La République islamique d’Iran semble à présent connaître la deuxième vague de la pandémie mondiale du Covid-19 que beaucoup de pays redoutent après le déconfinement. En effet, alors que le confinement avait permis à l’Iran de descendre jusqu’à 802 le 2 mai, la levée du confinement le 20 avril a logiquement conduit à une augmentation spectaculaire de nouveaux cas, dépassant 3000 cas quotidiens depuis lundi. 

Pour l’instant, les autorités ne semblent pas prêtes à mettre en place un second confinement, mais plutôt à défendre l’idée qu’il suffirait de respecter les mesures mises en place pour s’adapter au coronavirus. Ainsi, Hassan Rouhani a déclaré le 11 juin qu’il fallait réussir à entrer dans une phase « d’adaptation » au virus en respectant les mesures d’hygiène et de sécurité, afin de permettre à l’activité économique de reprendre1. Dans le même ordre d’idée, d’après Ehsan Mostafavi, membre de la task force du gouvernement pour lutter contre le virus, un iranien sur cinq aurait déjà été contaminé par le Covid-19, même si ces chiffres reposent sur de simples estimations2. Pour Esdandyar Batmangelidj, un des signes de la grande fragilité économique de l’Iran et de l’impossibilité de maintenir le confinement trop longtemps est la perte de 600000 emplois dans le secteur de la manufacture entre janvier et fin mars 2020.

Le 5 juin, l’AIEA a présenté à ses membres un nouveau rapport sur le nucléaire iranien, qui n’est pas encore accessible publiquement mais qui, d’après des sources informées, réitère les critiques que le rapport de mars présentait à propos des violations des limites prévues par le JCPOA sur la production d’eau lourde et le taux d’enrichissement d’uranium. Néanmoins, le rapport considère que l’Iran continue de collaborer aux inspections prévues dans le cadre du JCPOA. 

En revanche, un second rapport aurait été également présenté, dans lequel l’AIEA reproche à l’Iran de ne plus respecter un accord qui date de 1974, et qui devrait donner accès à trois sites que l’AIEA souhaiterait inspecter pour vérifier, par des examens géologiques, l’existence d’activités nucléaires passées. L’Iran s’est contenté de répondre en rappelant sa position habituelle, consistant à dire d’une part que les Etats-Unis sont sortis de l’accord ; d’autre part que la question du passé nucléaire potentiellement militaire de l’Iran avait été résolue définitivement par le JCPOA3

Si les Etats-Unis ont procédé à des échanges de prisonniers et semblent prêts à continuer à le faire, comme l’a déclaré Abbas Moussavi, porte-parole du MAE iranien, le 7 juin4, les deux pays ont continué leur bataille diplomatique autour de l’épineuse question de l’embargo onusien sur la vente d’armes à l’Iran, qui est censé expirer en novembre, comme nous l’expliquions dans une note de travail. 

Serguei Lavrov et Wang Yi ont par ailleurs écrit le 7 juin aux quinze membres du Conseil de Sécurité une lettre qui dénonce la volonté des Etats-Unis d’utiliser le snap-back prévu par le JCPOA pour rétablir l’intégralité des sanctions contre l’Iran. Lavrov, alliant à la pression politique la bataille juridique, a même cité un avis de la Cour internationale de justice de 1971, qui considère qu’un principe fondamental des relations internationales est que « une partie qui ne remplit pas ses propres obligations ne pas se voir reconnue les droits qu’ils détient en vertu d’un accord »5.

En politique intérieure, une nouvelle loi de protection de l’enfance a été adoptée après la mort tragique de Romina Achrafi, jeune fille de 14 ans qui a été décapitée par son père avec une fauscille pour avoir fui le foyer avec un garçon. Or jusque-là, un père qui tuait un de ses enfants ne pouvait être condamné à plus de 10 ans de prison car il était légalement considéré comme le « gardien » de ses enfants. 

Par ailleurs, Mohammed Reza Hayati, le présentateur télévisé le plus célèbre d’Iran (équivalent, plus ou moins, de Jean-Pierre Pernaud ou de PPDA), a été renvoyé pour avoir déclaré publiquement son amour pour Ebi, pop star des années 70 iraniennes, aujourd’hui exilé aux Etats-Unis, et toujours immensément populaire en Iran. Cette décision, qui frappe un des visages de la République islamique, témoigne du conservatisme extrême de la télévision iranienne6. A ce propos, la télévision iranienne a également annoncé le 10 juin la la fermeture de la plupart des chaînes que l’Iran diffuse à l’étranger, comme Al-Kowsar TV, ou le réseau en arabe Al-Alain, la chaîne en espagnol Histan TV, le réseau en anglais Press TV, et le réseau Dari TV à destination de l’Afghanistan, le tout dû à des contraintes financières7

Enfin, Mahmoud Mousavi Majd, qui aurait joué un rôle dans la livraison d’information aux Etats-Unis à propos du général Soleimani, a été condamné à mort pour espionnage8. Néamoins, d’après le porte parole du pouvoir judiciaire, Mahmoud Majd aurait été emprisonné avant l’assassinat de Soleimani, et n’auraient donc pas de lien direct avec sa mort. 

Crédits
Cet article est le premier d’une série hebdomadaire portant sur l’actualité politique iranienne, qui paraîtra chaque vendredi sur Le Grand Continent, et est préparée par le Programme Asie intermédiaire du Groupe d’études géopolitiques.