Elisa Cutter, Ripartire dal desiderio (Repartir du désir), Rome, Minimum Fax, novembre 2020

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Depuis la question historique posée par Sigmund Freud : «  Que veut une femme ? », la question du désir est intrinsèquement liée à la différence entre les sexes, et en particulier aux femmes. Une féminité basée précisément sur l’impossibilité de répondre à cette question : un objet mystérieux, un «  autre  » sur lequel on s’interroge. Partant de Non è la Rai, en passant par le mouvement #metoo, la sous-culture incel et l’éducation sexuelle, Elisa Cuter enquête sur ce qui est perçu comme l’actuelle «  guerre des sexes  », et arrive à renverser certains clichés du féminisme dominant, en se demandant s’il est encore logique de revendiquer une identité historiquement construite comme subordonnée.

Croisant et mêlant essai personnel, psychanalyse, philosophie et sociologie, cinéma et culture pop, Repartir du désir tente de déterminer le sens actuel de l’équation qui pose que «  le personnel est politique  » (héritage fondamental de la réflexion féministe) et propose une critique radicale du moralisme qui a pris possession du discours politique. Un point de vue original sur des questions centrales du débat public actuel, élaboré à travers un récit analytique capable de mettre en relation des phénomènes apparemment éloignés les uns des autres ; mais surtout une invitation à abandonner la sphère de sécurité de l’identité pour poser des défis plus ambitieux et des questions plus dérangeantes, à l’image de celles que nous pose le désir.

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Gunnhild Øyehaug, Vonde blomar (Les Fleurs du mal), Oslo, Kolon Forlag, 2020

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D’impossibles métamorphoses, de grandes mésanges charbonnières et des humains habités par de grandes aspirations, de grandes peines et des pensées plus ou moins nobles : voilà ce qui compose le recueil de nouvelles de la grande poète Gunnhild Øyehaug, intitulé, en hommage à Baudelaire, Les Fleurs du mal. Que faire, par exemple, quand vous choisissez la mauvaise fleur  ? Que reste-t-il de votre discours lorsque vous deviez inaugurer un musée flambant neuf, mais que celui-ci s’est volatilisé  ? Que faire lorsque tout ce que vous touchez se dérobe comme une anguille ? Que faire enfin quand vous avez toujours espéré visiter les falaises de Douvres mais que vous êtes déjà mort ? Les Fleurs du mal est un recueil sur l’amour, la mort et le vacarme, sur la métamorphose et la permanence, sur les nœuds qui se forment dans le processus qu’on nomme comprendre.

«  Il arrive qu’on voie surgir un livre si remarquablement singulier qu’il fait passer tous les autres pour des livres semblables. Le recueil de nouvelles Les Fleurs du mal en est un exemple. Il relègue tout ce qu’on publie aujourd’hui sous la bannière de littéréalité au rang d’un réalisme anémique. […] Les Fleurs du mal est un recueil unique, qui accroît la diversité du monde littéraire. » (Gro Jørstad Nilsen, Bergens Tidende)

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Mia Couto, O Mapeador de Ausências (Le Cartographe des absences), Alfragide, Editorial Caminho, novembre 2020

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Diogo Santiago est un intellectuel mozambicain prestigieux et respecté. Ce poète et professeur d’université à Maputo se rend pour la première fois depuis de nombreuses années dans sa terre natale, la ville de Beira, à la veille du cyclone qui l’a dévastée en 2019, pour recevoir un hommage. Mais le retour à Beira est aussi, et peut-être pour lui, surtout, le retour à un passé lointain, à son enfance et à sa jeunesse, lorsque le Mozambique était encore une colonie portugaise.

