Ce vendredi 11 septembre marque le dix-septième anniversaire de l’assasinat d’Anna Lindh, populaire ministre des Affaires étrangères suédoise, héritière du Parti social-démocrate et ardente défenseure de l’Union européenne. 

Le 11 septembre 2003 est l’un des événements les plus marquants du XXIe siècle pour le royaume nordique. La nouvelle est tombée dans l’après-midi du 10 septembre, alors que le pays se préparait à voter le dimanche, dans le cadre du référendum sur l’adoption de l’euro comme monnaie : la ministre des Affaires étrangères, considérée l’une des plus illustres politiciennes suédoise, a été gravement blessée par une agression au couteau dans un grand magasin du centre de Stockholm, alors qu’elle avait de nouveau refusé d’être accompagnée par des gardes du corps, et seulement quelques heures avant de prendre la parole au cours d’un des derniers débats télévisés au sujet du référendum, campagne dans laquelle elle était la principale voix en faveur du « oui ». Le lendemain, alors que le monde était en train de préparer les hommages aux victimes du 11 septembre, elle mourait à l’âge de 46 ans. 

Étoile montante de la classe politique suédoise, Anna Lindh est nommée ministre des Affaires étrangères à 41 ans en 1998, dans le gouvernement social-démocrate. Reconnue à la fois pour son habileté diplomatique et sa volonté de maintenir un cadre de vie normal malgré son poste, trait important dans la culture suédoise, elle devient rapidement populaire et les médias la surnomment alors « princesse héritière », considérant que le Premier ministre suédois de l’époque, Göran Persson, la préparait pour sa succession à la tête du parti et par conséquent du pays – rumeur qui fut confirmée à de multiples reprises par ce dernier. 

Réputée pour ses positions critiques contre les grandes puissances mondiales, à l’instar de l’ancien Premier ministre du pays, Olof Palme, lui aussi assassiné dix-sept ans auparavant, Anna Lindh ne mâche pas ses mots au sujet du droit international, critiquant sévèrement les interventions de la Russie en Tchétchénie au début des années 2000, l’usage massif de la force militaire et le manque de volonté de trouver une solution politique.1

C’est la question de l’Europe qui la passionne, tout en servant un pays qui fait souvent preuve de scepticisme envers l’Union. C’est notamment en présidant les réunions des ministres européens des Affaires étrangères pendant la présidence suédoise de l’Union en 2001 qu’elle contribue à renforcer le rôle et l’autorité européennes dans le cadre de négociations internationales. Ainsi, au moment de la montée des tensions en Macédoine du Nord qui mena le pays au bord de la guerre, elle joua un rôle essentiel, en sa qualité d’envoyée spéciale de l’Europe, travaillant alors avec Javier Solana, Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et James Patten, Commissaire européen aux relations extérieures. Ce travail conjoint a permis de déterminer une position commune à l’Union et d’éviter une guerre2, un processus qui aurait pu servir et qui peut encore servir de modèle dans une Union qui peine à trouver une politique étrangère commune.

Fidèle à son engagement européen, elle émerge comme figure de proue de la campagne pour l’adoption de l’euro, face à une opinion publique plutôt défavorable à l’Union économique et monétaire. Elle se consacre ainsi à plein temps à la campagne, rythmée par ses discours passionnés, et persuade ses homologues grec et allemand, George Papandreou et Joschka Fischer, de venir en Suède pour soutenir la campagne pro-européenne.

Carte GEG Sondage euro : monnaie appréciée mais qui peine à convaincre europe européens

À l’annonce de sa mort, le Riksdag décide de mettre fin à la campagne électorale qui avait atteint des niveaux de violence verbale jusque-là inédits dans le pays, mais en maintenant tout de même l’élection. Le résultat qui tomba trois jours après fut un « non » clair à l’adoption de l’euro avec 55,9 % de voix contre et 42 % pour. Depuis le référendum, la question n’est plus revenue dans l’agenda politique en ce que, après la crise de la dette publique grecque, l’opinion publique est majoritairement négative envers l’euro.3

Le choc politique et social qu’engendra cet assassinat, quelques années après celui d’Olof Palme, ne peut être comparé à nul autre évènement politique de l’après-guerre en Suède. Si l’assassinat de M. Palme démontra que la Suède n’était pas à l’abri d’événements dramatiques, le second changea définitivement la donne en matière de sécurité dans un pays pourtant réputé pour la tranquillité et la normalité du cadre de vie dont peuvent profiter les responsables politiques.