vise notamment à favoriser les investissements qui permettent de soutenir les axes environnementaux et climatiques du développement durable53. Elle ajoute que sont ouvertes à l’examen de nouvelles lignes directrices qui serviront de base à la mise en place d’un cadre permettant aux États membres de contribuer aux objectifs de la transition vers une économie verte, tout en utilisant le plus efficacement possible des fonds publics limités54.

2.B. Les règles antitrust

Le droit des ententes et des abus de position dominante est naturellement propice à la confrontation de la politique de la concurrence avec celles du développement durable dans la stratégie des entreprises. De sorte que la recherche de cohérence entre l’une et les autres mobilise toutes les techniques du droit antitrust : l’exclusion de l’application du droit de la concurrence, les exceptions et les exemptions à cette application. À cet égard, certaines particularités des pratiques abusives méritent un examen particulier.

  • 1 – Les exclusions

Pour qu’une pratique intéresse la relation de la politique de la concurrence avec les Objectifs du développement durable, il est évidemment nécessaire qu’elle entre dans le champ d’application du droit de la concurrence. La question est classique : il est jugé qu’un organisme dont l’activité est exclusivement dédiée à la protection de l’environnement, donc de nature non économique, et qui de ce fait n’est pas une entreprise, échappe à l’application du droit de la concurrence55. Il en va également ainsi d’un organisme dont les activités, purement sociales, répondant à des exigences de solidarité nationale, sont dépourvues de tout but lucratif56.

  • 2 – Les exceptions

S’il s’agit d’une entreprise, les accords qu’elle conclut ou les pratiques qu’elle met en œuvre peuvent être soustraits aux prohibitions et sanctions de l’article 101, §1 du TFUE, s’ils n’ont ni pour objet ni pour effet de réduire la concurrence, s’ils sont d’importance mineure, ce qui ne pourrait que très rarement être le cas ou s’ils sont totalement imposés par une réglementation étatique, notamment de nature sociale ou de protection de l’environnement, ce qui est moins hypothétique57.

  • 3 – Les exemptions

Enfin, bien qu’ils soient restrictifs de concurrence, accords et pratiques d’entreprises peuvent bénéficier des exemptions prévues par l’article 101, § 3 du TFUE, si les buts sociaux et environnementaux qu’ils poursuivent contribuent, sans restriction absolue de la concurrence, à « améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte ». C’est selon ces critères que, en considération d’aptitudes à orienter le progrès technique ou économique au service des objectifs du développement durable, sont jugés les accords dits « environnementaux » ou « de durabilité », les labels environnementaux, la conformité concurrentielle des marchés issus des politiques environnementales, notamment ceux du traitement sélectif des déchets ou des permis de pollution négociable58.

  • 4 – Spécificités de l’abus de position dominante

En matière d’abus de position dominante, ont été précisées les conditions dans lesquelles la puissance publique peut, pour réaliser un objectif environnemental, établir des monopoles, accorder des droits exclusifs59 ou créer des services d’intérêt général60.

2.C. Le contrôle des fusions

En matière de concentration, le règlement européen semble, en revanche, moins propice à la prise en compte des facteurs de durabilité61 et les lignes directrices précisant son application n’y font aucune référence explicite62, pas plus d’ailleurs que celles de l’Autorité française de concurrence, qui ont cependant été modifiées en 202063. Quoique la Commission estime que la prise en compte de facteurs extra-concurrentiels échappe à sa compétence64, elle laisse entrevoir, dans l’appréciation des gains d’efficacité projetés par la concentration, une certaine ouverture quant à l’impact indirect des gains escomptés sur le climat et à la durabilité lorsqu’ils visent à favoriser l’investissement et l’innovation65.