Le roman est introduit par une note de l’auteur  : «  C’est l’histoire d’un journaliste et poète portugais, un homme naïf à qui on livre la preuve d’un massacre commis par les troupes portugaises au Mozambique en 1973. Cet homme bon et naïf était mon père. À cette époque, la guerre de libération nationale était arrivée aux portes de notre ville, Beira. La folie était la réponse dans certains quartiers blancs. J’ai appris alors que la maladie est parfois le seul remède. Pour certains, il fallait oublier ce qui se passait pour qu’il y ait un avenir. Pour d’autres, ce qui se passait était déjà l’avenir. Ce récit fictif a été inspiré par des personnes et des épisodes réels. En d’autres termes  : dans ce livre, ni les gens, ni les dates, ni les lieux n’ont d’autre prétention que d’être de la fiction.  »

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Hélia Correia, Acidentes (Accidents), Lisbonne, Relógio d’Água, novembre 2020

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Poète, dramaturge et écrivain de fiction, Hélia Correia (née en 1949) s’est affirmée comme une référence de la scène littéraire portugaise dans les années 80. Depuis lors, elle a publié régulièrement avec une large reconnaissance critique, couronnée en 2015 par le prix Camões, le plus prestigieux prix de littérature de langue portugaise. Dans sa dernière publication, l’auteure rassemble 35 nouveaux poèmes.

Comme des enfants qui la nuit voient
seulement ce qui n’est pas là et se trompent donc
sur les routes du danger,
nous avons signalé certains pièges,
certains abattements de beauté,
les petites disputes qui amenaient
le corps paysan, ce pied nomade
que la ville avait essayé de cacher,
à reparaître, à donner aux gestes
une obscène éloquence festive.
(« Distraction, II », traduction Teresa Bartolomei pour Le Grand Continent)

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Inga Gaile, Ivande Kaija. Rakstītāja (Ivande Kaija, Écrivante), Riga, Dienas Grāmata, octobre 2020

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Le roman d’Inga Gaile, Rakstītāja est le deuxième titre d’une série initiée par les éditions Dienas Grāmata intitulée « Es esmu… » (Je suis…), qui se déploiera dans les quatre ans qui viennent. Treize autrices et auteurs contemporains sont invités à composer « leur » biographie subjective de treize auteurs du patrimoine letton de leur choix – Aspazija, Anna Brigadere, Anšlavs Eglītis, Jānis Ezeriņš, Gunars Janovskis, Ivande Kaija, Vilis Lācis, Jānis Poruks, Kārlis Skalbe, Ilze Šķipsna, Andrejs Upīts, Eduards Veidenbaums, Jānis Ziemeļnieks.

Écrivaine prolixe, Inga Gaile (1976) s’est fait connaître comme poète, dramaturge et militante féministe, avant de s’affirmer romancière (c’est son troisième roman). Elle choisit dans le cadre de cette série d’explorer l’existence de l’une des personnalités les plus brillantes de la première génération d’intellectuelles lettones, l’écrivaine Ivande Kaija (1876-1942). Ardente militante du droit des femmes, autrice d’une œuvre foisonnante, cette dernière est surtout connue pour un roman considéré à scandale Iedzimtais grēks (Le péché originel, 1913), qui lance la charge contre le mariage traditionnel et sa double morale – l’absence d’amour conjugal étant pour Ivande Kaija le plus infâme péché. Jugée sulfureuse durant l’ère soviétique, son œuvre disparaît, et reste aujourd’hui encore peu lue et mal connue.

Inga Gaile dit de Rakstītāja  : « Je ne sais certainement pas mieux que ses proches ou que les historiens de la littérature ce que ressentait, ou comment vivait Ivande Kaija. Ceci est mon récit à moi à propos d’elle. Lors de l’écriture du livre que vous êtes sur le point de lire, j’ai appris bien des choses la concernant. Mais j’ai aussi abondamment imaginé. J’ai suivi mon intuition. Comme une vague. Comme les vagues sur Paris inondé. Dans ce roman, j’écris aussi à propos de la sexualité, parce qu’il me semble que l’écriture et la sexualité jaillissent de la même source – là où se mêlent l’émotivité, les épreuves, la volonté de créer. Mon expérience m’a aussi appris que l’une et l’autre – l’écriture (le fait de raconter son histoire) et la sexualité – sont la cible du pouvoir qui veut les contrôler, qui fait entrave à leur libre expression. »

