Le foyer de contagion de Covid-19 détecté à Pékin dans le marché alimentaire de Xinfadi la semaine dernière est finalement déclaré « sous contrôle » par les autorités, mais non sans débats. Le foyer concerne pour l’instant plus de 200 cas confirmés, dont 22 nouveaux cas confirmés le 20 juin. Le marché de Xinfadi est l’un des plus important de la capitale, avec une superficie de près d’un million de mètres carrés et un débit annuel de près de 17 million de tonnes de produits alimentaires. Aux mesures drastiques prises par la municipalité pékinoise (suspension des vols, réinstauration d’une limitation des déplacements et confinement de certains quartiers) s’est ajouté une campagne de test massive et une « traque » des personnes s’étant rendues sur le marché. Pour donner une idée de l’ampleur des tests, Caixin rapporte que le nombre de tests quotidien est passé de 8000 à près de 500.000 en une semaine, avec un total de plus de 2 millions de personnes testées. Les tests ont mobilisé près de 7000 personnes répartis dans plus de 400 lieux de tests. Ces chiffres donnent une idée de la mobilisation mise en place par Pékin pour contrôler l’épidémie. La mobilisation s’est aussi portée sur le terrain informationnel, puisque que 9 personnes ont été arrêtées pour avoir répandu des rumeurs.

Toutefois, Caixin rapporte également que le foyer de contagion se serait déjà étendu à d’autres villes proches de Pékin. En effet, qui dit marché agricole dit déplacements et mouvements de population importants. Ainsi, 21 cas liés au foyer de Xinfadi ont été recensés dans le pays, certains jusqu’à la province Sichuan, à près de 3000 km de la capitale. A cet égard, un journaliste faisait remarquer sur Twitter à quel point les pékinois sont privilégiés. Nous avions déjà évoqué les discriminations subies par les personnes de Wuhan et du Hubei en déplacement dans le reste de la Chine, stigmatisées comme « malades » et « infectées ». Dans le cas des pékinois, la municipalité fait pression sur les autres provinces pour qu’elles n’interdisent pas aux pékinois de venir dans celles-ci.

Dès le 18 juin, les autorités ont déclaré que le foyer était contrôlé dans la capitale, avec un impact minime sur les habitudes des habitants (transports fonctionnant à 80 ou 90 % de leurs capacité). Les experts appellent tout de même à la prudence et à ne pas relâcher les mesures de sécurité.

Loi sur la sécurité nationale – Hong Kong

C’était l’une des principales informations des deux sessions tenues il y a juste un mois. L’Assemblée Nationale du Peuple avait alors dévoilé une résolution par laquelle le Comité Permanent de cette assemblée s’apprêtait à rédiger et imposer une loi sur la sécurité nationale à la région autonome spéciale de Hong Kong. Samedi 20 juin, Xinhua a donné des détails sur le projet de loi. Il ne s’agit toujours pas du projet de loi complet mais d’un résumé fait par l’agence de presse officielle après une réunion du comité permanent de l’ANP. Parmi les principales informations dévoilées et inquiétants relevés par les observateurs, la loi donnera à Pékin la possibilité d’instruire et de juger des affaires liées à la sécurité nationale, elle établira un procureur spécial pour les affaires liées à la sécurité nationale, qui aura une capacité de « collecter des renseignements et informations ». Surtout, en cas de conflits entre la Basic Law et la présente loi sur la sécurité nationale, le comité permanent de l’assemblée nationale du peuple aura pouvoir d’interprétation. Notons que la loi n’est pas encore votée : comme le note Sebastian Veg, il faut en moyenne deux à trois lectures pour que le comité permanent valide et vote une loi. Le comité permanent pourrait donc se réunir à nouveau dans les prochaines semaines pour passer la loi rapidement : l’objectif est qu’elle entre en vigueur avant les élections législatives de septembre qui pourraient donner une majorité au camp pro-démocratique. Or, le « Basic Law Committee » devrait se réunir d’ici là pour valider la loi et vérifier son adéquation avec la loi fondamentale de Hong Kong. Il est possible que Pékin s’assoie complètement sur cette procédure ou que le comité, mis sous pression, donne un blanc seing à Pékin. Réponse dans les prochaines semaines.

Semiconducteurs

Du côté de l’épopée chinoise vers l’indépendance dans la production de semi-conducteurs, Yi’ou se penche sur les mesures exceptionnelles prises par les fabricants. Dans l’article de cette semaine, ce sont les fabricants de « wafers » (les plaques de silicones sur lesquelles sont gravés les circuits intégrés) et les possibilités de substituer les importations chinoises avec une production nationale. En effet, alors que la Chine importe près de 54 % des microprocesseurs produits dans le monde, son industrie est aussi dépendante de l’étranger en ce qui concerne les wafers, notamment ceux de 12 pouces (300 mm), qui constituent aujourd’hui près de 60 % du marché. Parmi les entreprises qui reçoivent un soutien massif du gouvernement chinois : Shanghai Xinsheng (上海新昇), seule entreprise chinoise capable de produire en masse des « wafers » d’une taille de 12 pouces (300 mm). Entreprise stratégique, Shanghai Xinsheng participe à des projets nationaux comme la construction de « centre de productions d’équipements [pour l’industrie] » et est soutenu par l’entreprise d’Etat « National Silicon Group » (沪硅产业) qui est présente au capital. D’autres acteurs luttant pour l’amélioration des wafers chinois sont les entreprises issues de la filière photovoltaïque, dont « Tianjin Zhonghuan Semiconductor Joint-Stock Co, Ltd  » (中环股份), qui utilisent également les cristaux de silicones, bien qu’avec une pureté inférieure.