2.D. L’internalisation des effets externes du marché

La démarche d’internalisation vise à créer un ensemble de marchés autorégulateurs interconnectés où les consommateurs, dotés d’information parfaite, seraient en mesure de faire les choix les plus respectueux vis-à-vis d’objectifs de long terme du développement durable, comme le réchauffement climatique ou la protection de l’environnement. La technique consiste à définir des catégories de biens homogènes pouvant faire l’objet de transactions marchandes, de garantir la transparence des informations sur ces biens et de s’assurer d’une concurrence saine et loyale entre les acteurs du marché. Une telle extension de la sphère marchande concerne différents domaines : création de marchés des ressources naturelles et de certificats d’émission des gaz à effet de serre, extension du marché financier via l’introduction d’information sur la performance extra-financière des entreprises ou encore invention de marchés des biens et services « verts » (éco-organismes) adossés à des dispositifs d’information (écolabels). L’aptitude de ces nouveaux marchés à servir les objectifs du développement durable est très discutée. Ces initiatives requièrent en outre l’intervention publique pour garantir les biens échangés ainsi que la valeur des informations fournies auprès des consommateurs, engendrant de ce fait une bureaucratie importante66. Ces nouveaux marchés n’échappent évidemment pas au contrôle des autorités de la concurrence67.

2.E. Deux observations pré-conclusives

Première observation : selon les techniques décrites l’application permissive du droit de la concurrence en considération des objectifs de développement durable poursuivis par les entreprises se complète évidemment, en contrepartie, d’une application prohibitive lorsque les accords, pratiques et concentrations tendent, à l’inverse, à faire obstacle aux réglementations sociales ou environnementales telles par exemple que les restrictions au développement ou au déploiement de technologies propres ou les restrictions d’accès à des infrastructures essentielles commandant l’accès à des sources d’énergie renouvelable68.

Seconde observation : en pratique, l’effectivité de ces nouvelles orientations se mesure aux décisions rendues par la Commission et à la jurisprudence de la Cour de justice. C’est pour en améliorer l’application que, le 13 octobre 2020, la Commission européenne a publié un appel à contributions invitant au débat sur la façon dont le droit de la concurrence pourrait contribuer à la réalisation des objectifs du pacte vert pour l’Europe69. Un tel appui dépend tout autant des décisions et jugements des juridictions des États membres, dès lors que, comme en France, dans beaucoup de ces États, l’articulation des principes juridiques du développement durable avec les règles de concurrence répond à la même logique70.

D’une manière générale, juristes et économistes défenseurs de l’économie de marché estiment que, si les instruments du droit de la concurrence sont potentiellement suffisants pour relever un tel défi, leur application doit, à cette fin, être très sensiblement renforcée. La sécurité juridique exigerait, en particulier, d’une part, que les lignes directrices des autorités européennes et nationales indiquent clairement l’incidence de la durabilité sur le raisonnement concurrentiel, d’autre part, que de nouvelles modalités de régulation du marché soient mondialement harmonisées, afin de permettre aux entreprises, comme elles y sont désormais fortement incitées71, de placer leurs stratégies au service d’une économie sociale et solidaire, sans s’exposer au risque juridique de sanctions ni subir un dommage de compétitivité.

Dans cette perspective, les positions de l’OCDE visent, d’une part, à un développement mondial des politiques de concurrence et à leur adaptation aux pays émergents. Ses forums mondiaux annuels thématiques aboutissent, d’autre part, à des recommandations sur les conditions dans lesquelles ces politiques devraient être orientées vers les objectifs du développement durable en réduisant les inégalités, en luttant contre la pauvreté, pour l’égalité économique des sexes, la justice sociale, un meilleur fonctionnement du marché du travail, etc.72

Conclusions

Reste à savoir si une telle adaptation des politiques de concurrence est à la hauteur des menaces existentielles de nature sociale et environnementale et désormais sanitaire auxquelles le monde est exposé. Si ce n’était pas le cas, une des solutions serait de revenir sur la théorie des externalités afin d’intégrer les questions sociales et environnementales dans le raisonnement concurrentiel73. Dans cette perspective les autorités de la concurrence auraient à réaliser une synthèse entre le libre fonctionnement du marché et les politiques de régulation, ce qui supposerait de nouveaux modèles d’analyse fondés sur des indicateurs de mesure des conséquences sociales et environnementales de l’activité économique74. Soit elles y parviennent, soit ces autorités de la concurrence font elles-mêmes partie du problème75. Une autre option serait d’abandonner le dogme du développement économique comme moteur de l’économie de marché76 ou à tout le moins de reconsidérer son instrument de mesure par le produit intérieur brut77.