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Peter Handke, La Voleuse de fruits, trad. Pierre Deshusses, Paris, Gallimard, coll. Du monde entier, novembre 2020

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Depuis son enfance, Alexia aime à voler des fruits dans les jardins, les vergers, les parcs. Au fil des années, cette activité est devenue son identité, sa manière de vivre presque vagabonde dans un monde où elle essaye de trouver peu à peu sa place. Sur les traces de sa mère disparue, elle poursuit ses détours au cœur des terres de Picardie dans un voyage aventureux au cours duquel, comme le dit l’un de ceux qu’elle rencontre, elle apprend sur elle-même. Attentif aux lieux, aux trésors cachés de la nature, au quotidien encore peu exploré d’une région, aux turpitudes et aux joies qu’une jeune femme de notre époque peut traverser, Peter Handke exprime dans La voleuse de fruits une vision personnelle et acérée de notre société, doublée d’un hommage à la famille, dans une histoire aussi vaste qu’introspective. 

« Tu reviens d’un combat, tu reviens de la guerre, une double : l’une dans laquelle tu t’es bien battue, et une autre où personne ne peut donner des coups : la guerre avec toi-même. Pour l’heure, à celle-ci aussi, tu as survécu, et les deux guerres t’ont fait t’épanouir. » (traduction de Pierre Deshusses, Gallimard, 2020)

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Mario Vargas Llosa, La realidad de un escritor (La réalité d’un écrivain), Madrid, Triacastela, 2020

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En 1988, Vargas Llosa donne une série de huit conférences à l’université de Syracuse (États-Unis), qu’il a rédigées directement en anglais. Il y a passé en revue la littérature latino-américaine, l’œuvre de Borges et six de ses premiers romans, de La ville et les chiens à Histoire de Mayta. Cette œuvre exceptionnelle, inédite jusqu’à présent en espagnol, est une authentique autobiographie littéraire de Vargas Llosa en même temps qu’une exposition magistrale de son expérience personnelle de romancier. 

«  Je ne connais aucun autre ouvrage qui explique aussi lucidement ce que fait un romancier et comment il le fait (pas même The Art of Fiction de Henry James).  » (Mark Falcoff, professeur émérite de l’American Enterprise Institute, à propos de la version anglophone en juillet 1991)

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Mats Traat, Tööpataljon (Le bataillon du travail), Tallinn, EKSA, 2020

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Peu ou pas traduit en Europe occidentale, Mats Traat (né en 1936) n’en est pas moins l’un des plus importants et des plus remarquables écrivains estoniens contemporains. À côté d’une œuvre poétique abondante, il est l’auteur de nombreux romans qui éclairent de vastes pans de l’histoire de l’Estonie, petit pays pris en tenaille depuis le XIIIe siècle entre le monde germanique et le monde russe. Son œuvre majeure est une saga familiale de plus de 3300 pages, entamée en 1979, qui embrasse un siècle d’histoire (des années 1840 au lendemain de la Seconde Guerre mondiale) à travers le destin des habitants d’une ferme d’Estonie du sud. L’action de ce nouveau roman se déroule dans la seconde moitié des années 1940, après le retour de l’armée rouge et le rétablissement du régime soviétique en Estonie. L’auteur se concentre sur une période de la vie du jeune Lembit Susi, qui se retrouve incorporé dans un «  bataillon du travail  » soviétique, unité de travaux forcés qui regroupait de jeunes Estoniens considérés comme des «  traîtres à la patrie  », notamment parce qu’ils avaient auparavant été enrôlés de force dans l’armée allemande. Un éclairage littéraire sur un aspect méconnu des répressions staliniennes.

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Anna Stern, das alles hier, jetzt. (tout ceci, maintenant.), Zürich, Elster & Salis, septembre 2020

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Das alles, hier, jetzt est un livre frénétiquement beau et profondément humain sur la famille, l’amitié et la perte, sur le fait de se souvenir et d’être absorbé par l’autre.

