Cette perspective est également disponible en version anglaise sur le site du Groupe d’études géopolitiques.
La nouvelle route de la soie, ou « Belt and Road Initiative » (BRI) est souvent perçue comme la manifestation la plus concrète de l’ambition de Pékin d’exporter le « modèle chinois » par la promotion de normes et de standards alternatifs à ceux qui prévalent actuellement en Occident 1. Cette présomption pourrait se trouver vérifiée à la lecture du communiqué de presse de la cinquième session plénière du 19e Comité central du Parti Communiste Chinois : « promouvoir la mise en œuvre conjointe de l’initiative ‘Belt and Road’ pour un développement de haute qualité » et « participer activement à la réforme de la gouvernance mondiale », sont présentés comme les piliers de l’ouverture de la Chine à l’Occident. La BRI, bien qu’elle soit souvent pointée du doigt par les Occidentaux en raison de ses caractéristiques uniques et distinctives par rapport à la référence occidentale, est envisagée par la Chine comme une voie vers la réforme progressive de la gouvernance mondiale actuelle au moyen de la sagesse chinoise. Au lieu de supposer un « modèle chinois » 2 qui comblera le vide laissé par les puissances occidentales en matière de leadership, je soutiens que la Chine expérimente une nouvelle approche de la coopération transnationale, ajoutant ainsi de nouveaux éléments au paysage changeant de la gouvernance mondiale.
L’utilisation pragmatique par la Chine des outils juridiques dans la mise en œuvre de la BRI
L’acronyme « BRI » a été inventé pour rendre compte de sa singularité : l’initiative n’est ni un projet ni un instrument juridique international multilatéral. La mise en œuvre de la BRI ne vise ni à créer une organisation internationale avec des compétences spécifiques, ni à construire une alliance régionale. Il s’agit d’un processus de coopération. La portée géographique et l’absence de priorités définies caractérisent la nature flexible et ouverte de l’initiative. Alors que le cynique observe la BRI à travers le prisme de la stratégie géopolitique ou géoéconomique, les pays situés le long ou au centre de la « nouvelle route de la soie » sont invités à coopérer sur la base du volontariat. La nature totalement volontaire de la coopération distingue la BRI de tout accord régional de commerce et d’investissement, qu’il s’agisse de l’Accord de partenariat transpacifique, auquel la Chine envisage d’adhérer, ou du Partenariat économique global régional officiellement conclu par la Chine et 14 autres pays d’Asie-Pacifique le 15 novembre dernier.
En outre, le gouvernement chinois a conclu de nombreux accords intergouvernementaux avec les pays de la BRI et avec certaines organisations internationales. La plupart d’entre eux restent « de nature non contraignante » 3. Ces derniers jettent les bases d’une coordination politique et d’un élargissement continu du consensus international autour de la BRI. Dans le même temps, la Chine a adopté une approche consistant à s’acclimater au contexte local et à gérer ses relations avec les dirigeants sur une base bilatérale. La flexibilité dans la conduite de la coopération bilatérale implique que « les normes juridiques ne soient pas les bases principales sur lesquelles la Chine peut s’appuyer » 4. La BRI ne dispose pas d’un cadre juridique clair et systémique qui lui permettrait de se structurer vis-à-vis du monde. Par conséquent, les pays qui s’appuieraient sur un cadre juridique classique tel qu’un « ‘traité fondateur’ de la BRI » pour comprendre les implications politiques et économiques de la BRI seront déçus et remettront en question la grande ambition de la Chine derrière cet instrument.
L’accent mis par la Chine sur la diplomatie étrangère pour faire avancer la BRI ne doit pas néanmoins être interprété comme un rejet total des règles juridiques. La BRI donne la priorité aux infrastructures de réseaux dont le financement est très technique et complexe. Par conséquent, des règles et des dispositions juridiques sophistiquées et détaillées sont nécessaires pour fournir une base d’exploitation sûre, fiable et prévisible. Les activités de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (BAII) montrent ainsi comment la Chine devrait modifier la gouvernance financière mondiale actuelle par l’apport de « valeurs asiatiques » 5 tout en se conformant aux règles juridiques internationales établies. Par exemple, afin de maintenir les notations de crédit, la BAII a élaboré des « lignes directrices pour l’évaluation, la surveillance et le contrôle des risques de sanctions pénales ou réglementaires, de perte financière ou de perte de réputation que la BAII pourrait subir en raison du non-respect des lois, des réglementations, des normes internationales et des codes de conduite applicables à nos activités bancaires » 6. En outre, les détenteurs de projets d’infrastructure chinois qui ont besoin d’un financement mixte doivent se conformer aux règles juridiques internationales établies, au lieu d’adopter les nouvelles règles du « modèle chinois ». Les entreprises chinoises sont en outre encouragées à renforcer la coopération en matière de financement mixte avec les institutions multilatérales de développement, en raison de l’influence gouvernementale positive de ces dernières, qui aide les projets à atténuer les risques et à accroître leur crédibilité 7. Cette coopération commande aux entreprises chinoises d’adopter à terme les règles juridiques financières universellement pratiquées 8.