Enfin, certains courants de pensée estiment que le développement durable conduit à une remise en cause du capitalisme78.

Tel est le défi auquel le libéralisme est aujourd’hui confronté face à des groupes écologistes et / ou sociaux de plus en plus actifs79 qui sont convaincus – et militent en ce sens – que les enjeux vitaux pour la planète, tels que le réchauffement climatique, l’accroissement explosif des inégalités sociales et l’aggravation de la pauvreté, condamnent les bases de l’économie de marché80. Ils y sont encouragés par la « fondamentalisation » des principes juridiques de protection des droits sociaux et environnementaux auxquels serait finalement subordonnée l’activité économique. Ce seraient alors les objectifs du développement durable qui seraient les fondements d’une gouvernance mondiale81.

Sources
  1.  R. Guesnerie, L’Économie de marché, Le Pommier, 2006.
  2. M. Friedman, Capitalisme et liberté, Flammarion, Champs Essais, 2016.
  3. L’économie néo-classique du marché est fondée sur le paradigme de la concurrence pure et parfaite ; B. Guerrien, « Qu’est-ce que la concurrence parfaite ? », juillet 2017.
  4. E. Combe, Économie et politique de la concurrence, 2ème éd. Dalloz, 2020.
  5. F. Aggeri. Marchés et développement durable. L’activité marchande sans le marché, Presses des Mines, pp. 231-245, 2010 ; R. Coase, “The problem of social cost”, Journal of Law and Economics, 1960, 3, pp. 1-44 ; E. Meade, “External Economies and Diseconomies in a Competitive Situation”, The Economic Journal, 1952, Vol. 62, n° 245 pp. 54-67 ; R. Cornes et T. Sandler, The theory of externalities, public goods and club goods, Cambridge University Press, 1986 ; C Gollier, Le climat après la fin du mois, PUF, 2019.
  6. Les travaux menés par le Réseau international de la concurrence (RIC) et par d’autres organisations internationales, par exemple l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), les initiatives prises par des organisations non gouvernementales comme Consumer Unity and Trust Society (CUTS) et, surtout, par les autorités nationales de la concurrence les plus influentes visent à promouvoir la compréhension des objectifs, du contenu et des effets de la politique de la concurrence à l’échelle mondiale. Pour une réflexion sur cette question, voir H. M. Hollman et W. E. Kovacic, « The International Competition Network : Its Past, Current and Future Role », Minnesota Journal of International Law, vol. 20, 2011, pp. 274-323.
  7. P. Aghion, N. Bloom, R. Blundell, R. Griffith, & P. Howitt, « Competition and Innovation : an Inverted-U Relationship », The Quarterly Journal of Economics, 120(2), 2005, pp. 701-728 ; P. Aghion, C. Antonin, S. Bunel, Le pouvoir de la destruction créatrice, Odile Jacob, 2020.
  8. Loi type de la CNUCED sur la concurrence de 2010.
  9. Voir les négociations au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur l’interaction du commerce et de la politique de la concurrence et l’opposition entre les pays développés et les pays en voie de développement ; OCDE, forum mondial sur la concurrence : Politique de la concurrence, commerce et économie mondiale : Éléments figurant dans les accords de l’OMC existants, engagements contenus dans les accords commerciaux régionaux, défis actuels et axes de réflexion – Note de R. D. Anderson, W. E. Kovacic, A. C. Müller et N. Sporysheva – 5 décembre 2019.
  10.  M. Rioux, « Globalisation économique et concurrence » (Note), Études internationales, 33 (1), 2002, pp. 109-136.
  11. Le sens du néologisme « gouvernance mondiale » est inspiré du rapport du Conseil d’analyse économique sur la Gouvernance Mondiale, Documentation française 2002.
  12. Selon les critères de l’OMC, même la Chine s’est vue reconnaître le statut d’économie de marché en 2016. Ce statut lui est toutefois refusé par l’Europe et les États-Unis.