Développer une industrie nationale de wafers coûte cher, très cher. Tout comme les fonderies de microprocesseurs, dont la construction peut facilement atteindre plusieurs milliards de dollars, la production des wafers est complexe et requiert une accumulation technologique. Aujourd’hui, les projets les plus prometteurs sont ceux menés par Shanghai Xinsheng, fondée par Zhang Rujing (rival de Zhang Zhongmou, fondateur de TSMC). Comme le précise Yi’ou, la stratégie a été simple : un recrutement agressif de « talents » étrangers et des investissements d’Etat quasi illimités. Selon l’article toutefois, la qualité des wafers produits n’était pas toujours au rendez vous, témoignant de la complexité de ces technologies. Toujours d’après Yi’ou, sur les 1.000.000 de wafers en 12 pouces produits par le National Silicon Group, seulement 75.000 ont été utilisables pour la production de microprocesseurs. Une performance qui a fait perdre plus d’un milliard de RMB à l’entreprise. D’autres projets d’usines de wafers semblent avoir été mis en pause voire abandonnés, comme celui de « Chengdu Super Silicon Semiconductor Project » (成都超硅半导体项目). La longue marche vers l’indépendance en matière de wafer n’est donc pas près de s’achever.

Un autre article a attiré notre attention, sur le recrutement de talents dans la filière des semi conducteurs chinois. L’article se base sur plusieurs interviews d’étudiants ou « d’insiders » de la filière, et présente une situation contrastée. D’une part les étudiants en micro électroniques sont courtisés par les entreprises, en particulier Hisilicon, ZTE, Cambricon, la filiale processeurs d’Alibaba, etc. Un étudiant ayant reçu plusieurs offres a choisi ZTE : 250.000 RMB par ans -(31.000€ par an), soit un (très) bon salaire en Chine avec une garantie de ne pas faire d’heures supplémentaires. 250.000 RMB est en effet un bon salaire, mais Cambricon propose près de 300.000 RMB (37.000€) par ans pour un étudiant finissant un master. Les étudiants notent également une simplification drastique des méthodes de recrutement, où un simple test et un entretien suffisent alors qu’il fallait autrefois plusieurs « round » d’interviews.

Mais la situation n’est pas si  rose : certains pensent que ces embauches massives sont le prélude à un hiver de la filière déclenché par « l’incident ZTE » (les sanctions américaines contre ZTE en 2018, coup de semonce qui a mené à la mobilisation chinoise vers l’indépendance technologique). En effet, la poursuite de l’indépendance a amené les entreprises à modifier les horaires et à imposer des conditions de travail pénibles aux employés. Une personne explique qu’après la suspension par ARM de la licence vendue à Huawei, les ingénieurs qui ont revu l’architecture des processeurs Kirins ont vu leur charge de travail exploser. La pression était telle qu’au centre R&D de Chengdu, une ambulance était en permanence stationnée devant les bureaux et une équipe médicale suivait en permanence les ingénieurs.

Une autre inquiétude est celle liée au coût d’acquisition de nouveaux talents par rapport aux bénéfices immédiats. En effet, un étudiant recruté après ses études nécessitet encore 3 ans de formation au sein de l’entreprise pour atteindre un niveau « décent ». Ce délai est « normal » dans l’industrie, expliquent les personnes interrogées, mais influence  nécessairement les plans de recrutement. Les entreprises ont le choix entre recruter plusieurs diplômés qui seront moins chers mais peu efficaces pendant trois ans, ou bien choisir deux ou trois personnes avec 2 à 3 ans d’expériences qui coûtent le double d’un diplômé (environ 500.000 RMB par ans) ou encore une personne avec plus de cinq ans d’expérience dont les prétentions salariales commencent à partir de 800.000 RMB par ans. Par conséquent, les entreprises font face à des choix difficiles. Ce qui entraîne certains observateurs à se demander si cette période d’embauche massive n’est pas temporaire, en d’autres termes : les embauches supplémentaires de cette année sont des embauches en moins les années suivantes.

Crédits
Ce texte est un extrait du nr. 67 du Passe Muraille, une revue de presse hebdomadaire de l'actualité chinoise. Constitué à partir de sources originales traduites et contextualisées, c’est le seul compte rendu francophone, gratuit, consacré à l'actualité du monde sinophone : https://eastisred.fr/passe-muraille-n67-semaine-du-15-janvier/