En outre, les dirigeants des pays de la BRI ont récemment exprimé leur soutien aux objectifs de développement durable des Nations Unies. À cette fin, ces derniers sont déterminés à maintenir la coopération « conformément aux principes et obligations convenus au niveau international » ; à « travailler ensemble conformément à notre législation nationale, nos cadres réglementaires, nos obligations internationales, les normes et standards internationaux applicables », et ont appelé à « davantage de coopération internationale conformément à nos obligations respectives applicables en vertu des conventions internationales, telles que la Convention des Nations unies contre la corruption (CNUCC) et les traités bilatéraux pertinents » 9. L’objectif de construire une BRI verte et durable, tel que cela fut pensé sous la forme d’une coordination des politiques, poussera les pays de la BRI, dont la Chine, à adapter leur conduite pour être en conformité avec les normes internationales, générant ainsi une « culture de conformité de la BRI » dans la réalisation des infrastructures 10.
Pour une meilleure sécurité juridique, la Chine a ressenti la nécessité de mettre en place un mécanisme de règlement des différends efficace et fiable pour régler les contentieux internationaux, en attirant particulièrement l’attention sur les particularités des différends impliquant les pays de la BRI. La Cour populaire suprême de Chine (CPS) a publié en 2015 et 2019 deux lignes directrices sur le service judiciaire et les garanties que le système judiciaire chinois devrait offrir à la BRI. Ces directives contiennent l’orientation de la CPS sur les travaux et les activités entreprises par les organes judiciaires à tous les niveaux pour servir le développement de la BRI. L’objectif principal est de renforcer la confiance du système judiciaire chinois dans le règlement des litiges liés aux pays de la BRI.
Aux termes des lignes directrices de 2019, 11 les tribunaux chinois doivent appliquer les traités et les conventions internationales qui lient la Chine, et respecter les coutumes et usages commerciaux internationaux. De plus, les textes chinois doivent être traduits en langues étrangères et publiés dans les pays de la BRI afin d’améliorer la compréhension des pratiques juridiques chinoises par les sujets étrangers. Le « guichet unique » de règlement des différends, rendu possible grâce aux divers recours disponibles, incluant le règlement judiciaire, la médiation et l’arbitrage, offerts par la Cour commerciale internationale de Chine (CICC) nouvellement créée, seront davantage encouragés et développés 12. Les lignes directrices de 2019 démontrent le soutien de la CPS à la participation du Centre d’arbitrage international de Hong Kong (HKIAC) au guichet unique de règlement des différends tel que conçu par la CICC. Enfin et surtout, les institutions d’arbitrage étrangères peuvent établir leurs succursales et avoir leur siège d’arbitrage dans la région de Lingang à Shanghai 13.
Les lignes directrices ci-dessus montrent l’intention de la CPS d’améliorer la fiabilité et l’ouverture du système judiciaire chinois au niveau international, compte tenu à la fois de la concurrence et de la coopération entre les différentes institutions internationales et nationales de règlement des différends. Pourtant, la CPS semble privilégier de manière excessive le règlement des litiges découlant des projets de la BRI sur le territoire chinois : le sentiment de sécurité de la CPS est, dans une certaine mesure, étroitement lié à sa capacité d’influence et même de contrôle sur ces pratiques judiciaires, arbitrales et de médiation. Il est donc difficile de rejeter complètement l’hypothèse selon laquelle la CPS serait sceptique quant à une véritable internationalisation du règlement des différends. Les multiples centres de gravité de cette dernière se dispersent dans le monde.
