Le charbon ou la promesse non tenue d’une renaissance du charbon américain 

Donald Trump avait fait de la reprise d’activité du charbon, en constant déclin depuis le pic de production de 2008 (voir graphique ci-dessous), l’un des engagements phare de sa première campagne électorale. Cette promesse électorale s’est principalement traduite par le démantèlement du Clean Power Act du président Obama et son remplacement par la règle de l’énergie propre abordable (Affordable Clean Energy Rule) qui permet aux États d’établir leurs propres objectifs de performance sans normes ou objectifs numériques pour les réductions de GES, et affaiblit les contrôles en cas de pollution de l’air ainsi que des dérégulations environnementales en chaîne, notamment au niveau des émissions de méthane. 

Si cette promesse du candidat puis président Trump trouvait sa légitimité dans l’idée d’une énergie à faible coût, accessible et compatible avec la préservation de l’indépendance énergétique des Etats-Unis, il est néanmoins notable que le faible coût annoncé du charbon résulte de la seule prise en compte du coût du combustible et de la main d’oeuvre associée. Aucune prise en compte des externalités négatives d’une redynamisation de la filière charbon, qui résultent par exemple des coûts environnementaux et sanitaires  induits par les émissions de CO2 et de gaz à effet de serre des centrales à charbon, n’était alors incluse dans l’estimation de son coût, qui apparaît artificiellement bas et compétitif à court-terme. 

De plus, malgré les efforts importants du président Trump et de son administration pour sauver le secteur et ses salariés, allant jusqu’à mettre un ancien lobbyiste de l’industrie du charbon, Andrew Wheeler, à la tête de l’EPA (l’Agence de Protection de l’Environnement), le bilan de premier mandat reste particulièrement décevant du point de vue des défenseurs de l’industrie charbonnière. Les dérégulations environnementales n’y ont rien fait : la production de charbon est en baisse de 16 % et la consommation de charbon de 40 % par rapport à 2016, avec l’atteinte en 2019 d’une production annuelle au plus bas depuis 1978.

Le même constat est à faire au niveau du nombre d’emplois qui en février, avant la pandémie, s’élevait à 50 400, soit 500 de moins que lors de son élection en 20161. Ce nombre peut sembler peu élevé par rapport à la population des Etats-Unis, a fortiori compte tenu de l’importance politique que Trump a conféré à ces emplois comme élément de campagne ; il est néanmoins à remettre en perspective des 80 000 votes, dans trois Etats, qui ont valu à Trump son élection in extremis. Alors que certains considèrent les élections de 2020 comme les plus importantes de cette génération, voire de l’histoire des Etats-Unis, l’importance du dicton « chaque vote compte », particulièrement dans les swing states, Etats qui « oscillent » entre les Démocrates et les Républicains, n’a jamais été autant d’actualité.

Il convient enfin de noter que, qu’il s’agisse du candidat de 2016 ou du candidat sortant de 2020, la politique de Donald Trump en matière de charbon se limite à des considérations fortement orientées autour de l’emploi au sein de cette filière en difficulté et ne s’inscrit pas dans le cadre d’une politique énergétique étoffée. En effet, la nécessité de maintenir en activité la filière américaine du charbon ne répond pas, selon le candidat Trump, à des considérations de sécurité d’approvisionnement, de stabilité de la production électrique américaine ou d’économie globale du système énergétique américain. De tels arguments sont pourtant présents dans le débat énergétique américain, comme au sujet du coût trop important du soutien public au développement des énergies renouvelables, ou de leur impact environnemental précis, ils ne sont relevés par le candidat républicain qu’à l’appui d’une défense globale du charbon qui ne vaut que pour elle-même. La politique énergétique a minima de Donald Trump ne semble donc pas résulter d’une réflexion sur l’avenir du système énergétique américain, ni d’une analyse approfondie de la rentabilité future du charbon dans un contexte de mutation des équilibres économiques du secteur électrique américain, mais semble seulement résulter d’une volonté de sauvegarder l’emploi au sein d’une filière à l’avenir incertain.

Le déclin inéluctable d’un charbon menacé ? 