Ananke meurt jeune après une courte maladie et laisse un vide insupportable dans son cercle d’amis. Ceux-ci pleurent et évoquent des souvenirs de leur temps ensemble : les expériences de l’enfance et de la jeunesse, le lien étroit entre tout le groupe, les étés merveilleux, jusqu’aux premiers conflits. Les amis cherchent désespérément, mais ne trouvent aucun moyen de sortir de leur paralysie. Jusqu’à ce qu’une idée radicale vienne tout bouleverser : ils se lancent dans un voyage libérateur, avec une destination géographique très claire, mais sans sortie précise.

En de brefs fragments du présent et du passé, Anna Stern met en contraste les amis en deuil avec le monde chatoyant des bons souvenirs, qui semble toujours un peu éloigné par des prénoms inconnus, sans distinction de sexe. Dans la deuxième partie du roman, racontée de façon linéaire et qui s’accélère au gré du mouvement, le lecteur découvre un versant narratif jusqu’ici ignoré de l’œuvre d’Anna Stern.

Das alles, hier, jetzt a été récompensé par le Schweizer Buchpreis (Prix du livre suisse) 2020

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Andrea Tompa, Haza (Retour), Budapest, Jelenkor, juin 2020

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Dans son quatrième roman, Andrea Tompa cherche à appréhender toutes les facettes de ce mot qui n’existe pas en français mais qui est aussi concis en hongrois qu’en anglais : haza, home. Qu’est-ce qu’être chez soi, et quelles sont les émotions qui sont associées à ce terme, pour ceux qui n’ont jamais quitté leur pays et pour ceux qui y reviennent après avoir longtemps vécu autre part ?

À travers le personnage d’une écrivaine qui, après trente années d’expatriation, revient dans sa ville natale pour participer à une réunion d’anciens élèves, ce sont aussi les notions d’identité, d’altérité, de langue et de culture qu’explore l’autrice. Décrit comme un roman-mosaïque, à cheval sur le XXe et XXIe siècles, Haza s’intéresse plus généralement aux expériences de vie, d’émigration ou d’ancrage dans un pays natal, d’un groupe de quadragénaires hongrois représentatifs de toute une génération.

«  Le roman consiste essentiellement en la juxtaposition d’histoires d’émigration, de sorte que les événements se déroulent dans de nombreux pays et grandes villes, sans qu’il ne soit jamais explicitement indiqué d’où, en traversant quelle frontière, et vers où la protagoniste voyage en se rendant à la réunion d’anciens élèves qui fournit la colonne vertébrale de l’histoire ou des histoires.  » (Dániel Fenyő, litera.hu)

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Zsuzsa Rakovszky, Boldog vég (Fin heureuse), Budapest, Osiris, 2020

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«  Il a mis de côté la grosse enveloppe qui venait d’Ircsike avec ses autres papiers… Faut que j’y pense plus tard, le moment venu, se dit-il. Mais il y avait toujours des choses plus urgentes à faire. Il ne l’a pas ouverte, seulement deux ans plus tard, quand il a déménagé dans la petite ville où il a trouvé un emploi. Il a déchargé les boîtes dans lesquelles ses affaires sont arrivées. Au début, il ne savait même pas ce qu’elle pouvait contenir. Lorsqu’il l’a déchirée, il a d’abord trouvé sa propre photo à six ans, puis une autre où il était avec sa mère, une belle jeune femme habillée en une robe d’été large, originale et démodée. Ils étaient assis dans un parc, derrière eux de grandes fleurs en entonnoir, lui tenant un jouet : oui, maintenant il se souvient, c’était un petit âne qui marchait lorsqu’on plaçait un aimant devant son nez. Soudain, tout est revenu, cet après-midi d’été, alors qu’ils étaient en randonnée dans la région et qu’ils se s’étaient retrouvés dans une fête de village, c’est là qu’il avait eu ce petit âne. Les autres après-midi et les autres soirs, les contes de fées, le zoo… Une douleur aiguë, à peine supportable, le transperçait, il aurait tout donné s’il avait pu les revoir pour une minute seulement, s’il avait pu au moins retourner dans leur ancien appartement, s’il avait pu longer à nouveau cette rue comme avant chaque matin. Pendant des semaines, il ne pouvait penser à rien d’autre et la douleur ne voulait pas s’apaiser. Puis elle est passée comme tout passe.  »