Les exemples ci-dessus relatifs à l’utilisation des outils juridiques pour la mise en œuvre de la BRI illustrent le fait que le droit n’est pas perçu comme le « fondement » de la BRI. La BRI est conçue comme un processus de coopération, plutôt que comme un immense édifice normatif, qui a besoin d’un dynamisme moteur plutôt que d’une base solide. L’expert selon lequel « chaque fois qu’une puissance régionale ou mondiale investit dans sa zone d’influence, elle cherche à créer un droit international qui s’applique à la protection de ces investissements » conclut toutefois en se demandant si la Chine suivra le modèle de « système hégémonique d’investissement mis en œuvre par les États-Unis, qui reste en grande partie intact aujourd’hui » 14. Le rôle nécessaire mais encore marginal du droit caractérise la « flexibilité maximale » 15 de la Chine dans l’édification de la BRI, qui contraste avec l’accent mis en Occident sur la règle de droit.
Le « modèle chinois » et le paradigme occidental
La Chine a adopté une position ambivalente en ce qui concerne le rôle du droit en tant qu’outil de gouvernance. Il est clair que la Chine investit dans sa capacité institutionnelle à développer des normes, cependant il existe « un manque de clarté persistant concernant les dimensions juridiques de la BRI » 16. Afin de promouvoir la BRI dont l’objectif principal est d’augmenter la connexion entre ses membres, la Chine s’appuie de manière pragmatique sur la notion de « policy », tout en recourant à des outils juridiques lorsque cela est nécessaire et utile. L’observation perspicace d’Antoine Garapon met en lumière le pragmatisme de la Chine : elle déploie la BRI par le biais d’investissements en infrastructures plutôt que par la transplantation d’une culture juridique, l’imposition de la loi, ou encore l’autonomisation ou la transmission d’un modèle de société spécifique 17. La Chine estime que la société de consommation peut devenir tout aussi attrayante pour d’autres pays. Cependant, la BRI contient en soi le risque de maintenir la Chine à l’écart des normes et de la réglementation juridique universellement acceptées. La raison même de ce scénario tient au fait que la Chine n’est toujours pas un État de droit. Dans une perspective plus large, la conception et la mise en œuvre de l’État de droit par la Chine « sont sensiblement différentes de tout système juridique existant en Occident ou de tout ‘idéal occidental de l’État de droit’ paradigmatique » 18. En bref, l’État de droit socialiste et étatique de la Chine est un facteur institutionnel clé qui conduit au scepticisme et aux critiques de l’Occident.
La caricature du « modèle chinois » est une réponse aux inquiétudes selon lesquelles le développement de la BRI pourrait être une source de tension et de rivalité. Il a été dit que « le manque de transparence est peut-être le trait le plus distinctif de la BRI et des projets menés sous son égide » 19 ; « le fait que les entreprises d’État chinoises jouent un rôle majeur dans la BRI conduit à penser que le capitalisme d’État chinois et son système politique à parti unique pourraient être mal adaptés à un ordre mondial démocratique libéral ». Antoine Garapon a également conclu que le faible recours à la loi et le manque d’autonomie et d’indépendance de la loi et du marché par rapport à la politique caractérisent la Chine comme une post-démocratie qui défie et concurrence les démocraties actuelles. D’autres opinions influentes ont souligné l’engagement de la Chine comme une « lutte prolongée » au sein de l’ordre international actuel 20. L’ordre actuel présenté par les Américains comme un « ordre international fondé sur des règles » semble être en réalité « un ordre dans lequel les Américains font les règles ». La question du degré de « renégociation » que la Chine demandera, et des conséquences d’une telle « renégociation », est ouverte 21.
Plusieurs points de vue ont été exprimés quant à la manière d’atténuer la tension entre le « modèle chinois » et l’idéologie occidentale.
Un premier soutient que la Chine doit, dans le cadre de la BRI, regrouper son commerce et ses investissements « en un seul système et prendre en considération à la fois les règles internationales et la structure institutionnelle ». Et, lorsque la Chine résoudra sérieusement les sujets de multilatéralisme et de droit international, elle « devra veiller à ce que l’élaboration des règles et la prise de décision pour la BRI ne soient pas menées par la Chine seule, mais par un processus indépendant sans la domination d’un seul État » 22. Ces recommandations visent essentiellement à mettre la conception chinoise de la gouvernance mondiale, ainsi que ses initiatives dans le cadre de la BRI, en conformité avec les critères occidentaux intégrés dans les règles et institutions internationales actuellement en vigueur. Mais une solution aussi simpliste oublie que le droit international n’est pas neutre et qu’il peut favoriser les puissants, justifier l’agression et véhiculer un programme impérialiste. La conséquence de cette rhétorique de la compliance exposée ci-dessus serait le maintien du statu quo de la domination du droit « universel » actuel, tandis qu’une nouvelle hégémonie remplace l’ancienne avec une structure de gouvernance mondiale inchangée 23.