Ainsi, en dépit des conséquents efforts de Trump, pourquoi le secteur du charbon poursuit-il son déclin ? Si le problème est complexe, quelques principaux facteurs sont responsables de ce phénomène. Le prix compétitif du gaz naturel (notamment du gaz non-conventionnel) et des énergies renouvelables – lesquelles, en essor rapide,  bénéficient par ailleurs d’une popularité et d’un soutien politique important – a causé l’érosion des parts du marché du charbon de manière significative ces dernières années2

Face à ces statistiques peu encourageantes pour l’industrie charbonnière, le recul des régulations environnementales n’a eu que peu d’effet face à des forces de marchés et des éléments structurels particulièrement importants. Si l’industrie avait applaudi ce revirement de diverses mesures fédérales en 2017, l’hypothétique relance du secteur semble ainsi être aujourd’hui plus que compromise face à des sources d’énergies alternatives beaucoup plus compétitives.

Ce déclin s’est également traduit dans le volume de projets de centrales à charbon  qui, malgré les pressions politiques pro-énergies fossiles de l’administration Trump, ont seulement stagné face à une augmentation rapide des investissements dans  les énergies renouvelables.

Enfin, le manque de profitabilité des centrales à charbon ne fait qu’accélérer la fermeture des centrales d’un âge déjà avancé, avec une moyenne de 39 ans. A ce titre, on constate que le candidat Trump n’a que très peu évoqué la nature exacte du soutien devant être apporté à la filière charbon, la mise en oeuvre de soutiens publics financiers proches de ceux pouvant être mis en oeuvre au sein de l’Union européenne (contracts for difference, tarifs d’achat, etc.) et notamment en France pour certaines filières renouvelables n’étant pas explorée. On notera ainsi l’écart entre les ambitions affichés par le candidat républicain et l’absence de possibilité (du fait de la structuration fédéraliste des Etats-Unis) et de probabilité (du fait de la coloration démocrate de la Chambre des représentants)  de soutien public fédéral à l’industrie du charbon. Par ailleurs, l’avenir concret des moyens de production charbonniers n’a à ce jour que très peu été clarifié et nombre de questions subsistent : de nouvelles capacités de production à partir de charbon doivent-elles être construites ? Si oui, grâce à quel soutien politique ? Les centrales existantes doivent-elles être prolongées et, si oui, jusqu’à quand ? 

L’avenir du charbon aux Etats-Unis, le glas de la fin ?

L’élection américaine de 2020 polarise ainsi d’une manière particulièrement inédite les positions des deux camps politiques traditionnels américains autour de la question de l’environnement et du mix énergétique. Joe Biden annonce un objectif de neutralité carbone à horizon 2050, ce qui implique une sortie progressive des énergies fossiles (et ce malgré un soutien incertain à la fracturation hydraulique pour la production de gaz naturel), et un développement massif des énergies renouvelables, Donald Trump semble se positionner en défenseur des intérêts industriels et sociaux inhérents à la préservation des filières fossiles actuellement rentables et des emplois associés, lesquels n’étant pas considérés comme reconvertibles au sein des filières renouvelables.

L’annonce phare du candidat démocrate réside dans la création d’un plan de 2 trillions de dollars en faveur des énergies propres3, aux antipodes des propositions de Trump. Biden a en effet mentionné dans son programme l’augmentation des paiements des compagnies charbonnières au programme de prestations du « Black Lung » et la sécurisation des pensions des travailleurs du charbon afin de tenter d’apaiser les inquiétudes des travailleurs du secteur. 

Néanmoins, si la politique énergétique du candidat Trump ne semble pas inclure de vision stratégique de moyen ou de long terme quant à l’évolution du système énergétique et à la place respective des différentes filières, les orientations affichées par le candidat Biden, outre les effets d’annonce autour du grand plan dédié au développement des énergies renouvelables, ne semblent pas plus précises. L’avenir exact du gaz naturel, du verdissement du mix énergétique, le déploiement exact des énergies renouvelables électriques (éolien et solaire par exemple) ou l’avenir du nucléaire américain ne sont aujourd’hui que très peu définis.

En conclusion, il semble que les incertitudes qui accablent le secteur du charbon ne soient qu’un symptôme de plus de l’imprévisibilité de l’époque. Le silence de Donald Trump sur le charbon dans cette campagne  semble démontrer que le secteur souffre de problèmes bien plus profonds qu’un simple manque de volonté politique. Alors que nombreux mineurs restent loyaux à Donald Trump face à la peur que Joe Biden ne mette définitivement fin à leur industrie, les deux candidats semblent avoir  échoué à répondre de manière claire et concrète aux angoisses des travailleurs du secteur. Cependant, de nombreuses initiatives de réaménagement ou de reconversions de mine et centrales en centres de données ou encore en fermes solaires offrent des lueurs d’espoirs alternatives à un secteur en crise profonde. 

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