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Ruxandra Novac, Alvarda, Bucarest, Pandora M, 2020

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« Quand ils ont trouvé ce lac sur Mars, nous avons quitté notre maison et nous sommes allés à l’hôtel. Ensuite l’eau s’est insinuée dans les murs, a touché les câbles électriques et nous étions déjà loin, la carte pliée, le corps limpide. Les familles couvrent tout, protègent, mais les familles ont été vaincues. Les aides arrivent, on les attend dans la neige. Si c’est possible, parlez aux survivants, appelez-les par leurs noms, posez-leur des questions sur eux-mêmes. Ils sont déjà loin, ils connaissent les nombres et la musique, ce sont des touristes, aux fonctions déréglées, des espèces nacrées et carnivores, des plateformes transparentes issues après l’incendie, dans l’eau très basse qui étincelle parmi les étoiles. Ensuite à travers un soleil hivernal, à des heures incertaines, Biarritz, Tanger, Fès, Detroit. »

« La nouveauté de ce recueil est radicale. Ruxandra Novac raccourcit et développe des fragments de langage, assume et externalise des sensations, propose et révoque des symboles spontanés avec la même aisance. Je ne me souviens pas, ces dernières décennies, d’un autre nom qui ait donné, dans notre poésie, le sentiment aussi puissant d’avoir construit un monde. Non pas un artéfact, une imitation, un terrarium. Un monde. » (Cosmin Ciotloș)

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Michal Ajvaz, Města (Villes), Prague, Druhé město, 2019

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Le narrateur promet à la femme de son vieil ami Štěpán qu’il fera tout pour récupérer à Stockholm une mystérieuse clé USB qui, par un curieux concours de circonstances, a plongé Štěpán dans une profonde crise morale, et qui est également la seule chose au monde pouvant le tirer de ce désespoir. N’ayant pas trouvé la clé USB à Stockholm, le narrateur se lance sur ses traces et finit par faire le tour du monde : il quitte la Suède pour la Norvège puis les Pays-Bas, l’Irlande, la France, la côte est et ouest des Etats-Unis, le Japon et finalement la Pologne.

Pendant son périple, il croise de nombreuses personnes dont il découvre la destinée. Il écoute ainsi des récits qui parlent d’une statue et d’une mosaïque comestible, des rouages d’une étrange machine, de la naissance d’un roman à partir d’une phrase d’un livre acheté sur un marché de Séoul, d’un morceau de musique conçu pour accompagner un jeu d’ombres chinoises sur un mur, de la destinée tragique d’une océanographe française, de l’œuvre littéraire d’un bourgmestre bavarois excentrique, du voyage vers l’ouest de la société Blue Pegasus, d’une religion née sur Internet… 

Ce roman a valu la remise du Prix d’État de littérature et de traduction à son auteur en 2020.

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Antonio Scurati, M, l’uomo della provvidenza, Florence, Bompiani, septembre 2020

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Après M. le fils du siècle (trad. Nathalie Bauer, Les Arènes, 2020), objet littéraire d’une originalité absolue et marque de renouvellement de la réflexion sur la conscience nationale italienne, primé par Prix Strega, Antonio Scurati publie le second tome de sa trilogie sur le fascisme italien. Il lève le voile de l’oubli sur des personnes et des faits d’une importance capitale en offrant une imbrication encore plus audacieuse entre le récit et les sources de l’époque. Le récit s’étend ici de 1925 à 1932, dixième anniversaire de la révolution : lorsque M. soulève l’impressionnant sanctuaire fantôme des martyrs fascistes, et que plus que d’honorer le deuil passé, il semble préfigurer le carnage à venir. Ici, M. n’est plus raconté de l’intérieur  ; il devient une entité distante, «  une chrysalide du pouvoir qui se transforme en papillon de la solitude absolue  ».