Un second rappelle que dans la culture juridique traditionnelle chinoise, le droit et la morale jouent des rôles différents mais complémentaires dans la gouvernance de la société ; cette dernière « accorde une plus grande valeur à la fiabilité, et n’estime pas que les marchés en eux-mêmes peuvent être laissés à l’application de résultats éthiques ». La différence entre la tradition chinoise en matière de droit et celle des pays de la BRI justifie que « la convergence continue entre les systèmes juridiques est essentielle à l’expansion des activités de la BRI » ; et que « la viabilité du système juridique de la BRI exige que la détermination de ce qui peut être obtenu par consensus et par des relations durables à long terme, à la manière du Li de Confucius, soit prioritaire, et que le recours à des sanctions et à des interdictions formelles, à la manière du Fa de Confucius, soit limité aux cas où le Li est réellement impossible ou inefficace » 24.
Le point de vue ci-dessus, qui suit l’approche du droit comparé, est théoriquement idéal. Toutefois, le pluralisme juridique qu’il préconise peut se heurter à la difficulté politique de réformer le droit international actuel, car la nature « internationale » de ce dernier est profondément remise en question 25. En d’autres termes, si la création, l’interprétation et l’application des règles juridiques internationales sont influencées par les lois nationales de ces États puissants, il reste à savoir si l’approche pluraliste implique que la ou les nouvelles puissances montantes résisteront, entreront en concurrence avec les anciennes et les remplaceront finalement. En d’autres termes, le point de vue médian qui sympathise avec la culture juridique de la Chine soutiendrait l’argument selon lequel la Chine en tant que puissance montante comblera le vide de la gouvernance mondiale créé par les crises contemporaines de l’ordre international libéral.
Selon cette conception, la Chine défendra ainsi l’émergence d’une version a minima de l’ordre international qui ne sera peut-être pas totalement privée de sa dimension libérale, « mais qui va clairement à l’encontre de la promotion systématique des valeurs de la démocratie, des droits de l’homme et de l’État de droit tant au niveau national qu’international » 26. La vue la plus favorable soutient que « la BRI peut contribuer à la règle de droit à l’échelle internationale s’il existe une volonté politique », alors qu’il admet également que l’État de droit est un concept contesté et que « même s’il existe une volonté politique d’améliorer les conditions de l’État de droit au sein de la BRI, il ne pourrait s’agir d’un État de droit au sens strict » 27.
La vision pessimiste perçoit l’ordre mondial fondé sur des règles comme une illusion, affirmant que « le droit international est aujourd’hui puissant contre les impuissants et impuissant contre les puissants. Tant que cela sera vrai, un ordre mondial fondé sur des règles restera une feuille de vigne face à la poursuite forcée des intérêts nationaux » 28. Il s’ensuit que l’émergence de la Chine en tant que nouveau centre de gravité des affaires mondiales grâce au rayonnement de la BRI « réformera » le droit international actuel 29, mais cette réforme ne se fera pas seulement dans l’intérêt national de la Chine, elle « renforcera et justifiera l’émergence de la Chine » 30. Selon Jérôme A. Cohen, la Chine « semble s’orienter progressivement vers une approche plus novatrice et plus large qui façonne le droit international au même titre que sa puissance politique et économique croissante (…) L’adhésion des États-Unis au droit international, tant en théorie qu’en pratique, incitera la RPC à soumettre de plus en plus sa propre conduite à un ‘ordre fondé sur des règles’ en évolution » 31. Il est vrai que les relations de pouvoir entre les États sont une dynamique de changement du droit international. Cependant, la relation de pouvoir entre les États est plus complexe en réalité qu’en théorie, et l’impact de l’évolution des relations de pouvoir sur l’évolution du droit international doit être examiné par le biais d’études plus concrètes et empiriques.
