La nuit du reconfinement

Alors que l’Europe se reconfine, nous sommes entrés dans une période encore plus morose, marquée par une accélération du COVID-19 dans toute l’Union.

• L’Europe voit rouge. La progression fulgurante des hospitalisations et des décès dus au COVID-19 parcourt quasiment tous les États membres.

• Suspension du temps et confinement. Si la propagation du virus s’accélère, notre temps semble suspendu. L’Irlande, le Pays de Galles, la France, l’Allemagne, la Belgique, l’Autriche et l’Angleterre ont ainsi choisi de reconfiner leur population ou de mettre en place des mesures particulièrement drastiques.
• Sauver Noël ? Il y a un mois, les prix Nobel d’économie 2019 Abhijit Banerjee et Esther Duflo publiaient une tribune dans Le Monde, où ils invitaient à reconfiner la France du 1er au 20 décembre 2020. Les reconfinements européens semblent s’apparenter à ce qu’ils prônaient. ¹

• Comment en est-on arrivés là ? Dans le cas français, Antoine Lévy fait la liste de ce que le gouvernement aurait pu — dû — faire dans les six mois derniers : mettre en place une infrastructure d’isolation systématique et forcée des cas positifs et isoler les cas possibles dans les chambres d’hôtels vides, réquisitionner les milliers de personnels administratifs inactifs pour le traçage des cas contacts, convertir à la production de réactifs PCR et au développement de tests antigéniques les usines tournant au ralenti, impulser l’économie de guerre, mieux préparer le ciblage d’éventuelles nouvelles restrictions sur les publics les plus fragiles.
• L’électoralisme ? L’auteur ajoute qu’En Marche, « qui joue depuis 2017 les chevaliers blancs de la politique rationnelle, appuyée sur la science, face aux assauts du populisme obscurantiste, laisse désormais transparaître des motivations qui semblent plus banalement politiciennes, dans un pays où la participation électorale en faveur des partis centristes se concentre chez les plus âgés. » ²
• Prendre la mesure de la gravité du COVID-19. Comme le décrit le directeur du journal La Stampa, à l’hôpital, « vous êtes plongé dans la nuit d’un temps infini et d’un lieu indéfini. Vous êtes allongé sur le ventre, dans une position orchestrée par un réanimateur expérimenté, pendant seize heures consécutives. Puis ils vous retournent sur le dos pendant huit heures. Puis ça recommence : seize heures en position couchée, huit heures en position allongée. Et ainsi de suite. » ³
• « Ce virus frappe plus dur que Mike Tyson ». « La science s’efface alors devant une angoisse très médiévale et la PCR devient un jugement de Dieu moléculaire qui va vous dire si vous avez attrapé le Covid-19. Oui ou non. » ⁴
• L’enjeu est différent par rapport à mars. Là où la première vague nécessitait une réponse rapide et intense, une rupture dans nos modes de fonctionnement quotidiens, l’enjeu de cette nouvelle phase se situe dans sa durée. ⁵
• Une attente : le vaccin. Les Européens comprennent progressivement que ces périodes de confinement-déconfinement, plus ou moins strictes, pourraient se prolonger tant que nous n’avons pas de vaccin, c’est-à-dire pas avant décembre 2021. Les questions seront d’ailleurs plus logistiques que médicales.

Nota bene  : Quid de la coordination au niveau européen ? Des sources proches du dossier nous indiquent que, chaque semaine, les Premiers ministres échangent leurs bonnes pratiques et font un point sur leur situation. Cet effort louable d’harmonisation et de partage permet en réalité aux chefs d’État — qui ne participent donc pas à ces rendez-vous — de conserver la souveraineté sur leurs décisions de politiques de santé publique.