Le lion1 est mort, une étoile se lève : Tidjane Thiam.

Amadou Gon Coulibaly est mort. Il était supposé devenir le président musulman venu du Nord d’un pays dont le centre de gravité politique et économique reste en Abidjan. Ses ancêtres directs sont à la fois les chefs de Senoufos2 et de la ville de Korhogo. Les Senoufos appartiennent au courant des peuples de la Volta qui coule au Burkina Faso.

C’est pourtant sur une assimilation réciproque des élites (cf. Jean-François Bayart) que se construit l’Indépendance de la Côte d’Ivoire. Houphouët, issu d’une grande famille baoulé fait alliance avec le grand-père de Gon Coulibaly pour être élu et devenir le leader d’une coalition qui viendra à bout difficilement d’un colonat féroce. Le premier ministre se retrouve dans une autre proximité en étant assimilé à la prise du pouvoir d’Alassane Ouattara juste avant la mort d’Houphouët à travers la conduite des grands travaux.

Élève de l’école française des travaux publics, Gon Coulibaly va travailler avec les sorciers blancs des infrastructures qui servent la RCI et ses présidents d’une part et d’autre part les groupes du BTP et de l’énergie comme Bouygues. Il était le pari, malgré son manque de charisme et son peu d’intérêt pour les coups retors de la vie politicienne de RCI, de rejouer un binôme Nord -Sud qui rongerait l’électorat du PDCI, le véritable opposant du RHDP du président Ouattara. Il n’est plus là et ce scénario semblait bien daté tant les divisions qui fracturent le pays et le RHDP sont plus de nature sociales3 qu’ethniques et régionales. On agite une troisième candidature d’ADO et l’absence de plan B.

Pourtant, il est là, le président en préparation depuis des années, représentant de toute une nouvelle génération hybride et triomphante de leaders, Tidjane Thiam, que l’on a vu apparaître à côté d’Emmanuel Macron4. Cet enfant du sérail houphouétiste a pris son indépendance dans la mondialisation au point de diriger le Crédit Suisse dont il a été débarqué. Très en avant sur la dette africaine, il pourrait offrir une voie à la RCI qui doit à présent affronter l’endettement en particulier chinois que le bâtisseur Gon Coulibaly avait accumulé en 30 ans de grands travaux.

Sources
  1. Le titre de Gon Coulibaly
  2. Installé dans le septentrion ivoirien où il s’étend sur près de 55 000 kilomètres carrés (Coulibaly 2010), le peuple sénoufo est une composante des Gur ou voltaïques que l’on retrouve aussi bien au Burkina Faso qu’au Bénin, Ghana, Togo et Mali (Delafosse 1912 ; Ouattara 1988). L’extension de son aire culturelle et les influences subies de la cohabitation avec d’autres peuples en ont fait un groupe hétérogène au sein duquel figurent des sous-groupes. Ces entités, bien que longtemps en contact avec l’islam, n’ont pour autant pas mis un terme à leurs pratiques cultuelles ancestrales de sociétés initiatiques. Cette zone s’est retrouvée durant la guerre civile ivoirienne sous contrôle de militaires déserteurs appuyés par des chasseurs traditionnels ou dozo, rompus à l’art des rituels de protection imaginaires (Fofana 2011, Miran-Guyon 2015). Le recours à cette dernière catégorie d’acteurs, avec l’introduction de pratiques syncrétiques frisant le paganisme comme moyen de lutte, porta un coup à l’islam.
  3. Arnim Langer, « Horizontal inequalities and violent conflict : the case of Côte d’Ivoire », CRISE WORKING PAPER No. 13, November 2004
  4. À en croire la presse française, le Franco-Ivoirien avait été approché par le chef de l’État, Emmanuel Macron, pour intégrer le prochain Gouvernement français au poste de ministre de l’Économie et des Finances. Mais le Gouvernement de Jean Castex a été mis en place, lundi. Cependant, dans sa composition, nulle part il n’est mentionné le nom de Tidjane Thiam. Le portefeuille pour lequel il a été pressenti a finalement été conservé par son titulaire, Bruno Le Maire.