La vision pessimiste accorde une importance excessive aux États tout en ignorant les limites de cette approche étatiste du droit international et, dans une perspective plus large, de la gouvernance mondiale à laquelle participent de multiples acteurs à tous les niveaux. En fait, toute étude relative à l’impact de la montée en puissance de la Chine sur les changements du droit international, dans la mesure où elle assimile implicitement les luttes de pouvoir entre États à l’essence du droit international, est autonome dans la perspective étatiste : elle néglige l’« empire du droit privé » fondé sur la propriété, plutôt que sur la souveraineté, qui permet, structure, canalise et s’oppose à la puissance internationale 32.
En outre, le cadre cognitif étatiste ou souverainiste s’avère dépassé face à la « nouvelle forme mondiale de souveraineté » qui est « composée d’une série d’organismes nationaux et supranationaux unis dans une même logique de règle » 33, c’est-à-dire un réseau de puissances mondiales au-delà des États. De plus, comme l’envisage Mireille Delmas-Marty, l’émergence d’une agrégation d’acteurs publics et privés pour la préservation des biens communs mondiaux appelle une nouvelle forme de gouvernance qui agrège, au lieu de séparer, le Savoir (les experts), la Volonté (les citoyens) et le Pouvoir (les États, les organisations régionales et internationales, etc.) 34. En d’autres termes, les États-nations perdent leur position dominante traditionnelle dans le processus de gouvernance du monde sans gouvernement mondial. Il faut également se concentrer sur les nouveaux acteurs et le dynamisme qu’ils apportent à la gouvernance mondiale.
Les acteurs non étatiques dans la BRI et la nouvelle dynamique de la gouvernance mondiale
La nouvelle route de la soie est une initiative étatique, mais il existe un large éventail d’acteurs qui la mettent en œuvre. Les entreprises d’État, entre autres, jouent un rôle essentiel. Les performances des entreprises d’État dans le cadre de la BRI et leurs impacts politiques, économiques et sociaux attirent l’attention. La contribution des entreprises d’État à la BRI s’accompagne toutefois du scepticisme selon lequel « le capitalisme d’État chinois et son système politique à parti unique pourraient être mal adaptés à un ordre mondial libéral-démocratique » 35.
La réalité est plus complexe. La relation entre l’État et les entreprises publiques ne doit pas être simplement définie à la lumière de mandats. Les entreprises publiques jouissent d’une autonomie et restent indépendantes des gouvernements au sens juridique du terme. Cependant, les gouvernements peuvent influencer efficacement les entreprises publiques et les autres acteurs dans la conduite des investissements dans les pays de la BRI en élaborant des politiques et des orientations stratégiques. Par exemple, depuis 2007, la Chine a poussé les entreprises publiques à fixer des normes pour les pratiques de responsabilité sociale des entreprises tant au niveau national que dans leurs activités à l’étranger 36. Une recherche récente a mis en lumière la relation réelle entre l’État et d’autres acteurs : alors que la BRI est présentée comme une stratégie de mondialisation mobilisée par l’État, la caractéristique unique de l’ »État mobilisateur » réside dans le fait que « lorsque les dirigeants chinois encouragent la ‘mondialisation’ dans le cadre de la mobilisation et de la promotion d’une stratégie nationaliste par le haut, le public intérieur – les différents acteurs de l’État et du capital – peut faire beaucoup de choses différentes » 37.
La fragmentation entre les acteurs étatiques et non étatiques, y compris les gouvernements locaux, les entités commerciales appartenant ou non à l’État, peut avoir un lien avec l’utilisation pragmatique des outils juridiques dans la mise en œuvre de la BRI, comme décrit ci-dessus. Le vide laissé par le droit étatique peut être comblé par des initiatives d’acteurs privés. Par exemple, une étude empirique récente sur les zones économiques spéciales transfrontalières de l’Asie du Sud-Est 38 a également montré que l’État transforme son rôle en assouplissant le contrôle des activités commerciales transnationales.