  13. L’économie de marché connaît toutefois des variantes en fonction des contextes et institutions qui en sont le support. À côté de l’économie de marché pratiquée dans les pays anglo-saxons, s’est développée en Europe une « économie sociale de marché » inspirée de l’ordolibéralisme, tandis que la Chine se décrit comme une « économie socialiste de marché » ; R. Guénerie, op. cit.
  14. Notre avenir à tous, Rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’ONU, présidée par Gro Harlem Brundtland, avril 1987.
  15. Les essentiels de l’OCDE. Le développement durable : À la croisée de l’économie, de la société et de l’environnement, OCDE 2008.
  16. Éradication de la pauvreté, lutte contre la faim, bonne santé et bien-être, accès à une éducation de qualité, égalité entre les sexes, accès à l’eau salubre et à l’assainissement, énergies fiables, durables et modernes, à un coût abordable, accès à des emplois décents, bâtir une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation durable qui profite à tous et encourager l’innovation, réduction des inégalités, villes et communautés durables, consommation et production responsables, lutte contre les changements climatiques, conserver et exploiter de manière durable les océans et les mers aux fins du développement durable, vie terrestre, justice et paix, et partenariats pour la réalisation des objectifs : voir ce lien.
  17. Pour la France, voir le Rapport sur les objectifs du développement durable présenté à l’occasion de la revue nationale volontaire de la France au forum politique de haut niveau sur le développement durable (juillet 2016, New York).
  18. W. J. Baumol, W.E. Oates, The Theory of Environmental Policy, Cambridge University Press, 1988.
  19. F. Aggeri, op. cit. ; OCDE, « Forum Mondial sur la Concurrence 2019, La concurrence sous le feu des critiques ».
  20. Les études de la Banque Mondiale montrent que si dans les cinquante dernières années l’extrême pauvreté a été considérablement réduite dans les pays émergents, la conjonction de la pandémie du Covid-19, des conflits et du changement climatique risque de précipiter de nouveau dans l’extrême pauvreté un grand nombre de personnes en situation précaire. Selon des estimations préliminaires pour 2020 qui tiennent compte des effets de la pandémie, entre 88 et 115 millions de personnes supplémentaires seraient concernées, ce qui porterait le nombre total de personnes vivant dans l’extrême pauvreté à 703-729 millions.
  21. Les dernières données du rapport conjoint FAO, OMS, PAM, Unicef, IFAD (Rapport SOFI) publié le 13 juillet 2020 montre que la faim poursuit sa progression, alors que la planète produit globalement des denrées alimentaires en quantité suffisante : selon les données de 2019, avant même que la pandémie de Covid-19 ne vienne aggraver la situation, 690 millions de personnes, soit 8,9 % de la population mondiale, étaient sous-alimentées.
  22. F. Aggeri op. cit.
  23. L. Idot, « Covid-19 et droit de la concurrence », Revue Europe, n° 4, avril 2020, p. 6 ; OCDE, « Les réponses de la politique de la concurrence de l’OCDE face au COVID-19 », avril 2020.
  24. F. Aggeri, op. cit.
  25. F. Aggeri, op. cit. ; F. Aggeri, F. et O. Godard, « Les entreprises et le développement durable », Entreprises et Histoire, décembre 2006.
  26. M. Lafitte, « Développement durable et économie de marché », Revue Banque, février 2007.
  27. Margrethe Vestager utilise l’expression « écologisation de la politique de concurrence » dans son entretien « Green Deal et politique de la concurrence » ; L. Peeperkorn, « Competition and Sustainability : What Can Competition Policy Do ? », Concurrences n°4, 2020.
  28. CNUCED, Rôle de la politique de la concurrence dans la promotion d’une croissance durable et solidaire, juillet 2015.
  29. Margrethe Vestager, op. cit. ; Ce dogme est cependant discuté par les économistes de l’environnement tant dans son principe que dans ses modalités : F. D. Vivien, « Un panorama des propositions économiques en matière de soutenabilité », O. Boiral, « Environnement et économie : une relation équivoque », VertigO, novembre 2004.