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Mikhaïl Boulgakov, Le Maître et Marguerite, Paris, Inculte, 2020 (traduction de André Markowicz et Françoise Morvan)

Mikhaïl Boulgakov traduit par Markowicz & Morvan

André Markowicz a traduit plus d’une centaine de livres dont les Œuvres de fiction complètes de Dostoïevski, Eugène Onéguine de Pouchkine, et, avec Françoise Morvan, le théâtre complet de Tchekhov (aux éditions Actes Sud). Ensemble, ils s’attaquent à un chef-d’œuvre de la littérature russe, livre culte à travers le monde, Le Maître et Marguerite, pour nous restituer sa cruauté première, son souffle romanesque, son universalité.

Moscou, années 1930, le stalinisme est tout puissant, l’austérité ronge la vie et les âmes, les artistes sont devenus serviles et l’athéisme est proclamé par l’État. C’est dans ce contexte que le diable décide d’apparaître et de semer la pagaille, bouleversant les notions de bien, de mal, de vrai, de faux, jusqu’à rendre fous ceux qu’il croise. Chef-d’œuvre de la littérature russe, livre culte à travers le monde, Le Maître et Marguerite dénonce dans un rire féroce les pouvoirs autoritaires, les veules qui s’en accommodent, les artistes complaisants, l’absence imbécile de doute. 

«  Une traduction n’est pas la rivale d’une autre traduction, mais une fleur ajoutée au bouquet, ou bien, si l’on préfère, un falerne au banquet. André Markowicz et Françoise Morvan donnent à respirer de nouveau et à déguster la magie de Boulgakov. »

(Christian Mouze, En attendant Nadeau)

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Paul Morand, Journal de guerre. Londres, Paris, Vichy (1939-1943), Paris, Gallimard, Cahiers de la NRF, novembre 2020

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Le Journal de guerre de Paul Morand était un objet mythique dont l’existence même était sujette à caution. Au vrai, l’écrivain avait bien conservé ses notes prises durant la guerre et avait même commencé à en préparer la publication. Il en avait déposé le manuscrit à la Bibliothèque nationale, parmi un vaste ensemble de papiers personnels. Ce journal paraît pour la première fois, sans retouches ni coupes, et même complété des ajouts et des annexes prévus par Paul Morand lui-même et de quelques textes contemporains de sa rédaction.

On se rappelle peut-être que Paul Morand, diplomate, était en mission à Londres le 18 juin 1940 et qu’il fut nommé ambassadeur en Roumanie en 1943. On découvre au fil des pages que, à défaut de s’être rallié en Angleterre au général de Gaulle, il choisit de se présenter à Vichy à l’été 1940, où il est mis d’office en retraite. Il décide alors de s’installer dans Paris occupé avant de rejoindre au printemps 1942 Vichy et le Cabinet de Pierre Laval, chef du gouvernement, en qualité de chargé de mission, poste qu’il occupera seize mois durant.

À Londres, à Paris et à Vichy, de la déclaration de guerre de septembre 1939 à août 1943, Paul Morand a tenu son journal sans filtre ni censure, prenant note de ce qu’il voyait, de ce qu’on lui disait et de ce qu’il comprenait. C’est l’œuvre d’un témoin conscient d’être placé aux premières loges de l’Histoire, observateur privilégié des réalités de la collaboration d’État et de la participation française à la mise en œuvre de la Solution finale.

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Crédits
Ce tour d’horizon de novembre, coordonné par Mathieu Roger-Lacan (français et espagnol), a été composé grâce à Andrea Apostu (roumain), Nicolas Auzanneau (letton), Teresa Bartolomei (portugais), Antoine Chalvin (estonien), François Hublet (allemand), Ildikó Józan (hongrois), Vincenzo Latronico (italien), Benoît Meunier (tchèque), Bénédicte Williams (hongrois), Inger Wold Lund (norvégien).