Par ailleurs, « la conduite des entreprises d’État chinoises et des entreprises privées qui investissent dans le cadre de la BRI est susceptible de faire l’objet d’un examen de plus en plus minutieux » 39. Par exemple, en termes de RSE, le gouvernement et les entreprises chinoises ont de plus en plus recours aux normes ISO 26000. « Bien que le gouvernement reste le principal moteur du développement de la RSE, le rôle du grand public continuera à gagner en importance » 40. Les entreprises chinoises sont les principaux acteurs de la réalisation des projets d’infrastructure de la BRI, leur sensibilisation et leur capacité à promouvoir un développement équitable et durable « s’accroissent avec la pression et les incitations croissantes au niveau national et international » 41. Pour atteindre les objectifs de développement durable dans le contexte de la BRI, il devient plus que jamais nécessaire de mettre en commun les efforts de la Chine et des États hôtes en matière d’orientation et de réglementation, la politique de finance vert des institutions financières, ainsi que l’amélioration de la gestion et de la communication des entreprises chinoises.
La BRI offre ainsi un champ d’expérimentation pour la gouvernance multipartite. La vision étatique de la BRI devrait être substituée par un nouveau paradigme qui attache de l’importance à la contribution réelle des acteurs non étatiques, principalement des acteurs privés. Le bloc d’acteurs qui mettent en œuvre la BRI, ainsi que leurs pratiques, forment un nouveau paysage pour cartographier le scénario changeant de la gouvernance mondiale. Des enquêtes plus précises sur le rôle des acteurs non étatiques peuvent aider à guérir la myopie de l’observation de l’influence de la BRI sur la gouvernance mondiale. Hardt et Negri ont averti que « dans le contexte de la mondialisation, nous pouvons voir l’émergence d’une nouvelle formation impériale qui ne peut fonctionner que grâce à la collaboration de diverses puissances nationales, supranationales et non nationales » 42. Les activités des acteurs non étatiques auraient une influence significative, voire déterminante, sur la question de savoir si une gouvernance impériale sans Empire émergerait dans la future mondialisation.
Conclusion
Les États-nations restent importants pour la gouvernance mondiale. Pourtant, l’histoire de l’humanité a dépassé l’âge des empires 43 et même les États-Unis, comme première superpuissance, n’ont jamais été capables de gouverner le monde par leur seule volonté. L’ascension de la Chine est encore loin d’équivaloir à une hégémonie chinoise. D’un côté, « la puissance croissante de la Chine n’est pas aussi solidement ancrée qu’on le pense généralement, et les vues de la Chine sont influencées par son interaction avec les États-Unis et sa perception de la pratique américaine du droit international » 44. D’autre part, la Chine a souffert des conséquences de l’esprit de clocher du cosmopolitisme américain 45. Il est donc justifié de soutenir qu’une Chine montante ne devrait pas s’inscrire dans les traces des États-Unis. En outre, l’interdépendance croissante entre les nations met en évidence la faille fondamentale qui consiste à assimiler le droit international à la lutte pour les intérêts nationaux.
Ni la perspective souverainiste absolue du droit international ne convient plus au monde en voie de mondialisation, ni l’universalisme n’a jamais atteint la domination totale escomptée par les puissances hégémoniques. La BRI offre à la Chine une occasion cruciale de forger sa propre part et sa propre stratégie en matière de gouvernance mondiale. La Chine est en train de développer sa propre « puissance discursive ». Il est également vrai que la Chine adopte une attitude défensive en critiquant les normes établies, mais sans qu’aucun modèle alternatif clair n’émerge 46. Un auteur soutient toutefois que le « pragmatisme » de la Chine en matière de droit pourrait devenir la composante d’un ensemble plus vaste de « droit en mouvement » 47 qui régit le monde changeant et incertain. La gouvernance mondiale n’a pas de modèle à suivre, ni de cadre fixant ses limites ou ses frontières. La gouvernance mondiale est un processus fluide mais non linéaire. Les multiples acteurs de la gouvernance mondiale peuvent partager les mêmes objectifs de paix et de prospérité, mais rivaliser entre eux avec des moyens de sagesse et des plans différents. Cependant, le piège des objectifs et des moyens confondus demeure, y compris les confrontations brutales qui pourraient conduire au cycle de l’hégémonie par le droit, comme dans le cas de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, où le droit est utilisé comme arme pour atteindre des objectifs protectionnistes. En ce sens, il est toujours essentiel de parvenir à un consensus sur la coopération par le biais du droit et de la politique afin d’éviter le « nivellement par le bas » 48. Les cyniques considèrent la BRI comme la stratégie géopolitique et géoéconomique de la Chine dans la poursuite de l’exportation d’un « modèle chinois » qui remplacera à long terme l’ordre international actuel. Je soutiens quant à moi que la BRI, en raison de ses caractéristiques distinctives, peut former un nouveau modèle de gouvernance (utilisation pragmatique du droit, influence cruciale des politiques gouvernementales, rôles variables des entreprises d’État et des acteurs privés) qui diffère considérablement de celui de l’Occident. Alors que le modèle « libéral » actuel de gouvernance mondiale, s’il existe, est de plus en plus remis en question quant à son efficacité et sa légitimité, la BRI chinoise peut être perçue comme une expérimentation du processus de gouvernance mondiale : un processus qui n’a ni fondement ni centre. La question cruciale n’est plus de savoir comment contenir la concurrence entre les « modèles » afin d’éviter les durs affrontements et le cycle de dominations ou d’hégémonies qui en découle. Au contraire, l’essor de la Chine va rafraîchir la réflexion sur la manière de modifier le cadre cognitif pour guider la coexistence, la réception mutuelle et la complémentarité. Cette modification est désormais rendue nécessaire par les défis posés par les vagues de désordre qui déferlent dans « l’océan de la mondialisation » 49.