  30. OCDE 2008, « Réglementation environnementale et concurrence, », Revue de l’OCDE sur le droit et la politique de la concurrence, vol 9/2 ; Forums mondiaux de la concurrence : <https://www.oecd.org/fr/concurrence/forum-mondial/> : Le genre et la concurrence (2018), la concurrence dans le marché du travail (2019), la concurrence et la démocratie sont-elles symbiotiques ? (2017), La promotion de la concurrence et la protection de droit de l’homme (2016), Les liens et les facteurs d’entraînement entre concurrence et emploi (2015), La Lutte contre la corruption (2014), La concurrence et la réduction de la pauvreté (2013).
  31. CNUCED, Rôle de la politique de la concurrence dans la promotion d’une croissance durable et solidaire, op. cit.
  32. FMI, « Accélérer la croissance et réduire la pauvreté en Afrique subsaharienne – le rôle du FMI », 2000.
  33. Banque Mondiale, « L’intensification de la concurrence sur les marchés africains peut stimuler la croissance et sortir au moins un demi-million de personnes de la pauvreté », 27 juillet 2016, Breaking down barriers : unlocking Africa’s potential through vigorous competition policy.
  34. OMC, « Groupe de travail de l’interaction du commerce et de la politique de la concurrence, les principes fondamentaux de la politique de la concurrence », 7 juin 1999, pp. 99-2281.
  35. ISO, Guidelines Competition Law for Participants in the ISI Standards Development Process.
  36. Un pacte vert pour l’Europe, Notre ambition : être le premier continent neutre pour le climat.
  37. Feuille de route de la France pour l’Agenda 2030.
  38. V. le préambule de la Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1 mars 2005 relative à la Charte de l’environnement.
  39. Article 1833 du Code civil, modifié par loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 ; Article L. 225-102-1 du Code com. Pour un inventaire des textes relatifs à la RSE voir : La responsabilité sociétale des entreprises.
  40. Les autorités publiques et administratives indépendantes publient un document de travail sur leur rôle et leurs outils face aux enjeux climatiques, 5 mai 2020 ; Accord de paris et urgence climatique : enjeux de régulation, Autorité de la concurrence, AMF, Arcep, ART, CNIL, CRE, CSA, HADOPI.
  41. Autorité de la concurrence, « Priorité 2020 Développement durable ».
  42. Voir cependant la décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020 précitée, par laquelle le Conseil constitutionnel impose au législateur d’assurer la conciliation des objectifs de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement et de protection de la santé avec l’exercice de la liberté d’entreprendre.
  43.  S. Holmes, “Consumer welfare, sustainability and competition law goals”, Concurrences, mai 2020, p. 1.
  44. Voir par exemple la décision de la Commission UE du 24 janvier 1999 (affaire IV.F.1/36.718 — CECED) b) dans laquelle la Commission examine les avantages environnementaux collectifs d’un accord (points 55 à 57).
  45. S. Holmes, op. cit.
  46. F. Marty, « Le critère du bien-être du consommateur comme objectif exclusif de la politique de concurrence. Une mise en perspective sur la base de l’histoire de l’antitrust américain », Revue internationale de droit économique, vol. t. xxviii, n° 4, 2014, pp. 471-497 ; Sénat, Rapport d’information n° 603 (2019-2020) de MM. A. Chatillon et O. Henno, fait au nom de la commission des affaires européennes et de la commission des affaires économiques, déposé le 8 juillet 2020 – Recommandation n° 3 : « Clarifier de façon systématique les composantes du critère du « bien-être du consommateur » au regard duquel la Commission européenne analyse les opérations de concentration et les pratiques anticoncurrentielles. Voir par exemple les décisions 94/986/CE du 21 décembre 1994, Philips/Osram et 2000/475/CE du 24 janvier 1999, CECED : « La Commission devrait également engager des travaux relatifs à l›intégration de nouvelles composantes dans ce critère, comme la compétitivité, le maintien de l›emploi la protection de l›environnement, la protection des données personnelles ou la souveraineté numérique ».