Sources
- Voir, par ex., D. Tobin, “How Xi Jinping’s ‘New Era’ Should Have Ended US’s Debate on Beijing’s Ambition”, Center for Strategic and International Studies (CSIS), 2020 [date de consultation : 27 novembre 2020]. Dans une récente discussion sur la question de la Chine et de la gouvernance mondiale à laquelle l’auteur a participé, il est soutenu que le principe même d’un ordre international libéral est de plus en plus contesté à la fois à l’intérieur et à l’extérieur. La Chine, dans un tel contexte, soutient mais aussi conteste l’ordre établi et le système de gouvernance mondiale dans lequel il s’inscrit. Voir M. Burnay, W. Muller, “China, Law and Global Governance : Power through Rules of Rule through Power”, Hague Yearbook of International Law, Volume 31, 2018, Brill Nijhoof, 2021, p. 9-14.
- Voir, par ex., Qingjiang Kong, Ming Du, “Is the ‘Belt and Road’ Initiative the Chinese Vision of Global Governance”, dans G. Martinico, X. Wu (dir.), A Legal Analysis of the Belt and Road Initiative, Towards a New Silk Road, Palgrave McMillan, 2020, p. 5-19.
- Voir G. Martinico, “Comparative Law Reflections on the Use of Soft Law in the Belt and Road Initiative”, in G. Martinico, X. WU (dir.), A Legal Analysis of the Belt and Road Initiative, Towards a New Silk Road, op.cit., p. 131-142.
- R. Nurgozhayeva, “Rule-Making, Rule-Taking or Rule-Rejecting under the Belt and Road Initiative : A Central Asian Perspective”, The Chinese Journal of Comparative Law, (2020) Vol. 8 No. 1 p. 250-278 (p. 262).
- D. M. Ong, « The Asian Infrastructure Investment Bank : Bringing ‘Asian Values’ to Global Economic Governance », JIEL, 2017, 20, p. 535-560.
- Rapport annuel et états financiers de la BAII 2019, p. 16.
- Centre d’innovation : Modèles d’investissement et de financement, défis et recommandations des projets d’énergie renouvelable des entreprises chinoises dans les pays de la ceinture et les pays routiers, janvier 2020.
- Voir aussi, M. Ad. Carrai, “It Is Not the End of History : The Financing Institutions of the Belt and Road Initiative and the Bretton Woods System”, in Julien Chaisse, Jędrzej Górski (dir.), The Belt and Road Initiative, Law, Economic, and Politics, Brill Nijhoff, 2018. L’auteur fait valoir que « les institutions internationales de financement du développement (IDFIS) liés à la BRI sont pour la plupart imbriquées dans le système juridique international actuel et peuvent contribuer à certains de ses objectifs, tels que la protection de l’environnement, la sécurité et le développement social durable », p. 111.
- “Belt and Road Cooperation : Shaping a Brighter Shared Future”, Communiqué conjoint de la table ronde des dirigeants du 2e Belt and Road Forum for International Cooperation, 27 avril 2019, Pékin, Chine.
- L’un des moyens d’accroître la durabilité environnementale de la BRI est la Coalition internationale pour le développement vert. Lancée en 2019, la Coalition est un réseau international ouvert, inclusif et volontaire qui rassemble l’expertise environnementale de tous les partenaires afin de s’assurer que la BRI apporte un développement vert et durable à long terme à tous les pays concernés, en soutien à l’Agenda 2030 pour le développement durable.