  47. E. Le Noan, C. Bertin, « Faut-il sauver le bien-être du consommateur ? », Concurrences, févr. 2019, pp. 2-5.
  48. Voir les rapports et recommandations des forums mondiaux de la concurrence depuis 2014, op. cit.
  49. M. Vestager , “The Green Deal and competition policy”, Renew Webinar, 22 sept. 2020.
  50. La traduction française du document utilise le terme « appui ».
  51. En droit de l’environnement la question n’est pas nouvelle. Depuis une vingtaine les rapports entre droit de l’environnement et droit de la concurrence font l’objet d’une jurisprudence abondante et ont donné lieu à de multiples études. Voir en particulier : DGCCRF, Droit de l’environnement et droit de la concurrence, atelier de la concurrence du 6 juillet 2005 (sous la dir. De J.-M. Cot et L. Idot), Rev. Conc. cons., n° 147, juill-sept. 2006, également disponible ; L. Idot, « Droit de la concurrence et protection de l’environnement, La relation doit-elle évoluer ? », Concurrences, sept. 2012.
  52. P. Thieffry, Droit de l’environnement et droit de l’Union européenne et du climat, Bruylant, 4e éd. 2020 ; CJUE, 22 sept. 2020, Hinkley Point, aff. 594/18 P, Autriche/Commission.
  53. V. les Lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement du 3 avr. 2008 ; C. Giolito, chron. “Aides d’État”, Concurrences, mai 2008, p. 137 ; L. Idot, Droit de la concurrence et protection de l’environnement, op. cit. ; Ces lignes directrices ont été remplacées en 2014, Lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014-2020, JOUE, n° C 200, 28 juin 2014. Elles devaient prendre fin en 2020, mais elles ont été prolongées jusqu’à la fin de l’année 2021 (Comm. UE, communication concernant la prorogation et la modification des lignes directrices (…) concernant les aides d’État à la protection de l’environnement (…), 8 juil. 2020) ; Adde, O. Peiffert, L’application du droit des aides d’État aux mesures de protection de l’environnement, Bruylant, coll. Droit de l’Union européenne, 2015. Sur la jurisprudence de la Cour de Justice, v. not, CJCE, 20 novembre 2003, Gemo, aff. C-126/01, Rec. CJCE, p. I-13769, Europe, janvier 2004, comm. L. Idot, n° 22. CJCE, 8 novembre 2001, aff. C-143/99, Rec. CJCE, p. I-8365, Europe, janvier 2002, comm. L. Idot, n° 28 ; CJCE, 13 mars 2001, Preussen Elektra AG, aff. C-379/98, Rec. CJCE, p. I-2099, Europe, mai 2001, comm. M. Pietri n° 163 et L. Idot, n° 182. CJCE, 13 janvier 2005, Streekgewest Westelijk, aff. C-174/02, n.e.p. ; 13 janvier 2005, F.J. Pape aff. C-175/02, n.e.p., Europe, mars 2005, comm. n° 92.
  54. Commission UE, La politique de concurrence à l’appui du pacte vert pour l’Europe, op. cit.
  55. CJCE, 18 mai 1997, Diego Cali, aff. C-343/95, Rec. CJCE, I, p. 1547.
  56. CJCE, 17 février 1993, Poucet et Pistre, affaire numéro C-159/91 et C-160/91, rec. p. I-637 ; L. Idot, « La notion d’entreprise en droit de la concurrence, révélateur de l’ordre concurrentiel », Concurrences, mai 2006.
  57. J. Nowag, A. Toerell, “Beyond Balancing : Sustainability and Competition”, Concurrences, nov. 2020.
  58. L. Idot, « Droit de la concurrence et protection de l’environnement, La relation doit-elle évoluer ? », op. cit., qui fait une analyse approfondie de la jurisprudence pertinente. Voir en particulier les lignes directrices sur l’applicabilité de l’art. 101 du TFUE aux accords de coopération horizontale, JO C 11/1 du 14.1.2011 (Lignes directrices sur la coopération horizontale), pp. 280-283 et p. 293 et le Règlement (CE) no 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l’application de l’art. 101, § 3, du TFUE à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées.
  59. CJCE, 23 mai 2000, FFAD, aff. C-209/98, Rec. CJCE, I, p. 3743.
  60. L. Idot, « Droit de la concurrence et protection de l’environnement, La relation doit-elle évoluer ? », op. cit.
  61. J.-M. Cot, « Concurrence et environnement : approche en droit des pratiques anticoncurrentielles et des concentrations », Atelier de la concurrence, préc., sp. n° 41 et s.