- Cour populaire suprême, Guidelines for courts to provide enhanced judicial services and guarantees for Belt and Road construction, 9 décembre 2019.
- On fait valoir que les pratiques d’arbitrage international liées à la BRI apporteront une dynamique de changement au cadre mondial de l’arbitrage international. Voir, U. Liukkunen, “Chinese Context and Complexities – Comparative Law and Private International Law facing new Normativities in International Commercial Arbitration”, Ius Comparatum 1(2020), p. 254-287.
- En termes de coopération judiciaire, la Chine a signé le 7 août 2019 la Convention des Nations Unies sur les accords de règlement internationaux résultant d’une médiation (« Convention de médiation de Singapour »). La Chine a également participé à l’adoption de la Convention HCCH de 2019 sur la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers en matière civile ou commerciale. Voir : http://cicc.court.gov.cn/html/1/219/208/209/1303.html.
- M. Sornarajah, “Chinese Investment Treaties in the Belt and Road Initiative Area”, The Chinese Journal of Comparative Law, (2020) Vol. 8 No. 1, p. 56-57.
- H. Wang, “China’s Approach to the Belt and Road Initiative : Scope, Character and Sustainability”, Journal of International Economic Law, 2019, 22, p. 29-55 (p.47).
- W. Muller, “The Power of Discourse, Doctrinal Implications of China’s Normative Aspirations”, Hague Yearbook of International Law, Volume 31, 2018, Brill Nijhoof, 2021, p.66.
- A. Garapon, « Les Nouvelles Routes de la Soie : la voie chinoise de la mondialisation », IHEJ, 23 novembre 2016.
- R. Peerenboom, China Modernizes, Threat to the West or Model for the Rest, Oxford University Press, 2007, p. 196.
- Voir, M. Baltensperger, U. Dadush, “The Belt and Road Turns Five”, Bruegel Policy Contribution, n° 1, janvier 2019.
- A. Garapon, « Les Nouvelles Routes de la Soie : la voie chinoise de la mondialisation », op. cit.
- S. Roggeveen, « La Chine, l’Amérique et le piège de Thucydide : entretien avec Graham Allison », [date de consultation : 30 novembre 2020].
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- N. Morris, “Developing a Sustainable Legal System for the Belt and Road Initiative”, in W. Shan et al. (dir.), Normative Readings of the Belt and Road Initiative, Springer International Publishing AG, 2018, p. 54-55.
- Voir, A. Roberts, Is International Law International ?, Oxford University Press, 2017.
- M. Burnay, “China and Global Governance : Towards a Low-Cost Global Legal Order”, Hague Yearbook of International Law, volume 31, 2018, Brill Nijhoof, 2021, p. 42.
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- B. Chellaney, « The Illusion of a Rules-Based Global Order », Project Syndicate, 20 décembre 2019.
- C. Cai, “New Great Powers and International Law in the 21st Century”, The European Journal of International Law, Vol. 24 n° 3, 2013. L’auteur conclut que les nouvelles grandes puissances, dont la Chine, sont positionnées d’une manière à la fois différente et similaire à celle des anciennes grandes puissances, dans le façonnage et la refonte du droit international, pt 795.
- C. Cai, The Rise of China and International Law, Oxford University Press, 2019, p. 39. L’auteur souligne que la relation actuelle entre le droit international et les grandes puissances diffère de son histoire passée en ce sens que le droit international « peut imposer plus d’obstacles à la Chine qu’il n’en a imposé aux anciennes grandes puissances de l’histoire ».
- J. A. Cohen, “Law and Power in China’s International Relations” (2019) 52 NYU J Int’l L & Pol 123, p. 164-5.
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- M. Koskenniemi, W. Rech, M. Jiménez Fonseca (dir.), International Law and Empire, Historical Explanations, Oxford University Press, 2017, p. 7-8. Les auteurs adoptent une définition large de l’empire comme « forme de pouvoir politique et économique englobant potentiellement l’influence et l’autorité juridique ainsi que le contrôle militaire sur les populations étrangères, soumis à différents degrés de négociation ».
- J. A. Cohen, “Law and Power in China’s International Relations”, op. cit.
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- M. Delmas-Marty, Aux quatre vents du monde – Petit guide de navigation sur l’océan de la mondialisation, Seuil, 2016.