  62. Lignes directrices sur l’appréciation des concentrations non horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (2008/C 265/07).
  63. Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, 2020.
  64. Commission UE, Art. 8, §2 R.139/2004 du 21 mars 2018, Bayer/Monsanto, M.8084.
  65. Commission UE, La politique de concurrence à l’appui du pacte vert pour l’Europe Appel contributions, op. cit., Partie 3, contrôle des fusions.
  66. Pour une analyse de ces techniques d’internalisation voir F. Aggeri, précité.
  67. L. Idot, « Droit de la concurrence et protection de l’environnement, La relation doit-elle évoluer ? », op. cit.
  68. Ibid.
  69. Commission UE, La politique de concurrence à l’appui du pacte vert pour l’Europe Appel contributions, op. cit.
  70. L. Idot, « Droit de la concurrence et protection de l’environnement, La relation doit-elle évoluer ? », op. cit.
  71. J. Nowag, A. Toerell, « Beyond Balancing : Sustainability and Competition », op. cit. ; F. Aggeri et O. Godard, « Les entreprises et le développement durable », Entreprises et Histoire, déc. 2006, pp. 6-19.
  72. OCDE, Forums mondiaux sur la concurrence, op. cit.
  73. Le rapport Burndtland (op. cit., §26) préconise une incorporation des objectifs du développement durable dans toutes les politiques économiques : « Les objectifs du développement durable devraient être incorporés dans le mandat des conseils ministériels et des commissions législatives responsables de la politique et de la planification économiques à l’échelon national ainsi que dans le mandat des organes chargés des grands secteurs et de la politique internationale. Plus largement encore, les grands organes centraux du gouvernement chargés de l’économie et des autres secteurs devraient désormais être rendus directement et pleinement responsables de s’assurer que leurs politiques, leurs programmes et leurs budgets sont capables de soutenir un développement écologiquement et économiquement durable ».
  74. Voir par exemple dans Environnement et perspectives économiques 2012/4, le dossier « Environnement et développement économique, Reflets et perspectives de la vie économique », 2012/4 (Tome LI), pp. 5-8.
  75. Intervention d’A. Tyrie, président de la Competition and Markets Authority britannique dans le forum mondial sur la concurrence de l’OCDE consacré à la justice sociale : « Comment la concurrence peut-elle contribuer à des sociétés plus justes ? » – Résumé des discussions.
  76. J.E. Stiglitz, A.K. Sen, J.-P. Fitoussi, Rapport de la Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social, 2009 ; G. Kallis, C. Kerschner, J. Martinez-Alier, « The economics of degrowt », Ecological Economics, 2012 ; E. Laurent, Sortir de la croissance, Les liens qui libèrent, 2019 ; S. Latouche, La décroissance, Que sais-je ? 2019.
  77. J.E. Stiglitz, A.K. Sen, J.-P. Fitoussi, op. cit. ; A. Pottier, « Les nouveaux indicateurs de richesse modifieront-ils la croissance ? », Le Débat, (2), 2018, pp. 147-156 ; OCDE, La politique de la concurrence et ses effets macroéconomiques : une fiche d’information, 2014.
  78. C. Beaurain, M. Maillefert et O. Petit, « Capitalisme raisonnable et développement durable : quels apports possibles à partir de l’institutionnalisme de John R. Commons ? », Revue Interventions économiques ; <DOI : https://doi.org/10.4000/interventionseconomiques.1227> ; B. Zuindeau, « Le développement durable est-il soluble dans le capitalisme ? », Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement ; <DOI : https://doi.org/10.4000/tem.430>.
  79. ATTAC, Contre la dictature des marchés, La Dispute-Syllepse-VO Éditions, 1999.
  80. OCDE, Forum mondial de la concurrence 2019, la concurrence sous le feu des critiques, op. cit.
  81. W.-H. Joke, « La gouvernance au service du développement durable dans le contexte de la mondialisation », Reflets et perspectives de la vie économique, 2002/1 (Tome XLI), pp. 19-33.